Laurent Cuenca (avatar)

Laurent Cuenca

Ecrivain / Voyageur

Abonné·e de Mediapart

15 Billets

0 Édition

Billet de blog 15 octobre 2025

Laurent Cuenca (avatar)

Laurent Cuenca

Ecrivain / Voyageur

Abonné·e de Mediapart

Les Tontons flingueurs revisité

Laurent Cuenca (avatar)

Laurent Cuenca

Ecrivain / Voyageur

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

 Les Tontons Flingueurs( version revisité)

Ils se connaissent depuis longtemps. Ils ont gouverné ensemble, mangé à la même table, échangé les confidences et les coups de main. Nicolas S, Claude G, Brice H, Éric W: quatre figures d’un pouvoir qui, sous couvert d’autorité et de sécurité, a souvent flirté avec la ligne rouge.

Au fil des années, les révélations s’accumulent comme les couches d’un mille-feuille d’État parallèle : financements occultes, valises d’argent liquide venues de Libye, transactions d’art douteuses, comptes à l’étranger, et témoins qui, par un hasard toujours malheureux, disparaissent ou se rétractent.

Au centre du dispositif, un système bien huilé. Claude G, bras droit et archiviste du clan, gère les “à-côtés” : les tableaux anciens qui valent des fortunes, les virements à Dubaï, les justificatifs improbables. Brice H, fidèle parmi les fidèles, protège le chef et entretient les réseaux de l’appareil sécuritaire. Éric W, trésorier de l’époque, joue le funambule entre les comptes de campagne et les circuits financiers à géométrie variable.

Et puis, il y a NS. L’homme pressé, toujours en mouvement, qui nie tout, s’indigne de tout, se pose en victime d’un acharnement judiciaire. Pourtant, chaque nouvelle enquête révèle un pan supplémentaire du puzzle : un document, un témoin, un transfert, un appel intercepté. Tout mène à un même faisceau d’intérêts, où l’argent, la politique et la diplomatie se confondent dangereusement.

Pendant que la justice s’essouffle à démêler les fils, les “tontons flingueurs” politiques avancent avec le sourire. Ils savent que le temps joue pour eux, que la mémoire médiatique s’émousse, que l’opinion oublie vite.

Mais les faits, eux, restent. Des mallettes libyennes aux tableaux de maître, en passant par les rétrocommissions et les pressions discrètes, tout laisse la trace d’un système où la République se fait complice, où la morale s’achète au prix du silence.

La France officielle regarde ailleurs. Eux continuent de dîner entre amis.

Les tontons flingueurs n’ont jamais vraiment quitté la scène, ils ont simplement changé de décor.

Les années ont passé, les procès se sont enchaînés, les micros se sont multipliés sur les pupitres des tribunaux. Et pourtant, rien n’a vraiment changé.

Les Tontons sont toujours là, plus discrets, plus vieux peut-être, mais toujours dans le coup.

Dans les dîners parisiens, on murmure que certains dossiers ont été “nettoyés”. D’autres, au contraire, refont surface, tels des fantômes qu’on croyait enterrés sous les tapis feutrés de la République. La justice, elle, avance à pas comptés, lestée par les pressions, les renvois et les oublis volontaires.

Claude G, l’homme aux mille secrets, continue de jurer qu’il n’a fait que “servir l’État”. On parle d’un coffre-fort, quelque part, contenant des documents explosifs sur les relations franco-libyennes, un sésame que beaucoup aimeraient retrouver avant qu’il ne parle.

Brice H, le fidèle lieutenant, multiplie les confidences off à des journalistes bien choisis : il relativise, dédramatise, minimise. Dans son monde, la morale est une variable d’ajustement, et la loyauté, une monnaie plus sûre que l’euro.

Éric W, lui, a pris de la hauteur. Discret, presque effacé, il laisse derrière lui les années des comptes de campagne et des meetings dorés. Certains disent qu’il garde la mémoire chiffrée de tout le système, à la décimale près.

Et puis NS, toujours au centre du théâtre. Entre deux plateaux télé, il rejoue le rôle du persécuté politique, citant la Bible et les grands hommes d’État, se posant en martyr d’une République ingrate. Son verbe est intact, son aplomb inaltérable.

Mais dans les couloirs, on raconte qu’il dort mal, que les fantômes de Tripoli ne lâchent pas prise.

Les témoins, eux, continuent de tomber. Certains se taisent à jamais, d’autres se rétractent au dernier moment. Comme dans un vieux film noir, la lumière s’éteint toujours au moment où la vérité semble prête à jaillir.

Au fond, rien n’a changé : les Tontons flingueurs politiques ont troqué leurs revolvers contre des cabinets d’avocats, leurs règlements de comptes contre des stratégies de communication.

La poudre a fait place aux communiqués de presse, mais la méthode reste la même : frapper fort, nier tout, et continuer à dîner entre amis.

Un matin gris de novembre, une rumeur s’échappe discrètement des couloirs du Palais de Justice.

Un témoin clé, qu’on croyait mort depuis 2015 dans un accident “troublant” sur une route du Maghreb, serait réapparu.

Pas en chair et en os ?, pas encore, mais par l’intermédiaire d’un enregistrement audio, déposé anonymement dans une rédaction parisienne.

Sur la bande, une voix éraillée, reconnaissable pour qui a connu les coulisses du dossier franco-libyen. Le témoin parle de mallettes, de réunions dans des villas sécurisées, de virements venus d’un fonds “diplomatique” dont le nom n’apparaît dans aucun budget officiel.

Les journalistes flairent le scoop du siècle.

Mais, comme toujours, la machine se met en marche.

Quelques heures après la réception du fichier, un communiqué tombe : “intoxication médiatique”, “faux grossier”, “manipulation étrangère”.

La vieille rengaine.

Sauf que cette fois, les preuves techniques dérangent : le son correspond à la voix du disparu, l’accent, les intonations, tout coïncide.

Dans l’ombre, Claude G s’agite.

Il appelle, il consulte, il nie. “Des inventions ! Des balivernes !”

Brice H, lui, adopte la stratégie du silence : une seule déclaration, bien calibrée, puis plus rien.

E.W évite les micros, NS sort du bois avec un ton de chef offensé :

“Encore un complot, encore une manipulation ! On veut me salir, moi qui ai toujours servi la France !”

Mais dans certains bureaux feutrés du Quai d’Orsay et de la DGSE, on commence à paniquer.

Car si le témoin n’est pas mort, il y a peut-être aussi des documents, des copies, des noms.

Et cette fois, la piste remonte plus haut qu’on ne le pense.

Une enquête parallèle s’ouvre, discrète, conduite par un magistrat obstiné, seul contre tous. Il veut comprendre ce qu’il est advenu des fonds libyens disparus, de ces millions évaporés entre Tripoli, Genève et Paris.

Son nom ne circule pas encore. Mais déjà, certains de ses appels sont écoutés.

Les Tontons, eux, sentent le vent tourner.

L’un part à l’étranger “pour raisons personnelles”.

Un autre consulte un avocat pénaliste réputé.

Un troisième se dit “lassé par le cirque médiatique”.

Et dans un studio parisien, un journaliste relit une phrase du témoin disparu, gravée sur le fichier audio :

“Ce que vous croyez enterré sous le sable de Libye dort aujourd’hui dans les coffres de France.”

Le silence qui suit en dit long.

Dans cette histoire, tout semble si précis, si réaliste, qu’on en oublierait presque qu’il ne s’agit que d’une fiction.

Du moins, officiellement.

Car si cette narration ressemble à des faits réels,

ce ne serait bien sûr qu’un malheureux accident.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.