Apocalypses écologiques(IVème partie)
Appliquer et radicaliser l’Accord sur le climat.(chap6)
Avant-propos, introduction, plan en onze parties .
"Appliquer" signifie s'engager et respecter ses engagements.
"Radicaliser" signifie dans l'annonce de nouvelles contributions augmenter et respecter ses engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre , dans les COP proposer des amendements enfin radicaux,dans des conférences combler de nombreuses lacunes par de nouveaux traités.
Avant-propos.
Nous proposons cinq remarques préalables.
1-Un choix des mots qui peut être révélateur .
Les changements climatiques ne sont pas un « problème » ou « un thème » comme on l’entend très souvent .En disant cela on les banalise , c’est un problème comme un autre, on jette une sorte de linceul de silence sur un gigantesque drame alors que de nombreuses personnes , populations et êtres vivants en souffrent et en meurent , on passe aussi à côté de l’une des plus grandes menaces sur l’ensemble du vivant.
En évoquant « la question climatique » ou « les défis climatiques » c’est déjà mieux.
Mais, si l’on veut se rapprocher des réalités et les regarder en face, il faudrait affirmer que l’on réfléchit à « l’ensemble des problèmes, des drames et des menaces que constituent les changements climatiques. »
Cette trilogie qualifie mieux une grande partie de ces phénomènes environnementaux. Ne faut-il pas lutter contre les injustices, celles aussi qui consistent à mal nommer des malheurs (et des bonheurs bien sûr) ?
2-De fausses nouvelles qui ont la vie plus ou moins longue.
Le déni des climato sceptiques selon lequel «le réchauffement n’existe pas » est terminé pour une large part , sauf pour ceux et celles qui ne vivent pas encore les réchauffements ou qui ferment les yeux et les oreilles aux informations qui les annoncent, aux reportages qui les montrent, sauf aussi pour ceux et celles qui confondent encore météorologie et climat , en pensant par exemple qu’une semaine froide prouve qu’il n’y a pas de réchauffement, alors que les années les plus chaudes se suivent désormais et que le réchauffement anthropique a commencé vers 1830, il y a donc plus de cent quatre vingt dix ans, ce qui correspond au début de l’ère de l’anthropocène c'est-à-dire au moment où les énergies fossiles explosent et où l’homme devient une force de domination de la nature ,l’histoire de la Terre entre alors en collision avec les humains qui l’habitent .
Par contre a la vie dure l’autre déni des climato-sceptiques , avec ou sans intérêts économiques ou politiques pour l’affirmer, celui qui consiste à dire que « l’homme n’y est pour rien » ou « pour si peu ». Ils sont encore nombreux sur la planète et ne veulent pas voir les multiples preuves scientifiques qui ne font maintenant plus aucun doute sur nombre d’ activités humaines mises en cause. Cette vérité saute aux yeux pourvu qu’on les ouvre ou qu’on ne la cache pas pour diverses raisons.
Une catégorie de fausses nouvelles va également dans le sens « d’un mensonge des scientifiques qui sont accusés de sur estimer les effets du réchauffement ».Pourtant comment ne pas ouvrir les yeux sur des populations déjà victimes ? Comment ne pas prendre en compte les effets problématiques, inquiétants, dramatiques ou terrifiants de l’augmentation de la température moyenne du globe degré par degré ?
On ne veut pas ou on ne peut pas comprendre ou on n’a pas eu l’occasion de comprendre que quelques degrés de plus de la température moyenne de la Terre changent tout.
Ainsi pour mieux le réaliser prenons le chemin inverse, celui du refroidissement de quelques degrés de la température moyenne de le Terre, notre foyer d’humanité.
Il y a environ 20 000 ans, la Terre sortait de la dernière période glaciaire qui avait duré environ 100 000 ans. Par quel type de climat se caractérisait cette période ? Des chercheurs ont affirmé qu’il était de l’ordre de 5 à 7 degrés . C’était donc de sept à neuf degrés au-dessous du climat de la température moyenne du XXe siècle qui a été de 14 degrés. Cette variation donnait des glaces gigantesques en épaisseur et en surface.
« Ne vous souciez pas des générations futures, elles s’adapteront », « l’homme s’est toujours adapté. »
D’abord on admirera le « profitons », la « dictature de l’instant » le « après nous le déluge ». La solidarité intergénérationnelle est plus ou moins inconnue dans ces types de raisonnements et de ressentis.
