Larbi benBelkacem (avatar)

Larbi benBelkacem

Abonné·e de Mediapart

70 Billets

0 Édition

Billet de blog 27 février 2015

Larbi benBelkacem (avatar)

Larbi benBelkacem

Abonné·e de Mediapart

Je ris mais c'est pas drôle.

Larbi benBelkacem (avatar)

Larbi benBelkacem

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Parler du cancer de ma mère sur l’édition de la Dame du bois joli m’a fait penser très fort au temps passé, le temps où ma mère était vivante.

Toute cette journée, j’ai alterné la peine et le plaisir. Finalement le plaisir l’a emporté. Elle était joyeuse et n’hésitait jamais à frôler le ridicule pour nous faire rire.

Elle avait été suivie par toute une flopée de médecins qui voulaient savoir comment sa guérison «évoluait». Elle était la seule survivante d’un groupe témoin de 12 femmes.

Ils mouraient tous, ces médecins,  les uns après les autres et étaient remplacés par de plus jeunes. Et ma mère riait de se voir solliciter par tous ces jeunes gens et jeunes femmes, après avoir enterré leurs prédécesseurs. Elle tenait chaque mort de ses ex-soignants pour une victoire personnelle sur sa mort.

(Le plaisir des vieillards à voir une vie plus jeune emportée, qu’ils le dissimulent ou l’affichent, continue à me surprendre malgré le nombre de constat que j’ai pu en faire).

Le cancer a fini par la rattraper après des dizaines d’années de courses.

Mais là, elle était usée, fatiguée de quatre-vingts années de difficultés de tous genres.

En trois rounds, elle était K.O.

Elle a été admise dans une unité de soins palliatifs, sans trop de souffrance. Nous avons tous deux eu le temps de parler, de rire beaucoup et même de nous engueuler à propos de vieux griefs qui n’ont demandé qu’à être pardonnés.

Puis, elle est morte.

Elle avait demandé à être incinérée et que ses cendres soient jetées dans la Loire à un endroit qu’elle aimait particulièrement.

Ses cendres nous furent remises dans une urne adaptée au milieu aquatique : le modèle «Thalassa ». Fait d’algues compressées et munie d’un petit trou en dessous. Ce petit trou est obturé par une fine feuille de papier qui se délite dans l’eau et permet aux cendres de s’échapper.

La petite cérémonie me fût confiée. La famille se déplaça à l’endroit déterminé et je m’apprêtais à lancer l’urne. Un de mes belles-sœurs,  curieuse de voir « comment c’était fait » glissa sa main entre l’urne  ma main.

Son ongle long perça le petit voile et maman se retrouva en partie dans ma main : l’urne fuyait ! Un fou-rire nerveux parcourut tous les présents.

Je la lançais enfin, mais un nuage de cendre voleta derrière l’urne : cette fois, j’avais maman dans les yeux !

Je ne pouvais plus tenir debout, rires et larmes mélangées, je me roulais par terre.

C’est la dernière fois que ma mère m’a donné un fou-rire.

Aujourd’hui, quand je pense à ça, je ris mais je m’arrête vite.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.