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Billet de blog 25 novembre 2012

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Contrôles au faciès: "la pratique policière est trop ancrée pour être réformée en édictant simplement un principe de morale"

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Laurent Mucchielli est le directeur de l'Observatoire régional de la délinquance et des contextes sociaux à Aix-en-Provence. Il relaie régulièrement les rapports scientifiques effectués au sujet des contrôles au faciès sur son site Internet.

La polémique autour du contrôle au faciès révèle que certains associent délinquance et appartenance aux minorités visibles, ce lien existe-t-il vraiment ?

Ce lien relève d’un racisme ordinaire, le même qui revenait à stigmatiser les italiens installés en Provence au 19ème siècle. Certaines personnes constatent que dans des lieux où la population est colorée, des vols sont commis. Elles établissent tout de suite un rapport entre ces deux choses. Mais les questions de délinquance ne se réduisent pas à ce qui est visible sur la voie publique, un tas d'autres choses sont cachées. Elles peuvent se passer à l'intérieur de la famille, ou être commises par une élite en col blanc, dans les coulisses des beaux quartiers, et celle-ci a en général la peau très blanche.

Dans les quartiers pauvres, on va certes trouver des petits délinquants qui appartiennent souvent à une immigration récente, parce qu'ils sont concentrés dans les quartiers pauvres. Mais la plupart des habitants des quartiers précaires, également colorés, n'a jamais commis aucun vol. Dans le quartier le plus précaire de Marseille par exemple, la majorité de la population n'est pas délinquante.

Qu'avez-vous observé quant aux contrôles d'identité effectués par la police de Marseille?

Le contrôle d'identité est une pratique policière qui a été détournée. La loi préconise qu'il doit être déclenché s'il y a une raison de présumer qu'une personne vient de commettre ou est sur le point de commettre un acte de délinquance. Or, on constate aujourd'hui que la pratique a lieu sans aucune présomption ni preuve d'acte de délinquance. Comme il est impossible de contrôler chaque passant, cela est fait au faciès.

Comment empêcher cela?

Le récépissé est une façon intelligente de mettre la pression, pour obliger les policiers à laisser une trace de leur action. On peut également responsabiliser le policier en rétablissant son identité, ou du moins son matricule. Une autre option, plus radicale, consiste à changer la loi pour supprimer la possibilité de faire un contrôle sans raison tangible de soupçonner un acte de délinquance.
Le problème est que la pratique policière est trop ancrée pour être réformée en édictant simplement un principe de morale. Pour changer les pratiques, il faut d'abord agir au niveau légal et rétablir l'identité des policiers pour pouvoir se retourner contre eux.

Propos recueillis par Lauriane Morel

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