Ensuite on émettra plus que des doutes sur la capacité des humains à faire face à un phénomène dont ils n’ont jamais dû sur toute la planète affronter l’ampleur gigantesque .Le dernier rapport de 2022 du GIEC est formel. Le GIEC en mars 2022 ajoute que si « la vie sur Terre peut se remettre d'un changement climatique majeur en évoluant vers de nouvelles espèces et en créant de nouveaux écosystèmes , l'humanité ne le peut pas. »
Agriculture, élevage, pêche, aquaculture… « Dans tous les systèmes de production alimentaire, les pertes soudaines s’accroissent. » « Or l’humanité n’est à ce stade pas armée pour faire face à la dégradation certaine de la situation. « Les niveaux actuels d’adaptation seront insuffisants pour répondre aux futurs risques climatiques . »
C’est là bien sur une réponse à ceux qui affirment dans une sorte de rite de réassurance, aveugle et automatique, que « l’homme s’adaptera toujours. »
Les interactions entre les cataclysmes et l’accélération du système productiviste mondial ne vont pas dans le sens de l’adaptation sorte, ici, de grand remède miracle ( même si « l’adaptation » se trouve officialisée dans l’Accord de Paris en aval des drames et des menaces, et si « l’atténuation » des luttes contre le réchauffement est officialisée, elle aussi, en amont des drames et des menaces. )
Enfin les marges de manœuvres des générations qui arrivent diminuent à cause des interactions entre les menaces et les drames environnementaux et à cause de la rapidité d’autodestruction du système productiviste.
Ces trois arguments mettent par terre ce rite de réassurance.
3-Des chocs intellectuels et affectifs.
Choc intellectuel des irréversibilités en route pour l’instant. Que d’auteurs , de scientifiques, de militants remarquables avaient analysé ces situations et lancé de nombreux appels depuis bien longtemps !
Choc affectif de ce que certains certaines d’entre nous considèreront comme un échec global de nos générations . Il est ainsi hautement probable que les générations qui seront là dans les quelques décennies à venir, vont se trouver aux avants postes de tous les défis, parmi lesquels des catastrophes écologiques massives.
Pour résumer la situation non pas sous la forme d’ un simple avertissement mais par une sorte de glas apocalyptique : « la biosphère est à la veille d’un basculement abrupte et irréversible »(…) voilà « l’imminence d’ici à quelques générations d’une transition brutale vers un état de la biosphère inconnu depuis l’émergence d’homo sapiens il y a 200.000 ans » affirment ,par exemple, deux études du 7 juin 2012, de chercheurs de plusieurs disciplines appartenant à une quinzaine d’institutions scientifiques internationales, affirment.(étude revue Nature, rapportée par Le Monde du 7/6/2012, article de Stéphane Foucart).
4-Quel est « Le grand gagnant » et quels sont « les grands perdants » en ces débuts de la troisième décennie du XXIème siècle ?
Pour l’instant, en juin 2022, le « grand gagnant » est toujours le réchauffement climatique, les « grands perdants » ce sont une partie de plus en plus importante des générations présentes qui plongent ou vont plonger dans différents drames, et surtout vraisemblablement l’ensemble des générations futures .
De façon globale les grands perdants sont aussi , on n’y pense pas toujours, les générations passées dont le patrimoine culturel ,du local au mondial, disparaitrait ainsi peu à peu.
Et de façon globale les grands perdants sont constitués par l’ensemble du vivant, humains, animaux , végétaux…sauf si …
sauf si des contre-mécanismes/ nombreux,/ puissants,/ radicaux/ rapides,/à tous les niveaux géographiques,/dans l’ensemble des activités humaines,/
se mettaient en route pour passer d’un système productiviste autodestructeur à un monde viable.(voir nombreux articles sur ce site et ce blog , par exemple « Environnement : les moyens d’une protection mondiale”.)
5-Les sources de cet article en onze parties.
Des équipes de journalistes remarquables font en particulier des synthèses des rapports internationaux, ainsi dans Le Monde . Souvent se trouvent aussi ces rapports internationaux en tout ou partie . Libération et Mediapart ont également des équipes de journalistes remarquables, elles aussi dans le domaine de l’environnement .
