Chap 8. Souffle qui s’éteint…
Plan détaillé
1-Mort des civilisations, fin de l’humanité ?
2-Mort : la sienne
3-Mort : suicide…
4-Mort des êtres aimés
5-Mort et humour
6-Mort : sens… quel sens ?
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1-Mort des civilisations, fin de l’humanité ?
Nous autres civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles.
Paul Valéry
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Nous avions entendu parler de mondes disparus tout entiers, d’empires coulés à pic
avec tous leurs hommes et tous leurs engins (…) Nous apercevions à travers
l’épaisseur de l’Histoire, les fantômes d’immenses navires qui furent chargés de
richesse et d’esprit. Nous ne pouvions pas les compter. Mais ces naufrages, après
tout, n’étaient pas notre affaire. Ninive, Babylone étaient de beaux noms vagues et la
ruine totale de ces mondes avait aussi peu de signification pour nous que leur
existence même. Mais France, Angleterre, Russie… ce serait aussi de beaux noms
(…) Et nous voyons maintenant que l’abîme de l’Histoire est assez grand pour tout le
monde.
Paul Valéry
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Pourquoi y a-t-il un devoir de mémoire ? C’est certainement une dette. Nous avons
une dette à l’égard des morts et c’est cela qui nous donne une mémoire longue, une
identité durable et puis peut-être aussi que nous avons à nous délivrer de la
culpabilité du passé en mettant à plat, en mettant au clair notre mémoire et donc il y
a toute une thérapeutique. Alors peut-être aussi qu’il faut délivrer le passé de ce qui
est simplement révolu, que l’on ne peut plus changer et retrouver les promesses
inaccomplies du passé et de ce qui dans le passé est aussi un projet.
Paul Ricœur
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L’humanité se vivait comme infinie car elle était une abstraction. Les dangers qui la
guettent lui révèlent à la fois son existence et sa mortalité.
René-Jean Dupuy
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2-Mort : la sienne
Jamais les crépuscules
Ne vaincrons les aurores
Etonnons-nous des soirs
Mais vivons les matins
Méprisons l’immuable
Comme la pierre ou l’or
Sources qui tariront
Que je trempe mes mains
En l’onde heureuse.
Apollinaire
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On se réjouissait à ta naissance et tu pleurais. Vis de manière que tu puisses, au
moment de ta mort, être dans la joie et les autres dans les pleurs.
Proverbe Perse
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L’homme vient au monde les mains closes, il le quitte les mains ouvertes.
Proverbe d’Inde
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Tout est en cours de transformation. Toi-même tu es en état de transformation
continue et, à certains égards, de dissolution. De même pour l’univers entier.
Marc-Aurèle
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La vie, peu à peu, nous déloge de partout.
Jean Rostand
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Lorsqu’au cœur de la vie nous nous croyons elle ose soudain pleurer en nous.
Rainer-Maria Rilke
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Je veux que la mort me trouve plantant mes choux mais nonchalant d’elle et encore
plus de mon jardin imparfait.
Montaigne
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Dès qu’un homme est né il est assez vieux pour mourir.
Heidegger
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Corps, vieux compagnon,
Nous périrons ensemble.
Comment ne pas t’aimer
Forme à qui je ressemble,
Puisque c’est dans tes bras
Que j’étreins l’univers.
Marguerite Yourcenar
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Ma poésie infortunée
Aura-t-elle mes yeux pour voir ?
Garderai-je odeurs et couleurs
Lorsque, détruit, je dormirai ?
Pablo Neruda
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L’homme est un-être-pour-la-mort.
Heidegger
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Je vais être appelé à passer sur l’Autre Rive, à rendre « la barque prêtée » comme
disait mon père.
J’avoue ne pas être pressé, il me faudrait encore quelque deux cents ans pour, peut-être,
épuiser ma soif de curiosité (…) Je ne suis pas inquiet de franchir le passage,
j’en éprouve même une extrême curiosité, je me cristallise sur la question de savoir
s’il y a quelque chose de l’autre côté du voile. C’est un prodigieux problème que cet
Au- Delà.
Théodore Monod
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Je suis dans ma trente troisième année. J’ai passé trente-deux fois devant le jour et
l’heure de ma mort comme on passe devant la porte d’une maison qu’on habitera un
jour et qu’on ne pense pas à regarder.
Julien Green
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(…) Pourquoi la mort nous inquiète-t-elle à ce point ? C’est qu’elle nous paraît liée à
la souffrance et à l’inconnu.
Peut-on vivre paisiblement, malgré cette peur ? Voila tout le problème de la mort. Or,
indéniablement, la réponse est oui, quels que soient les aléas de la sensibilité de
chacun.
La souffrance fait peur ; mais la mort n’est pas synonyme de souffrance : il existe des
souffrances non-suivies de mort et des morts sans souffrance. (…)
L’inconnu fait peur ; mais la mort n’est pas de l’inconnu, elle n’est rien. Il y a plus de
mystère en un seul être vivant que chez tous les défunts. Au soir de sa vie, le
philosophe Jankélévitch, qui avait longuement réfléchi sur la mort, dut conclure qu’il
n’en pouvait rien dire : comment parler de rien, en effet ?
