UN MENSONGE C’EST UNE FAUTE,
MILLES MENSONGES C’EST UNE POLITIQUE
Un article paru dans le Figaro sur la base d’une interview du Député européen Arnaud Danjean (Les Républicains) nous éclaire sur les choix des hauts fonctionnaires dans notre pays.
Il me semble que les abonnés de Médiapart ne sont pas des lecteurs assidus du Figaro. Je ne résiste pas à l’envie de me faire l’écho de ce journal parfois trop bien disposé à l’égard des gouvernements de droite mais qui dans la période actuelle semble vouloir défendre une certaine objectivité.
Monsieur Danjean rappelle que, en 2008 et en 2013, le livre blanc de la Sécurité Civile recommandait aux gouvernements précédents que le risque de pandémie, exacerbé par les échanges mondialisés de moins en moins contrôlés, restait une menace réelle et qu’il ne fallait pas négliger de s’y préparer.
Depuis 2012 aucun ministre de l’intérieur ou de la santé n’a organisé les réserves stratégiques que recommandaient ses propres experts.
Beaucoup de commentateurs mettent en avant la pandémie de la grippe H1N1 pour laquelle de nombreuses commandes de précautions de sont avérées inutiles.
Mais dans le cadre de la grippe H1N1, il faut distinguer 2 sujets : les masques et les vaccins.
Maintenir le stock de masques à plus d’1 milliard (20 millions de boites de 50) étaient une bonne idée. Les masques ont une durée de vie de 5 à 7 ans et la consommation courante peut permettre de les écouler régulièrement tout en veillant à reconstituer les stocks au fur et à mesure.
Commander en octobre 90 millions de doses de vaccins qui ne pouvaient être livrés que partiellement avant le mois d’avril prochain, ne pas rendre le vaccin obligatoire et ne pas trouver un accord avec les médecins généralistes ou les pharmaciens a conduit à la vaccination de 6 millions de personnes au lieu de 60 millions et la ministre de l’époque à été raillée.
Son intention était bonne mais comme aujourd’hui la logistique n’a pas suivi.
Pour éviter que ne se reproduise ce « gaspillage » l’Etat a décidé de se passer de masque et de réserve de médicament pour faire des « économies ». Ne nous moquons pas ! Faire des économies n’est pas une mauvaise décision en soi.
Mais en cas d’épidémie 40 millions de masques par semaine pendant 8 à 12 semaines sont nécessaires pour les services de santé ainsi que 40 millions par jour pour la population. On est déjà bien au-delà du milliard de masques qui peuvent être consommés pendant une pandémie.
Donc l’Etat décide de faire des économies. Combien ? 200 millions € pour les masques qui ne sont pas gaspillés mais juste stockés et environ 400 000 € par an pour leur stockage. Presque rien ! Pourtant le choix est fait de ne pas préserver ces stocks.
Or en 2014/2015 une épidémie sévère de grippe endeuille le pays de 18.000 morts dans le silence absolu. Certains hauts fonctionnaires consciencieux de l’administration Hollande lancent une étude d’experts qui conclut en mai 2019 comme en 2008 et en 2013 qu’au moins 1 milliards de masques doivent être stockés, qu’il est possible de laisser cette responsabilité à d’autres institutions que l’Etat mais que la Direction de la Sécurité Civile doit en contrôler le respect.
Cette fois encore l’Etat décide de ne pas suivre le rapport d’experts. L’Etat qui contrôle les triangles rouges dans les voitures, les assurances, les gilets de sauvetage des bateaux, la sécurité dans les usines ne s’applique à lui-même aucune des précautions élémentaires et de bon sens qu’il impose au citoyen.
Le péché original est là : au non de la raison d’Etat, l’Etat n’applique pas les règles. Et ce comportement se retrouve à d’autres niveaux de la vie économique du pays : non respect des règles sur le CDD, délais de paiement exorbitants, non respect des budgets alloués etc.
Alors les membres du gouvernement qui annoncent le 26 février devant l’assemblée nationale que le stock de masques est prêt, puis le 16 mars à la télévision que les masques seront livrés dans toutes les pharmacies, puis que le confinement est destiné à protégés les plus fragiles alors que les soignants dans les Ehpad n’ont aucune possibilité de tester ou de protéger eux-mêmes ou les résidents, sont ils des menteurs ou des incompétents ?
Les services de l’Etat qui annoncent qu’ils ont commandé 2 milliards de masques mais qui ne savent pas ni quand ni comment ils seront livrés, sont ils des menteurs ou des incompétents ?
Ni l’un ni l’autre ! Ils font parfaitement le métier pour lequel ils ont été recrutés : communiquer pour sauver les apparences, employer un vocabulaire ambigu qui les exonère de tout engagement réel, se réfugier derrière des procédures complexes pour masquer leur manque d’efficacité.
Une boite de 50 masques vaut 10 € en temps normal. Le prix demandé par des spéculateurs internationaux est de 20 €. Ils refusent pour respecter les règles des marchés publics et tant pis si cette rigidité a pour conséquence 10 000 décès dans les Ehpad.
La morale de cette histoire tragique est que sans une réforme de l’Etat qui lui donne agilité, souplesse mais un vrai sens des responsabilités et de l’efficience et qui autorise la sanction des erreurs des fonctionnaires, des tragédies humaines, sociales et économiques se reproduiront car si l’équipage du bateau n’a comme seule ambition de masquer ses erreurs, le paquebot France subira encore et toujours avaries sur avaries. Avec parfois des conséquences tragiques parfois comiques.
Laurens Boumedine