Les sites environnementaux se sont multipliés, ils doivent aussi entre autres démonter les fausses nouvelles. Très utiles sont ainsi par exemple « notre-planète .info » et « actu-environnement.com » .Les sites également très nombreux et souvent porteurs d’associations environnementales.
Par rapport aux aspects juridiques nous avons privilégié les actes du colloque international sur « Les catastrophes écologiques et le droit. Echecs du droit, appels au droit », sous la direction de Jean-Marc Lavieille, Julien Bétaille, Michel Prieur , éditions Bruylant, 2012.
Egalement nos trois éditions de « Droit international de l’environnement » de 1998,2004, celle aussi de 2010, et avant tout la quatrième édition faite en collaboration avec Hubert Delzangles et Catherine Le Bris , éditions Ellipses ,4ème édition , 2018.
Enfin nos cours comme ancien responsable du master de droit international et comparé de l’environnement et nos interventions par exemple à la COP21 de Paris de 2015 aux colloques internationaux du « Centre international de droit comparé de l’environnement », (présidé par un des grands pionniers mondiaux du droit de l’environnement, Michel Prieur , comme l’avait été aussi Alexandre Kiss), interventions sur « Les déplacés environnementaux » et sur « Les droits de l’humanité».
Introduction.
« Il y a cinq façons d’entrer dans l’Accord de Paris, cinq logiques différentes : diplomatique, participation de la société civile, juridique, scientifique, économique. »
C’est une citation de Michel Prieur qui présidait cette table ronde dans laquelle il intervenait avec Jean-Jacques Gouguet , Catherine Le Bris, et l’auteur de ce blog et de site ce 15-1-2016 à la Faculté de droit et des sciences économiques de Limoges.
Trois remarques dans cette introduction :
un moment clef(1), deux symboles(2) et une analyse proposée(3).
1-Un moment clef .
Devant les délégués des 196 parties (195 Etats et l’Union européenne ), ce 12 décembre 2015 à 19h32, à la tribune officielle du Parc des expositions à Paris-Le Bourget, à la fin de cette 21ème Conférence des parties de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, le Président de la COP21 (le ministre français des Affaires étrangères) déclare dans un seul souffle « Je regarde la salle ( pendant une seconde puis il regarde son texte), je vois que la réaction est positive, je n’entends pas d’objection, l’Accord de Paris sur le climat(coup de marteau sur la table) est accepté. » Suivent alors applaudissements, mains élevées qui se tiennent et embrassades chaleureuses . Puis les délégués auront la parole pour exprimer leur satisfaction et leur engagement.
A 19h52 celui du Nicaragua ose émettre l’objection tant redoutée, « nous ne pouvons pas accompagner ce consensus », malaise, coup de froid ou de chaud dans l’assemblée des délégués, l’objection est ignorée, mise de côté, les interventions continuent .
2-Deux symboles.
Les embrassades à la tribune et dans la salle renvoient d’abord , bien sûr, à un premier symbole, celui d’une grande victoire, d’un immense soulagement et d’une grande joie d’avoir fait « un pas » considéré par certains comme « vital ».
Mais, peu évident à percevoir et mis de côté dans cette communion , un second symbole, qui n’était pas là pour la première ni la dernière fois, celui d’un désastre écologique présent et à venir, celui d’embrassades à bord d’une sorte de Titanic.
Des militants écologistes, qui avaient tenu une immense banderole symbolisant les lignes rouges à ne pas dépasser pour une planète juste et vivable, faisaient d’ailleurs dans le jardin public du Champ-de-Mars une minute de silence en hommage aux victimes passées présentes et futures des changements climatiques.
3-L’analyse proposée.
L’analyse proposée ici de « l’Accord de Paris » (appellation officielle), c’est celle d’un enseignant-chercheur de droit international de l’environnement.
Elle prendra en compte des données scientifiques, financières, économiques, sociales, incorporées un peu, beaucoup …ou pas du tout (lacunes), selon les cas, dans cet Accord.
Elle prendra en compte des rapports de forces, ceux des Etats et de beaucoup d’autres acteurs.
Paul Valéry disait magnifiquement « Le droit est l’intermède des forces » (Tel quel ,1941)
A notre sens qu’est-ce que cela signifie ?
Cela signifie qu’il y a quatre séries de mouvements en fait et en droit. On le voit très bien en analysant par exemple des conventions de droit de l’environnement et des traités de désarmement. Ce petit passage passionnera peut-être certains et certaines d’entre vous.