Nous ne craignons pas tant de mourir que de cesser de vivre ; mais cette peur aussi
repose sur un malentendu. Dans une formule indépassée, Epicure avait résumé la
situation : tant que nous vivons, la mort n’est pas là ; lorsque la mort est là, nous ne
sommes déjà plus.
On le voit mieux avec la mort des êtres chers, laquelle est la plus terrible : nous
craignons qu’ils ne subissent un sinistre destin, alors que c’est nous, les vivants, qui,
amputés d’eux, souffrons de solitude et d’abandon. Cessons donc de craindre la
mort et fortifions notre vie.
Albert Memmi
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Je pense évidemment à la mort. Mais peu, aussi peu que possible. Pour en avoir
moins peur, j’ai appris à vivre avec une idée très simple, très peu philosophique :
brusquement tout s’arrête et c’est le noir absolu. La mémoire est abolie. Ce qui me
soulage et m’attriste, car il s’agira là de la première expérience que je ne pourrai pas
raconter. »
Gabriel Garcia Marquez
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Approche-t-il du but, quitte-t-il ce séjour
Rien ne trouble sa foi : c’est le soir d’un beau jour.
Jean de La Fontaine
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De même qu’une journée bien employée procure un heureux sommeil, une vie bien
remplie nous laisse mourir en paix.
Léonard de Vinci
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Qui nous a retournés de la sorte que nous ayons dans tous nos actes l’attitude de
quelqu’un qui s’en va ? Et comme sur la dernière colline qui lui montre encore une
fois la vallée tout entière, il se retourne et tarde…
Tels nous vivons, à chaque pas prenant congé.
Rainer Maria Rilke
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Toute la masse d’arôme de ces fleurs pour rendre sereine la nuit qui tombe sur nos
larmes.
René Char
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Nous sommes de l’étoffe dont les rêves sont faits et notre petite vie est entourée de
sommeil.
William Shakespeare
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Nous craignons toutes choses comme mortels et nous désirons toutes choses
comme si nous étions immortels.
La Rochefoucauld
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Tant que je vis je suis un homme mortel
Mais quand je meurs, cessant d’être un homme,
je cesse aussi d’être mortel,
je ne suis plus capable de mourir.
Maurice Blanchot
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L’homme passe sur cette terre comme un long sommeil
adouci par les rêves et qu’éveille la mort.
Jacques Phytilis
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Mort, la seule de mes aventures que je ne commenterai pas.
François Mauriac
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Etre seul c’est s’entraîner à la mort.
Ferdinand Céline
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On n’apprend pas à mourir en tuant les autres.
François de Chateaubriand
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Ô Energie de mon Seigneur (…)
Ce n’est pas assez que je meurs en communiant,
Apprenez moi à communier en mourant.
Pierre Teilhard de Chardin
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Vieil homme recru d’épreuves, détaché des entreprises, sentant venir le froid éternel,
mais jamais las de guetter dans l’ombre la lueur de l’espérance.
Charles de Gaulle
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La mort ne nous concerne pas car tant que nous existons la mort n’est pas là et
quand vient la mort nous n’existons plus.
Epicure
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Il faut quitter la vie comme Ulysse quitta Nausicaa, en la bénissant et non amoureux
d’elle.
Nietzsche
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Je regarde le dernier coucher de soleil
J’attends le dernier oiseau
Je lègue le néant à personne.
Jorge Luis Borges
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Pourquoi nous disputer la montagne ou la plaine
Notre tente est légère, un vent va l’enlever.
La table où nous rompons le pain est encore pleine
Que la mort, par nos noms, nous dit de nous lever!
Alfonse de Lamartine
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« Le métier de vivre » comme disait Pavese, n’est pas autre chose que le « travail du
deuil » comme disait Freud et c’est ce que François George résume en une phrase:
« Vivre c’est perdre ».
André Comte-Sponville
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La vie est une succession de séparations par lesquelles on ne cesse de grandir. A
chaque instant on meurt à soi-même, à l’autre, au monde, au temps. (…) Le deuil
comme un apprentissage, vivre malgré tout, car « vivre c’est perdre ».
André Comte-Sponville
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Puis je regarderai
Le haut de la colline
Qui danse qui se devine
Qui finit par sombrer
Et dans l’odeur des fleurs
Qui bientôt s’éteindra
Je sais que j’aurais peur
Une dernière fois.
Jacques Brel
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Seigneur donne à chacun sa propre mort
La mort que cette vie comporte
Où il connut l’amour, le sens et la tendresse.
Car nous ne sommes rien que l’enveloppe et la feuille.
La grande mort, que chacun porte en soi,
Elle est le fruit, elle est le centre.
Rainer Maria Rilke
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Quand je serai mort on ne me fera plus souffrir.
Paul Claudel
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Que nul ne meure qu’il n’ait aimé !
Saint-John Perse
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Un jour, je pousserai la porte et je vous nommerai le monde des oiseaux par leurs
plumages reconnus, les soirs d’été, l’eau sur toit, le soupir…
Debout, réconciliée dans le visage des journées avec la maison noire dans le dos…
Tellement j’ai espéré ce jour, tellement espéré.
