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Chroniqueuse cinéma, Historienne, professeur d'Histoire et de cinéma. Historiadora y crítico de cine basada en Paris.

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Billet de blog 14 décembre 2011

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«Oh My God!» de Tanya Wexler pétillante comédie sur «l'hystérie»

Projet sacrément culotté de Tanya Wexler que de proposer une pétillante comédie anglaise au cri de Oh My God! où il est question de faire un petit voyage historique (1) et pédagogique sous les frous-frous des femmes anglaises, et en traversant allègrement féminisme, luttes des classes et médecine de raconter, sur un ton plus coquin que militant, la petite histoire du Godemiché. So british!

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Projet sacrément culotté de Tanya Wexler que de proposer une pétillante comédie anglaise au cri de Oh My God! où il est question de faire un petit voyage historique (1) et pédagogique sous les frous-frous des femmes anglaises, et en traversant allègrement féminisme, luttes des classes et médecine de raconter, sur un ton plus coquin que militant, la petite histoire du Godemiché. So british!

Voilà une comédie coquine et tout à fait sérieuse dont on peut dire qu'elle sait éviter tous les écueils du genre, le plus risqué aurait été de connoter et de cantonner à la pornographie cet objet fétiche qui existe depuis l'antiquité. Adoptant d'emblée par son titre un parti pris ludique, avec un Oh My God! - cri effarouché, gloussement de plaisir et la demande impérieuse d'un objet précieux – Tanya Wexler mène sa comédie au rythme trépident de la révolution scientifique et médicale sous l'Angleterre victorienne pour nous parler du plaisir des femmes, de toutes les femmes, égratignant au passage les tabous, les préjugés, la psychanalyse, en retroussant ainsi son sujet!


C'est une formidable galerie de portraits de femmes qui défile! Des feliniennes plantureuses ayant atteint un âge certain, aux jeunes et futures suffragettes, en passant par de jeunes vierges effarouchées, toutes semblent chanter in petto leur droit à l'orgasme quittes à venir consulter pour soigner leur « hystérie » le docteur Dalrymphe (Jonathan Pryce) dont il est un des éminents spécialistes londonien. Il faut dire que sa méthode assez empirique, menée avec un certain doigté, parvient à calmer de manière assez consubstantielle et immédiate les troubles de ses patientes.


Mortimer Granville (Hugh Dancy) est un séduisant médecin dont la foi en le progrès médical l'a tout droit mené vers les quartiers miséreux et les dispensaires londoniens où il se heurte autant aux manques de moyens financiers qu'au conservatisme de ses confrères en matière de progrès médical. Vivant de peu, il entre ainsi, sans grande conviction, au cabinet du docteur Dalrymphe (Jonathan Pryce) qui voit en lui très rapidement un digne successeur et un futur mari possible pour sa dévouée fille Emily (Felicity Jones), tandis que Charlotte l'aînée (Maggie Gyllenhall) a choisi de s'émanciper de la famille en travaillant dans un foyer pour les nécessiteux et sans abris. Mettant tout son coeur et ses mains à l'ouvrage, Mortimer Granville qui voit affluer une clientèle féminine exponentielle, se voit contraint de demander à son ami et complice Edmund St John-Smythe (Ruppert Everett) de l'aider à juguler la demande en mettant au point un substitut de la très jolie main du docteur, le premier vibromasseur.


Ce qui est pourtant au coeur de Oh My God!, dépasse largement l'histoire anecdotique bien qu'instructive de l'invention du premier vibromasseur électrique, sachant que si l'onanisme était farouchement condamné chez les hommes il était tout simplement inconcevable chez les femmes, puisqu'encore dépourvues par la médecine d'autres sources de plaisir que la pénétration vaginale. Quand Mortimer Granville se voit offrir sur un plateau d'argent un commerce lucratif bien que « manuel » et la main de la jeune Emily, cette comédie pétillante pose à brûle pourpoint le principe du désir et le refus du confort bourgeois, celui qui consiste à se résigner aux normes et aux préjugés. Il est bien difficile de résister à cette Charlotte Dalrymphe, aussi féminine qu'intelligente, une femme acquise à la cause des siennes mais loin des carcans féministes, et à chacun sa chacune Mortimer Granville n'y résistera pas.



Oh My God!
a cette fraîcheur de lever décidément tous les dessous et de crier à l'unisson des rombières, des ouvrières, des servantes et des savants fous qu'à chacun son désir et son plaisir!

Si les femmes ont la part belle dans cette comédie, le hommes ne sont pas en reste. A la recherche du continent noir ou de cet obscur objet de plaisir, Hugh Dancy, Ruppert Everett et Jonathan Pryce forment un trio jubilatoire de bonne foi, penchés sur leur objet de recherche, l'hystérie féminine et son remède miracle, bernés au passage par des patientes fort bien en point, mais qui sans complexe réclament leur dû.

Le titre anglais original « Hysteria » a été troqué ici pour un cri à la résonance de l'objet fétiche, qui s'il ne reflète pas le propos du film – aucun éloge ni démarchage pour les Godemichés qu'on se le dise – aura aussi pour mérite à certains de se familiariser avec les abréviations de certains anglicismes : OMG ne signifie rien d'autre que « Oh Mon Dieu tu as osé! ». Certaines aujourd'hui Osent le féminisme, on aurait tout simplement envie de leur suggérer à elles et à tous d'oser un brin de légèreté...!


1) C'est en 1883 que le docteur Joseph Mortimer Granville invente le premier vibromasseur électromécanique. Toute une collection de vibromasseurs à fil et sous secteur seront exposés à Paris los de l'exposition Universelle de 1900

Laura Tuffery

Article mis en ligne le 13 décembre sur www.culturopoing

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