Attention : voici une démonstration qui explique en profondeur pour une part l’Accord de Paris.
Deux séries de mouvements essentiels vont des forces vers la production d’un droit: des forces dominantes produisent un droit dominant, et des forces dominées produisent une remise en cause du droit dominant.
Un exemple résumé : les puissances financières et économiques autour des énergies fossiles empêchent une taxe carbone. D’autres acteurs contestent cette situation juridique.
Deux séries de mouvements importants vont du droit vers des forces : un droit dominant renforce des forces dominantes et un droit remis en cause peut renforcer la résistance des forces dominées.
La suite de l’exemple : l’absence dans l’Accord d’une taxation du carbone renforce les puissances du carbone, les contestations de ce droit dominant peuvent renforcer les forces qui contestent cette absence.
Dans cette analyse on pense que l’essentiel se joue au niveau des forces économiques et financières (superstructures), mais que l’important peut se jouer aussi au niveau du droit (superstructure) qui n’est pas qu’une simple « marionnette » des infrastructures.
Pour essayer d’avoir une analyse globale, critique et prospective, critères qui nous semblent essentiels,
nous envisagerons tour à tour onze parties ,
ce qui permettra d’ailleurs en les détachant, pour ceux et celles qui trouveraient l’article trop long ou qui seraient plus motivés par telle ou telle réflexion, de choisir telle ou telle partie.
Les clarifications de la portée juridique de l’Accord de Paris (I) . Beaucoup d’erreurs sont commises, lesquelles ?
Les raisons pour lesquelles certains pensent qu’il s’agit d’un succès historique (II). Cette impression à première vue parait justifiée pour plusieurs raisons, lesquelles ?
Les critiques de l’Accord de Paris comme reflet d’une accumulation de puissances et d’impuissances (III). En fait et en droit l’Accord n’est-il pas porteur de très graves insuffisances ? Qu’est-ce qui ne convient pas dans les dispositions ? Quels sont également les points révélateurs de désaccords et passés sous silence ?
La mise en œuvre de l’Accord de 2015 à la 26 COP de novembre 2021 et à celle COP 27 de novembre 2022 en Egypte qui approche. (IV). Pendant ces sept années les conférences des Etats parties ont-elles un peu, beaucoup ou pas du tout avancé ? Quels ont été les principaux blocages ? Sont-ils révélateurs des rapports de force ?
Trois évènements particuliers et leurs effets sur l’Accord de Paris (V). Les Etats s’engagent-ils au « sommet sur le climat » en avril 2021, véritablement dans des réductions renforcées des émissions de CO2 ? Et le lamentable et condamnable retrait des Etats-Unis puis son retour porteur? Et les effets du coronavirus sur les émissions de CO2 ?
Le point global sur les changements climatiques en juin 2022 à travers les rapports internationaux du GIEC (VI). Où en est-on vraiment ? Quels sont aux regards des scientifiques les raisons d’espérer et de désespérer pour des « décideurs », des militant(e)s, des citoyen(ne)s face à la débâcle climatique ?
Le contexte écologique et sanitaire de l’Accord de Paris et de sa mise en œuvre (VII). Les effets sanitaires de la débâcle écologique ne s’aggravent-ils pas ? Et des pandémies qui sont là ou qui menacent, ont-elles des liens avec la domination sur la nature ?
Les acteurs à l’épreuve des changements climatiques (VIII) Les Etats sont là bien sûr mais aussi beaucoup d’autres acteurs, lesquels ? Doit-on et peut-on avoir une vue d’ensemble des systèmes de fonctionnement des acteurs et des acteurs entre eux ? Comment dans ce schéma tenir compte du rôle des catastrophes et de leurs pédagogies( ?) dans ce système productiviste global ?
De graves lacunes à combler dans l’Accord de Paris (IX) Dans un accord ce qu’il y a aussi d’essentiel c’est ce qui n’est pas évoqué. Quelles sont ces lacunes gravissimes pour certaines d’entre elles? Faut-il les combler et, si c’est le cas, lesquelles et surtout comment,quelles propositions peut-on faire ?
Les quatre mécanismes principaux de la débâcle écologique, obstacles terribles de l’Accord de Paris.(X) On pense bien sûr à la lenteur des Etats empêtrés dans les intérêts des acteurs économiques et financiers du marché mondial, mais n’y a-t-il pas au moins trois autres obstacles gigantesques : la course au profit dans la marchandisation de la nature, les interactions des crises écologiques, l’accélération du système productiviste autodestructeur?