Jacques Bertin
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Cinquante quatre ans
Que j’accroche des étoiles dans le ciel
Maintenant je saute au travers
Quel fracas !
Eihei Dôgen
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Il est temps que parte l’oiseau. Le refuge bientôt sera vide. Le chant réduit au
silence, le nid abîmé dans la poussière par le balancement des branches.
Avec les feuilles mortes les fleurs fanées je m’envolerai au crépuscule dès l’aube
dans le vide sans bornes par delà les rives du couchant.
Que longtemps cette opulente terre m’offrit l’hospitalité, tantôt du prodigue printemps
je reçus l’invite, capiteuse senteur des bourgeons des manguiers, la fleur d’ashoka
me fit signe en demandant des airs que j’infusai d’amour; quelquefois sous l’orage
battant de Baishakha, le sable brûlant m’étrangla la voix, me figea l’aile – de tout cela
je suis heureux en hommage à la vie.
Lorsque s’interrompt le périple épuisé de cette rive, me retournant le temps d’un
instant d’un humble salut en adoration devant le Seigneur de cette existence, je m’en
irai.
Rabindranath Tagore
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3-Mort : suicide
Le suicide n’est qu’un mal social et non pas un crime moral.
Emile Durkheim
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Si je me suicide ce ne sera pas pour me détruire mais pour me retrouver
complètement.
Antonin Artaud
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L’homme qui attente à ses jours montre moins la vigueur de son âme que la
défaillance de sa nature.
François René de Chateaubriand
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Nul n’éprouve de velléité du suicide qui ne soit une impulsion au meurtre d’autrui
retourné contre soi-même.
Sigmund Freud
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Celui qui se suicide est le prisonnier qui, voyant que l’on dresse un gibet dans la
cour, croit que c’est à lui qu’on le destine, s’évade la nuit de la cellule, descend dans
la cour et se pend soi-même.
Franz Kafka
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Es-tu réduit à l’indignité ? Sors de la vie avec calme.
Marc Aurèle
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Défaite ou non du suicide cela a peu d’importance si, par son suicide, il a témoigné
de deux choses : de son courage et de sa domination.
Henri de Montherlant
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Il te plaît de vivre, vis. Il te déplaît, retourne d’où tu viens.
Sénèque
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Le suicide procède de l’impuissance où l’on se trouve d’abolir exactement un certain
mal.
Paul Valéry
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En certaines situations il n’y a place que pour une alternative dont l’un des termes est
la mort. Il faut faire en sorte que l’homme puisse choisir la vie.
Jean-Paul Sartre
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4-Mort des êtres aimés
A l’heure de l’adieu, en partant loin de toi, mes yeux se sont vidés tout d’un coup de
lumière, et je suis resté aveugle à force de pleurer.
Hafez
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Chaque nouveau mort en descendant dans notre souvenir dérange parfois ceux qui
l’y ont précédé. Ils protestent, et ainsi se déroulent en nous de sourdes querelles
d’ombres.
Jean Rostand
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Jusque-là, je n’avais jamais été intéressée par la mort. Je ne comptais pas avec elle.
Seule la vie importait. La mort ! Un rendez-vous à la fois inéluctable et éternellement
manqué, puisque sa présence signifie notre absence. Elle s’installe à l’instant où
nous cessons d’être. C’est elle ou nous. Nous pouvons en toute conscience aller au devant
d’elle, mais pouvons-nous la connaître, ne fût-ce que le temps d’un éclair ?
J’allais être à tout jamais séparée de qui j’aimais le mieux au monde. Le « jamais
plus » était à notre porte. Je savais que nul lien sauf mon amour, ne nous relierait. Si
certaines cellules plus subtiles, que l’on appelle âme, continuent à exister, je me
disais qu’elles ne pouvaient être douées de mémoire et que notre séparation serait
éternelle…
Je découvrais le malheur, il me fallait remonter jusqu’à mes souvenirs d’enfance,
pour retrouver, de façon insurmontable , ce noir de nuit et de suie, ce sentiment
d’enlisement, d’étouffement.
Je t’ai trop aimé pour accepter que ton corps disparaisse et proclamer que ton âme
suffit et qu’elle vit. Et puis comment faire pour proclamer: ceci est ton âme, ceci est
ton corps. Ton sourire et ton regard, ta démarche et ta voix étaient-elles matière ou
esprit ? L’un et l’autre, mais inséparables… Tu fus mon plus beau lien avec la vie. Tu
es devenu ma connaissance de la mort. Quand elle viendra, je n’aurai pas
l’impression de te rejoindre, mais celle de suivre une route familière déjà connue de
toi.
Anne Philippe
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La séparation des corps est une détresse plus forte que toutes les idées, que tous les
savoirs. Il suffit d’être en face du cercueil qui enferme un être aimé pour que continue
ou commence à se dire tout ce qui n’avait pu être dit la veille. Qu’un vivant et un
mort seuls peuvent se dire à la dernière minute toute une vérité de leurs vies
croisées et indissolubles. Il nous reste l’essentiel. Tu peux partir, je peux
rester, qu’importe la durée de moi « ici » de toi »là », nous n’aurons jamais été aussi
« embrassés ».
