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Billet de blog 17 octobre 2025

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Manuel Valls, le retour de l’homme providentiel… pour les polémiques.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1

Il y a des hommes politiques qu’on oublie.

Et puis il y a Manuel Valls.

Lui, on ne peut pas.

Parce qu’il revient toujours, même quand personne ne l’attend.

Un peu comme une mauvaise connexion Wi-Fi : instable, bruyante, mais toujours là quand on voudrait enfin du silence. Le phénix des plateaux.

On croyait qu’il avait pris le large après son départ du ministère des Outre-mer, discrètement remercié dans un remaniement dont même les journalistes politiques ont oublié le numéro.

Mais voilà que l’ancien Premier ministre, ancien député, ancien candidat à Barcelone et éternel donneur de leçons morales refait surface, brandissant cette fois la carte maîtresse du polémiste : l’amalgame bien calibré.

Sa phrase, « la haine des Juifs vient essentiellement du monde arabo-musulman », a déclenché un tollé digne d’un 14 Juillet politique. Deux députés écologistes ont saisi la justice pour incitation à la haine, pendant que Manuel, impassible, joue la carte de la victime du “politiquement correct”.

Le schéma est désormais rodé : il provoque, il choque, il assume, il s’indigne d’être attaqué, et finit par revendiquer le statut de “seul à dire tout haut ce que les autres pensent tout bas”.

Le manuel du populiste centriste, en somme.

De Barcelone à la Bérézina

Mais revenons un instant à Barcelone, ce terrain d’aventure qui devait consacrer sa renaissance politique européenne.

Résultat : 277 000 euros d’amende pour financement irrégulier de campagne.

Pas mal pour un homme qui se rêvait champion de la transparence.

Le Tribunal des comptes espagnol a tranché : dépenses non justifiées, financements flous, opacité artistique.

Valls, lui, plaide la bonne foi, l’erreur comptable, le “malentendu administratif”.

L’homme du “retour de la morale républicaine” pris la main dans le sac des petits arrangements.

Il faut reconnaître à Manuel une cohérence remarquable : quand il parle d’exemplarité, c’est souvent parce qu’il a oublié d’en donner.

La gauche, cette vieille maîtresse qu’il renie mais qu’il cite encore.

Dans les colonnes du Point, on le présente comme « le dernier homme de gauche du gouvernement ».

Lui, de gauche ?

Certes, si la gauche se définit par la défense des riches, la méfiance envers les étrangers et la passion pour l’ordre policier, alors oui, Manuel est l’héritier direct de Jaurès.

Mais pour le reste, on a surtout affaire à un ancien socialiste recyclé en gestionnaire du désordre moral, un caméléon politique capable d’adapter son discours au thermomètre électoral.

Son vrai parti, c’est celui de la posture.

Pas d’idées, mais des symboles.

Pas de conviction, mais des coups d’éclat.

Pas de fidélité, mais de la visibilité.

Le soldat Valls : la patrie, c’est moi

On le retrouve aussi à Mayotte, où il s’érige en défenseur d’une France assiégée, accusant la Russie de manipuler les tensions diplomatiques.

Un soupçon de géopolitique, un zeste de virilité, une pincée d’autorité : la recette parfaite du ministre en mal d’applaudissements.

Le tout emballé dans un discours sur la “fermeté républicaine”, cette formule magique qui justifie tout, de la stigmatisation à la répression.

Mais derrière le vernis du patriote républicain, il reste le même : un homme politique obsédé par son image, par la “ligne droite”, au sens géographique comme idéologique.

La chute du Valls système

Au fond, Manuel Valls, c’est une métaphore de la politique française :

il n’a pas changé, mais continue de parler comme si tout le monde l’avait trahi ;

il croit être visionnaire, mais il ressasse toujours les mêmes refrains sécuritaires ;

il se dit libre, mais il tourne en rond autour de ses obsessions.

Il se veut “l’homme de la République debout”.

Il est devenu le symbole d’une République qui bégaie.

> “L’histoire ne repasse pas les plats”, disait Céline.

Valls, lui, a décidé d’ouvrir un buffet à volonté.

Et pendant qu’il nous rejoue la partition du courage politique, les Français, eux, passent à table… avec la note.

Manuel Valls ne reviendra peut-être plus au pouvoir, mais il a gagné autre chose : la garantie d’exister, coûte que coûte, dans un monde médiatique qui se nourrit d’outrances.

Il s’est fait sa place dans la galerie des revenants politiques, ces figures qui surgissent à chaque crise comme des vieux remèdes périmés qu’on ressort faute de mieux.

Alors posons la question, calmement :

Faut-il vraiment s’étonner qu’un pays en panne de repères applaudisse encore ceux qui en ont perdu depuis longtemps ?

Ou peut-être qu’au fond, Valls n’est pas le problème… mais le miroir.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.