Laurent Eyraud-Chaume (avatar)

Laurent Eyraud-Chaume

comédien/conteur au sein de la compagnie Le pas de l'oiseau, rédacteur en chef d'Alp'ternatives

Abonné·e de Mediapart

32 Billets

1 Éditions

Billet de blog 17 juin 2013

Laurent Eyraud-Chaume (avatar)

Laurent Eyraud-Chaume

comédien/conteur au sein de la compagnie Le pas de l'oiseau, rédacteur en chef d'Alp'ternatives

Abonné·e de Mediapart

Budget de la culture et chanteur Bio. (chronique pour cerises)

Alors que l'Huma titre sur la baisse du budget de la culture, j'entends à la radio une ritournelle prévue pour l'été : "Je suis un chanteur bio". L'air de rien voici 2 airs connus qui chantent toutes nos contradictions.

Laurent Eyraud-Chaume (avatar)

Laurent Eyraud-Chaume

comédien/conteur au sein de la compagnie Le pas de l'oiseau, rédacteur en chef d'Alp'ternatives

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Alors que l'Huma titre sur la baisse du budget de la culture, j'entends à la radio une ritournelle prévue pour l'été : "Je suis un chanteur bio". L'air de rien voici 2 airs connus qui chantent toutes nos contradictions.

La baisse du budget de la culture a de multiples conséquences désastreuses : les projets annulés, les créations à minima, l'impact sur l'emploi. La montée du fascisme, et de la bêtise qui est sa meilleure alliée, est aussi un défi lancé à ceux qui font oeuvre d'une poétisation du monde. L'austérité en matière culturelle ne présage donc rien de bon. Pourtant, pour tous ceux qui souhaitent "commencer par les fins", la culture d'État n'est sans doute pas le bon chemin vers une émancipation humaine et partagée. L'État est un État de classe. Il choisit ses orientations en fonction de son appartenance. Pour le budget de la culture, il n'y a pas besoin d'une loupe. Les opéras, les musées, les grands équipements, qui avalent la majorité des budgets, sont destinés à une pratique de la classe culturellement dominante. Cette vérité simple n'est pas un jugement sur la qualité du travail de ces créateurs ou directeurs de gros "bateaux". Il sont nombreux à œuvrer à atteindre les classes populaires, appelées ici "publics empêchés". Ce sera toujours une culture d'en haut qu'on souhaite voir descendre. Il s'agira toujours, quelle que soit la variation du budget, d'une domination plus ou moins visible. L'État est rarement, in fine, un outils d'émancipation. Devons-nous faire de la lutte contre la baisse des budgets une priorité ? Comment pervertir, dans une période de repli et de "défense", la logique d'un État confisqué ? Les discours, plutôt convaincants, de notre ministre autour de la défense des "petits projets" et notamment de l'éducation artistique, sont contredits par 2 logiques : la tendance à la baisse des budgets et surtout une administration qui ne peut sortir du jour au lendemain de vieilles habitudes d'un ministère accaparé.

"Les artistes OGM mettent notre santé en danger." MAP

"Le chanteur bio" est d'abord une chanson à fredonner pour accompagner l'air du temps... et la métaphore est surtout potagère. Assurément, l'ancrage politique est fragile et la vocation est d'abord le tube plutôt que l'hymne de manifs... mais amusons-nous un instant. Que faire pour qu'un artiste, une création soit respectueuse de son environnement ? Sur quoi pourrait se baser la création d'un label "bio-culture" ? L'environnement d'une carotte, c'est la nature. L'environnement d'un artiste, c'est l'humanité. Un artiste bio respecte l'humanité. Il doit d'abord respecter toute la chaîne de production : de l'écriture à sa diffusion, de l'enregistrement au concert. Un chanteur bio est assuré que chacun soit payé pour son travail et qu'il n'y a pas de vol quand la production est diffusée. Pour respecter notre humanité, le chanteur bio ne considère pas son public comme un consommateur mais comme un citoyen libre. Il ne crée donc pas pour plaire (même si c'est permis) mais pour éveiller, émouvoir, apprendre... Il doit sans cesse faire le pari de l'intelligence sur la bêtise. Pour respecter l'humanité, il est impératif de ne pas la voler. Ainsi, le chanteur, même s'il rencontre le succès, ne doit pas se livrer à la loi mortifère de l'offre et de la demande qui fait grimper les prix à l'infini et assèche les caisses de lieux culturels publics. Imaginer un apiculteur qui vend son miel 100 € le kilo sous prétexte qu'il plait au consommateur... Les ventes de concerts du chanteur bio permettent simplement aux gens qui travaillent de vivre de leur métier. Enfin, un chanteur bio respecte l'humanité en diffusant son art mais aussi en développant les pratiques artistiques. Il s'implique dans mille et un projets qui font reculer la peur de son voisin et transforment les citoyens en artistes. Il prend soin de notre humanité. La mise en place de ce label n'aurait pas vraiment besoin de l'État. Il est temps de valoriser 3 acteurs de la vie artistique française : les artistes qui œuvrent à une poétisation du quotidien, les citoyens qui partout inventent des espaces pour l'art et les collectivités locales qui peuvent certes être des États dans l'État mais qui sont aussi, souvent, des espaces de concertations citoyennes.

Laurent Eyraud-Chaume, 14 juin 2013

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.