Marc Oraison
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Un soir fait de rose et de bleu mystique
Nous échangerons un éclair unique
Comme un long sanglot, tout chargé d’adieux.
Charles Baudelaire
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Nous aurons perdu jusqu’à la mémoire de notre rencontre.
Pourtant nous nous rejoindrons pour nous séparer et nous rejoindre encore, là où se
rejoignent les hommes trépassés: sur les lèvres des vivants.
Samuel Butler
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(…)Qui maintenant meurt quelque part dans le monde
Sans raison meurt dans le monde
Me regarde.
Rainer Maria Rilke
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L’acceptation est très difficile à décrire. Elle ressemble au tout premier âge de la vie
où vous avez besoin qu’une personne aimante prenne soin de vous. Il faut avoir à
porter quelqu’un qui n’a pas besoin de parler… C’est le temps où le silence va bien
au delà des mots.
Kubler-Ross
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Accompagner ce n’est pas « prendre la place de l’autre » ; c’est favoriser
l’établissement de cet espace (de temps, de respect, d’écoute ou de silence) où
peuvent être entendus aussi bien la révolte que la résignation, les ruptures
irréparables que les mots de pardon. C’est donner la possibilité que le Nom du sujet
mourant ne soit gommé par la banalité ou par l’indifférence, mais qu’il puisse
s’inscrire au terme du parcours de la vie, comme la signature du peintre vient sceller
une œuvre accomplie.
Pierre Bellais et Christian Biot
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Chacun de ceux que nous avons aimés emporte avec lui un peu de notre secret.
Jean Rostand
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Aussi faut-il aimer en pure perte, toujours, et cette très pure perte de l’amour c’est le
deuil lui-même et l’unique victoire. Vouloir garder c’est déjà perdre, la mort ne nous
prendra que ce que nous avons voulu posséder.
André Comte-Sponville
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Derniers instants, murmure ému ou cri dicté par le désarroi…
Michel Leiris
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Quelque expérience que nous ayons acquise en ce domaine il n’est guère possible
de prévoir ce que va nous devenir un être une fois que nous l’avons perdu.
Jean Rostand
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Les morts les pauvres morts ont de grandes douleurs
et quand octobre souffle, émondeur des vieux arbres,
son vent mélancolique à l’entour de leur marbre
Certes ils doivent trouver les vivants bien ingrats
A dormir comme ils font chaudement dans leurs draps.
Charles Baudelaire
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Si j’ai voulu faire parler ces enfants malades,
si j’ai rapporté leurs mots, leurs paroles, leurs silences parfois, c’est pour dénoncer le
silence, la méconnaissance, le leurre dont l’adulte fait rempart entre l’enfant et la
mort, entre la mort et lui-même, en vérité. Ces paroles les enfants les pensent. Mais
elles ne peuvent être entendues et recueillies que par ceux, enfants ou adultes, qui
acceptent d’entrer dans ces pensées. Si l’enfant ne rencontre personne capable de
le rejoindre, s’il ne rencontre que silence et mensonge, lui aussi se tait.
Ginette Raimbault
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(…)Tous ceux enfin dont la vie un jour ou l’autre ravie
Emportent une part de nous
Semblent dire sous la pierre : vous qui voyez la lumière
De nous vous souvenez-vous?
Georges Brassens
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Telle est la vie des hommes. Quelques joies, très vite effacées par d’inoubliables
chagrins. Il n’est pas nécessaire de le dire aux enfants.
Marcel Pagnol
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Tout être cher avec lequel nous avons lié une grande intimité nous imprègne, nous
transforme. Il arrive que le dialogue qui s’instaure est un vrai dialogue de soi avec
l’autre, l’être aimé continue de poursuivre en nous sa vie intellectuelle, affective, et
sensible et pour ainsi dire de s’y développer encore pour son propre compte.
Jean Bruller Vercors
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C’est la saison où tout tombe
Aux coups redoublés des vents
Un vent qui nous vient de la tombe
Moissonne aussi les vivants…
Georges Brassens
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Sa mort nous sépare. Ma mort ne nous réunira pas. C’est ainsi, il est déjà beau que
nos vies aient pu si longtemps s’accorder.
Simone de Beauvoir
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Le vrai tombeau des morts est le cœur des vivants.
Edouard Herriot
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Si nous n’avons pas su toujours écouter leur bouche de chair ils nous parlent
aujourd’hui pourvu que nous fassions en nous le silence. Ils nous pressent de
considérer les vivants avec indulgence et compréhension, de voir les gens avec leurs
beaux et bons côtés. Faut-il qu’ils nous soient aussi retirés pour que nous prenions
conscience de ce qu’ils représentent pour nous?
De mémoire, article paru il y a bien longtemps dans « Elle »
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Chaque jour je pense à « mes » morts. Penser aux morts c’est assurer, pour son
temps de vie, la survie des gens qu’on a aimés en attendant que d’autres le fassent.
