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Billet de blog 3 septembre 2022

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Célébrer la rentrée comme il se doit.

En cette belle rentrée, où professeurs et maîtres sont fêtés, je veux dire une fable. Lecteur, te tirerai-je un sourire ? Nulle autre ambition ne me point. Et, surtout, comme il se doit, ne ménage pas les diérèses. Les lions surtout en sont friands.

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Des lions et des lièvres

Maints lions, force lièvres

En un grand bois vivaient,

Les premiers s’ébattant, forgeant mille projets,

Edictant mille règles,

Déchirant les seconds ;

Les autres frémissant, fuyant les coups de pattes,

Craignant les coups de dents,

Pleurant leurs frères perdus.

Parfois un jeune lion, feulant et rugissant,

Sur les brisées d’un oncle

Prestement s’avançait.

Mais alors un conseil, de doctes réuni,

Accordait leurs visées.

L’ordre, d’airain, régnait.

D’autres fois, de fureur et de hardiesse pleins,

Les lions provoquaient la guerre

Aux lions leurs voisins.

Lors, le grand jeu

Etait d’amonceler les corps

Des lièvres morts.

C’était beau, c’était grand,

Mais de tout on se lasse.

Entre deux bains de sang,

Comment vivaient les lièvres ?

De mille expédients.

Beaucoup trouvaient une consolation

En mettant aux fers leurs semblables,

En écrasant femmes, fils, frères,

En humiliant ceux qui se voyaient plus faibles.

Les déboires de ces derniers

Réchauffaient les ardeurs de nombreux lièvres,

Qui, moins bas se jugeaient placés

Sur une échelle du malheur.

Aux vertiges des sens, bien d’autres se prenaient :

Les hases courtisaient, fumaient herbes et plantes,

Accumulaient les biens.

Il en est qui sans fin se tournaient vers les dieux,

Dénonçant les abus des lions. Puis ceux,

Qui montaient aux tribunes,

Tout gonflés d’importance,

En criant : « Il faut que ….! »

« Que quoi ? », entends-je ?

C’est bien simple, pourtant :

Il fallait que, vertueux, les lions devinssent.

N’y crois-tu pas, cher lecteur ? Ta main pince.

Quelques lièvres, de beaux talents dotés,

Donnaient à voir, par mille tours,

Mille maux endurés.

Tel, célébrait la fin de cette illustre hase

Qui mourut déchirée pour sauver ses levrauts.

Un lièvre mit en scène

L’épopée d’un héros

Qui déroba un jour

A un lion sa bague,

Puis expira,

Après une longue tirade,

Qui exhortait chacun à prendre patience.

Lors de la première, au premier rang, lions

Applaudirent aussi fort que lièvres aux corbeilles.

Un jour, trouvant fâcheux

La pleutrerie des lièvres,

Et l’absence d’enjeu dans l’issue des combats,

Les lions imaginèrent d’en finir une fois.

Tous moyens y passèrent :

De grandes équipées

Fort méthodiquement

Mirent à bas les gîtes.

Il se murmure

Que certains lièvres,

Certains de se sauver,

Révélèrent aux lions les terriers secrets.

A force de détours, de vœux fallacieux,

Les innocents levrauts

Furent enfin corrompus :

Détestant leur lignée, sans fin ils vagissaient

En contestations et chimériques rêves.

Pour ce qui est de massacrer les hases,

La force seule prévalut.

Même, un noble lion, fort sage,

Sans blêmir, s’acharna

Sur les troncs centenaires

De la belle forêt.

Pour les lièvres, perdus,

Une nouvelle fois les discours seuls restaient.

Cinq ou six lièvres téméraires

Dans le palais des lions

Ensemble s’immiscèrent.

Là, d’un air indigné,

Belle morale déversèrent.

« Méchants, vils, débauchés, abjects, cruels,

Mais ne voyez-vous pas,

Qu’en pourfendant les lièvres

Qu’en ruinant la forêt,

Votre ruine s’avance ! »

Se rire de ces lièvres,

Pour les lions roués

Représentait encor

Un innocent plaisir.

D’un père courroucé, ils mimèrent l’accent :

« Le monde doit changer ; même, voyez : il change.

Vous aimez à pleurer et à vous contenter

De peu.

Les lions, visionnaires, dessinent le futur.

Pour peu que vous tâchiez

A vous hisser un peu,

Il faut vous préparer :

Déluges, hécatombes,

Incendies, bris de glaces,

Cet ultime spectacle

Durera peu.

Or, dégagez.

Nous n’aimons plus pleurer. 

Puis, réconfortez-vous.

Nous aurons soin de tout. »

Lors, lièvres de s’en retourner

A leurs logis fumants,

Où, bien vite, ils troussèrent

Drames et élégies.

Hommes, d’où vient que, parmi nous,

Qu’un même sang unit,

Certains prennent des lions les mœurs et les délires,

Et que d’autres se plaisent à jouer le malheur

De lièvres gémissants ?

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