Concernant l'Elysée, d'autres attributs viennent conforter ces impressions : les gardes républicains immobiles et imperturbables postés à l'entrée, le ballet des voitures rutilantes qui vont et viennent dans l'impressionnante cour pavée, d'où sortent ou entrent des personnages de haut rang à qui un majordome au costume cliquant mais démodé ouvre ou ferme la porte arrière, des ministres empressés, souriant à pleines dents aux journalistes impatients, tout en serrant sous le bras un dossier trop épais témoignant avec ostentation du plus grand sérieux de la fonction.
Ça, c'est le côté officiel, la face que le pouvoir veut promouvoir.
Il nous donne à voir des femmes et des hommes élégamment habillés, qui courent rendre compte au Président de leurs résultats ou ressortent, leur dossier alourdi d'une liste de dépriorisation de leur perfectible feuille de route.
Des images classiques de ministres au travail, en somme.
Derrière les fenêtres du palais, on devine un univers doré mais daté, feutré, silencieux, constitué d'une myriade de bureaux, couloirs et salons, où officient en permanence une armée de conseillers qui vont et viennent, l'air grave sous leurs costumes ajustés, absorbés par des dossiers toujours plus urgents implorant une réponse politique calibrée.
Enfin, au centre du dispositif, derrière une antichambre spacieuse et anormalement calme, le bureau présidentiel, dans lequel phosphorent régulièrement une poignée de stratèges, triés sur le volet, devant un président avide de solutions pesées, souvent alambiquées, lui permettant de conserver la mainmise sur le calendrier et les affaires politiques, assurance vie de sa longévité au pouvoir.
...et là, badaboum, l'édifice savamment imaginé s'effondre symboliquement sous le crâne du citoyen-électeur, chaque nouvelle annonce présidentielle venant percuter sa perception sérieuse et rassurante de l'exercice du pouvoir.
Car la séquence de décisions prises par Macron depuis sa déconfiture aux élections européennes, sans doute soufflées à son oreille par ses stratèges mal avisés, est édifiante : dissolution censée le remettre législativement en selle, déni de victoire du NFP censé favoriser une recomposition parlementaire à sa main, trêve politique unilatérale pendant les JO censée lui faire gagner le temps nécessaire à la dislocation du NFP et à la recomposition précitée.
Ainsi, non contents de soumettre à Macron des solutions politiques pourtant vouées à l'échec, les conditions d'un exercice du pouvoir compatible avec les attentes sociétales n'ayant jamais été moins réunies, nos fameux stratèges en herbe le confortent en permanence dans sa défiance de notre socle démocratique.
De toute évidence, Emmanuel Macron est, de ce point de vue, très mal entouré.
De là à penser qu'un changement d'équipe, voire une fin de collaboration tout court avec des stratèges, engendreraient de sa part des décisions politiques moins exotiques et davantage conformes à notre cadre institutionnel, cela apparaît hautement improbable tant le monsieur a résumé ses mandats successifs à un dynamitage consciencieux et méthodique de tous les ressorts de notre cohésion sociale.
Mais au moins, se passer de conseils stratégiques économiserait le précieux argent public, dont le redéploiement vers la couverture de besoins sociaux essentiels serait salutaire.