François Mitterrand
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Certaines morts, mieux que d’autres,
nous enseignent la mort.
Jean Rostand
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Nos morts continuent à vieillir avec nous.
Pablo Picasso
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Que peut-on dire, expliquer, comprendre, lorsque la mort vous arrache l’être aimé ?
La vie quitte aussi ceux qui restent. Partout il me semble n’être qu’à demi. Le chagrin
est insurmontable. La révolte me fige. Comme vous j’ai pensé au suicide. Certains
me disent aujourd’hui que l’espoir est une herbe qui pousse entre les tombes. Mais
comment continuer la chaîne des gestes quotidiens ? Comment étouffer ces
questions : pourquoi, à quoi bon, que dois-je faire ? Comme dit Rilke : jouons la vie.
Catherine Jajolet
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Adieu, je m’ennuie déjà.
Derniers mots, attribués à l’heure de la mort, de deux personnes qui s’aiment …
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5-Mort et humour
Il faut rire avant d’être heureux de peur de mourir sans avoir ri.
Jean de la Bruyère
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On ne meurt qu’une fois, et c’est pour si longtemps!
Molière
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Ces mains qui ferment mes yeux et qui ouvriront mes armoires.
Sacha Guitry
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Mes chers amis, je m’en vais ou je m’en va , car l’un et l’autre se dit ou se disent.
Nicolas Beauzée , grammairien
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On demanda à M. de Fontenelle mourant : « Comment cela va-t-il ? ». « Cela ne va
pas, dit-il, cela s’en va. ».
Nicolas de Chamfort
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Les morts n’ont pas de voix, heureusement. Si les morts pouvaient se plaindre…
quelle clameur, on ne s’entendrait plus vivre !
Georges Duhamel
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La vie est une maladie héréditaire, sexuellement transmissible et mortelle.
Woody Allen
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Ne prenez pas la vie trop au sérieux, de toute façon vous n’en sortirez pas vivant.
Bernard le Bovier de Fontenelle
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Les frères se pressaient autour du mourant et pleuraient.
Mais il ouvrit les yeux et se mit à rire trois fois
« Dis-nous, frère, pourquoi ris-tu alors que nous pleurons ? »
Il leur répondit : « La première fois j’ai ri parce que vous craignez la mort. La
deuxième fois j’ai ri parce que vous vous n’êtes pas préparés à la mort. Et la
troisième fois parce que je quitte mes peines pour le repos. »» A peine eut-il
prononcé ces paroles qu’il ferma les yeux et mourut.
Sagesse Zen
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Lorsqu’il faudra aller vers vous, ô mon Dieu, faites
Que ce soit par un jour où la campagne en fête
Poudroiera. Je désire, ainsi que je fis ici-bas,
Choisir un chemin pour aller, comme il me plaira,
Au Paradis où sont en plein jour les étoiles.
Je prendrai mon bâton et sur la grande route
J’irai et je dirai aux ânes, mes amis :
Je suis Francis Jammes et je vais au Paradis
Car il n’y a pas d’enfer au pays du Bon Dieu. (…)
Mon Dieu, faites qu’avec ces ânes je vous vienne.
Faites que dans la paix des anges nous conduisent,
Vers des ruisseaux touffus où tremblent des cerises
Lisses comme la chair qui rit des jeunes filles,
Et faites que, penché dans ce séjour des âmes,
Sur vos divines eaux, je sois pareil aux ânes
Qui mireront leur humble et douce pauvreté
A la limpidité de l’amour éternel.
Francis Jammes
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Quelle chance d’être venu sur la terre pour se poser cette simple question :
« Pourquoi y-a-t-il quelque chose plutôt que rien ? », çà aurait été dommage de
manquer cela.
Georges Mounin
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Il avait fait écrire sur sa tombe : « Je vous avais bien dit que je n’allais pas bien ! »
Muriel Robin
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Tout dans la vie est une affaire de choix, ça commence par la tétine ou le téton,
ça se termine par le chêne ou le sapin.
Pierre Desproges
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Il faut mourir aimable
si on le peut.
Joseph Joubert
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Ce n’est pas que j’aie vraiment peur de mourir, mais je préfère ne pas être là quand
ça arrivera.
Woody Allen
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L’éternité c’est long, surtout vers la
fin.
Woody Allen
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A l’éternelle et triple question toujours demeurée sans réponse : qui sommes-nous ?
D’où venons-nous ? Où allons-nous ? Je réponds : en ce qui me concerne
personnellement je suis de chez moi, je viens de chez moi et j’y retourne.
Pierre Dac
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6-Mort : sens… quel sens ?
Ce fut le mérite d’Edgar Morin d’avoir su tracer les grands moments historiques de
l’évolution de la mort qui s’articule en trois temps :
– Dans les sociétés archaïques les hommes répugnaient à l’idée d’une destruction
définitive, la mort n’est qu’une renaissance. D’où l’idée que les disparus vivent
ailleurs de leur vie propre, des vivants invisibles, il ne s’agit pas d’esprits, il s’agit de
doubles, de spectres ayant formes de fantômes qui accompagnent le vivant dans son
existence, ses rêves, se prolongent dans son ombre, son souffle, pouvant être aussi
une partie de son corps..
