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J’ai porté l’uniforme. J’ai cru en lui. J’ai cru en la devise, en la mission, en la promesse.
Protéger. Servir. Défendre. Trois mots qui, à l’époque, avaient encore un sens.
Mais cette époque est révolue. Aujourd’hui, la police que j’ai servie s’est transformée en une machine froide, au service d’intérêts privés, politiques ou économiques.
Autrefois, on veillait sur le peuple.
Aujourd’hui, on le surveille.
Autrefois, on protégeait les faibles.
Aujourd’hui, on protège les puissants.
Autrefois, on sécurisait les citoyens.
Aujourd’hui, on rentabilise la sécurité.
Je parle en connaissance de cause. J’ai vu de l’intérieur la lente corruption morale d’une institution qu’on voulait républicaine, et qui est devenue l’auxiliaire docile d’un État obsédé par le contrôle.
Quand je vois les chiffres, j’ai honte.
Rien qu’en 2023, lors des manifestations contre la réforme des retraites, plus de 500 manifestants ont été blessés selon les chiffres officiels. Et ce ne sont que les “officiels”… car la réalité, sur le terrain, c’est des dizaines de mains arrachées, des yeux crevés, des mâchoires pulvérisées par des LBD.
Durant le mouvement des Gilets jaunes, on compte plus de 2 500 blessés parmi les manifestants, dont 25 éborgnés et 5 mains arrachées.
Et combien d’enquêtes classées sans suite ?
Combien de bavures maquillées, réécrites, effacées des registres ? Trop. Beaucoup trop.
Je me souviens d’une époque où la police parlait encore aux citoyens. Aujourd’hui, elle leur aboie dessus.
Le “gardien de la paix” a cédé la place au “mainteneur d’ordre”. Le contact humain a disparu, remplacé par la suspicion généralisée. On ne protège plus les gens, on les gère.
On gère la foule, on gère le risque, on gère la colère. Comme on gère un stock.
Et puis il y a les ordres absurdes, les consignes politiques déguisées en directives administratives.
“Pas d’incident, mais du chiffre.”
“Pas d’état d’âme, mais de la fermeté.”
Les policiers sont devenus des techniciens du contrôle social, obéissant à une hiérarchie qui a troqué l’éthique contre la carrière.
Moi, j’ai vu des collègues brisés, perdus, vidés.
Des hommes et des femmes qui avaient voulu servir, et qu’on a transformés en instruments d’un pouvoir déconnecté.
J’ai vu des policiers s’endurcir pour ne plus ressentir.
D’autres s’enfermer dans le cynisme ou la violence pour ne plus réfléchir.
Et j’ai compris que le problème n’était pas l’homme, mais le système.
Ce système, aujourd’hui, n’a plus rien de républicain.
Il ne protège plus la démocratie, il la musèle.
Il ne défend plus le peuple, il le surveille.
Il ne sert plus la loi, il obéit au pouvoir.
Et pendant ce temps, les vrais criminels, les fraudeurs fiscaux, les corrompus, les politiciens complices, dorment tranquilles.
Leur sécurité, elle, est assurée.
C’est celle des autres, celle du peuple, qui ne vaut plus rien.
Je ne suis plus policier, mais je reste fidèle à ce que la police aurait dû être.
Je ne suis pas anti-flic, je suis anti-trahison.
Et aujourd’hui, je le dis haut et fort : la police a trahi le peuple.
Elle s’est prostituée pour un peu de pouvoir, pour quelques décorations, pour un semblant d’ordre.
Mais un ordre sans justice, c’est la tyrannie.
Et une police sans peuple, c’est une armée d’occupation.
Pourquoi j’ai décidé de parler
Je sais ce que je risque en écrivant ces lignes, bien que je ne soit plus soumis au "devoir de me taire".
Parce qu’en France, dire la vérité sur la police, c’est pire que de trahir l’État.
On devient un paria, un pestiféré, un “flic qui salit la maison”.
Mais moi, la maison, je ne l’ai pas salie. Je l’ai servie, jour et nuit, pendant des années.
Ce sont eux qui l’ont dévoyée. Ceux qui, depuis leurs bureaux climatisés, donnent des ordres qu’ils n’assument jamais.
Ce sont eux les vrais traîtres, pas ceux qui dénoncent, mais ceux qui mentent.
J’ai vu trop de choses pour me taire.
Des rapports modifiés, des vidéos “perdues”, des plaintes classées en un clic.
J’ai vu des jeunes tabassés “par erreur”, des familles humiliées “par précaution”, des citoyens gazés “pour l’exemple”.
Et chaque fois, la même phrase : “Tu comprends, c’est la procédure.”
La procédure, ce mot magique qui justifie tout, même l’injustice.
Je me souviens de ces visages, dans la rue, ces gens qui nous regardaient autrefois avec respect, et qui aujourd’hui nous regardent avec peur ou haine.
Ce regard, je ne pouvais plus le supporter. Parce qu’ils avaient raison.
La police n’est plus là pour les protéger, mais pour les contenir.
Et moi, je refusais d’être complice de cette dérive.
J’ai vu aussi les effets de cette machine sur les flics eux-mêmes.
Burn-out, divorces, suicides, alcool, désespoir.
Rien que sur les dernières années, plus de 40 policiers se suicident chaque année en France, c’est un chiffre monstrueux. Une hécatombe silencieuse.
Preuve que même de l’intérieur, beaucoup n’en peuvent plus, ils se taisent, parce qu’ils savent que parler, c’est mourir socialement.
Mais moi, j’ai choisi de parler. Parce que je préfère être libre que complice.
Je préfère être rejeté par les corrompus que respecté par les lâches.
Je n’ai plus rien à perdre, sauf ma conscience.
Et ma conscience, elle, ne se vend pas.
Je parle pour ceux qu’on a réduits au silence.
Je parle pour les citoyens qui n’ont plus confiance.
Je parle pour les flics qui n’osent plus lever la tête.
Je parle parce qu’un pays où la police sert les puissants contre les faibles n’est plus une démocratie.
C’est une mascarade. Une république d’apparat.
Alors qu’ils me jugent, qu’ils m’insultent, qu’ils me fassent taire s’ils le peuvent, mais tant qu’il me restera une voix, je dirai ce que j’ai vu.
Parce que la vérité, même étouffée, finit toujours par remonter à la surface.
Et le jour où elle éclatera, j’espère que la France se souviendra de ce que voulait dire le mot Justice.
A bon entendeur....
L. Cuenca
Ex lanceur d'alertes....Police Nationale ( ex Républicaine )