Laura TUFFERY (avatar)

Laura TUFFERY

Chroniqueuse cinéma, Historienne, professeur d'Histoire et de cinéma. Historiadora y crítico de cine basada en Paris.

Abonné·e de Mediapart

62 Billets

1 Éditions

Billet de blog 5 décembre 2013

Laura TUFFERY (avatar)

Laura TUFFERY

Chroniqueuse cinéma, Historienne, professeur d'Histoire et de cinéma. Historiadora y crítico de cine basada en Paris.

Abonné·e de Mediapart

"Comment j'ai détesté les maths" d'Olivier Peyon ou les Maths au rattrapage!

Derrière un titre si scolaire qu'il peut sembler rébarbatif ou essentiellement pédagogique, Olivier Peyon réussit à livrer un documentaire passionnant, inattendu dans sa forme aérienne, qui parvient à captiver de toute évidence, au-delà du monde enseignant et de la sphère scientifique

Laura TUFFERY (avatar)

Laura TUFFERY

Chroniqueuse cinéma, Historienne, professeur d'Histoire et de cinéma. Historiadora y crítico de cine basada en Paris.

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Derrière un titre si scolaire qu'il peut sembler rébarbatif ou essentiellement pédagogique, Olivier Peyon réussit à livrer un documentaire passionnant, inattendu dans sa forme aérienne, qui parvient à captiver de toute évidence, au-delà du monde enseignant et de la sphère scientifique : Bourbaki n'a qu'à bien se tenir!

 Comment parler des mathématiques sans se livrer à un cours de maths, ni céder aux lieux communs qui s’y rattachent ? C’est sans doute le point fort de ce documentaire qui préserve aux mathématiques leur mystère intrinsèque tout en les rendant attrayantes en s’attachant davantage à restituer une atmosphère, une ambiance, celle des salles de cours, des témoignages de mathématiciens et de professeurs de mathématiques. Olivier Peyon atteint ainsi au moins deux objectifs en ayant choisi le parti pris de la promenade : celui d’une démocratisation d’une discipline réputée prohibée aux néophytes et une certaine poétique du savoir en plaçant le beau et le doute en exergue de son sujet.

Bien qu’il place la question de la responsabilité au cœur de son documentaire, où comment des algorithmes peuvent conduire à des paris économiques aux conséquences politiques dramatiques, Olivier Peyon évite avec bonheur le pamphlet, l’étude sociologique ou le documentaire somme et historique sur un sujet aussi aride que les mathématiques, ce qui était sans doute le piège majeur de son sujet. En promenant sa caméra aux quatre coins du monde et en laissant libre cours à la parole des mathématiciens, tantôt devant leur tableau noir, tantôt dans leurs séminaires ou en pleine démonstration, Olivier Peyon déroule un documentaire qui propose des visages, des caractères, des paysages et offre de véritables moments d’émotion, qui sont ceux, partagés, des mathématiciens face au doute, à l’erreur ou à la beauté d’une démonstration.

Qu’apprend-t-on réellement dans ce documentaire qui a le mérite de laisser le spectateur sur sa faim et de ne jamais le rassasier totalement ? L’humilité mais aussi la rigueur d’une démarche habitée par le doute, l’erreur mais aussi le plaisir que procure le questionnement premier, celui de l’enfance qui dans ses balbutiements parvient au travers de solutions provisoires à avoir en bouche le goût du questionnement. Ainsi des mathématiques à la poésie, à la musique, à la philosophie et à l’histoire il n’y aurait qu’un pas, celui de l’enquête, des interrogations premières auxquelles il n’y a pas de réponses définitives, inébranlables. Propédeutique de tout raisonnement ou de toute démarche existentielle, les mathématiques deviennent ainsi présentées, hors des murs et de leur jargon, de par la construction intelligente du documentaire et ses partis pris, une véritable invitation à un questionnement plus ludique que savant, et l’air de rien, le spectateur est ainsi accompagné sans effort apparent à épouser une démarche mathématique dans la sensibilité plus que dans le raisonnement.

Au terme de ce documentaire pour lequel il n’est nul besoin d’avoir une solide culture scientifique mais simplement une appétence et une curiosité en éveil, Comment j’ai détesté les maths pourrait bien amener ceux qui en sont ou furent dépités durant leur scolarité – les mathématiques modernes comme point de rupture sont également abordées de manière cocasse pour la génération qui eut à en souffrir-  à les redécouvrir à l’intersection de toute discipline qui se propose d’avoir comme démarche la rigueur, le doute et la liberté au cœur de toute réflexion.

 Laura Tuffery

Sortie salles le 27 novembre 2013

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.