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Billet de blog 5 mars 2015

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Martineau est un journaliste et blogueur québécois. Il a publié ceci sur Le Journal de Montréal:

Il y a quelques jours, j’étais aux États-Unis – dans un parc d’attractions en Floride, pour ne pas le nommer.

Je n’ai jamais vu autant de niqabs de ma vie (des voiles qui cachent le visage au complet, sauf les yeux).

Partout où je posais les yeux, je voyais des femmes en niqab.

À droite, à gauche, en avant, en arrière – des femmes et des filles en niqab.

Après 10 minutes, c’est bien simple, j’ai arrêté de compter.

Il y avait plus de femmes en niqab que d’obèses qui se promènent en triporteur électrique, pour vous dire. (On était aux États-Unis, je vous le rappelle, royaume mondial des gros extra larges...)

Le niqab invisible

Au début, j’ai été frappé par le nombre incroyable de femmes portant des gants, une lourde tunique foncée et un voile intégral (alors que leur mari et leurs fils se promenaient en shorts, en chemise à manches courtes et en gougounes, bien sûr...).

Mais après quelques minutes, vous savez ce qui m’a le plus impressionné?

L’indifférence des gens. Les Américains semblaient s’en foutre complètement. Pour eux, le costume d’apiculteur est une tenue vestimentaire comme une autre.

À force de voir des femmes porter le niqab, ils ont fini par ne plus le remarquer.

Houellebecq a raison. On finit par s’habituer à tout. Au début, la vue d’une femme qui se cache entièrement le visage, c’est choquant, scandaleux. Ça va tellement à l’encontre de nos valeurs!

Puis peu à peu, la colère que nous ressentons devant ces prisons de tissu cède la place au malaise, puis à l’étonnement et finalement à l’indifférence.

Certaines femmes ressemblent à des babouins en plastique tellement elles se sont fait injecter du botox. D’autres nient complètement leur individualité et se transforment en fantôme.

Bof.

Et c’est comme ça qu’on recule. Qu’on glisse.

« Regarde, c'est moi »

Moi, c’est ce Bof qui me fait peur.

Des filles de 18 ans se cachent entièrement le visage? Bof, y a rien là.

Agirait-on de la sorte devant un Noir qui se promène avec des chaînes aux pieds? Pourtant, c’est la même chose, le même signe d’asservissement, d’emprisonnement, de domination, d’inégalité...

Dans un manège, j’ai vu une fille portant le niqab se prendre en selfie. Je ne savais pas si je devais rire ou pleurer.

De retour chez elle, la fille (qui devait avoir 20 ans, max) va montrer sa photo à une de ses amies et lui dire: «Regarde, Fatima, c’est moi en Floride!»

Et tout ce qu’on verra sur la photo est une momie noire avec une toute petite fente pour montrer ses yeux...

Ça pourrait être n’importe qui. C’est d’ailleurs ça, l’idée. Nier l’individualité. Effacer une personne parce qu’elle a commis le crime de ne pas être venue au monde avec le bon sexe.

Et le pire, c’est que ça ne nous choque même plus.

Au parc où j’étais, les gens ne se tournaient même plus la tête pour les regarder.

Faut dire qu’il y en avait tellement qu’ils auraient eu le tournis.

L’habitude

«On s’habitue peu à peu, à la beauté comme à la laideur, écrivait l’auteure Thérèse Amiel. Mais on ne s’habitue jamais à la bêtise.»

Pas sûr...

La réaction d'Etienne Denis sur Facebook :

Les musulmans et musulmanes avec qui j'en ai discuté m'ont toujours répondu la même chose : la femme ne doit pas être vue comme un objet sexuel. On est d'accord avec cet objectif, non?
Ça n'empêche pas d'être très, très, très en désaccord avec les moyens.
Le voile vise à gérer le désir de l'homme pour la femme, le désir de la femme d'être désirée, et toutes les tensions que cela amène quant au respect des limites que la femme ne veut pas, ou ne doit pas, franchir.
C'est ce que je voulais dire par « un (très) réel problème ».
Doit-on accepter? Non! Parce que c'est une très, très mauvaise solution. Tout repose sur la femme, comme si c'était à elle de gérer le désir des hommes, comme si les hommes, une fois que la femme est dévoilée (au sens propre ou figuré), ne sont plus responsables de leurs impulsions.
Comme si j'avais le droit de voler mon voisin sous prétexte que sa porte est débarrée.
Je préfère la solution québécoise, où on considère que c'est à l'homme de gérer ses pulsions. Selon le modèle québécois, une femme aura beau se promener nue dans le fond d'un stationnement obscure, elle ne devient pas pour autant un objet qu'on peut prendre, du moins pas sans son consentement libre et explicite..
Ces femmes voilées ne sont pas des connes. Elles appliquent la (très mauvaise) solution que leur culture a apporté à un problème que nous vivons tous.
Cette vision amène non pas plus de tolérance, mais plus d'empathie.
Cette vision amène surtout des pistes de solution. Interdire ou réprimer ne fera que radicaliser. Le projet de Charte des valeurs a été très mal reçu par les musulmans du Québec, et certaines qui n'ont jamais porté le voile ont subitement eu le goût de le faire. Psychologie 101. Complètement contre-productif. Si on se met à leur place, ça se comprend.
Donc... ? Donc la solution passe par l'éducation. Interpeller ces hommes et exiger qu'ils s'élèvent au-dessus de leurs conditions d'animaux remplis d'hormones. Oui, exiger. Donc ne pas accepter l’inacceptable.
Aussi, interpeller ces femmes et leurs faire comprendre qu'elles ne sont pas responsables du manque de contrôle de soi des hommes qui les entourent.
Mes grand-mères sont passées par un processus similaire. Elles partaient d'aussi loin, et pourtant elles n'étaient pas des connes.
Croire que les musulmanes voilées ne sont pas intelligentes, c'est blâmer la victime.

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