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Douze ans après : la police française, miroir brisé de la République
Par Laurent Cuenca, ex-policier et lanceur d’alerte
Douze ans après mon éviction forcée de la Police nationale, orchestré par des syndicats corrompus et excusé a l'époque par un Directeur Général, je dresse le constat amer d’un pays qui n’a rien appris, rien compris et surtout, rien changé.
Pire : tout ce que j’avais prédit en 2012 s’est matérialisé.
La fracture est là, béante, sous nos yeux. Et la police, censée être le bouclier de la République, en est devenue la pointe la plus blessante.
Une institution exsangue
Le discours officiel continue de promettre des « recrutements massifs », des « plans de modernisation », des « budgets historiques ».
Mais la réalité du terrain, elle, ne ment pas : effectifs insuffisants, matériel obsolète, conditions de travail dégradées. Les patrouilles tournent à flux tendu, les commissariats tombent en ruine, et les hommes, les femmes en uniforme, eux, s’épuisent jusqu’à la corde.
Le taux de suicides dans la police française n’est plus un chiffre : c’est une hécatombe.
Une statistique honteuse que l’État maquille, relativise, dilue dans les communiqués, comme on cache la poussière sous le tapis d’une maison en feu.
Car oui, la maison brûle. Et ceux qui l’habitent sont les premiers à s’asphyxier.
De gardiens de la paix à gardiens du désordre
La police que j’ai connue, déjà malade, n’était pas encore devenue ce qu’elle est aujourd’hui : un bras armé du pouvoir, un instrument d’intimidation politique.
Le maintien de l’ordre a remplacé le service public.
Le contact humain s’est effacé derrière le flashball et le drone.
Le citoyen n’est plus vu comme celui qu’on protège, mais comme celui qu’on contient.
C’est la dérive que j’avais dénoncée dès 2012, à une époque où parler revenait à se condamner.
On me traitait alors d’exagéré, de marginal, d’aigri.
Mais l’histoire m’a tristement donné raison : la police est devenue le champ de bataille d’un État qui a peur de son peuple.
Des syndicats complices et subventionnés
Et que dire des syndicats, ces fausses bouches de la colère ?
Ils sont toujours là, oui, plus bruyants que jamais quand il s’agit d’apparaître sur les plateaux télé, mais silencieux comme des tombes dès qu’il s’agit d’affronter les vraies causes du malaise.
Des syndicats hypertrophiés, arrosés de subventions, obsédés par leur représentativité et leurs postes dans les commissions paritaires, mais incapables de défendre les hommes et les femmes qu’ils prétendent représenter.
Ils ont trahi leur mission, trahi la base, trahi la vérité.
Leur rôle n’est plus de dénoncer, mais de neutraliser : neutraliser les voix dissidentes, étouffer les alertes, anesthésier la colère.
Ils sont devenus les tampons du pouvoir, les gestionnaires du désespoir policier.
Un système qui broie ses serviteurs
J’ai servi l’État. J’y ai cru. Comme beaucoup.
Mais l’État, lui, ne croit plus en ses serviteurs.
Il les use, les épuise, puis les jette.
Derrière les uniformes, il y a des hommes et des femmes qui pleurent, qui craquent, qui tombent.
Des familles détruites, des collègues brisés, des vocations réduites en cendres.
Et pendant ce temps, les discours officiels continuent d’enfler, les décorations pleuvent, les cérémonies se succèdent.
On dépose des gerbes pour les morts sans jamais se demander pourquoi ils sont tombés.
Parce que la vérité dérange.
Parce qu’elle expose la lâcheté d’un système où le courage est puni et la servilité récompensée.
Je suis bien content de ne plus en être
Aujourd’hui, avec le recul, je le dis sans détour : je suis bien content de ne plus faire partie de cette institution.
Non pas par désamour du métier, mais par fidélité à sa vocation première, celle d’être au service du peuple, pas du pouvoir.
Qui voudrait, en 2025, servir de chair à canon dans une police qu’on envoie au front contre sa propre population ?
Qui voudrait risquer sa vie pour un État qui vous abandonne dès que vous parlez ?
Je me suis battu pour dénoncer ce système.
J’ai payé le prix.
Mais si c’était à refaire, je le referais mille fois.
Parce que se taire, c’est trahir.
Et parce qu’une société qui méprise ceux qui la protègent est une société condamnée à la peur.
La République malade de sa police
La question n’est plus seulement celle de la police, mais celle de la République elle-même.
Une République qui se protège de ses citoyens au lieu de les écouter.
Une République qui préfère les blindés au dialogue, la matraque au débat, la répression à la réforme.
La police n’est que le miroir brisé d’un pouvoir qui se fissure.
Tant qu’on continuera à fermer les yeux sur les dérives, tant qu’on laissera les syndicats contrôler la parole, tant qu’on fera taire les lanceurs d’alerte, rien ne changera.
Et la prochaine génération d’agents connaîtra, elle aussi, l’amertume, le désenchantement, et peut-être la honte de servir un idéal qu’on a trahi.
Conclusion : rompre le silence
J’ai cessé d’être policier, mais pas d’être citoyen.
Et en citoyen, je le dis : ce pays a besoin d’une révolution morale.
D’une refondation de son rapport à la vérité, à la loyauté, au service public.
Il faut redonner un sens au mot Justice, un souffle au mot Police, et une âme au mot République.
Tant que les consciences dormiront, le système continuera à broyer les siens.
Mais je crois qu’il existe encore, quelque part, des hommes et des femmes debout — prêts à rompre le silence.
Parce qu’à force de vouloir faire taire ceux qui alertent, le pouvoir finira par ne plus entendre que le bruit de sa propre chute.