Mieux comprendre l’Accord de Paris sur le climat c’est aussi avoir une vue globale, critique et prospective.(XI) Quelles volontés, quels moyens , quelles marges de manœuvres pour passer d’un système autodestructeur à un monde viable ?
On doit donc essayer d’éviter l’erreur terrible d’une analyse en vase clos, pourquoi ?
Parce que les interactions des apocalypses écologiques et leur accélération nous obligent à le faire.
Sinon on sort d’une analyse le nez sur la feuille ou l’arbre mais on a fermé les yeux sur la forêt et les autres forêts.
Edgar Morin nous l’avait dit depuis longtemps « Penser c’est dialoguer avec la complexité. »
Le dicton « Qui trop embrasse mal étreint » appliqué à l’analyse des changements climatiques peut entrainer de gigantesques erreurs, pourquoi?
Parce que qui… n’embrasse pas assez n’étreint pas grand-chose.
L’Accord de Paris est déjà très étendu dans son contenu mais ne faut-il pas voir au-delà ? N’est-ce pas aussi le système mondial qui doit être interrogé ?
Qui a intérêt à fuir l’immensité des remises en cause vitales ? Sûrement pas l’humanité ni le vivant.
I-L’Accord de Paris : sa portée juridique .
A côté de ceux et celles qui affirment de bonne foi qu’un accord entre les Etats n’est pas obligatoire, il y a ceux et celles qui se servent de cette caricature pour leurs intérêts financiers, économiques , politiques à préserver.
Or même si les choses sont compliquées ne doit-on pas essayer de les comprendre si l’on pense que le réel est gros(pas toujours !) de possibles et qu’il faut agir pour consolider les forces d’un accord et agir pour remédier à ses faiblesses ?
Il y a ici de nombreuses erreurs à dissiper, d’où quatre points
La distinction entre la décision de la COP et l’Accord proprement dit .(A)
Le caractère contraignant de l’Accord(B).
Le caractère souple de nombreuses dispositions réduit la force d’applicabilité de l’Accord ( C).
Les mécanismes de suivi de l’Accord (D).
A- La distinction entre la décision de la COP et l’Accord proprement dit.
Les négociations ont donc débouché sur un document final qui comprend deux supports juridiques dont la répartition des dispositions n’est pas neutre.
1-D’abord la décision de la Conférence des parties soit 140 paragraphes sur 22 pages, cette décision pose plusieurs questions. Pourquoi ces dispositions sont-elles là et non pas dans l’Accord ? Parce que des questions étaient trop techniques, des engagements étaient à court terme, parce que surtout telle ou telle question était trop sensible, le processus d’adoption était plus simple, (c’est le consensus sans signature et sans ratification), et la portée juridique n’est pas la même que celle de l’Accord. Quelle est la portée juridique de cette décision de la COP ? Elle est beaucoup moins contraignante que l’Accord et plus contraignante qu’une simple déclaration, elle a des effets sur le comportement des Etats et même elle est invocable devant des juridictions nationales. Quel est ici le contenu de cette décision ? Elle fait l’objet de cinq regroupements : l’adoption de l’Accord, les contributions des Etats, les actions améliorées avant 2020, la mise en œuvre de l’Accord, les questions administratives et budgétaires.
2-Ensuite le second support juridique c’est l’Accord de Paris qui comprend 29 articles sur 17 pages. Il s’agit d’un traité international conforme à la Convention de Vienne sur le droit des traités. Cet Accord est pris en application de la décision de la COP dès le paragraphe 1 et il figure en annexe de la décision de la COP. Quel est son contenu ? Après un préambule d’une quinzaine de considérants, font tour à tour l’objet de dispositions : l’objectif de l’Accord ,les contributions des Etats, les puits et les réservoirs de gaz à effet de serre, l’atténuation, l’adaptation, les pertes et dommages, les ressources financières, le transfert de technologies, le renforcement des capacités des pays en développement, l’éducation, le cadre de transparence, le mécanisme de mise en œuvre, le rôle des institutions de la Convention, l’entrée en vigueur et, à souligner, à l’article 27 l’impossibilité de faire une réserve, à l’article 28 la possibilité pour un Etat partie de se retirer de l’Accord trois ans après son entrée en vigueur.
