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Billet de blog 3 février 2015

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Déclaration des droits de l'humanité à l'épreuve (VI)

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VI- Des moyens conformes aux fins et la mise en œuvre des  droits de l’humanité 

Il s’agit d’énumérer à titre indicatif des moyens allant certainement dans le sens des droits de l’humanité, étant entendu qu’il faudra du temps pour qu’ils voient le jour à travers les rapports de forces et les pédagogies( ? ) des catastrophes.

(Pour un ouvrage de synthèse sur les catastrophes voir  «  Les catastrophes écologiques et le droit : échecs du droit, appels au droit », sous la direction de Jean-Marc Lavieille, Julien Bétaille, Michel Prieur, colloque international de Limoges des 11,12, et 13 mars 2009, organisé par le CRIDEAU-OMIJ  et le CIDCE, pour avoir enfin une vue globale, critique et créatrice  des rapports entre le droit etles catastrophes écologiques. Les actes de ce colloque reproduisent trente quatre communications, éditions Bruylant, 2011.)

1- Des moyens  de mise en œuvre  du droit de l’ humanité  à la démocratie.

L’humanité a le droit de passer d’un système international pour une large part autoritaire  à une communauté  mondiale démocratique. A titre indicatif à travers quels moyens ?

 -Désarmement du pouvoir financier (taxations des transactions financières, impôt mondial sur les capitaux, suppressions  des paradis fiscaux, impôts sur des firmes multinationales…)

-Encadrement des firmes multinationales  (respects  dela santé, du social, de l’environnement, de la culture…)

-Démocratisation des institutions internationales ( réformes du Conseil de sécurité et de certaines institutions spécialisées des Nations Unies…place légitime des pays du Sud, promotion des ONG…)

-Accès des femmes aux processus de décision (aux niveaux locaux, nationaux, continentaux, internationaux)    et non-cumul  généralisé  des mandats des élu(e)s dans tous les Etats

-Créations d’organisations nouvelles (composéesd’Etats, d’ONG, de collectivités territoriales …), rencontres institutionnalisées  des organisations  internationales, régionales et sous-régionales,  développement de réseaux, de coordinations, de fronts communs  d’ONG  (par exemple celles allant dans le sens d’un ralentissement du système.)

 2-Des moyens de mise en œuvre  du droit de l’humanité à la justice.

 L’humanité a le droit de passer d’un système international pour une large part injuste  à une communauté mondiale juste. A titre indicatif à travers quels moyens ?  

 -Création d’un revenu universel d’existence (attribué à tout habitant de la Terre, revenu  déconnecté  du  travail auquel s’ajouteront des revenus d’activités)

-Effacement de la dette (celles des Etats,  des collectivités  territoriales,  des organisations internationales…)

-Priorités  données  au juste échange et au commerce équitable (le libre-échange leur sera  subordonné) , au développement de l‘économie sociale et solidaire, au développement  de l’économie collaborative (importance de la valeur d’usage)

-Mise en place d’agricultures durables et autonomes (respect de l’environnement, statut international des matières agricoles, souveraineté alimentaire)

-Créations et redistributions de fonds internationaux (taxes liées au désarmement du pouvoir financier  et liées aux activités polluantes, redistribuées  vers des besoins criants en eau, en alimentation, en  santé, en logement, en protection sociale, en éducation, en environnement, en emplois…).

 3-Des moyens de  mise en œuvre du droit de l’humanité  à l’environnement.

 L’humanité a le droit de passer d’un système international  pour une large part anti écologique  à une communauté mondiale  écologique. A titre indicatif à travers quels moyens ?

  -Remises en cause d’activités polluantes (réductions et suppressions des modes de production, de consommation, de transport écologiquement  non  viables)

-Programmes massifs d’accès à l’eau (effectivités  du  droit à l’eau potable  et du droit à l’assainissement)

-Revitalisation des régions profondément dégradées (programmes massifs à tous les niveaux géographiques)

-Transitions énergétiques (développement massif des énergies renouvelables, économies massives d’énergie, sortie rapide du nucléaire)

-Conclusions de nouvelles conventions mondiales (convention créant une Organisation mondiale de l’environnement, convention créant une Cour mondiale de l’environnement, convention  créant  une Organisation mondiale et régionale  d’assistance écologique, convention sur les  droits des déplacés environnementaux,  conventions de protection  des  sols, convention de protection  des forêts, convention  contre lespollutionstelluriques …) enfin des accords de réductions massives et radicales  des gaz à effet de serre. L’ensemble de ces actions environnementales donnerait le jour à des créations massives d’emplois dans le bâtiment, les énergies renouvelables, l’agriculture, les transports, la revitalisation de régions dégradées, les travaux contre des effets de la montée des eaux, l’éducation à l’environnement…

4- Des moyens de mise en œuvre du droit de l’humanité  à la paix.

