Les politiciens professionnels doivent faire preuve d’un degré exceptionnel d’attention : l’électeur reste, comme dans une démocratie normale, leur souci constant, mais pour être manipulé plutôt que servi. Contrôler les médias audiovisuels, séduire les journalistes, analyser inlassablement les sondages : la démocratie non pas d’opinion comme on la qualifie parfois, mais de manipulation de l’opinion, définit un métier, avec ses virtuoses et ses tâcherons. Devenir chef de l’exécutif, en démocratie de manipulation implique que le candidat se concentre sur les moyens d’obtenir le pouvoir au détriment des fins, c’est-à-dire du programme et de l’action. Aucune contradiction en première analyse puisque l’élu devra présider sans réellement gouverner, laissant tourner la machine économique selon ses propres règles. L’absence de fin justifie les moyens.
Emmanuel Todd, Après la démocratie, Gallimard, 2008, 264 pages, page 228.