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Billet de blog 15 octobre 2025

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Les Prisons Francaises en état de mort cérébrale

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1

Vingt-huit ans au service de l’État : la loyauté avant tout

J’ai longtemps porté l’uniforme, celui de l’ordre, de la discipline et du service public.

J’ai servi la République avec droiture, croyant que la justice et la vérité étaient les fondements intangibles de notre société. J’ai vu le meilleur comme le pire, mais je n’aurais jamais imaginé, un jour, me retrouver de l’autre côté du miroir.

Le passage dans le monde carcéral, je ne l’ai pas choisi. Il m’a été imposé par les circonstances, par la mécanique implacable d’un système où l’homme, lorsqu’il dérange, peut être broyé aussi sûrement que ceux qu’il surveillait hier.

Cette expérience, brutale et injuste, a bouleversé ma vision du monde. Elle m’a forcé à regarder ce que, dans la fonction, on ne veut pas toujours voir : l’inhumanité du dispositif que nous servons parfois sans plus le questionner.

Le choc d’une réalité nue

J’ai découvert derrière les murs de nos prisons un monde en état de délabrement moral et matériel.

Des cellules surpeuplées, des cris étouffés, des regards perdus, des suicides.

Des hommes qui survivent, des surveillants qui s’éteignent, des vies suspendues dans un temps sans horizon.

J’ai vu un système tourner sur lui-même, sans plus de sens, sans plus de cœur, administrant la souffrance comme on gère des stocks.

Ce que j’ai compris, c’est que la prison n’est plus un lieu de réinsertion.

C’est une zone de relégation, un territoire de honte où la République cache ce qu’elle ne veut pas assumer : ses échecs éducatifs, sociaux, humains.

Tout ce que la société refuse de voir, elle le jette là, entre quatre murs, espérant que le silence fera le reste.

Un appareil d’État vidé de toute conscience

La machine administrative continue de tourner, froide, indifférente.

Elle obéit à la logique du chiffre, à la peur du scandale, à la communication politique.

Dans une logique de rentabilité bien huilée, le détenu est devenu une ressource économique.

Derrière les murs, il ne s’agit plus seulement de réinsertion, mais de production. Des sociétés privées, souvent liées par contrat à l’État, profitent d’une main-d’œuvre captive, docile et sous-payée. Le coût du travail y défie toute concurrence, tandis que les bénéfices, eux, s’additionnent.

Ainsi, le système carcéral se transforme insidieusement en machine à profit : moins un lieu de justice qu’un rouage économique où l’humain n’est plus qu’une variable d’ajustement.

Mais elle ne pense plus.

Elle ne se remet jamais en question, car elle ne le peut plus : elle a perdu sa capacité à douter, donc à évoluer.

J’ai vu, jour après jour, comment l’hypocrisie remplaçait la lucidité.

Comment l’État, qui prétend défendre la dignité humaine, ferme les yeux sur les humiliations qu’il cautionne.

Et comment le mensonge institutionnel finit par devenir un mode de gestion ordinaire.

C’est cela, la véritable mort cérébrale : un système qui continue à bouger, à parler, à produire des rapports — mais dont la pensée, la morale et la conscience sont déjà mortes.

Sous prétexte d’ordre, la République s’abandonne

Je le dis avec le recul d’un homme qui a connu les deux côtés de la barrière : la France punit aujourd’hui pour oublier, elle enferme pour masquer, elle réprime pour se donner l’illusion d’exister encore.

Sous couvert de sécurité, elle a perdu le sens de la justice.

Sous prétexte d’ordre, elle a renoncé à la compassion.

La prison n’est pas une institution isolée : elle est le miroir de notre société.

Tout ce que nous refusons de traiter en amont, la misère, l’ignorance, la maladie, l’exclusion, finit par s’y concentrer.

Ce que j’ai vu derrière ces murs, c’est notre propre effondrement moral mis à nu.

Un cri, pas un règlement de comptes

Ce livre n’est pas une vengeance. Ce n’est pas un procès.

C’est un cri d’alerte, un appel à la conscience.

Je ne cherche ni à accuser, ni à me plaindre, mais à témoigner.

À dire ce que beaucoup taisent, à montrer ce que l’on cache, à nommer ce que l’on préfère ignorer.

J’ai connu la loyauté, le devoir, le service. Et j’ai connu la désillusion, la solitude, la marginalisation.

Mais de cette traversée, j’ai tiré une vérité simple : un pays qui oublie sa propre humanité dans ses prisons finit toujours par la perdre dehors.

Aux responsables politiques : je suis prêt à témoigner

Aujourd’hui, je suis prêt à témoigner devant qui de droit.

Je le dis haut et fort : je ne me tairai plus.

Alors, Mesdames et Messieurs les Ministres, vous qui vous succédez au poste de Garde des Sceaux en prenant soin, à chaque fois, de balayer la poussière sous le tapis de la République, sachez que je suis à votre disposition.

Je suis prêt à parler sans langue de bois, à dire ce que j’ai vu, ce que j’ai vécu, et ce que je sais.

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Un livre coup de poing, une vérité sans fard sur les dérives d’un système qui préfère le silence à la transparence.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.