B- Le caractère contraignant de l’Accord sur le climat.
On pourrait paraphraser Coluche : « J’ai demandé à un juriste si cet Accord était obligatoire ou pas, à la fin de sa réponse je ne comprenais plus la question que j’avais posée ».Pourtant la réponse est simple « oui sans aucun doute mais… » et le « mais » dans cet Accord pèse lourd.
1- Oui un traité est juridiquement contraignant pour les Etats qui le signent puis qui y adhèrent selon leurs instruments juridiques internes. Il doit être exécuté de bonne foi par les parties comme l’y oblige la Convention sur le droit des traités. L’accord sera ainsi ouvert à la signature au siège des Nations Unies (du 22 avril 2016 au 21 avril 2017). Il entrera en vigueur après sa ratification par au moins 55 Etats signataires représentant au moins 55 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Des Etats peuvent l’appliquer de façon anticipée avant son entrée en vigueur comme cela arrive parfois en droit international de l’environnement. La COP22, prochaine session de la Conférence des parties, se tiendra au Maroc, à Marrakech en novembre 2016. Un “groupe de travail spécial” est chargé des travaux préparatoires de cette prochaine étape.
2-Mais il faut souligner deux éléments complémentaires,
d’abord le préambule d’un traité a simplement, si nécessaire, une valeur interprétative,
ensuite les annexes qui accompagnent le traité sont, par contre, parties intégrantes de celui-ci et, là, véritable catastrophe juridique et écologique, les contributions volontaires des Etats, relatives aux objectifs de réduction de leurs émissions, sont absentes de la fin de l’Accord, la COP demande simplement à son secrétariat de continuer à les publier. C’est un recul par rapport au rôle que jouait l’Annexe B du Protocole de Kyoto.
C- Le caractère souple de nombreuses dispositions réduit la force d’applicabilité de l’Accord sur le climat.
1-Beaucoup de dispositions donnent des marges de manœuvres importantes aux Etats, ce sont ici et là des sortes de déclarations d’intention, cette « souplesse » a certes permis le consensus, parce que, sans elle, des Etats n’auraient pas adopté le texte, mais elle a fait perdre de sa force d’applicabilité à l’Accord. Ici et là c’est un accord à la carte.
2-Un exemple c’est celui de la formulation au conditionnel présent du verbe devoir,(dans les décisions de la COP c’est la même chose, quarante sur 140 sont au conditionnel), on le trouve dès le départ dans le préambule de l’Accord, il est écrit « lorsqu’elles prennent des mesures face à ces changements climatiques les Parties devraient (et non pas doivent) respecter leurs obligations concernant les droits de l’homme ». C’est ce verbe devoir à l’indicatif du présent qui a affolé les négociateurs des Etats-Unis et qui a failli faire échouer la COP 21.
3- Dans un article de la version finale de l’Accord portant sur l’engagement des pays développés à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, il était écrit que “les pays développés doivent continuer à être en première ligne pour mener à bien des plans nationaux de réduction d’émissions de gaz à effet de serre”. Le terme doivent (shall)(obligation de résultats) a été changé en devraient (should). Pourquoi ? Ce verbe à l’indicatif présent pouvait entrainer une nouvelle législation aux Etats-Unis. Le traité aurait dû alors obtenir l’aval du Sénat américain, très difficile ou impossible avec la majorité républicaine, et le président de la COP21 a évoqué ce qu’il a appelé, (avec, comme on voudra, une assurance élégante ou un toupet historique ou un tour de passe-passe discutable), « des clarifications sur des corrections purement matérielles. » Ce conditionnel « devraient » est l’un des plus vieux serpents de mer des conventions de droit international de l’environnement.
D- Les mécanismes de suivi de l’Accord.
C’est un des points sur lesquels l’erreur est la plus fréquente.
1- Le fait que l’Accord ne prévoit pas de mécanisme de sanction (là aussi c’est un recul par rapport au Protocole de Kyoto certes loin d’être toujours efficace puisqu’ un Etat qui courait le risque de pénalités de 14 milliards de dollars(le Canada) s’est retiré du Protocole) , cette absence de sanctions ne signifie pas que l’Accord n’est pas contraignant.
Le droit existe de multiples façons aussi en l’absence de sanction.
