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Billet de blog 18 août 2024

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Pourquoi le PS refuse de s'engager vers une destitution d'Emmanuel Macron ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Emmanuel Macron, Président de la République, a décidé, le 9 juin dernier, le soir même des résultats des élections européennes, en se basant sur l'article 12 de la Constitution, de dissoudre l'Assemblée nationale. Cet article dispose qu'il devait consulter les 3 plus hauts personnages de l'Etat avant de procéder. Il n'a pas respecté le premier alinéa en les "informant" uniquement. Ce soir là, il a indiqué pour justifier sa décision : " Je ne saurais donc, à l'issue de cette journée, faire comme si de rien n'était". 

A l'issue des élections législatives, en raison de la volonté de tous les partis de gauche de se regrouper dans le NFP, d'un certain nombre de désistements républicains, le Rassemblement national n'est pas arrivé en tête (mais a gagné beaucoup de sièges) et la coalition du Président en a perdu beaucoup. 

Depuis, le gouvernement a réussi a remettre sa démission. Il est donc "démissionnaire" et règle les affaires courantes tout en préparant la rentrée (par Nicole Belloubet : il y aura bien des groupes de niveaux par exemple), et le budget (les lettres de cadrages viennent d'être envoyées avec un nouveau gel de 10 milliards pour le budget 2024), et ce ne sont que deux exemples. 

Mais le Président de la République n'a pas nommé de nouveau gouvernement. Dans un premier temps, il était compliqué de savoir qui nommer. 

Cependant, lorsque Lucie Castets a été choisie par la coalition arrivée en tête à l'Assemblée, il eût été constitutionnel de la nommer. Selon l'article 8 " Le Président de la République nomme le Premier ministre". Il ne le choisit pas. Il ne doit pas consulter les partis. Il le nomme.

Selon l'usage de la Vème République, il ne choisit effectivement pas la personne, elle est désignée, 2 exemples : en 1988, ce sera Michel Rocard, en grande inimitié pourtant avec François Mitterrand.  En 1993, ce fut Edouard Balladur qui fut nommé, alors que la personnalité la plus importante de la droite à l'époque était Jacques Chirac, qui ne souhaitait pas être Premier ministre. Le Président de la République nomme mais ne choisit pas. 

Le 23 juillet, le Président de la République, au lieu de lancer une campagne de diffamation ridicule contre elle, aurait dû nommer Lucie Castets au poste de Premier Ministre. Peut importe les jeux olympiques ou la couleur du ciel.  

Or, ce même 23 juillet, il annonce qu'il ne fera rien avant le 15 août.

Se passent les jeux Olympiques et nous, de nous retrouver avec un storytelling d'un Président jupitérien grâce à qui la France n'a jamais récolté autant de médailles. Il déclare à la fin des Jeux Olympiques " Nous qui avons vécu pendant deux semaines dans un pays où on a eu le sentiment que l'air était plus léger (...) On n'a pas envie que la vie reprenne ses droits". La sur-escalade au Moyen-Orient est insupportable, mais on a plein de médailles. Consternant. 

Le 16 août seulement, le même homme qui disait " Je ne saurais donc, à l'issue de cette journée, faire comme si de rien n'était", annonce qu'il convie les chef.fe.s de partis et de groupes à l'Assemblée nationale ... le 23 Août. Ne soyons pas trop pressés. Pourquoi maintenant et pas dès le 8  juillet ?  

L'article 68 de la Constitution ?

Comme il a été beaucoup commenté, le seul garant de la Constitution, c'est le Président lui-même. Il peut la piétiner, ne rien respecter, cette constitution a une grande faille à savoir que le Président a quasiment les pleins pouvoirs concernant l'application de la Constitution. Il est le seul garant de son application.

Il reste l'article 68 de la Constitution, notamment depuis la réforme de 2007. 

S'il ne le savait pas, ses conseillers lui ont rappelé : il ne faut pas trop jouer. Vous pouvez faire ce que vous voulez, mais ... on ne sait jamais. 

Les français adorent les séries américaines, et cela ressemblent beaucoup à la procédure d'impeachment.

