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Billet de blog 16 octobre 2025

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On écarte ceux qui éduquent, on installe ceux qui endoctrinent.

En écartant le Planning Familial et d’autres acteurs de terrain de l’éducation au consentement, le gouvernement ouvre la porte à des officines pseudo-spirituelles qui prêchent la vertu et sèment l’obscurantisme. Sous couvert de neutralité, c’est la conscience républicaine qu’on bâillonne.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Depuis plusieurs mois, des associations comme le Planning Familial, qui intervenaient avec efficacité dans les écoles sur les questions de respect, de sexualité, d’égalité et de consentement, se voient écartées du dispositif officiel.

En apparence, il ne s’agirait que d’un « réajustement administratif ».

En réalité, c’est une régression orchestrée, une reprise en main idéologique maquillée en neutralité pédagogique.

L’État recule là où il devait avancer.

Quand on bannit ceux qui savent pour inviter ceux qui croient

Pendant des décennies, les intervenants du Planning Familial ont formé des générations d’élèves, d’enseignants et de parents à la prévention, à l’écoute et au discernement.

Ils ne diffusaient pas une idéologie : ils donnaient des outils pour comprendre, nommer, protéger.

Aujourd’hui, on leur tourne le dos, et à leur place, on invite des pseudo-associations “éducatives” au discours enjolivé “Alliance pour l’enfance”, “Chemins de sens”, “Éducation bienveillante et spirituelle”...

Derrière ces noms inoffensifs se cachent des réseaux ésotériques ou confessionnels, porteurs d’une morale de la pureté et d’un retour aux codes du silence.

Ils ne parlent pas d’égalité, ils parlent d’ordre.

Ils ne parlent pas de respect, ils parlent d’obéissance.

Et c’est avec eux que l’école de la République s’apprête désormais à traiter de l’intimité, du corps, du désir et du consentement.

Le faux-semblant de la “neutralité”

Le pouvoir invoque la neutralité, comme s’il s’agissait d’un rempart. Mais la neutralité n’existe pas face à la souffrance.

Refuser de nommer les violences, c’est déjà choisir un camp : celui du silence.

Et le silence, dans ce domaine, tue.

Chaque année, des milliers d’enfants subissent des violences sexuelles ou sexistes.

Chaque année, la société détourne le regard, faute d’oser prononcer les mots justes.

L’éducation à la vie affective et au consentement n’est pas un luxe : c’est un outil de survie démocratique.

L’écarter, c’est désarmer les consciences.

La peur des mots, la mort du sens

La République, en reculant sur ces questions, se trahit elle-même.

Car éduquer, c’est affronter le réel.

C’est apprendre aux enfants que leur corps leur appartient, que le respect n’est pas négociable, et que la liberté n’a de valeur que partagée.

Mais voilà que l’on préfère “protéger les sensibilités” plutôt que d’éveiller les esprits.

La peur du débat devient la nouvelle censure.

Le courage politique, lui, s’est volatilisé.

On n’instruit plus : on anesthésie.

Le prix du renoncement

Ce qui se joue ici dépasse la seule éducation sexuelle.

C’est le rapport de notre société à la vérité, à la responsabilité et à la liberté.

En écartant les acteurs de terrain compétents pour y substituer des officines moralisatrices, le pouvoir organise le retour de la culpabilité comme boussole morale.

Les enfants grandiront entre deux mirages : celui d’un puritanisme qui interdit, et celui d’un monde numérique qui déforme tout.

Entre les deux, plus de repères.

Et quand la conscience s’effondre, l’autorité revient.

Pire encore, on arrache aux parents le soin d’accomplir ce que faisaient jadis nos pères et nos mères : parler du respect, du corps, du consentement, de la pudeur et de la liberté. À force d’avoir peur d’offenser, l’État déresponsabilise les familles et infantilise les citoyens.

L’éducation au consentement n’est pas une lubie morale, c’est un apprentissage de la liberté. Mais dans un pays où l’on ne croit plus qu’à la gestion des crises et à la peur du scandale, il devient suspect de vouloir instruire.

Ce que la République oublie

L’école n’a pas été créée pour ménager les croyances, mais pour libérer les intelligences.

Elle n’a pas vocation à éduquer selon les dogmes, mais selon la raison.

Elle n’a pas à redouter les mots “sexualité”, “égalité”, “consentement” : elle doit les enseigner, parce qu’ils sauvent.

Si nous laissons la morale remplacer la connaissance, alors les enfants ne seront plus éclairés, ils seront surveillés.

Et c’est là que le pire commencera.

Conclusion : la lumière ou la nuit

Ne nous trompons pas de combat.

Ce qui est en train de s’éteindre, ce n’est pas une simple “campagne de prévention”, c’est une flamme de civilisation.

Une société qui a peur d’apprendre à ses enfants le respect et le consentement n’est pas une société prudente :

c’est une société malade de son hypocrisie.

Le choix est clair : ou bien nous laissons les esprits libres continuer d’éduquer, ou bien nous livrons nos enfants aux nouveaux inquisiteurs du “bien”.

Et quand l’éducation devient morale d’État, la République s’éteint doucement, dans le confort de sa propre lâcheté.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.