C’est un livre qui n’a l’air de rien, pour un peu, on passerait à côté. Pire, on le jugerait bien sur sa couverture : ton jaune-orangé, le désert, des camions, l’aventure. Un livre de militaire. Mais c’est un livre qui vous chope par le col et vous met des tartes. C’est un livre qui recadre. C’est un livre qui crie sa colère et l’absurdité des choses entre chaque ligne. C’est un récit à ne pas rater.
Le chef d’escadron Fabien Lemaire participe à l’opération Barkhane. Le 4 novembre 2016, sa mission et celle de son convoi (plus de 200 hommes) est de ravitailler Abeibara en passant par Kidal. Au cours de cette opération, le maréchal des logis Fabien Jacq va trouver la mort. Quelques années plus tard, en guise de catharsis et pour la mémoire de son frère d’arme, Fabien Lemaire part en quête des témoins de ces quelques jours. Le livre recueille leurs histoires.
La première chose que l’on y apprend, c’est le métier de militaire : ce qu’il est vraiment, loin des clichés ou des aprioris. On comprend que ce métier, c’est du travail d’orfèvre, de spécialistes qui se coordonnent et s’épaulent dans une mécanique qui se veut sans faille. On y comprend la chaine de commandement, on y voit comment la riposte s’organise, comment les informations sont collectées et diffusées. On y voit des hommes qui remettent à plus tard le deuil de leur camarade, pour finir la mission.
« Contrairement à ce que l’on pourrait croire dans ces moments-là, tout se fait dans le calme et l’ordre. Demandes et appuis divers sont effectués rapidement, cependant cela nous semble long. Le CDU commande avec un grand calme, effectue les comptes rendus, gère l’instant et prévoit le temps suivant. »
La deuxième révélation du livre, c’est l’onde de choc. Comment elle se propage, comment elle s’insinue. La colère et les frustrations qu’elle génère. On entend les cœurs battre. Le sous-titre du livre – une épreuve humaine – prend tout son sens.
« [Le] CDU prit la parole et lorsque j’entendis à nouveau les mots ‘Fabien décédé’, je fus pris de nausée. Tout mon peloton se comporta avec une dignité absolue. J’ai vu des larmes couler mais elles étaient cachées. J’ai vu des étreintes et mes soldats reprirent leurs activités afin de rester ‘dans le match’."
Enfin, le livre rend intelligible le syndrome post traumatique et son empreinte indélébile.
Je referme le livre. Je dois avouer que, personnellement, je suis de l’autre bord, du bord de ceux qui demande la dissolution de la police et qui se demandent bien à quoi peut servir l’armée, si ce n’est à maintenir la domination. Oui, je l’avoue, j’ai accueilli ce livre avec une somme astronomique de préjugés. En refermant le livre, je sens qu’il me retient encore par le col, il me secoue.
Alors, oui, j’ai mieux appréhendé le métier, certes, certes, mais, surtout, j’ai compris l’engagement, le sens de ce mot, le sens que les militaires de carrière lui donnent, les valeurs éthiques et humaines qu’il suppose. Et de mon autre bord, tout petit bord de rivage utopique, je lève les yeux au ciel et je dis : « Merci ». Et à toutes celles et ceux qui s’engagent, qui luttent, je dis : « Putain de respect ».
Les droits d’auteurs de Barkhane sont entièrement reversés à l’association Terre Fraternité.