Dans quelques jours, toute la twittosphère connaitra les moindres détails de cette procédure qui n'a jamais été mise en place. Et que LFI agite. Parce qu'il y a eu, selon eux un "manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat". 

Ne pas nommer un gouvernement, dérouler la procédure budgétaire, acte le plus important d'un gouvernement, avec l'orientation politique de la force la plus minoritaire de l'Assemblée, n'en déplaise aux commentateurs politiques, il s'agit bien d'un "manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat". 

Le fait de réunir les chef.fe.s de partis et de groupes le 23 août prochain est un bon argument pour montrer qu'il est à l'écoute, qu'il ne s'enferme pas dans un rôle de monarque. Et d'ailleurs, vient qui veut, l'invitation est large, même Lucie Castets peut venir ! Le Roi est trop bon. 

La procédure de destitution n'a que peu de chance d'aboutir, mais elle existe. Elle peut au moins être débattu à l'Assemblée nationale. Ce serait un vote pour ou contre la méthode anticonstitutionnelle de Macron qui l'obligera à nommer un.e Premier ministre. Et si le PR résiste encore, les élu.e.s seront compté.e.s et une nouvelle élection présidentielle aura lieu. 

Pourquoi le PS ne souhaite-t-il pas peser dans cette opération ? La réponse est dans la conséquence : l'élection présidentielle à venir.

Quittons le droit constitutionnel pour la politique.

Aujourd'hui, qui peut présenter un candidat crédible et qui peut gagner à la présidentielle ? 

Le rassemblement national, évidemment, avec une question à se poser cependant, à savoir s'il vaut mieux Jordan Bardella ou Marine Le Pen. Le risque est très grand. 

LFI ensuite, avec Jean-Luc Mélenchon, qui va se présenter comme recours, comme gauche utile, comme sauveur.

A droite, tout est ouvert, Pécresse, Ciotti, Wauquiez, Bertrand : un festival de possibilités comme de lignes. Aucune chance de gagner. 

Dans le bloc centre droit, futur-ex présidentiel, on imagine Edouard Philippe. On ne sait jamais, le vote utile. 

Mais pour la gauche de gouvernement, le PS ? Personne ne se détache. Cela ne veut absolument pas dire qu'il n'y a personne de présidentiable au PS. Il y a beaucoup de talents. Et le PS est déconcentré. Les baron-ne-s locaux n'ont pas été capable de s'imposer comme Premier ministre, alors comme Président ... Mais si le challenge n'est pas le même. 

Il reste Raphaël Glucksmann. La révélation des élections européennes. Mais il n'est pas du PS. Il est de Place publique. Et Olivier Faure le sait très bien, car il fait tout pour s'en débarrasser, maintenant que PP a réussi à refaire une santé au PS. (et le PS de donner de la visibilité à PP). 

Raphaël Glucksmann est la personnalité de gauche préférée des français et il est à la tête, avec Aurore Lalucq, à la tête d'un petit parti qui commence à prendre de l'ampleur, Place Publique. 

Pour le PS, une élection présidentielle maintenant, cela veut dire, devoir se mettre en ordre de marche derrière Raphaël Glucksmann. Or le PS se reconstruit depuis l'élection présidentielle de 2022. La NUPES a permis a des candidats PS d'être élus, d'autres candidats l'ont été grâce à leur notoriété; au total, un groupe de 28 députés PS et apparentés a pu être sauvé.

La campagne des élections Européennes cette année avec Place Publique, a été menée au bénéfice d'un bel arrangement : la force de frappe de l'appareil socialiste avec en tête de liste un homme totalement légitime au parlement européen et engagé dans de nombreux combats humanistes. Un beau score, qui a révélé Raphaël Glucksmann, un peu plus que prévu. Ce n'est pas tout à fait réussi pour le PS, car ce bon score est à partager. Viennent les élections législatives surprises, avec des négociations qui doivent être rapides. Pour le programme, ce sera surtout LFI et PP qui auront le lead sur les idées. Pour les circonscriptions, il faut davantage de bouteille et PP se fait avoir. 

Sans candidat, le PS n'a donc aucun intérêt à revendiquer des élections présidentielles.

Est-ce la bonne stratégie ? 

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