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Billet de blog 29 juillet 2024

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France : les tribunaux modernes de l'inquisition

Au XIIIème siècle et durant cinq siècles, sévit en la période de l'inquisition, décrétée par l'église de Rome pour combattre les âmes égarées et les contraindre à se convertir à la religion catholique.

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L'église de Rome règne alors sans partage sur l'Europe et sur ses colonies.

Les peines infligées par ses tribunaux religieux allaient de la simple pénitence à la peine de mort, que l'église laissait à son bras séculier la charge d'appliquer.

Environ trois mille peines de mort furent alors prononcées pendant ces cinq siècles à travers l'Europe, à l'encontre de citoyens coupables de parjure.

Mais l'inquisition s'entendait moins comme un enjeu d'expansionnisme religieux que comme le renforcement d'un pouvoir centralisé, celui de l'église et des seigneuries locales qui lui étaient inféodées.

Le contrôle social, systématisé par la traque des comportements religieux prétendument déviants, n'était pour elle qu'un moyen de le pérenniser, en tuant dans l'oeuf toute velléité subversive.

Dans l'histoire plus récente, les mêmes logiques de pouvoir et de préservation de l'ordre établi ont produit des situations analogues, comme aux États-Unis entre 1950 et 1954, en pleine guerre froide,lorsque le maccarthysme ostracisa les citoyens américains de conviction communiste ou supposés l'être, voire suspectés d'avoir approché de trop près des coupables pré-désignés.

Tribunaux civils cette fois, condamnant à des peines d'emprisonnement des ressortissants dont le seul tort était d'être restés fidèles à leurs valeurs politiques.
Ce fût le prix que l'État américain accordait alors à la stabilité et à la préservation de son système politique conservateur et de son économie déjà libérale.

Soixante dix ans plus tard, au 21ème siècle déjà bien entamé, dans un monde ouvert, enrichi des connaissances pluridisciplinaires sans cesse réactualisées, les mêmes causes continuent de produire les mêmes effets.

En France en particulier, sous le règne quasi royal d'Emmanuel Macron et sa cour, affirmer des idées politiques alternatives est devenu passible d'ostracisation, et dans les cas plus radicaux, de peines d'emprisonnement.

Un arsenal juridique a récemment vu le jour, permettant aux forces de l'ordre de se fier à leur propre jugement pour décréter que les comportements ou propos d'un citoyen sont, ou non, potentiellement subversifs, et aux tribunaux de l'entériner le cas échéant.

Ce qui est sain pour la démocratie, à savoir le débat d'idées, l'altérité, la contradiction, représentent un risque, voire un danger pour un pouvoir autoritaire, en l'occurrence solitaire et basé sur la préservation des intérêts des classes sociales qui ont oeuvré, y compris financièrement, à son avènement.

Macron a le pouvoir et ne veut pas le céder.
Les classes aisées et les milieux économiques souhaitent ardemment que rien de change pour préserver leurs acquis.

Il n'en faut pas plus pour que les idées et points de vue hétérodoxes soient entachés de suspicion.

Et que militer pour une reconquête de l'environnement, remettre en question la légitimité du gouvernement israëlien, adhérer au principe d'un exercice indifférencié des cultes, reconnaître les droits des minorités, défendre la vision d'une économie plus redistributive, soutenir les droits des peuples colonisés à disposer d'eux-mêmes, pour ne reprendre que quelques thématiques très actuelles, prêtent aussitôt le flanc aux plus viles gémonies.

Certes, l'époque inquisitrice où l'on torturait ou tuait pour étouffer les voix discordantes est révolue.
De nos jours, l'inquisition s'est modernisée, empruntant des biais moins brutaux mais tout aussi pernicieux.

Elle s'est adaptée, tout simplement...

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