C’est l’amortalité (double) égyptienne, romaine, et aussi des hébreux et des Perses.
– Dans les sociétés métaphysiques on assiste à une séparation radicale des vivants
et des défunts. A l’intérieur du monde des morts il y a des grands morts dont certains
accèdent au titre de dieux. On en arrive à concevoir l’existence de morts jamais nés
et de vivants jamais morts. Ainsi s’épanouit du double au dieu, en passant par le
mort-ancêtre-dieu, la divinité potentielle du mort. La notion d’esprit prend peu à peu
son sens, comme celle d’âme. L’immortalité véritable (esprit) remplace l’amortalité
(double). Les religions du salut prennent dès lors naissance. L’idéal platonicien, la
quête du salut des chrétiens, la recherche ascétique du nirvâna ou de l’Un-Tout dans
les systèmes de pensée orientaux illustrent cette tendance.
– Dans les sociétés modernes l’homme ne se laisse plus envahir par les doubles et
les esprits. Au nom de la science (Marx) ou plus simplement pour déborder sa propre
angoisse (Nietzsche) il proclame la mort de Dieu. Les progrès des techniques, le
développement de l’esprit critique, le déploiement de l’individualisme et de la
concurrence (rentabilité, profit) laissent l’individu seul. Le salut, s’il existe, ne peut
être qu’en lui, comme la mort reste sa mort qu’il doit affronter seul sans l’aide de
Dieu. A partir de la seconde moitié du XIXe une crise de la mort commence. Il existe
une tentative de « dépassement » de cette crise qui s’exprime de quatre façons :
Ou bien la mort sera ignorée, rejetée parce que hors des atteintes de l’énergie
pratique de l’homme (la praxis révolutionnaire n’a que faire d’elle. – Marx)
Ou bien on la reconnaîtra comme le non-sens, la négation de mes possibilités, leur
néantisation(J. P. Sartre)
Ou bien c’est dans l’acte d’assumer notre « être-pour-la-mort » que nous trouverons
l’authenticité : « L’Etre authentique pour la mort est le fondement caché de
l’historicité de l’homme ». (Heidegger)
Ou bien la peur de la mort c’est au fond celle de notre propre irréversibilité dans le
temps (Freud).
Louis-Vincent Thomas
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La mort on peut en parler avant qu’elle ne se produise mais on ne sait rien sur elle.
Après on saurait peut être quelque chose mais on ne peut plus parler. Il reste
l’instant du « mourir ». Comment parler de la mort dans l’instant de la mort ? Il m’a
fallu tout un livre pour l’expliquer. La mort n’est pas un grand voyage, elle n’est pas
semblable au sommeil. Elle n’est pas une maladie. C’est la maladie des maladies. La
mort c’est la maladie des bien portants et des malades.
Vladimir Jankélévitch
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Ce qui donne un sens à la vie donne un sens à la mort.
Antoine de Saint-Exupéry
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La mort est ce qui transforme la vie en destin.
André Malraux
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Vivre c’est naître sans cesse. La mort n’est qu’une ultime naissance, le linceul notre
dernier lange.
Marcel Jouhandeau
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L’aveu de notre ignorance, même concernant la vie future, me semble plus louable
que certaines théologies pompeuses bâties par les théologiens. Après la mort j’ai le
droit d’espérer en une vie future, mais non d’affirmer son existence. Je me rappelle
un mot de Forrow, un ami d’Emmerson. Durant son agonie de bonnes gens
espéraient une révélation du mourant. Forrow, plein d’esprit répondit simplement :
One world in the time, « un monde à la fois ». Voilà qui est honnête et courageux.
Théodore Monod
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Quand on est mort c’est pour toute la vie.
Azouz Begag
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Devant cet entassement de tombes on dirait que les gens n’ont d’autre souci que de
mourir.
Emile Cioran
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Il nous faut vivre d’amour, d’amitié, de défaites
Donner à perte d’âme, éclater de passion
Pour qu’on puisse écrire à la fin de la fête
Quelque chose a changé pendant que nous passions.
Serge Reggiani
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Toute notre culture n’est qu’un immense effort pour dissocier la vie de la mort.
Capitalisme et communisme sont une même tentative d’abolition de la mort par
l’accumulation, selon le même schéma fantastique d’une éternité d’accumulation et
de forces productives.
Jean Baudrillard
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Le fait d’avoir été est inaliénable. Le mort ne peut revenir à la vie mais celui qui a
vécu ne retombera plus jamais dans le néant prénatal: l’irréversibilité qui empêche sa
résurrection, empêche sa nihilisation. Du moment que quelqu’un est né, a vécu, il en
restera toujours quelque chose même si on ne peut dire quoi. (…) Jusqu’aux siècles
des siècles il faudra tenir compte de ce mystérieux « avoir-été ». (…) On ne dirait pas
« il n’est plus » s’il n’avait jamais été. Métaphysique est la différence entre « il n’est
plus » et « il n’est pas » ; le « plus rien » est distinct à jamais du néant pur et simple ;
il est sauvé de l’inexistence éternelle, sauvé pour l’éternité.