 L’humanité  a le droit de passer d’un système international  pour une large part violent  à une communauté mondiale pacifique. A titre indicatif à travers quels moyens?

 -Interdiction des recherches scientifiques sur les armes de destruction massive (déclarées contraires à l’intérêt  commun de l’humanité.)

-Mise en place d’une sécurité collective (fondée à titre principal sur des forces d’interposition     envoyées à titre préventif et à titre exceptionnel sur des forces d’intervention internationalisées)

 -Remises en cause des ventes d’armes (restrictions,  taxations, interdictions, reconversions), créations de ministères du désarmement

-Conclusions de nouveaux traités et protocoles de désarmement (armes  de  destruction massive enparticulier  nucléaires) , application des traités qui existent déjà

-Mise en place d’une éducation à la paix (de la maternelle à l’université et dans de multiples lieux, fondée entre autres sur les apprentissages de règlement non violent  des conflits, fondée aussi sur une éducation à la démocratie, à la justice et à l’environnement.)

 Commentaires  généraux  relatifs  à ces  moyens :

1 /Cette vingtaine de moyens est proposée à titre indicatif, on peut on doit, bien sûr et heureusement, prolonger la liste. Nous pensons que ces contre-mécanismes commenceraient à ralentir ce système autodestructeur et à le remettre en cause pour donner naissance en quelques décennies (?) à une communauté mondiale humainement viable.

2/La liste proposée n’est pas celle du  Discours Vérité, ce sont des convictions mais des erreurs sont possibles et tel ou tel moyen peut vous paraitre illégitime, dangereux, inefficace, irréalisable…

3/ Certains de ces moyens ont  des débuts  d’application  cependant en général trop timides. Il est vrai qu’un chemin de mille pas commence par un pas, mais l’accélération du système productiviste implique la mise en œuvre de moyens nombreux et radicaux. Des chemins de bonnes intentions sont souvent pavés de renoncements successifs. Plus on attend, plus la radicalité des moyens s’imposera face aux  causes des  catastrophes.

4/Nous avons mis symboliquement en tête à chaque fois un moyen qui nous semble particulièrement radical par rapport au système productiviste et çà n’est pas un hasard si ces cinq moyens sont  très critiqués par certains. Leurs pourfendeurs affirment ainsi que le revenu universel d’existence  est synonyme d’institutionnalisation de la paresse et d’impossibilité financière de le réaliser, que l’interdiction des recherches sur les armes de destruction massive est synonyme  d’atteintes à la liberté de la recherche scientifique, que le désarmement financier est synonyme de faillite généralisée, ainsi les remises en cause des modes de production et de consommation non viables sont synonymes d’actes suicidaires face à la compétitivité…

5/Il faut redire ici que les grands domaines (démocratie, justice, environnement, paix) sont interdépendants pour le pire et le meilleur. Ainsi des mécanismes produisant des injustices produisent des violences. Ainsi des contre-mécanismes porteurs de justice sont ensuite porteurs d’éléments pacifiques. Les interactions sont multiples dans chaque domaine et entre les domaines.

6/Penser et mettre en œuvre ces contre-mécanismes  dépend surtout (même si le hasard peut éventuellement jouer aussi un rôle) des déterminations personnelles et collectives. Certains moyens pour voir le jour devront surmonter des obstacles nombreux et puissants mais pensons, exemple gigantesque,  au mur de Berlin qui a fini, au bout de 28 ans, par s’effondrer,  « l’histoire est sortie de ses gonds » (expression de Gorbatchev).

7/Enfin réaffirmons que les moyens proposés doivent être conformes aux fins que l’on met en avant, à des fins pacifiques des moyens pacifiques, à des fins justes des moyens justes, à des fins écologiques des moyens écologiques, à  des fins démocratiques des moyens démocratiques.

