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Billet de blog 9 juillet 2022

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Radicalité écologique, croissance, décroissance:quels moyens?

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Radicalité écologique, croissance, décroissance : quels  moyens?

Comment mieux se situer ?(I)

Quels moyens ?(II)

Qui pour les décider et les mettre en œuvre?(III)

I-Si nécessaire  comment se situer personnellement et collectivement ?

1-La radicalité écologique

pour certains est un épouvantail révolutionnaire chaotique,

pour  d’autres il faut éventuellement la proclamer  mais  faire le contraire de ce qu’elle exige,

 pour   d’autres , à juste titre pensons-nous , c’est un ensemble de remises en cause, fondées sur  des moyens radicaux,remises en cause  d’un système autodestructeur.

2-La croissance

 pour certains elle est synonyme  de grand remède miracle (Sainte croissance protégez-nous !) on l’attend ou on la relance, pour les entreprises, les personnes et les collectivités, croissance devenue indispensable aux  économies fondées sur le trio infernal capitalisme-productivisme-anthropocène ,

 pour  d’autres  elle est  porteuse d’avantages  mais il  faut  qu’elle profite à beaucoup plus ,  qu’elle soit mieux répartie et plus « durable » socialement et écologiquement,

pour d’autres, à juste titre pensons-nous , elle est insoutenable pour la planète (la  croissance « ne peut pas être infinie dans un monde fini »), porteuse d’inégalités criantes elle est  fondée sur une  compétition mortifère, l’une des logiques de l’autodestruction.

3-La décroissance

 pour les uns elle est marquée du sceau de l’inacceptable, elle est synonyme d’arrêt du progrès,  d’inaction, d’assistanat, d’absence de compétitivité, d’effondrement économique,

 pour  d’autres elle est simplement synonyme  ici et là   de réformes partielles allant dans le sens en particulier  d’une  sobriété énergétique et  de gaspillages moins nombreux,

pour d’autres , à juste titre pensons-nous  , elle en appelle à une détermination radicale et massive  de limites au cœur des activités humaines, que ce soit par rapport à  l’accumulation sans limites du capital, par rapport aux  biens tant dans la production que dans la consommation, par rapport au travail  (« travailler moins pour travailler mieux »),par rapport à la marchandisation du monde et de la nature.

II-Concrètement  voilà un ou plutôt Le  critère essentiel : celui des moyens.

Cela bien sûr dans le sillage de cette pensée lumineuse et oh combien radicale  de Gandhi « La fin est dans les moyens comme l’arbre est dans la semence. »

(Voir sur ce blog, dans mes ouvrages et articles les nombreux écrits sur "les moyens et les fins".)

1-Oui à la décroissance radicale, (au sens de leurs remises en cause à travers des résistances en particulier  non-violentes,)  des moyens autoritaires, injustes, anti écologiques et violents.

Ainsi par exemple pour la démocratie oui aux  remises en cause des concentrations des pouvoirs, pour la justice oui aux remises en cause des concentrations des avoirs, pour l’environnement oui aux  remises en cause des empreintes écologiques à tous les niveaux géographiques dans l’ensemble des activités en particulier de la remise en cause radicale des énergies fossiles et aussi de la remise en cause  de la  folie nucléaire, pour la paix oui aux remises en cause de la course aux armements et des ventes d’armes.

2-Oui à la croissance radicale (aux sens de créations et de développements massifs,aux sens d'alternatives) des moyens démocratiques, justes, écologiques et pacifiques.

Ainsi par exemple pour la démocratie oui aux  processus participatifs réels ,  pour la justice oui  aux  créations de ressources mondiales du XXIème siècle(taxes sur  les transactions de change etc…),pour l’environnement oui aux énergies renouvelables massives et à un accès universel effectif à l’eau, pour la paix oui à la création d’une  sécurité collective alternative et d’une assistance écologique enfin à la hauteur des drames et des menaces.

III-Comment  cette gigantesque  reconversion pourrait-elle voir le jour ?

