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Billet de blog 29 septembre 2024

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Notes sur la haine

Une question de vie ou de mort.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Qu’est-ce que la haine ?

La scène est celle-ci :

- il y a quelqu’un ou un nombre qui menace existence d’un ou d’un nombre ;

- car il y a cette menace : que l’identité d'un quelqu’un ou nombre soit détruite ;

- or cette identité décrit et nomme ce que ce quelqu’un ou nombre croit être ce qui le définit en tant que ceci ou cela ;

- et donc, la menace : que lui-même soit avec son identité détruit.

Toute haine est une question de vie ou de mort.

Autrement dit : celui qui hait se défend.

Cette défense est le bon droit même. Le droit à l’existence.

La haine est donc légitime. Rien n’est plus légitime.

Par conséquent les haineux adorent la légitime défense. Ils la veulent la plus étendue possible. Et sans discussion, puisqu’elle est l’évidence même.

Toute création d’identité crée de la haine et chaque haine est spécifique, elle appartient indissolublement à l’identité qui la crée.

C’est pourquoi il faut faire attention à l’adjectif qui la qualifie. Et l’adjectif qualificatif doit être relatif à l’histoire de l’invention de l’identité en question.

Travaillons nos adjectifs.

L’identité spécifique qui crée la haine spécifique définit ce qui est, ce qui existe : ce qui a droit à l’existence - et, par différence, ce qui n’existe pas.

La haine est un bon-sentiment car c’est une défense de ce qui est contre qui et quoi veulent détruire ce qui est.

On ne peut combattre la haine avec des bons-sentiments. Car les bons-sentiments du haineux sont plus légitimes que tout autre. Aucun tout-autre ne pourra rivaliser, ne pourra atteindre les sommets de cette seule question de vie ou de mort qui définit ce qui existe.

Au reste, au regard de la suprême vérité qu’est la grande question de vie ou de mort, tout autre bon-sentiment ne peut être que de mauvaise qualité, fragile, fissuré de toutes parts, ne peut être que de mauvaise foi.

Détruire ceux qui menacent l’existence des haineux est facile : les menaçants sont illégitimes et ils sont fragiles, réciproquement les défenseurs de l’identité sont légitimes et ils sont forts. On le sait, ils font sans cesse des querelles de légitimité et ils pratiquent le culte de la force.

Il y a une seule façon de se défendre définitivement, c’est de détruire à jamais ce qui menace, nommément : détruire celleux qui en veulent à votre identité et donc à votre existence en tant que ceci ou cela, etc. Les détruire, eux et leurs enfants, afin que la menace disparaisse pour des générations et des générations.

La promesse des guerres menées par les haineux : nous aurons éliminé ce qui nous menace de destruction. Alors nous serons en paix.

Le haineux menacé recherche la paix. Il aime la paix. Il la désire ardemment. De la même façon qu’il veut vivre – vivre selon ce qu’il est - qui est ce qui est.

Mais hélas ce qui menace ne peut pas être détruit car l’identité menacée ne peut pas être détruite puisque, tant que votre identité existe, qu’elle exige le droit à l’existence, elle produit la menace qui la définit ainsi que la haine spécifique qui l’accompagne nécessairement.

De sorte qu’on ne trouve pas la paix – cette impossibilité est le désespoir logé au cœur de la haine.

Peut-on imaginer une création d’identité qui repose, précisément, sur la reconnaissance de tout autre ?

Oui.

Mais faut-il vraiment créer quelque identité que ce soit ?

Est-il possible d'éroder la haine ?

Oui.

On peut voir la haine comme un cristal à plusieurs faces. Celle de la force et de la violence : elle peut être combattue ; l'exercice du droit peut être efficace. La face de l'identité et de la reconnaissance d'existence : pour être modifiée, rendue compatible avec d'autres formes d'existence, il faudrait qu'elle perde de son exclusivité - non pas à la façon d'une tolérance polie ou d’un effort héroïque de la raison - mais de façon pleine et entière - admettons que cela aussi soit possible - disons, possible parce que nécessaire. Une autre face est celle de la mauvaise foi et du mensonge - or, dans la société les forces de recherche de vérités sont puissantes, multiformes, nombreuses - que fait-on pour les reconnaître, elles ?

Et il y a encore d'autres questions, d'autres chantiers.

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En complément :

- "Fabriques de clichés" : https://imagine3tigres.net/poemes/poemes-improvises-sur-des-themes-siciliens-ou-crus-tels/article/fabriques-de-cliches

- "Fabriquer des contre-clichés" : https://imagine3tigres.net/poemes/poemes-improvises-sur-des-themes-siciliens-ou-crus-tels/article/fabriquer-des-contre-cliches

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