                Cinq  remarques terminales relatives aux droits de l’humanité à l’épreuve

1-Peu à peu, à travers les rapports de forces…et la pédagogie des catastrophes (pédagogie  es-tu souvent  là ? Non, non, non !), à travers aussi le droit et sa complexité, « Le droit c’est l’intermède des forces » disait magnifiquement Paul Valéry, nous allons donc vraisemblablement  vers ces formes de reconnaissances : les générations  qui ne sont plus  et les générations qui ne sont pas encore  peuvent avoir des droits, et par rapport à elles les générations présentes ont des devoirs,  peuvent et doivent voir le jour des solidarités  transgénérationnelles.

 En ce sens c’est une forme de « défi à la mortalité » (tout relatif !) que relèvent les générations présentes, défi qui les engage,  voilà leurs responsabilités  transgénérationnelles.

 Mais, nous le savons bien, la mort des générations est là, la mort de l’humanité (très probablement (?) aussi un jour, « La Terre a commencé sans l’homme, elle finira sans lui » écrivait Claude Lévi-Strauss. Nous avons mieux à faire qu’à « échanger des terreurs »pensait Jean Rostand, nous voilà « fraternisés par les périls communs », les remises en cause  appellent les générations présentes, « vouloir c’est espérer et aimer »(Alain).

2-Une pente  forte( ? ) est probablement celle de la résignation devant les rapports de forces  alors que ceux-ci peuvent changer, alors qu’à chaque instant le réel contient plus de possibles que l’on ne croit, alors qu’un autre regard  nous montre des personnes et des peuples qui se mettent debout à travers les temps . Manquer de souffle, être étouffé(e) par l’impératif du réalisme,  laisser la place à des sortes « d’experts de rétrécissements d’horizons », et  finalement de ne pas être à la hauteur des défis ?

 On  pourrait ajouter aux personnes rencontrées par le Petit Prince de Saint Exupéry… un casseur d’horizons : « Qu’est-ce que vous faites ? » demanda le Petit Prince, « Dès que je vois des ailes qui poussent je les rogne, je les casse, je les coupe. »« Vous aimez çà ? »  demanda  le  Petit Prince d’un air effrayé, « Oh oui j’aime çà, je n’en décolle plus ! »  répondit  le rogneur d’ailes. « Moi, dit le Petit Prince, j’aime l’horizon. J’aime marcher doucement vers une fontaine. » 

 Simone de Beauvoir écrivait: « Il est peu de vertus plus tristes que la résignation. Elle transforme en fantasmes, en rêveries contingentes, des projets qui s’étaient d’abord constitués comme volonté et comme liberté. » Jean-Paul Sartre écrivait aussi : « L’important n’est pas ce qu’on fait de nous mais ce que nous faisons nous-mêmes de ce qu’on a fait de nous. »

3-Ces contre-mécanismes ci-dessus et d’autres  commenceraient à ralentir ce système autodestructeur et à le remettre en cause pour donner naissance,( peut-être en quelques décennies ?), s’il en est encore temps,  à une communauté mondiale humainement viable. La « métamorphose » de l’humanité et « la  mise au monde » d’une communauté mondiale viable ne doivent-elles pas se compléter, s’interpeller, s’appuyer l’une sur l’autre, s’incliner l’une vers l’autre ?

4-Jean Rostand, grand pessimiste de l’intelligence et grand optimiste de la volonté (« Pensées d’un biologiste » éditions Stock, 1978), écrivait « Il n’est pas plus insensé de s’abandonner à un espoir, celui de la survie de l’humanité, que de le repousser au nom d’un prétendu réalisme qui n’est que le consentement défaitiste au suicide de l’espèce. »

5-Le dernier mot est souvent symbolique, le dernier mot d’Hamlet c’est « silence», le dernier mot d’Harpagon c’est « cassette » (mon argent), le dernier mot de Cyrano c’est « mon panache »(voir notre site « autresordessouffles.fr », rubrique « articles tous azimuts », « Le dernier mot est-il le bon ? »). Les trois livres publiés avant 1986 se terminaient par la même phrase ci-dessous mais sans point d’interrogation. Considérant  que le drame nucléaire d’avril 1986 était probablement un des derniers avertissements que les générations vivantes recevaient, les cinq ouvrages suivants ont eu droit, pour leur dernière phrase, au point d’interrogation … comme cette  réflexion proposée ici :

 Cette veille de fin des temps peut-elle encore se transformer en aube d’humanité ?

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