1-Ces luttes pour ces suppressions et ces entreprises  de créations devraient et pourraient voir le jour à tous les niveaux géographiques, ne pourrait-on pas qualifier ainsi chaque lieu :

mon terroir c’est  mon village, ma ville, ma région,

 ma patrie c’est mon pays,

 ma  matrie  c’est mon continent,

mon foyer d’humanité c’est la Terre…

 2-Ces niveaux géographiques  n’ont-ils pas au moins quatre  schémas de fonctionnement possibles?

Soit on pense et on agit  dans le sens de systèmes centralisés dans lesquels les volontés vont du haut vers le bas, la démocratie est peu présente ou absente de tel ou tel  lieu .

Soit on se prononce et on agit dans le sens d’un va et vient entre le haut et le bas, en corrections réciproques, reste à savoir comment se déroulent ces rapports de forces et ce qu’ils produisent dans tel ou tel  lieu .

Soit on pense et on agit  du bas vers le haut, on veut faire remonter des micro expériences, des actions à la base, une certaine démocratie participative existe  à des échelles variables.

Soit on veut aller dans le sens de volontés qui, partant de la base, vont essayer de s’étendre, c’est un schéma proche d’une démocratie participative à des échelles variables.

Sur le terrain les circuits peuvent être compliqués puisque plusieurs schémas, par exemple dans un pays donné, peuvent fonctionner ensemble avec des ampleurs   et des conflits variables.

  3-Des   façons  de penser  les  liens entre ces différents lieux…

 -Une vision  est exprimée à travers une  citation de Montesquieu qui se termine de façon …radicale : "Si je savais quelque chose qui me fût utile et qui fût préjudiciable à ma famille, je le rejetterais de mon esprit. Si je savais quelque chose qui fût utile à ma famille et qui ne le fût pas à ma patrie, je chercherais à l’oublier. Si je savais quelque chose utile à ma patrie et qui fût préjudiciable à l’Europe et au genre humain, je le regarderais comme un crime ." 

Cette réflexion se retrouve d’une autre façon sous la plume d’un internationaliste, René-Jean Dupuy, qui écrivait « Passer de l’homme aux groupes familial, régional, national, international résulte d’une progression quantitative. Accéder à l’humanité suppose un saut qualitatif. Dès lors qu’il est franchi  elle doit, elle-même, avoir des droits faute de quoi les hommes perdraient les leurs » (La clôture du système international, puf, 1989).L’humanité est conçue ici comme contribuant à être la garante de la survie de tous.

 Me voilà, de mon terroir à notre Terre, en passant par mon pays et mon continent, me voilà dans une humanité qui habite non seulement l’espace mais le temps. Ainsi ,  en tous les lieux et en tous les temps ,doivent  se faire  les transmissions des patrimoines naturels et culturels, patrimoines locaux, nationaux continentaux, internationaux, patrimoines qui sont à la fois des donnés et des construits, des trésors du passé, du présent et du futur.

  L’humanité des lieux dans lesquels je vis aura d’autant plus son sens si elle est reliée à celles de tous les lieux où vivent les êtres humains. Ne suis-je pas d’un village, d’une ville, d’un pays, d’un continent, et de toute la Terre,  cela  à travers des particularités et des points communs?

 -Le local, le régional, le national, le continental, l’international doivent respecter quelques principes  vitaux .

 Ces principes sont soulignés par une plate-forme remarquable  publiée dans Le Monde diplomatique (avril 1994, pages 16 et 17)      intitulée « Pour un monde solidaire et responsable », elle est fondée sur «  les éléments de diagnostic, les principes communs, l’esquisse d’une stratégie d’action en particulier sur l’articulation des niveaux géographiques et sur des programmes mobilisateurs. » Cette plate-forme met en avant les principes suivants :

le principe d’humanité c’est-à-dire la possibilité d’avoir une vie digne répondant aux besoins essentiels,

 le principe de responsabilité des divers acteurs dans la construction des sociétés,

 le principe de diversité par exemple des cultures,

le principe de précaution qui consiste à ne mettre en œuvre de nouveaux produits et de nouvelles techniques que si  des risques graves ou irréversibles n’existent pas,

 le principe de modération qui consiste pour les plus aisés à limiter leur consommation, à apprendre la frugalité.

