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- AVORTEMENT : Selon les articles 408 à 410, toute personne qui offre ou montre des contraceptifs ou des dispositifs de prévention de la grossesse à des mineurs risque une amende pouvant aller jusqu'à un million de roupies indonésiennes (60 euros). Une personne non autorisée qui fournit ou utilise des instruments d'avortement encourt désormais une peine de six mois d'emprisonnement et une amende de dix millions de roupies (600 euros). La règle, cependant, ne porte pas atteinte aux fonctionnaires autorisés.
- RELATIONS EXTRA-MARITALES : De nombreuses ONG de défense des droits humains ont critiqué les changements sur les relations pré-maritales et extra-maritales. La nouvelle réglementation interdit aux couples non mariés de vivre ensemble car ils encourent six mois d'emprisonnement et une amende de dix millions de roupies (600 euros). En outre, les articles 411 et 413 condamnent les couples non mariés à un an d'emprisonnement. Toutefois, seuls les maris ou les épouses peuvent dénoncer les délinquants mariés. Pour les délinquants non mariés, le RKUHP stipule que les plaintes ne peuvent être déposées que par les parents ou les enfants.
- CORRUPTION : Il est toutefois intéressant de noter la réduction de la peine pour les affaires de corruption. Dans la disposition précédente - Undang-Undang Nomor 20/2001, article 2 - un cas de corruption était puni par une peine d'emprisonnement entre quatre et vingt ans et une amende d'au moins 200 millions de roupies indonésiennes (12 200 euros). La nouvelle législation réduit la peine de prison minimale à deux ans, avec une amende entre dix millions (600 euros) et deux milliards de roupies (122 000 euros).
- MANIFESTATION: Sur le front de la liberté d'expression, les articles du nouveau code pénal, et en particulier l'article 256, inquiètent. Les protestataires qui participent à des manifestations sans en informer les autorités compétentes risquent une peine pouvant aller jusqu'à six mois d'emprisonnement et une amende de dix millions de roupies (600 euros). Muhammad Insur, militant pour la démocratie, estime que cet article est une atteinte directe à la liberté d'expression, un droit qui devrait être garanti par la loi n° 9 de 1998.
- DIFFAMATION: Il en va de même pour les articles relevant de "l'humiliation" de la présidence et des organes gouvernementaux. Selon l'article 217, une atteinte contre le président ne relevant pas de la catégorie des crimes graves est désormais passible d'une peine pouvant aller jusqu'à cinq ans de prison. L'article 218 prévoit une amende de 200 millions de roupies indonésiennes (12 200 euros) en cas de violation de l'honneur du président ou du vice-président. L'article 219 érige en infraction les actes diffamatoires (écrits ou images visibles par le public et par les médias) et prévoit une peine de prison maximale de quatre ans ainsi qu'une amende de 200 millions de roupies indonésiennes (12 200 euros). L'article 240, paragraphe 1, quant à lui, punit les actes de diffamation à l'encontre des symboles de l'État et prévoit une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à un an et demi et une amende de dix millions de roupies (600 euros).
- BLASPHEME: Une autre question importante est celle des thèmes religieux. Cette crispation a récemment été mise en évidence lors de l'affaire Ahok, lorsque l'ancien gouverneur de Jakarta a été reconnu coupable de blasphème contre certaines sourates du Coran. L'article 301 du nouveau code pénal punit le blasphème par écrit ou par dessin et sa diffusion par le biais des technologies de l'information, d'une amende maximale de 500 millions de roupies (30 600 euros) et d'une peine de prison maximale de cinq ans.
- PANCASILA: En outre, l'article 188, paragraphe 6, condamne toutes la promotion d'idéologies telles que le communiste et le marxisme-léninisme, et toute idée critique du pancasila peut être punie d'une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à quatre ans. Le Pancasila est la philosophie de l'État indonésien, formulée par le leader nationaliste Sukarno en 1945 devant le comité préparatoire à l'indépendance de l'Indonésie. Ces "Cinq principes" sont devenus le plan directeur de la nation indonésienne, promulgués dans la Constitution : la croyance en un Dieu unique, une humanité juste et civilisée, l'unité indonésienne, la démocratie sous la sage direction de consultations représentatives et la justice sociale pour tous les peuples d'Indonésie.
Le Parlement indonésien à Jakarta Agrandissement : Illustration 2
Conclusion
La nouvelle mouture du code pénal suit l'ensemble des réformes controversées et déjà adoptées par le gouvernement indonésien, telles que la "loi omnibus" sur la création d'emplois et la loi sur l'information et les transactions électroniques. Ces changements initiés en 2019 ont déclenché le mouvement étudiant le plus important depuis les émeutes de 1998, qui ont fait tomber le régime du dictateur Suharto à l'époque. La réforme qui touche de manière tangible le code pénal, soit une partie cruciale de la législation indonésienne, ne doit pas seulement être lue de manière critique, mais doit être remise en question. Le conseiller légal Albert Aries explique que ces règles entravent la liberté de pensée et le droit à la critique. En 2019, une élection générale majeure a eu lieu dans une Indonésie à l'identité politique fragmentée par un conflit idéologique entre le nationalisme et la religion. Le deuxième mandat de Jokowi est depuis marqué par une série de protestations. Cette nouvelle réforme législative du code pénal était la pièce manquante pour lancer la réforme politique de l'Indonésie, qui pour l'instant ne convainc pas l'opinion publique.
Cet article a été co-écrit par Aniello Iannone, maître de conférences et chercheur à l'université de Diponegoro, étudiant en sciences politiques spécialiste de l'Indonésie et de la Malaisie, et Laure Siegel, correspondante pour Mediapart en Asie du Sud-est, dans le cadre de l'atelier "Training on Popularizing Research: A cross-sectoral approach on social movements in Southeast Asia" organisé en mai 2022 par Alter-Sea and Shape-Sea.