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Billet de blog 17 octobre 2025

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Quand la casse sociale altère le travail journalistique

Précarité, pauvreté, maternité, sont des freins au travail journalistique. Je suis précaire, pauvre et maman. Pas de contradictoire pour ce billet mais une dénonciation d'effets pervers du néo-libéralisme forcené, souvent passés sous silence, pour la liberté de la presse.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Je coche toutes les cases de la dégringolade sociale : journaliste-pigiste, revenant d’un burn-out qui m’a empêché de vraiment travailler pendant une année et maman solo de deux filles. Cela signifie que les milieux de mois sont rudes. Il fut un temps pas si lointain, avec un petit salaire genre Smic, je pouvais m’en sortir. Vive la décroissance des pauvres ! Mais depuis deux ans, cela n’est plus possible du tout. L’inflation, la stagnation des prestations sociales voire leurs baisses font que payer mon loyer et donner à manger à mes enfants est de plus en plus difficile.

Manger ou informer ?

Alors, comment bien travailler quand la question de savoir comment manger est la question principale de votre journée ? Comment avoir des marges de manœuvre, genre prendre des billets de train pour aller à Paris (là où tout se passe encore), prendre du temps pour trouver des infos avant d’envoyer un pitch à une rédaction, quand l’urgence de l’argent se fait pressante ? Et bien affiner un sujet devient compliqué quand la paie n'est pas la hauteur de l'inflation et du travail fourni.

Oui, la casse sociale impacte la liberté de la presse et cet angle n’est que peu traité. Les journalistes, nous avons la fâcheuse tendance à ne pas paraître faibles, alors on se tait. Peut-être qu’une des raisons est la honte d’être pauvre, comme chez tous les précaires mais, nous on a fait des études, on fait partie de l’élite donc finalement, on ne peut pas être pauvre. Et, si !

Ce n’est pas non plus à cause d’un travail mal fait, ou de fainéantise que les pauvres sont pauvres, comme cela est souvent affirmé. Donc, je ne vais pas culpabiliser mais, dénoncer la démolition de notre modèle social pour que les riches puissent s’enrichir encore plus et acheter des médias qui pourront diffuser leurs principes économiques et sociaux nauséabonds.

Le prix de l’indépendance

Évidemment, je préfère travailler avec la presse indépendante. Or, celle-ci est attaquée de toute part, que ce soit avec des procès ou la baisse des aides à la presse. L’inflation la touche également. Elle peut donc moins collaborer avec des pigistes, ce qui précarise ces dernier.es et la boucle est bouclée. L’envie de quitter la profession se fait grande pour la survie de mes enfants. Je résiste encore. Or, nombreu.ses sont celles et ceux qui l’ont quittée faute de revenus suffisants, alors que la période que nous vivons demanderait davantage de journalistes pour couvrir toutes ces informations de plus en plus denses, enquêter sur celles et ceux qui nous gouvernent et qui nous emmènent droit dans le mur politique et écologique ou tout simplement dire ce qu’est notre société dans laquelle les repaires s’effritent de jour en jour.

Résister à l’offensive néo-libérale et fascisante a un coût. Qui va le payer ?

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