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Billet de blog 26 avril 2012

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Sarkozy et la tentation d'appareiller

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.


Depuis que Nicolas Sarkozy a été consacré challenger dans cette élection, il n'a eu de cesse de réclamer trois débats contradictoires avec son adversaire alors qu'une tradition indisputée sous la Cinquième République, fixait leur nombre à un seul.


Cette insistance, alors même que N. Sarkozy n'est pas un monstre de "quizz" et n'a pas forcément un esprit de répartie très à propos, m'a parue suspecte.
Pourquoi Sarkozy et son entourage s'estiment-t-ils si sûr d'avoir l'ascendant sur François Hollande dans de tels débats?

Au risque de choquer, je voudrais d'abord tordre le cou à une insistante légende urbaine voulant que N. Sarkozy soit exceptionnellement intelligent. Cette légende est alimentée d'abord par des personnes de son entourage dont certaines sont, semble-t-il, elles-mêmes très intelligentes. L'insistance à marteler cette idée dans l'opinion publique en devient suspecte. Elle a, en ce qui me concerne, éveillé l'arrière soupçon qu'il s'agit là essentiellement d'une posture, d'une stratégie avantageuse et aussi d'une flatterie. Il s'agit de faire oublier à tous et à la victime elle-même que N. Sarkozy a été porté et soutenu au pouvoir par un groupe d'intérêts et barons d'industrie qui aimerait bien continuer à pouvoir le piloter à leur gré sans qu'il s'en rende trop compte lui-même, ne regimbe ou ne rue trop devant le poids accumulé sur ses épaules de ces "élites"...


 Nous n'avons pas (à ma connaissance) d'estimation du QI du Président-candidat. Il ne s'agit pas d'induire ici un débat sur la valeur ou l'absurdité du Quotient Intellectuel comme procédure fiable d'évaluation de l'intelligence d'une personne alors qu'il mesure surtout l'aptitude verbale, le raisonnement hypothético-déductif et certaines formes de maîtrise de l'image mentale. Il existe d'autres formes d'intelligence, notamment affective essentielles au succès dans la vie.  Cependant il y a tout de même une corrélation qui peut être corroborée ou démentie par d'autres traits de personnalité importants dans la vie sociale entre QI et aptitudes intellectuelles...


Si N. Sarkozy devait avoir un QI très élevé, nul doute que cette information aurait été portée à son crédit par son équipe de com. A contrario, l'absence de toute évaluation connue est donc peut-être significative.


L'intérêt du QI est qu'il prétend identifier et mesurer une composante générale de l'intelligence, le fameux facteur "g", celui d'une intelligence générale pouvant très rapidement s'adapter à toute nouvelle circonstance de manière appropriée; une caractéristique ô combien précieuse à l'exercice d'une présidence de la République.


Mais revenons à la trajectoire personnelle de N. Sarkozy. Nous avons des témoignages qu'enfant, il devait parfois bûcher une partie de la nuit sur ses devoirs scolaires avant de saisir et maîtriser la matière enseignée. Il faut porter à son crédit qu'il n'a jamais baissé les bras; au contraire, cette difficulté initiale a été la source d'une exceptionnelle résilience. D'où ce culte de l'effort, cette force de caractère trempée aux heures des nuits studieuses et cette persévérance qui lui ont si bien réussi.


Cependant, s'il n'avait pas de facilité naturelle dans les études, on peut déjà douter de son intelligence générale, en tout cas ce n'était pas un surdoué ou un enfant précoce.


Et alors? Le problème est qu'il ne s'agit pas simplement de "faire président", il faut incarner la fonction, en esprit aussi et là, aussi cruel que ce soit, la valeur du travail ne saurait suppléer à l'inégalité de la nature.


Une intelligence exceptionnelle offre cet avantage d'avoir plus facilement une vision synthétique, de savoir pondérer optimalement les différents facteurs contributifs à la prise de décision, d'absorber comme une éponge la quintessence de l'expérience passée de l'humanité ce qui est simplement l'essence de la culture. Et oui, la culture est utile, en ce qu'elle permet de profiter de l'expérience acquise des générations passées, d'identifier la similarité de situations abordées sous des angles divers et de retrouver, de mémoire, mais mutatis mutandis, en l'adaptant aux circonstances toujours nouvelles du présent, la meilleure solution offerte par le passé au problème le plus similaire.
Dans la monarchie républicaine que représente le Président sous la cinquième République, ce sont autant de caractéristiques essentielles pour effectivement habiter en esprit la fonction.


Le symptôme de cette inadéquation foncière entre l'esprit de Sarkozy et la fonction, c'est son hésitation à vouloir percer dans le show biz avant d'être initié à la politique.


Il faudrait que Sarkozy aie lu La République de Platon ou l'Ethique à Nicomaque d'Aristote avant de se calibrer sur Machiavel pour comprendre que les deux carrières n'avaient en principe RIEN en commun. Hélas dans la société de la communication, celle des médias, de la politique spectacle, celle des paillettes et de l'aveuglement de l'instant, entre show biz et politique, il n'y a que trop de passerelles et le jeune Nicolas avait déjà l'exemple de Ronald Reagan a se mettre sous la dent...


Donc le petit Nicolas, avec une détermination sans faille et usant de tous les moyens, certains inavouables, a su se propulser au sommet et voudrait maintenant y rester cinq ans encore.


Quand la Nature, ne vous a pas concédé tous les avantages, comment être si sûr de prendre l'avantage dans un débat sur une personne indubitablement intrinsèquement intelligente?


En étant le mieux préparé!


François Hollande a eu raison de refuser le piège tendu des trois débats puisque la force d'inertie de sa campagne suffirait, même sans gloire, à le faire franchir la ligne d'arrivée en tête.


