Comme beaucoup, je pense être autorisé à exprimer un avis autorisé sur les évènements " Charlie ". Un mois après, et puisqu'on se demande déjà " Que sont les Charlie devenus ", je peux vous annoncer qu'ils sont " notaires, comme leurs pères " (Jouhandeau, devant les manifestants de 68).
J'en choque plus d'un avec une affirmation pareille, mais j'ai l'expérience de tant d'oublis, pour ne pas dire de reniements.
Je ne m'absous pas de ce genre de comportement, ayant moi aussi, retrouvé la tiédeur de mon existence après un bouleversement qui n'était qu'un feu de brindilles.
Fin de l'avant-propos.
Sur les vingt morts de cette écœurante affaire, j'en vois treize qui ont dû leur mort au hasard, trois qui savaient qu'ils allaient mourir et quatre qui étaient nommément ciblés.
Ceux qui étaient ciblés ne l'ont pas été à cause d'insultes proférées contre le prophète, comme ont pu le dire les assassins, mais pour une raison que je n'ai vue citée nulle part : leurs dessins faisaient réagir. Nous obligeaient à prendre de la distance avec le ou les évènements décrits, à relativiser notre opinion sur le symbole attaqué, à nous interroger sur le motif de notre indignation, de notre sourire, de notre rire. Or, rien n'est plus dangereux pour les dirigeants d'un dogme que la distance que pourraient prendre les ouailles par rapport à la vérité révélée.
Ces dirigeants ont pris la décision qui s'imposait.
La cible évidente était Charlie, mais le plus important était l'énorme ricochet qui allait atteindre les croyants. Ce ricochet allait élargir la fracture entre les " musulmans " et le reste de la population, accélérer l'écart entre les comportements sociaux et casser l'espoir d'une République accueillante.
Voilà où j'en suis un mois après.