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Billet de blog 21 mai 2015

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Réfugiés syriens au Yémen : déplacés par une guerre, condamnés par une autre

Après avoir fui la violence dans leur pays, les réfugiés syriens au Yémen sont de nouveau en danger. Imaginez qu’un jour, vous vous réveillez chez vous, englué dans une guerre que vous n’aviez pas prévue. Des bombardements aériens ont détruit votre maison. Des incendies éclatent de toutes parts. L’odeur des combats est partout, vous êtes cerné par la guerre...

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Après avoir fui la violence dans leur pays, les réfugiés syriens au Yémen sont de nouveau en danger. Imaginez qu’un jour, vous vous réveillez chez vous, englué dans une guerre que vous n’aviez pas prévue. Des bombardements aériens ont détruit votre maison. Des incendies éclatent de toutes parts. L’odeur des combats est partout, vous êtes cerné par la guerre... Vous n’arrivez pas à joindre vos proches et craignez pour leur vie. Les banques ont fermé. Vous n’avez plus d’argent. Vous emportez ce que vous pouvez et fuyez avec votre famille vers un autre pays, espérant trouver de l’aide, la sécurité et la paix.

Mais très vite, ce pays sombre lui aussi dans la guerre. Toujours plus de tirs, de bombardements, de destructions. Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés (HCR) vous a accordé le « statut de protection temporaire », mais au milieu des raids aériens aveugles, cela ne signifie pas grand-chose. Vous espérez fuir le Yémen pour un autre pays, n’importe lequel. Mais, alors que d’autres expatriés sont évacués, un officier international vous informe qu’en tant que Syrien et détenteur de ce fameux « statut de protection temporaire », vous devez rester : « Quel pays pourrait vous accueillir ? »

En définitive, vous n’avez nulle part où aller. Et sur place, personne ne peut vous aider. Je suis l’un des 15 000 Syriens luttant pour survivre au Yémen. Nous ne vivons pas dans des camps, mais dans les villes, dissimulés parmi les plus pauvres et les plus vulnérables. Seuls 3 000 Syriens sont considérés comme réfugiés par le HCR. Nous ne connaissons personne. Beaucoup sont bloqués à Aden sans eau ni nourriture, craignant de se faire tuer s’ils quittent leur logement. D’autres ont fuient leur maison et font du porte-à-porte, espérant trouver de l’aide. Certains ont cherché refuge dans les villages voisins. Mais après ? Sans revenus ni assistance, comment pourront-ils survivre aux longs mois de guerre ?

Je connais une famille qui vit à Sanaa. Avant l’escalade du conflit, le père, qui avait la chance d’avoir un emploi, a été gravement blessé sur son lieu de travail. Son état de santé est préoccupant et nécessite des soins intensifs. Mais à cause de la guerre et des pannes d’électricité récurrentes, l’hôpital a dû fermer le service qui l’avait pris en charge. Cet homme ne peut plus s’occuper de sa famille. Sa femme et ses deux jeunes fils n’ont pas de ressources. Les familles syriennes, qui luttent pour survivre, cherchent désespérément un signe d’espoir.

Je travaille pour l’ONG humanitaire CARE, l’une des rares organisations internationales à soutenir les réfugiés syriens au Yémen. Ces derniers mois, j’ai été débordée d’appels téléphoniques et de demandes de réfugiés cherchant un lieu sécurisé. Nous sommes venus en aide à près de 10 000 Syriens. Mais cela ne suffit pas. Où est l’aide d’urgence nécessaire en ces temps difficiles ? Les besoins du Yémen sont considérables. 300 000 Yéménites ont également été déplacés par les combats. Qui aidera ces centaines de milliers de personnes affectées par le conflit, et ceux qui ont cherché refuge là où les attendait une nouvelle guerre ?

Pour beaucoup, la question n’est pas « voulons-nous nous échapper ? » mais « où pouvons-nous aller ? » Certains réfugiés syriens préféreraient même retourner en Syrie, choisissant le risque d’être capturé ou tué dans leur pays, plutôt que d’essayer de survivre ici. À l’heure où les gouvernements européens discutent de la question des migrants, nous, réfugiés syriens au Yémen, qui avons déjà dû fuir une première fois, rappelons que c’est la volonté de survivre qui conduit à risquer sa vie dans des voyages difficiles en pleine mer.

Alors que l’attention médiatique passe d’un conflit à l’autre, au nom des milliers de réfugiés piégés dans une autre guerre, n’oubliez pas les réfugiés syriens, au Yémen ou ailleurs.

Par le Dr. Hala Mejanni, réfugiée syrienne et chef de projet de l’ONG CARE au Yémen

En savoir plus : www.carefrance.org

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