Alors que les révélations concernant les violences sexuelles commises par des personnalités publiques s’enchainent à un rythme effarant, les réactions du vieux monde qui ne peut plus rien dire trouvent encore beaucoup d’échos. C’est peu de le dire.
Les viols se produisent partout, tout le temps. L’avalanche de témoignages de victimes ne prend donc personne par surprise, elle. L’emprise, l’impunité des agresseurs, la complicité de l’entourage, l’ampleur des dégâts à très long terme : les schémas sont bien connus, la parole de victimes enfin entendues aide à prendre la mesure du problème et à regarder la réalité toujours un petit peu plus en face.
Résistant désespérément à la prise de conscience collective, le vieux monde fait entendre des protestations piteuses qui tournent en boucle. « Présomption d’innocence », premier geignement avant la traditionnelle démonstration de sagacité : le caractère tardif de l’accusation de viol la rend peu crédible, son caractère opportun la rend suspecte et finalement, le consentement indubitablement donné au moment des faits la rend définitivement irrecevable.
Consentante, forcément consentante. Mais les trolls sont faits pour troller et il est toujours possible de s’en épargner la lecture.
Plus difficiles à ignorer mais pas moins perspicaces, les réactions des responsables politiques et des personnalités publiques. Untel « n’aime pas les chasses à l’homme », unetelle « n’aime pas les chasses aux sorcières tardives ».
Ce monde qui se lamente de ne plus pouvoir rien dire clame pourtant très haut son ignorance totale des mécanismes à l’œuvre chez les victimes de violences sexuelles et n’en finit pas d’ajouter l’injure à la blessure.
Par un aberrant renversement de perspective, revoici le post soixante-huitard médiatique dégénéré pleurant sur son sort, victime d’acharnement, de destruction, de lynchage, de mise au pilori, de mise à mort même. « On » ne peut plus rien dire mais ne manque pas de mots pour geindre. Et « on » crache sur la mémoire des nombreuses victimes que les viols ont, pour leur part, littéralement tuées.
Matzneff, Duhamel, PPDA, Berry, Besson, Lahaye, Polanski, Depardieu, Jacquot, Doillon, Miller… S’ils nient les faits, ces monstres sont aussi les fils de leur temps, celui des théories abjectes sur un supposé désir de l’enfant destiné à justifier la pédo-criminalité, celui des médias complaisants, celui de l’interdit d’interdire de mai 68.
En février 2024, à défaut d’examen de conscience et de remise en question, l’heure est venue pour ce monde sénile qui a sacrifié ses propres enfants de faire profil bas et de mourir en silence.