Puisque vous ne voulez pas de mes alexandrins, je vais vous raconter une histoire.
Tout se passe dans le Nord d'un pays que vous choisissez, la traduction est assurée par un ressortissant du pays (que vous avez choisi), de façon à ce que tout le monde comprenne.
Les prénoms ont été modifiés afin d'éviter les intimidations que ne manqueraient pas de subir les protagonistes de cette interview. (Je ne comprends pas pourquoi j'emploie interview au lieu d'entrevue, mais vous aurez rectifié de vous-mêmes). J'ai transformé certains dialogues entre les interviewés et l'entrevueur en récit parce que ça me plaît plus comme ça.
Jean-Charles était manœuvre dans une aciérie, il recevait chaque quinzaine un salaire qui lui permettait, ainsi qu'à sa famille, d'avoir une vie digne et joyeuse dans la sous-pauvreté. Ses collègues vivaient la même vie, avec les mêmes joies et les mêmes peines et le même souci : comment payer l'ardoise qu'ils avaient à l'épicerie de l'usine ? (Que leur patron avait ouverte pour que les femmes n'aient pas à courir en ville pour leurs achats).
Leur patron était un homme sage et juste, selon l'idée qu'il se faisait de la sagesse et de la justice. Et clairvoyant aussi : il ne tarda pas à remarquer que les comptes présentés timidement par le gérant de l'épicerie étaient en déséquilibre, et pour tout dire, déficitaires.
Déficitaire ! Un mot qui le plongeait dans l'effroi.
En homme sage et juste, et ce qui ne gâte rien, de sens rassis, il se demanda ce qu'il pouvait faire pour renverser la balance comptable de l'épicerie. Et il trouva ! "Il faudrait que les ouvriers ramènent plus d'argent à la maison, que leur quinzaine soit plus conséquente" s'écria - t'il en se frappant le front. Il se coucha avec le problème en tête, confiant à la nuit le soin de lui porter conseil.
C'est ce qui arriva.
Installé dans son bureau, il convoqua le chef du personnel, un homme qui connaissait tout de ce qu'il y a à savoir sur les ouvriers.
Ici, un dialogue.
-" Ils ont beaucoup d'enfants, les manœuvres ?"
-" Oh oui, Monsieur le Directeur."
-" Et ils vont à l'école ?"
-" Pas tous, Monsieur le Directeur."
-" Très bien ! Les pères ont des cartes d'horloge pointeuse ?"
-" Tous ! Naturellement ! Monsieur le Directeur."
-" Bon! Vous allez faire des sous-cartes avec le nom du père plus un signe distinctif pour qu'on comprenne qu'il s'agit de son enfant. Les heures passées à aider leur père seront payées… allez, 10% du salaire du père, un gamin n'a pas le même rendement, quand même ?"
-"Oh non, Monsieur le Directeur ".
C'est ainsi que Charles-Henri et Jean-Nicolas eurent la joie d'être sous-cartés et d'aider leur père à ramener plus d'argent à la maison. Certains de leurs petits camarades, tels Ivan et Peter, eurent même une joie supplémentaire : la possibilité d'échapper à la corvée de l'école.
Cette histoire m'a été racontée par l'entrevueur lui-même et nous montre que certains patrons étaient soucieux du bien-être de leurs employés.