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Billet de blog 13 avril 2015

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Tectonique en Occident

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Rassurez-vous, je ne vais pas vous embêter avec Wegener. Je voudrais vous parler d'un phénomène qui risque, s'il perdure, de nous rendre la vie très difficile. Ce phénomène,  en marxisant distant, je le nommais "séparation des classes". Maintenant, je préfère "Tectonique des castes".

Si je me réfère à mon passé, ce nouveau mode de fonctionnement de la société pourrait avoir débuté il y a cinquantaine ou soixante ans.   Depuis, il n'a fait que croître et se développer.

Les frontières entre les classes socioculturelles ont été édifiées très tôt dans les sociétés humaines. Ces frontières immatérielles n'étaient pas continues, quelques portes existaient ça et là et permettaient une porosité. Aux confins, sur les franges, des échanges étaient possibles entre les différentes classes. Ces échanges favorisaient une mixité qui contribuait à rendre les frontières de plus en plus poreuses. Sabre, goupillon, commerce, artisanat étaient autant d'opportunités. Le rêve d'une société sans classes se profilait à l'horizon du temps. Un père cheminot pouvait avoir un fils ingénieur à la SNCF. Dans les immeubles Haussmanniens cohabitaient le médecin du premier étage et le contremaître du troisième.  Les vagues d'immigration s'intégraient en deux générations et certains de leurs membres utilisaient à leur tour l'ascenseur social.

La fin de la deuxième guerre mondiale allait, en deux décennies, changer tout cela.

La Résistance avait permis un rapprochement plus fort, plus intense entre les classes, les brouillons de rédaction du projet de société du Conseil National de la Résistance circulaient sous le manteau parmi les membres des réseaux, et chacun de ces membres se sentait le droit d'amender ou d'améliorer ce projet, quel que soit son degré d'instruction.

Les collaborateurs plus ou moins enrichis avec l'occupant se sentaient un peu péteux et firent de leur mieux pour ne plus être stigmatisés. Ils lâchèrent certains de leurs comparses les plus représentatifs et favorisèrent la tonte des collaboratrices horizontales dans un grand mouvement d'union nationale. En échange, ils obtinrent un relâchement progressif du programme du CNR. Les opérations de décolonisation favorisèrent également leur retour en grâce, les gouvernants de l'époque ayant d'autres chats à fouetter.

Depuis, les frontières immatérielles évoquées plus haut se sont transformées en fossés. Les classes se mettaient à vivre comme des insulaires. Quelques ponts subsistaient, par lesquels des courageux tentaient de rapprocher les insulaires. Ces rapprochements se produisirent et finirent par ne donner que trois, puis deux îles : l'île des exploiteurs et l'île des exploités. Les ponts devinrent isthmes qui ne tardèrent pas à s'amenuiser puis à disparaître. Les mêmes courageux tentent encore, à force de rames ou en pataugeant, de faire circuler un semblant d'unité. Ils disparaîtront avec leurs isthmes et leurs barques ou seront happés par le découragement et retourneront sur leur île d'origine ou ils seront plus ou moins bien accueillis. A l'heure où je vous parle, ces courageux sont l'objet de méfiance sur l'île des exploités et considérés comme des zozos sur l'île des exploiteurs.

Les seuls échanges  existants entre les deux îles sont, mais à sens unique, le flux financier et le flux de domesticité. La production de richesses se fait sur l'île des exploités. Sur l'île des riches s'est mis en place un "marché du luxe" afin de dépenser l'argent provenant de l'île des exploités, et ce pour des biens fabriqués par les exploités.

Sur l'île des exploiteurs, le superflu est de rigueur. Sur l'île des exploités, la rigueur est superflue car l'austérité est reine.

On ne parle pas le même langage sur les deux îles. Les courageux parlent un langage assez proche du langage des exploiteurs, ce qui fait qu'ils sont peu, voire pas compris des habitants de l'île des exploités.

Il est à craindre que des hordes d'exploités se ruent sur l'île des exploiteurs s'il ne s'opère pas un revirement des comportements.

Il y a cinquante trois ans, fin des guerres de colonisation et vitesse de croisière du ministère de la culture.

D'origine algérienne et sévissant dans le spectacle vivant, j'ai longtemps cru que ma vision de ce phénomène était coloré par mes parti-pris.  J'ai encore de forts doutes sur mon impartialité.

Voilà ! Ce que j'en dis, c'est que j'en cause. Infirmez ou confirmez tout ou partie de ma proposition, ça m'aidera à me corriger. Pas de mépris ni d'ironie, ça doit vous être possible.

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