Mais cette absence peut faire perdre de la force d’applicabilité au traité.
2-Cependant l’Accord prévoit un mécanisme pour faciliter sa mise en œuvre et promouvoir le respect de ses dispositions. Ce mécanisme de suivi repose sur un comité d’experts qui fonctionnera, est-il précisé, de manière « non accusatoire et non punitive. »Il sera important, lorsqu’il établira son règlement, de savoir par exemple si les ONG pourront ou non le saisir. La transparence et la vérification vont « renforcer la confiance mutuelle », le processus mis en place est celui d’une d’évaluation, d’une comptabilisation, d’une vérification des résultats et des politiques et des fonds versés et de leur utilisation. Chaque pays « fournit régulièrement » des informations sur ses émissions, sur leur absorption par les puits de carbone et sur la réalisation de son plan national, par contre chaque pays « devrait communiquer » des informations sur les effets des changements et sur l’adaptation à ces changements.
Ces clarifications juridiques terminées, demandons-nous pourquoi l’Accord a été et est encore qualifié par certains « d’historique? »
II-L’Accord de Paris sur le climat : « un succès historique. »
Passons sur des bénéfices politiques éventuels de personnalités, de délégations étatiques et d’autres acteurs, bénéfices liés à cette constatation d’un succès historique auquel on a participé.
Ces raisons sont principalement au nombre de quatre :
La 1ère raison est d’ordre psychologique : l’échec a été évité(A).
La 2ème raison est d’ordre politique : à l’ouverture de la Conférence la présence des
chefs d’Etat et de gouvernement a été porteuse(B).
La 3ème raison est d’ordre politico-juridique : un accord universel a été adopté ( C ).
Le 4ème point de ce succès historique est d’ordre global et prospectif : cet accord est un pas qui va permettre d’en préparer d’autres (D).
A-La 1ère raison est d’ordre psychologique : l’échec a été évité.
1-Il ne faut pas sous-évaluer ce facteur qui a pesé lourd. Les responsables de la COP21 avaient depuis au moins une année la hantise permanente, exacerbée dans les derniers jours, heures, minutes, de retomber, de replonger, de s’embourber, de se faire piéger, de disparaitre dans un échec comme celui de la Conférence de Copenhague six ans auparavant en décembre 2009, celle-ci laissait le souvenir d’un véritable traumatisme. En effet en 2007 la 13ème Conférence des parties à Bali avait prévu un accord dans les deux ans pour remplacer le Protocole de Kyoto (de 1997, entré en vigueur en 2005) dont la première étape se terminait en 2012. Ainsi à la 15ème Conférence des parties de Copenhague, alors qu’après dix jours de négociation entre les 192 délégués aucun progrès significatif n’avait pu être enregistré , les discussions directes entre les chefs d’Etat et de gouvernement, arrivés quelques jours avant la fin du sommet, avaient permis d’arracher un accord politique de dernière minute. Présenté par 26 pays (industrialisés et émergents), mais négocié à huit clos entre les États-Unis, la Chine, le Brésil, l’Inde et l’Afrique du Sud, cet accord politique non contraignant n’a pas été formellement signé à la Conférence par les 166 autres Etats parties à la Convention de 1992. Lors de la dernière séance plénière de Copenhague, ces pays ont simplement “pris note” de son existence, donc en particulier de la nécessité de limiter le réchauffement d’ici 2050 à 2 degrés par rapport à l’ère préindustrielle. Ajoutons à cela que les ONG les derniers jours avaient été scandaleusement mises à l’écart.
Rien de tel à Paris.
2- Une organisation remarquable, avec 38000 badges remis dont 19000 aux délégués nationaux, 8000 aux observateurs, 2800 aux représentants des medias, 200 manifestations parallèles officielles (dont 3 organisées par le CIDCE),
3-et surtout, une préparation, elle aussi remarquable, en amont. Depuis une année la France, pays d’accueil de la Conférence, à travers le Président de la République et ses envoyés, le Ministre des affaires étrangères, celui aussi de l’écologie et les équipes interministérielles, mais également des membres du Secrétariat de la Convention ont parcouru la planète , les réunions interétatiques ont été nombreuses, les unes formelles, la dernière , celle de Bonn fin octobre, arrivait à un texte de 55 pages avec encore beaucoup d’options, les autres informelles, la dernière à Paris début novembre réunissait 60 Etats, également les rencontres de haut niveau avec la Chine et les Etats-Unis.