Maintenant, subrepticement, il a cependant concédé un deuxième débat, en fait une prestation moins avantageuse même qu'un débat et potentiellement plus risquée s'il devait y avoir un traitement inégalitaire des deux hommes.


François Hollande et Nicolas Sarkozy se retrouveront Jeudi 26 avril encore une fois sur le plateau télévisé de l'émission "Des paroles et des actes" alors qu'ils ont déjà été invité séparément  à cette même émission les 26 janvier et le 15 mars pour l'un et  le 6 mars dernier pour l'autre, puis encore les 11 et 12 avril avec quatre autres candidats.


Cette nouvelle édition est bel et bien un duel mais indirect, sans droit de réponse. Et il se trouve que le tirage au sort (contrôlé par un huissier?) fera que N. Sarkozy aura le double avantage de pouvoir répondre aux arguments présentés par son adversaires et éventuellement contredire F. Hollande qu'il aura suivi de sa loge avec son équipe de communicants tandis que celui-ci, présent le premier sur le plateau, ne saura rien de la prestation à venir de N. Sarkozy et n'aura pas la possibilité de lui répondre ensuite.


A cet égard, il est donc crucial de savoir si le PAF (Paysage Audiovisuel Français), au demeurant toujours sous contrôle du Président-candidat, sera fair play alors que l'émission est conçue et supervisée par David Pujadas, le Grand Prix "Laisse d'or" du journaliste le plus servile du PAF, ainsi consacré par un collectif de journalistes facétieux.


Donc, je voudrais m'adresser à ceux qui connaissent les petits secrets de ce genre d'émissions, et notamment aux journalistes de Médiapart - peu susceptibles de couvrir d'éventuelles pratiques douteuses - et leur poser les questions suivantes:


Le Président-candidat a-t-il pu prendre connaissance à l'avance de la nature des interventions des journalistes présents (Nathalie Saint-Cricq, pour la partie personnelle, Fabien Namias pour les questions politiques, François Lenglet pour les questions économiques)?
Peut-il même connaître à l'avance toute les questions de manière à paufiner à l'avance, avec tous ses communicants ses réponses ainsi que d'éventuels traits d'esprit faussement improvisés?


Si oui, en va-t-il de même pour François Hollande, si non, étant donné la position précaire du président sortant, comment en être sûr?
Mais Nicolas Sarkozy avait demandé trois débats. Et là, il n'y a pas moyen de connaître à l'avance le détail des réponses adverses, quoique bien sûr on anticipe bien leur allure générale.


C'est ici que se pose une autre question cruciale. L'intérêt des débats contradictoires en direct est d'opposer deux personnalités et de pouvoir jauger immédiatement des capacités de l'un, de l'autre et de l'un relativement à l'autre. Tout au moins c'est ce que l'on croit. Mais qu'en serait-il si l'on avait d'un côté, un homme et de l'autre un cerveau collectif, c'est-à-dire un porte-parole d'une équipe invisible derrière lui. C'est ce qui pourrait arriver si cet homme était équipé d'une oreillette invisible permettant une communication instantanée entre lui et sa base arrière. Ce soupçon ne date pas d'hier mais, au fur et à mesure des progrès de la miniaturisation et de la recherche instantée d'informations (Google etc), il se pose avec plus d'insistance. Il existe quelques informations démontrant que N. Sarkozy dispose, au moins depuis 2009, d'une oreillette très sophistiquée et totalement invisible à l'extérieur (c.f. http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/allo-nicolas-ici-claude-tu-m-54433).


Celle-ci aurait même fait l'envie d'Obama ainsi que le révèle une indiscrétion du Figaro glissée au milieu d'un communiqué sur DSK: (http://www.lefigaro.fr/actualites/2009/04/07/01001-20090407ARTFIG00291-confidentiel-la-proposition-de-sarkozy-a-dsk-.php)


Récemment, N. Sarkozy s'est laissé aller à une comparaison douteuse entre la France et l'Allemagne où il évoquait la "France de Louis XIV face à l'Allemagne d'alors". Incroyable bourde que de comparer une nation ayant mis sous coupe réglée ses grands féodaux avec de l'autre côté une série de petits états ayant seulement une culture et une langue commune. N. Sarkozy aurait-il "oublié" que l'Allemagne en tant que concept identitaire n'existe que depuis la proclamation de l'Empire allemand par Guillaume Ier en 1871?
Maintenant, imaginons un Hollande ironique rappelant Jeudi 2 mai à Sarkozy cette incongruité et lui demandant: "vous, après toutes ces réunions Merkozy, le grand spécialiste de l'Allemagne, rappelez-moi donc quand elle a déboulé dans l'histoire?"
Sarkozy pourrait répondre: "Vous n'allez tout de même pas jouer au professeur avec moi?". Puis, ensuite, au lieu d'esquiver, rebondir quelques secondes après sur la proclamation faite à Versailles dans la galerie des Glaces, le 18 janvier 1871.
Sarkozy inculte? Jamais, au contraire un puit de science infuse. Oui mais grâce à l'oreillette et l'intelligence collective de la cellule de l'Elysée, éventuellement relayée par Google!


A toutes fins utiles, si j'ai la chance d'être lue par F. Hollande ou un membre de son équipe de campagne, je ne saurais trop lui recommander de s'équiper d'un brouilleur et de le laisser discrètement sur le plateau après son intervention. On ne sait jamais, par simple précaution puisque pour un candidat au moins, tous les coups semblent être permis et le changement, c'est maintenant!


Face à la mer, "éternellement recommencée",  nous voulons voir N. Sarkozy  appareiller pour un dernier voyage et:
 
Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu'importe?
Au fond de l'Inconnu pour trouver du nouveau!

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