Vendredi soir à minuit, un appel spontané à soutenir la résistance citoyenne du Gezi Park à Istanbul, attaqué à l'aube, a été lancé sur Facebook. Le lendemain, quelques centaines de personnes issues en majorité de la communauté turque ont investi la place de la République à Strasbourg pour exprimer leur inquiétude.
Aux cris de « Médias, vendus » et « Tous contre le fascisme en Turquie », près de 400 personnes se sont rassemblées dans ce parc situé entre le théâtre, la bibliothèque nationale universitaire et la préfecture. Avec toujours un œil sur leur téléphone, d'où ils recoivent SMS, photos et consultent les tweets et statuts de leur entourage en Turquie, depuis que la police réprime violemment la protestation des citoyens contre la destruction du Gezi Park, au cœur du quartier Taksim. Ce parc historique a été choisi par les autorités pour l'emplacement d'un centre commercial. Une pétition contre ce projet a déjà recueilli 100 000 signatures mais le gouvernement campe sur ses positions. Hélicoptères, tanks, bombes lacrymogènes, le déferlement a été brutal, érigeant la rue stambouliote contre son Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, rebaptisé "Tayyip le chimique". Pour plus de détails, voir l'article de la rédaction de Mediapart.

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La communauté turque est la première en Alsace, estimée à 26 000 personnes. Derya Topal est conseillère municipale et communautaire, élue du quartier Meinau : « Avec les associations, nous sentions depuis un moment que les gens là-bas étaient bien échaudés. Nous sommes un Etat laïc, c'est notre richesse, le gouvernement est en train d'en faire un pays intégriste. Je me sens de moins en moins à l'aise quand je retourne en Turquie, ils passent des lois contre l'alcool, font des chantages aux gens pour trouver du travail. Une infirmière m'a raconté que cinq personnes de sa famille ont dû prendre leur carte au parti AKP pour qu'elle puisse décrocher un poste dans un hôpital public... J'aimerais que la laïcité reste notre force ».

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Mohammet Basaran, un Strasbourgeois originaire d'Ankara, ne rentrera pas en Turquie cet été, mais il se tient au courant assidûment : « La plupart des médias sont sous le contrôle du gouvernement et nous sommes là parce qu'il faut que ça se sache. Quand il y a des grèves ou des protestations dans les universités, ils ne le montrent jamais. Des dizaines de journalistes, d'étudiants, de militants de gauche sont arrêtés et mis en prison sans procès. Ici, je regarde deux télés indépendantes turques, Halk TV, Ulasal TV, ou Reuters et Euronews. Les gens n'étaient pas forcément militants d'un parti ou d'un autre, surtout dans la diaspora, mais Erdogan est en train de politiser la Turquie avec ses démonstrations de force. »
Muharrem Koç est membre de l'Astu (Actions citoyennes interculturelles) : "Je n'ai jamais vu une répression aussi sanglante en Turquie et Erdogan se permet de faire des leçons à Assad en Syrie... Cet Etat ne supporte aucune critique, nous voyons la Turquie changer, avec cette politique très représsive qui s'attaque aux valeurs fondamentales de la République. Et Erdogan (ndlr : ancien maire d'Istambul de 1994 à 1998), en plein dans sa politique ultra-libérale est en train de saccager Istambul au profit de ses négociations avec des grandes entreprises".
Pendant les prises de parole et les agitations de banderole, des veilleurs continuent à égréner les nouvelles du front : "Plus de Facebook, plus de Twitter, l'armée a été appelée à la rescousse, ils continuent à gazer les gens..."
Vous pouvez suivre les hashtags #occupygezi et #resististanbul (d'autres liens sur le post de Big Browser "Comment suivre les manifestations en Turquie en ligne") et le blog de Guillaume Perrier, correspondant du Monde Au fil du Bosphore.
Et par ici, la galerie photos du rassemblement (P-Mod)