Nous pouvons rajouter le principe de non-régression environnementale. Cette  sauvegarde signifie que lorsqu’une avancée décisive  a été acquise, un verrou juridique doit être alors posé. La nécessité vitale de réduire les atteintes à l’environnement ne peut que contribuer à convaincre les législateurs, les juges et la société civile d’agir en vue de renforcer la protection des acquis environnementaux au moyen de la consécration  de ce principe de non- régression. ( Voir sous la direction de Michel Prieur et Gonzalo Sozzo, « La non régression en droit de l’environnement », Bruylant , 2012) c'est-à-dire l’interdiction de remettre en cause  une protection .

4- Nous pensons enfin que le schéma général de résistances face à des moyens inacceptables, de  développements déjà en route et de déclenchements nouveaux  des moyens pour un monde viable serait et sera  probablement le suivant :

-  DES  RESISTANCES ET DES PRATIQUES ALTERNATIVES DE PLUS EN PLUS NOMBREUSES   A" LA BASE", par des personnes, des populations, des associations, des mouvements, d’autres  acteurs , cela sous les pressions des catastrophes et  en résistances aux logiques productivistes humanicides et terricides,

-  DES DISCOURS ET  DES   REMISES EN CAUSE, D’IMPORTANCES TRES  VARIABLES ,  AUX « SOMMETS » des différents niveaux géographiques, sous les pressions des catastrophes  et de la base,

-DES  FISSURES  « AU CŒUR » DES LOGIQUES DU  PRODUCTIVISME , celles des marchés financiers, du marché mondial, de la techno science…sous les pressions et des catastrophes  et  de la base et du sommet.

Remarque terminale.

Les volontés et les moyens doivent et  peuvent être aux rendez-vous de la survie des humains et de l’ensemble du vivant, mais les marges de manœuvres des générations présentes et futures immédiates diminuent.

Deux sacs pour cheminer, oui « le pessimisme de l’intelligence et l’optimisme de la volonté », mais l’optimisme de la volonté il en faut de plus en plus, il réduit à la cuisson…

 Jean-Marc Lavieille

ancien responsable du master de droit international et comparé de droit de l'environnement,

auteur d'ouvrages sur le désarmement,la paix,les relations internationales et surtout sur le "Droit international de l'environnement"(Ellipses,quatre éditions)

co-fondateur de douze associations, de deux coordinations, et de la Maison des droits de l'homme de Limoges,

membre de Centre international de droit comparé de l'environnement(ONG) et du Centre de  recherches sur la paix et les conflits (Lyon) .

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 retraité qui pense qu'il est tard mais toujours temps , personnellement et collectivement,

qui veut  encore "participer" (ainsi par exemple ses écrits du  site et du  blog, ainsi l'accueil des enfants petits-enfants et amis...)

et "se détacher"(ainsi par exemple volontairement par  l'arrêt  de ses  interventions orales, et de façon forcée par les départs douloureux  d'êtres aimés de ma génération qui a commencé à  "faire ses valises"...)

qui a l'immense tristesse et la révolte toujours vivante  de laisser les générations qui arrivent dans un système mondial d'autodestruction,

qui a le terrible regret et  la blessure à vif d'avoir échoué, avec en particulier plusieurs générations de militants,  face à l'horreur de la course aux armements ,

qui pense toujours que l'amour,l'amitié,la fraternité(en particulier celle des luttes) et l'art (en particulier la musique,la poésie et le cinéma)  peuvent être  des chances et des merveilles,

qui croit, de tout lui-même avec tant et tant d'autres, à l'espérance le l'humanité.

Albert Camus  nous rappelle  "qu'il n'y a d'humanisme que celui des hommes révoltés". Pablo Neruda fait dire à tous les peuples martyrs"Aucune agonie ne nous fera mourir!". Cri de grande douleur,de résistance acharnée et d'espoir fou.Ainsi, tant que dureront les êtres humains, l'espérance de l'humanité n'est-elle pas inépuisable?

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