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Billet de blog 7 novembre 2025

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Pain, poison quotidien : comment la malbouffe a crucifié la baguette française.

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Illustration 1

Il fut un temps où le pain avait une âme.

Une croûte dorée, une mie vivante, un parfum de blé et de levain qui racontaient la terre, le travail et la lenteur. Aujourd’hui, ce même pain est devenu un produit industriel, gonflé à la levure chimique, blanchi à coups d’additifs et d’enzymes cachés, servi dans un sachet plastique qui sue la mort lente de nos estomacs.

Oui, la malbouffe a tué le pain.

Et pire encore : elle a tué l’idée même du pain, ce symbole de partage et de simplicité, devenu un simple “produit de boulangerie” calibré, congelé, réchauffé, vendu au mètre et avalé sans conscience.

Les chaînes de boulangerie poussent comme des champignons surgelés, vendant un rêve d’authenticité fabriqué en usine. Derrière la vitrine, c’est un décor de théâtre : farine trafiquée, levure turbo, cuisson minute et fausse odeur de fournil.

On ne pétrit plus : on programme.

On ne cuit plus : on réchauffe.

On ne nourrit plus : on remplit.

Et le pire, c’est que le consommateur applaudit.

Il mord dans sa baguette comme dans une illusion. Il croit manger du pain , il avale des agents de texture, du gluten trafiqué et des résidus de pesticides.

Le pain n’est plus le fruit du blé, mais celui de la chimie.

Et la malbouffe, discrète, avance dans nos placards comme un virus invisible.

Les supermarchés n’ont pas seulement transformé notre alimentation, ils ont redéfini notre rapport à la nourriture. On mange vite, on mange seul, on mange mort.

Le goût a disparu, la digestion s’étouffe, et le ventre devient le cimetière de tout ce qu’on a sacrifié sur l’autel du rendement.

Notre pain quotidien est devenu notre poison quotidien.

Pourtant, tout n’est pas perdu.

Des artisans résistants, les vrais, travaillent encore au levain naturel, respectent les temps de fermentation, choisissent des farines vivantes, non blanchies, non truquées.

Ceux-là, on ne les voit pas dans les centres commerciaux. Ils ne vendent pas de “baguettes tradition” à 90 centimes. Ils vendent du temps, de la patience, et un peu de vérité.

Alors, avant d’acheter ton prochain pain, pose-toi la question :

veux-tu te nourrir, ou te remplir ?

Veux-tu du pain ou de la poudre ?

Car à force de tout avaler, on finit par se faire avaler nous-mêmes  par le système qui nous gave et nous vide.

Le pain n’est plus rompu, il est rompu de sens.

Tant qu’on mangera du vide, on pensera creux.

Reprenons la main sur notre pain ou mourons à petit feu, le ventre plein et l’âme vide.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.