Flo a l’impression d’assister en direct à une scène de film porno. De ces films américains tout en stéréotypes. Ultracodifiés, ultrabandants. Sur le palier, crâne rasé et barbe naissante, deux colosses musculeux entourent un éphèbe qui ondule sous leurs caresses. Ils s’embrassent à pleine bouche, à tour de rôle et ensemble, l’un des malabars a glissé une main invasive entre les fesses du blondinet, l’autre lui masse le sexe et lui pince les seins — il se tord d’excitation, fébrile. Ce sont ses soupirs qui ont attiré la petite dizaine de clients qui les regardent, envieux. Certains se branlent. Hypnotisés. Deux ou trois haussent les épaules et filent dans les couloirs. Dépités.
Il est deux heures et demie du matin et Flo vient d’arriver. Il a commencé la soirée en boîte, la musique n’était pas trop mauvaise et les effets de l’ecsta se font encore sentir, il est électrisé par le tableau, vaguement jaloux, Trop tard, ne peut-il s’empêcher de penser. Les bodybuildés murmurent quelque chose au clone du jeune Werther qui acquiesce dans un souffle, il les suivrait au bout du monde, c’est évident, l’entraînent à travers la galerie, ouvrent une porte et s’y engouffrent à sa suite. La tension retombe, les voyeurs s’éparpillent.
L’établissement compte quatre niveaux, cinq avec la terrasse où les fumeurs grillent leur cigarette en vitesse dans une fraîcheur coupante. Les douches, le hammam et le spa sont situés au sous-sol ; au rez-de-chaussée, l’accueil se prolonge par un bar, un dédale de casiers, une série de toilettes ; dans les étages sont distribués cabines, backrooms, sling, labyrinthe et sauna sec — et bien entendu, l’ensemble est plongé dans une pénombre moite, ponctuée de veilleuses orangées. Des haut-parleurs crachent une techno enlevée, stimulante, obsédante.
Les préliminaires du trio ont éveillé le chasseur en Flo. Il opte pour le bain de vapeur, généralement favorable aux attouchements, encore faut-il qu’il y ait du monde, raté, l’endroit est vide, et même s’il essaie de s’allonger, de se détendre, l’ecsta rend l’étuve insupportable, la condensation lui brûle la gorge, il suffoque, son cœur bat trop vite, inutile d’insister. Le jacuzzi est plus agréable, tout autant propice aux contacts, des jambes qui s’étendent et se rapprochent à dessein, des mains baladeuses, sous les remous, des regards noyés qui surnagent et se nouent.
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