Dans la rue se soulève, sous les bannières, le mouvement des femmes et des hommes désireux de rappeler à la République ses obligations démocratiques, de convoquer cette France toujours en quête de sa propre exemplarité dans les grands moments de son histoire.

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À travers les marches, dans toutes les rues de France, apparaît une volonté commune : reprendre une part de pouvoir à ceux qui le détiennent, ramener le débat politique au centre de la vie publique et faire face à ceux qui le contestent au gré des amendements, des 49.3 et des violences policières1.
L’interdiction des manifestations de soutien au peuple palestinien2, les violences à l’encontre des Gilets jaunes ont confirmé que l’État refusait à la société civile le droit d’exprimer son désaccord, et ce, même pacifiquement. Pourtant, manifester est un droit, une liberté fondamentale que l’on bâillonne, étouffe, emprisonne de peur de voir se fédérer les citoyens.
Descendre sur le pavé, le drapeau à la main, constitue un acte politique, le moyen de sentir battre le poumon de la République. Et la régularité avec laquelle certains citoyens manifestent chaque samedi doit nous rappeler à quel point l’aspiration à la liberté est grande, à quel point la République a besoin de se frotter à cette contestation pour ne pas mourir enserrée dans un régime oligarchique qui n’entend ni ne tolère que le peuple manifeste son désaveu et sa volonté de faire partie intégrante des décisions de cette nation.
Certes, la République ne s’est pas édifiée dans la rue, et la République ne s’est jamais privée de rappeler à la rue qu’elle n’était en rien en droit de lui demander des comptes, réprimant férocement, écrasant par le sang les ouvriers, les insurgés, les Communards3, les Gilets jaunes…

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Cependant, la République est bien une émanation de l’énergie de la rue, la manifestation organisée du vote du peuple, du moins, le prétend-elle tout en dissuadant les citoyens d’y descendre, de fouler le pavé au risque de se voir condamner pour « trouble à l’ordre public4 » ou pire encore « apologie du terrorisme ».
Mais, quand les urnes ne servent plus à rien, quand le suffrage universel n’est plus représentatif et ne permet plus d’orienter la politique du pays : alors que reste-t-il au peuple, si ce n’est de gagner de nouveau la rue, clamer le drapeau à la main, la légitimité de sa voix.
- Des violences policières aux violences judiciaires https://www.monde-diplomatique.fr/2019/02/KEMPF/59541
- Amnesty : L’interdiction en France de toutes les manifestations de soutien aux palestiniens constitue une atteinte grave et disproportionnée au droit de manifester. https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2023/10/ban-on-protests-supporting-palestinians-is-disproportionate-attack-on-the-right-to-protest-in-france/
La République, la rue et l'urne, Samuel Hayat. « Cette rue subversive possède une autre caractéristique : la rue des révolutions victorieuses était représentative de l’ensemble du peuple, elle défendait l’intérêt général ; celle des manifestations est le lieu de revendications catégorielles, voire factieuses, où les foules sont toujours soupçonnées d’être sous l’influence d’ennemis de la société. » https://shs.cairn.info/revue-pouvoirs-2006-1-page-31?lang=fr#re2no2
Malgré l’interdiction du rassemblement parisien, confirmée par le tribunal administratif, plusieurs milliers de personnes se sont réunies samedi place du Châtelet, à Paris. D’autres manifestations, interdites ou autorisées, ont eu lieu un peu partout en France. Le Monde, 28 octobre 2023. https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/10/28/interdites-ou-autorisees-des-manifestations-pour-la-palestine-ont-eu-lieu-dans-plusieurs-villes-de-france_6197055_3224.html
Rassemblement pour Rima Hassan et Mathilde Panot, entendues pour « apologie du terrorisme ». Journal L’Humanité, 30 avril 2024. https://www.humanite.fr/politique/cgt/rassemblement-pour-rima-hassan-et-mathilde-panot-entendues-pour-apologie-du-terrorisme
Photos prises lors de la Manifestation de la France insoumise en soutien à la Palestine, 2024, Laurent Monserrat©.