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Billet de blog 3 mars 2016

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L'Argument des arguments antinucléaires saute aux yeux pourvu qu'on les ouvre

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L’Argument des arguments antinucléaires saute aux yeux pourvu qu’on les ouvre

Prolongation de  la durée de vie des centrales nucléaires françaises, plainte du canton de Genève visant une de nos centrales, voilà encore deux autres  occasions de rappeler l’importance de ce qui peut être considéré comme  l’Argument  des arguments  antinucléaires trop peu évoqué en tant que tel. Ne mérite- t-il pas d’être plus  connu , médité et porteur de remises en cause?

 Quand je suis revenu de la manifestation contre la centrale nucléaire de Creys Malville, le 31juiIlet 1977, comme d’autres j’ai su que ma façon de voir le monde ne serait plus tout à fait la même.

 J’ai démissionné de toutes mes fonctions au parti socialiste puis de ce parti lui-même, envoyant une lettre argumentée contre le nucléaire civil et militaire à la « Gueule ouverte » et « Combat non-violent » qui l’avaient publiée (22-9-1977). Contrairement au Programme commun  de 1972, le PS s’était peu à peu  rallié à la force de frappe ce qui était, pour certains d’entre nous, inacceptable.

     J’ai toujours « eu sur moi » la photo d’un enfant survivant  d’Hiroshima, sous-titrée par un poème poignant d’un japonais qui s’est suicidé quelque temps après. Bien au-delà du nucléaire, cette photo est là pour symboliser les souffrances d’un enfant sur deux, ainsi encore   fin 2013, dans le monde, « en situation de détresse et/ou de danger »  (pauvreté, maladies, guerres…) dans ce système productiviste terricide et humanicide , condamnable et condamné.

 J’ai surtout peu à peu compris pourquoi j’étais  devenu, intellectuellement, viscéralement contre le nucléaire. Je l’ai écrit dans de nombreux articles, ouvrages, et dit dans de nombreuses  interventions sur la paix, sur le droit du désarmement, sur le droit international de l’environnement, sur les relations internationales.

 Les systèmes nucléocrates essaient souvent de poser sur les arguments antinucléaires un linceul de silence, ou bien alors ils les « renvoient dans les cordes » en invoquant des réflexes «  irrationnels et passionnels. » Passionnels? Heureusement qu’il  reste un minimum de passion pour en appeler  à la lucidité. Irrationnels? Il est au contraire rationnel de  refuser cette forme de « course à la mort » qui a sa spécificité. Les systèmes nucléocrates, qui ont des logiques plongées dans la course en avant, en tirent de temps en temps  une certaine  « pédagogie » : « revoyons de  très près la sécurité de nos parcs nucléaires, et exportons notre savoir-faire  nucléaire qui est un atout à partager avec d’autres pays »…

Pourtant  une véritable pédagogie de la catastrophe consisterait à comprendre que le nucléaire ne mérite pas seulement une condamnation radicale(c’est à dire une sortie rapide ), mais qu’il exige des alternatives massives, à développer quand elles existent et à créer quand elles n’existent pas, et qu’il en  appelle aussi à des économies massives d’énergie.

Toutes les raisons de le refuser quand il n’est pas encore là et de sortir rapidement du nucléaire quand il est là, ont un point commun.

 Les accidents nucléaires (aux multiples causes possibles),

les déchets nucléaires,

la prolifération entre le nucléaire civil et militaire,

la difficulté du droit à l’information,

les gigantesques sommes passées, présentes et à venir englouties dans ce type d’énergie  et dans ce moyen de défense

ont un point commun, il saute aux yeux pourvu qu’on les ouvre :

 Il s’agit de mécanismes qui ont et auront des effets

 sanitaires,

 environnementaux,

 financiers,

 sociaux…

QUI TENDENT A ETRE SANS LIMITES DANS L’ESPACE ET DANS LE TEMPS.

Après les drames, à court moyen et long termes, de la population ukrainienne (accident nucléaire de Tchernobyl du 26 avril 1986) et celui de la population  japonaise (accident nucléaire de Fukushima du 11 mars 2011), on doit avoir en mémoire le titre d’un petit livre sur les hibakushas, survivants des bombes atomiques : « Guerre nucléaire guerre sans fin » .

 On peut  ainsi affirmer que, parmi  d’autres exemples, si les centrales nucléaires se multiplient, les lieux évacués pour des périodes  plus ou moins longues à la suite d’accidents se multiplieront aussi, ce sont des logiques profondes.

On peut aussi affirmer que les pollutions radioactives  dans le milieu marin (accidents de centrales nucléaires près des côtes, sous-marins nucléaires accidentés, fuites de futs par érosion et pression de l’eau …) ont des logiques destructrices et catastrophiques à  long terme sur ce milieu marin.

Ainsi les  systèmes nucléocrates ne veulent pas et/ou  n’arrivent pas à voir leur folie. Kostas Axelos aurait peut-être dit qu’ils deviennent (et nous avec?)  «  les  fous d’un système devenu fou. » Ils sont, en le sachant ou sans le savoir, une des avant-gardes d’une société qui a tendance à ne plus se donner de limites. Jean Rostand, dans « Pensées d’un biologiste « (Stock, 1978), écrivait : « La science a fait de nous des dieux avant même que nous méritions d’être des hommes ».

Dans le sillage de Jacques Ellul et de beaucoup d’autres , au nom des victimes directes du nucléaire, générations futures comprises, et de ses victimes indirectes en pensant aux sommes gigantesques qu’il a englouties en capturant, pour le nucléaire militaire, ce qui aurait pu aller vers des besoins criants,  il faudra que ceux et celles qui vont nous suivre arrivent, à travers les rapports de force(et d’autres catastrophes?) à remonter en amont de l’amont et par exemple  à interdire, en les incriminant, enfin un jour ,les recherches scientifiques sur les armes de destruction massive dont celles relatives au  nucléaire, on les déclarerait contraires à l’intérêt commun de l’humanité.

 Dans cette perspective ne pensons pas que sera toujours dérisoire ou pas assez massive ce que Jean Rostand appelait  de ses  vœux : « l’objection collective scientifique » face à  l’inacceptable. Il est clair que les résistances devront être plus globales, ce sont et ce seront celles de l’ensemble des sociétés civiles, des Etats, et d’autres acteurs, par exemple des collectivités territoriales.Dans cette chaine des responsabilités les générations  présentes sont en première ligne. Devons-nous (éthique), voulons-nous (volontés politiques ),pouvons-nous(marges de manœuvres) faire en sorte que les générations futures  soient   sujets  de leurs propres vies et non objets des vies de quelques générations qui n’auront pas su être aux rendez-vous de leurs responsabilités ? 

Ainsi doit peu à peu voir le jour dans les vies des peuples, ce concept, porteur de principes (précaution, prévention…), le concept de LIMITES AU COEUR DES ACTIVITES HUMAINES.

 Qu’est-ce qu’une société qui ne se donne plus de limites? N’est-ce pas la question des questions que pose le nucléaire et que nous devons lui poser?

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