Vladimir Jankélévitch
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Mourir c’est pour mon corps se dissoudre. Les atomes qui le constituent poursuivront
leur aventure commencée il y a quinze milliards d’années ; cette aventure a
comporté un épisode pour eux sans importance, participer à la constitution de mon
organisme, elle continuera, aveugle, sans projet, sans signification, jusqu’à la
disparition de toute matière dans un espace étiré à l’infini ou ramené à une
dimension nulle.
Mais, pour ce qui en moi est autre « chose » que ces atomes, mourir c’est échapper
au temps. Souvenons-nous de Saint-Augustin : « Ce qui nous autorise à affirmer que
le temps est, c’est qu’il tend à n’être plus ». Plutôt que de demander à la mort où est
sa victoire, il nous faut l’accueillir comme l’alliée qui nous permet de remporter la
victoire sur le temps. Evènement décisif qui peut être salué comme l’équivalent d’un
big-bang personnel.
« L’esprit est un palais formé de miroirs fécondés par une lampe solitaire qu’ils
enfantent à l’infini ». Cette définition, dont je recherche sans succès l’auteur, décrit
fort bien la conscience : l’aller et retour sans fin d’un je ne sais quoi rebondissant sur
des parois à l’étrange pouvoir (…)
Le labyrinthe disparaît, dans lequel je me suis perdu, allant de reflets en reflets, à la
recherche de la lampe solitaire toujours échappée ; les miroirs se brisent et
fournissent des éléments qui en reconstituent d’autres. Qu’importe, si la lampe brille,
et participe à la lumière.
Albert Jacquard
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La mort m’impose la conscience de la finitude de mon existence. Elle confère à
chacun de mes actes une incomparable dignité et à chaque instant qui passe son
unicité. Dans la durée floue, elle me singularise. Sans elle je ne serais, au sens
précis du terme, personne.
Jean Ziegler
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L’homme libre ne pense à rien moins qu’à la mort, et sa sagesse est une méditation
non de la mort mais de la vie.
Spinoza
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« De la mort apprivoisée » (Philippe Ariès) vécue parce qu’elle reflète les solidarités
sur la terre comme au ciel, à la solitude du mourant dans nos sociétés modernes, un
parcours de longue durée pose à l’historien une vraie question : y a-t-il jamais eu un
âge d’or de la mort?
Michel Vovelle
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Né aux Etats-Unis où il a prospéré, diffusé aujourd’hui dans tout l’Occident, un
commerce de la mort s’est érigé en système. La tombe est devenue l’objet de
spéculation immobilière, les apprêts du cadavre et la funéraille une mine de services
et de produits de plus en plus sophistiqués. La vie humaine a son prix, le corps
humain, même mort, peut devenir à son tour une marchandise.
Michel Vovelle
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Par delà la diversité des gestes et des rituels hors de l’Occident Chrétien, se dessine
un trait universel : la croyance aux devoirs dus aux morts. Et sous le discours plaqué
de la religion (comme au Mexique, par exemple), la présence de ce peuple de morts
conviviaux ou hostiles, qu’il convient d’apaiser ou d’exclure, est constante.
Michel Vovelle
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La mort ne nous concerne pas car tant que nous sommes la mort n’est pas. Et quand
la mort est, c’est nous qui ne sommes plus.
Epicure
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Si nous savions pourquoi nous allons du berceau à la tombe nous chanterions sur la
route comme des enfants qui jaillissent de l’école.
Maeterlink
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Elle est retrouvée !
-Quoi ? L’Eternité
C’est la mer mêlée
Au soleil
Arthur Rimbaud
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En quart monde la mort et l’enterrement sont la seule occasion d’avoir une vie
publique. C’est une façon pour les pauvres de montrer qu’ils croient encore en euxmêmes.
Un volontaire d’Aide à Toute Détresse
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Si l’on prêche que Jésus est ressuscité des morts comment certains d’entre vous
prétendent-ils qu’il n’y a pas résurrection des morts ? Sans résurrection des morts
pas de Résurrection du Christ.
Paul de Tarse
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Nier sa mort dans le fil quotidien de notre vie c’est vivre en somnambule de
l’existence. Projeter sa mort sur l’autre – ennemi – c’est en venir à la violence.
L’homme s’accommode généralement de cette double duperie: celle du déni de la
mort ou de sa projection sur l’autre. La troisième attitude: l’assumer, c’est sur ce
chemin que s’édifie la non-violence. Y a-t-il démarche plus authentiquement humaine
que d’assumer cette mort dans ma vie au point que je puisse la brandir devant tous
quand je ne supporte plus que la vie soit bafouée?
Jacques Semelin
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Accepter de quitter la vie avec la paix de qui se met complètement au monde avant
de disparaître.
Michel de M’Uzan
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Toi qui est paralysé prend ton lit, ton grabat sur tes épaules, lève-toi et marche.
Aucun homme n’est fait pour rester à l’endroit où il se trouve, aucun homme, aucune
femme, aucun né de l’homme et de la femme n’est condamné à ne pas dépasser
largement ses frontières. Chacun est destiné à parcourir avec tous l’immense
étendue de l’histoire des siècles, à vivre la longue marche de la libération unanime.
