En 1621, l’anglais Robert BURTON a publié une somme de 2000 pages sur la Mélancolie, cette maladie de l’âme causée par le trouble de nos humeurs.
Aujourd’hui les médecins ne parlent plus de la bile noire – atrabile -, mais ils implorent la dépression "nerveuse".
Parmi les nombreuses causes que BURTON recense méthodiquement, à côté de la peur, de la honte et de l’envie, de la peine et du chagrin, de l’oisiveté et du surmenage, des terreurs et des moqueries, il y a la pauvreté et le besoin.
« Il te suffit d’observer le monde pour voir que les hommes sont en général estimés proportionnellement à leurs moyens et sont heureux proportionnellement à leur fortune(…) ; Qui a des chances de réussir et d’obtenir de l’avancement, sinon le riche ? Selon l’opinion générale, si un homme est fortuné, peu importe comment il a obtenu ses richesses, qui sont ses parents, quelles sont ses qualités, quel est le poids de ses vertus ou celui de ses vilenies ; peu importe qu’il soit un maquereau, un avare un usurier, un vilain, un païen… il suffit qu’il soit riche et il sera honoré (…) le bonheur ne peut que croitre et décroitre avec son argent…on dira de lui qu’il est un gracieux mécène, un bienfaiteur, un rejeton de Jupiter (…) »
« Ces gens riches, peu importe qu’ils soient épicuriens ou athées, libertins, machiavéliens, ils parviendront à entrer au paradis par le chat d’une aiguille (…) »
« A contrario, si cette personne est pauvre, ses jours sont misérables, elle est déprimée, rejetée et oubliée, légère de bourse et légère d’esprit. Cet homme a beau être honnête, sage, érudit, plein de mérite il peu de chances de s’élever (…) En tombant dans la pauvreté nous devenons sur le champs des esclaves misérables des vilains et de minables valets car être pauvre c’est être vaurien (…) il suffit de dire pauvre et on a tout dit ; ces gens-là sont destinés aux durs travaux, à la misère, à porter de de lourds fardeaux comme les bêtes de trait, à lécher du sel, à vider les latrines, nettoyer les caniveaux, transporter les ordures et le fumier, ramoner les cheminées ; et je ne parle pas de ces nègres africains, de ces pauvres travailleurs indiens qui s’écroulent chaque jour sous les fardeaux qu’ils transportent…ils sont laids à voir et quoiqu’ils aient été magnifiques autrefois, ils sont aujourd’hui rouillés et sales parce qu’ils sont pauvres (…) »
La mélancolie des gens pauvres traverse notre histoire en silence, parfois elle s’exprime, comme pour renverser « l’ordre que l’orgueil y a établi ».