Bonjour à tous,
Je reprends mon journal new-yorkais après deux ans d’absence. Non pas que je ne sois pas revenu ici entre-temps, mais pas assez longtemps sans doute pour reprendre cette habitude d’il y a quelques années. Ceux qui ont manqué les épisodes précédents, qu’ils se rassurent, ils sont disponibles sur mon SITE Internet en téléchargement libre (format PDF)
Je vous écris d’un petit restaurant situé sur la rue principale de Mount-Vernon, au nord de New York. C’est là que mon ami Ricardo habite, dans une résidence au nom prometteur (Colonial Residence), bordée d’arbres et de buissons soigneusement taillés. Le tumulte de New York ici semble ici bien loin et le rythme est bien tranquille, même s’il ne faut qu’une demi-heure pour rejoindre Grand Central et la folie furieuse des rues du Mid-Town de Manhattan par train (Metro North). Après une journée de pluie, le soleil est revenu, et avec lui la chaleur et l’humidité.
Mardi soir, atterrissage à l’heure à JFK. J’avais une certaine appréhension à me présenter à la douane en tant que touriste alors que je suis programmé avec Miguel au prestigieux Festival de jazz de Newport ce dimanche avec le quartet de Rayuela, disque que nous avons cosigné et qui sort précisément ce jour-là sur tout le territoire américain. J’étais dans les premiers dans la file d’attente pour passer devant un officier, répondre aux traditionnelles questions, me faire prendre en photo et donner mes empruntes digitales. Si jamais je me fais gauler, je sais que je risque une interdiction de territoire de dix ans… Une fois encore pourtant, ça passe comme une lettre à la poste, et en cinq minutes je me retrouve devant les tapis roulants pour récupérer mon bagage. J’espère que c’est la dernière fois que je prends ce risque.

Dehors, je retrouve la chaleur et la moiteur de cette ville en été. Je prends un billet de bus pour Grand Central, la grande gare où m’attend Ricardo qui sort de son travail, pas très éloigné. Comme je l’ai déjà écrit dans une chronique précédente, il bosse dans un des dix plus grands cabinets d’avocats de la ville. En ce moment, il est réquisitionné sur une affaire qui fait grand bruit, un énième Madoff qui doit rendre des comptes pour les millions détournés. Le bus qui finalement s’ébroue devant le terminal de l’aéroport est plein à craquer, et j’entends et sens les amortisseurs claquer sous notre poids. Pas d’amortisseurs, mais Internet ! Comme je vais vite le vérifier, le Wifi est désormais accessible partout, et donc dans ce véhicule aussi. Chacun ses priorités.
À Grand Central, je retrouve donc mon Ricardo en plein forme et magnifique dans sa chemise à carreaux. Nous arrivons chez lui à minuit et demi, et je m’effondre à 1:00 du mat. Lendemain très matinal (6:00 du mat). Je vais chercher un café au restaurant d’où j’écris et qui sert les petits déjeuners aux travailleurs matinaux dès 5:00 du mat. Je vais tâcher de trouver un piano en ville sans me ruiner pour bosser la musique de Rayuela. Finalement, je loue une room à Michiko, près de Time Square, qui est le studio le plus fréquenté par les musiciens de jazz ici. C’est là que nous répétons demain avec Miguel. Je prends un train à 13:00 et vais retrouver Ricardo sous la pluie pour déjeuner (un sandwich de base, une salade, un petit bol de soupe, une bouteille d’eau, 25 $). Après quoi, je rejoins Time Square en métro (ligne M). Bonne session de travail. Dans le studio mitoyen, un jeune saxophoniste que je n’ai jamais vu (je peux regarder à qui j’ai affaire à travers la petite fenêtre) fait ses gammes et enchaîne des phrases avec un son et un time qui ne trompent pas ; je suis bien à New York.

En sortant à 17:00, je retrouve les rues en pleine ébullition. Tout est chargé d’électricité. Les annonces qui illuminent le carrefour de Time Square, bien sûr, mais aussi le vacarme des ambulances, les cris des coursiers à vélo, les klaxons des chauffeurs de taxi, le constant balancement entre la moiteur de l’air et les flux de climatisation que relâchent les grandes portes des immenses magasins de fringues, toujours plus rutilants et bondés de touristes épuisés… Je ne m’attarde pas dans cette orgie déprimante et file à Grand Central. Là, je prends un premier ticket que je perds entre le guichet et le quai. Je cours pour en prendre un second, et j’attrape le train de 6:20 qui est direct. En arrivant à Mount-Vernon (la station est Fleetwood), je fais trois courses au supermarché et je suis heureux de retrouver le calme de l’appartement de Ricardo. Sandwich, salade de pois chiches. Pour lutter contre le décalage horaire, je regarde un film qui s’avère être un pur chef-d’œuvre : Blue Valentine, de Derek Cianfrance, avec Michelle Williams et Ryan Gosling. Quel couple, quelle écriture et quelle mise en scène... Grande claque chaudement recommandée.
Je tombe de sommeil comme une pierre à 11:00, et je suis tiré de mon sommeil à 12:30 par Ricardo qui m’avait donné sa clef, et qui sonne depuis 10 minutes en bas… Ce matin, réveil à 6:30. Ménage, emails, et chronique, donc. Je vais manger un bout, faire une petite sieste, et retrouver mon ami Guilhem Flouzat qui fut mon élève à l’EDIM il y a cinq ou six ans, et qui a fait un beau chemin depuis. Il est à NYC pour la troisième année je crois, où il suit un cursus à la prestigieuse Manhattan School (que Miguel avait faite lui aussi). J’ai rendez-vous devant l’école à 17:00 où je vais pouvoir trouver une salle pour bosser une paire d’heures. Peut-être dînerons-nous ensemble après.
Demain, répète de quatre heures avec Miguel. Samedi, je vais retrouver mon ami Jérôme Sabbagh chez lui où nous allons voir les morceaux que nous jouerons lundi à Smalls en duo. Je profiterai de son piano pour une dernière séance de travail sur la musique de Rayuela. Le lendemain, dimanche, nous prenons le train pour Newport à Grand Central à 7:00 du mat. Nous sommes programmés pour monter sur scène vers 15:00. Après le concert, séance de signature de disques, puis retour à New York. mardi, session prévue chez Jérôme avec l’équipe de mon dernier disque en quartet, Eight Fragments of Summer, c’est-à-dire les explosifs Damion Reid (batterie) et Joe Sanders (basse).
The good life.
Bises à tous,
Laurent.