Et, à l’heure qualifiée de dernière, où la mort t’a couché sans espoir d’un retour aux
vies habituelles, tu n’en finiras pas de te lever encore pour fouler les terres
innombrables de ceux que tu fis proches, les sols et l’horizon de tes mises en
commun.
Jean Cardonnel
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Alors Almitra parla, disant, nous voudrions maintenant vous questionner sur la Mort.
Et il dit :
Vous voudriez connaître le secret de la mort.
Mais comment le trouverez-vous sinon en le cherchant dans le coeur de la vie ?
La chouette dont les yeux faits pour la nuit sont aveugles au jour ne peut dévoiler le
mystère de la lumière.
Si vous voulez vraiment contempler l’esprit de la mort, ouvrez amplement votre coeur
au corps de la vie,
Car la vie et la mort sont un, de même que le fleuve et l’océan sont un.
Dans la profondeur de vos espoirs et de vos désirs repose votre silencieuse
connaissance de l’au-delà,
Et tels des grains rêvant sous la neige, votre coeur rêve au printemps.
Fiez-vous aux rêves, car en eux est cachée la porte de l’éternité.
Votre peur de la mort n’est que le frisson du berger lorsqu’il se tient devant le roi dont
la main va se poser sur lui pour l’honorer.
Le berger ne se réjouit-il pas sous son tremblement, de ce qu’il portera l’insigne du
roi ?
Pourtant n’est-il pas plus conscient de son tremblement ?
Car qu’est-ce que mourir sinon se tenir dans le vent et se fondre dans le soleil ?
Et qu’est-ce que cesser de respirer, sinon libérer le souffle de ses marées inquiètes,
pour qu’il puisse s’élever et se dilater et rechercher Dieu sans entraves ?
C’est seulement lorsque vous boirez à la rivière du silence que vous chanterez
vraiment.
Et quand vous aurez atteint le sommet de la montagne, vous commencerez enfin à
monter.
Et lorsque la terre réclamera vos membres, alors vous danserez vraiment.
Khalil Gibran
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« La mort transforme la vie en destin » disait Malraux. Ce jugement n’est pas
recevable par un non-violent. Dans la non-violence la mort ne peut plus être vécue
comme une impasse à la vie, autant injuste qu’absurde. Le fait d’assumer sa mort
renouvelle et élargit l’espace de la liberté humaine, celle de la non-violence.
Jacques Semelin
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Ma vie a sa dimension d’éternité non pas après cette vie mais au-delà d’elle, mais ici
et maintenant lorsque je suis responsable d’un projet qui me dépasse. Ce contre quoi
nous avons à lutter c’est contre la mort prématurée d’êtres jeunes, plein de
possibles. Mais la mort d’un vieillard n’est pas une malédiction. A mesure que je
vieillis je participe de moins en moins à la création et vient l’impossibilité réelle d’un
projet. Ma mort est, dans ce mouvement, un passage à la limite. Une seule chose est
sûre: on ne peut y faire face à partir d’une conception individualiste de la vie. Car
l’individualisme nous fournit l’image même de la mort: la séparation.
Jean Cardonnel
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Mort et amour de la vie. Un mandarin chinois proposa une fois au gouverneur d’une
province cette mesure qui ne tarda pas à être adoptée. Au moment où la victime
devait poser la tête sur le billot pour que le bourreau puisse la trancher un cavalier
harnaché arrivait au grand galop et criait : Arrêtez ! Le gouverneur a gracié le
condamné à mort ! Et à cet instant d’euphorie suprême, le bourreau tranchait la tête
de l’heureux mortel.
Kostas Axelos
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Glèbe dont nous sommes faits, argile modelé à la forme de nos corps, geste de la
terre jetée sur les disparus, geste aussi de la vie que des mains ridées refermées sur
ce morceau de sol.
H. Anglard
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L’affreux en mourant c’est de disparaître sans avoir compris. Le crime de la mort
n’est pas qu’elle nous tue mais qu’en tranchant notre angoisse elle lui confère
l’éternité.
Jean Rostand
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Père, père, écoute… La lumière est pour les vivants le plus doux des biens et pour
les morts il n’y a plus rien.
Euripide
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La vie dépense sans compter pour permettre aux espèces de survivre, d’évoluer…
mais vers quel rendez-vous ? Nous ne le savons pas. En tant qu’individus nous
sommes uniques, irremplaçables : en cela, la promesse des grandes religions est
tenue. Mais nous assistons au naufrage de l’individu pour la plus grande gloire de
l’espèce. La mort est donc un échec, d’une certaine manière, mais elle donne de
nouvelles chances à la vie, par le « recyclage » de chaque atome, de chaque
molécule qui sert des milliers de fois. L’échec est dépassé finalement par le grand
dessein mystérieux de la vie.
Maurice Marois
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Soyez comme l’oiseau
Posé un instant
Sur des rameaux
Trop frêles
Qui sent plier
La branche
Et qui chante
Pourtant
Sachant qu’il a
Des ailes.
Victor Hugo
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