J’assiste Muzna Shihabi. C’est l’une des bêtes noires des adorateurs de la politique coloniale de l’État d’Israël. C’est un petit monde. Ils ont les mêmes indignations, ils réagissent aux mêmes évènements. La justice est leur chose. Ils s’octroient le droit de s’exprimer en son nom lorsqu’ils affirment – faussement – que Muzna Shihabi est « poursuivie par la justice française pour apologie du 7 octobre », ce à quoi la justice répond avec ses moyens, en condamnant pour diffamation. Ils font appel, c’est leur droit.
Ils portent sur la justice française un regard de propriétaires. Ils portent plainte contre quiconque critique l’objet de leur adoration et sa folle et ancienne politique d’écrasement du peuple palestinien. Ils sont en cela fidèles à l’objet de leur adoration : tout territoire à leur portée – et la justice française est à leur portée – a vocation à être occupé. Et la justice française se retrouve en effet « occupée » par leurs plaintes souvent fantaisistes. L’une de ces innombrables plaintes visait un post par lequel Muzna Shihabi s’était publiquement émue du bombardement d’églises à Gaza pendant les fêtes de Pâques : ils lui reprochaient une provocation à la haine antisémite. Une juge d’instruction y aura consacré des dizaines d’heures. Elle aura longuement entendu Mme Shihabi, comme elle est tenue de le faire. Puis elle aura fait ce que commande la justice, et peut-être la simple décence : elle aura refusé de la mettre en examen, parce qu’elle est aussi le gardien d’une liberté qui compte, celle d’exprimer ses émotions et ses révoltes, et même de dire ce que l’on pense de son oppresseur.
La justice française ne se soumet donc pas, et cela ne leur plaît pas. Parfois ils le disent avec beaucoup de bruit. Et parfois, quand ils sont vraiment très mécontents des juges, ils les injurient. C’est ce qu’ils firent lorsque les juges de la Cour nationale du droit d’asile osèrent dire, le 11 juillet dernier, que le peuple de Gaza est soumis à une persécution de l’armée israélienne depuis que celle-ci a unilatéralement rompu la première trêve à laquelle elle avait consenti, en janvier 2025, et que ce peuple doit être protégé (voir les réactions sur X de MM. Gilles-William Goldnadel et Meyer Habib).
Tout cela doit conforter ceux qui croient à la vertu et à l’utilité du droit : la justice n’appartient qu’à elle-même.