4-Enfin des méthodes de travail pendant la Conférence ont joué un rôle important, elles reposaient en particulier sur le rôle de ministres facilitateurs et surtout sur une pratique venant d’Afrique du Sud qui présidait le « G77 » qui regroupant en fait 134pays en développement et pays émergents dont la Chine et l’Inde. Cette méthode de négociation, « l’Indaba », avait déjà été utilisée à la Conférence de Durban en 2011.Elle a consisté, en particulier la nuit du 10 décembre 2015, à se retrouver dans des réunions en cercles réduits de « format Indaba » qui permettaient à chacun de s’exprimer et d’aboutir à des compromis.
5-A cela s’ajoutent bien sûr les innombrables réunions et manifestations de la société civile c’est-à-dire des ONG, des scientifiques, des entreprises, des populations autochtones, des syndicats, des mouvements sociaux… Sans oublier les initiatives des collectivités territoriales, le rôle des mondes médiatiques, et les mobilisations de lycéens et d’étudiants .
B-La 2ème raison est d’ordre politique : à l’ouverture de la Conférence la présence des chefs d’Etats et de gouvernement a été porteuse.
1-Avant de laisser la place au groupe de travail technique de la première semaine puis aux négociations politiques au niveau ministériel de la seconde semaine, il fallait un élan politique, c’est celui des 150 chefs d’Etat et de gouvernement qui ont répondu présents à l’invitation de la France le jour de l’ouverture de la COP21 ce 30 novembre 2015 . Dans certaines Conférences des parties ils arrivaient à la fin, l’idée de les faire participer dès le début a été porteuse. Ils se sont exprimés tour à tour en montrant leurs engagements face aux changements climatiques.
2- Ce succès diplomatique sera rappelé par les uns et les autres pendant les douze jours qui suivent. Négociateurs, nous sommes responsables moralement devant nos représentants au plus niveau, nous ne pouvons pas les décevoir, nous concrétiserons leurs engagements politiques solennels.
C-La 3ème raison est d’ordre politico-juridique : un accord universel a été adopté.
1-La COP 21 est arrivée à ce que l’ensemble des Etats participe au processus de réduction des gaz à effet de serre, c’est la première fois. C’est une avancée essentielle préparée aussi par des COP précédentes, par les pressions de la société civile et par les scientifiques analysant les avancées de la débâcle écologique.
2– Certes l’universalité était déjà là dans la Convention de 1992 mais non dans les engagements de réductions de gaz à effet de serre, et en 1997 le protocole de Kyoto n’engage dans ces réductions que certains Etats.
3-On s’est mis d’accord pour maintenir un cadre international et multilatéral d’une certaine « gouvernance du climat ».Il y a eu, commente Michel Prieur, « au moins un consensus collectif pour faire quelque chose, de la part des pays développés mais aussi en développement et émergents. »
D-Le 4ème point de ce succès historique est d’ordre global et prospectif : cet accord est un pas qui va permettre d’en préparer d’autres.
1- Beaucoup de commentateurs de l’Accord affirment certes que ce texte est imparfait, même insuffisant mais un chemin commence par « un pas », c’est un texte catalyseur, c’est “une dynamique vertueuse, un élan” qui contribuent à déclencher une « révolution climatique », « le glas des énergies fossiles a sonné. »
2- L’Accord permet de mettre en route tout un potentiel, preuve en est qu’un peloton de tête des Etats(une centaine) vont vouloir s’engager plus vite que les autres(High ambition coalition), preuve en est que la COP21 a vu des avancées d’acteurs non étatiques, preuve en est que les pressions des opinions publiques réduiront l’écart entre l’Accord et les remises en cause nécessaires.
3- Après ce traité certes tout reste à faire, l’avenir confirmera ou non qu’il était historique, mais nous sommes sur la bonne voie. A l’Elysée le conseiller spécial de protection de la planète dira « Tout çà n’est pas le début de la fin mais la fin du début. »
4-La transition est faite, on aurait pu également presque (tout n’est pas sombre) et de façon sans doute, espérons le, trop radicale,citer Samuel Beckett (dans « Fin de partie ») « La fin est dans le commencement, et cependant on continue. »
5-Ne faut-il pas en effet aller plus loin, oser regarder deux autres vérités qui sautent aux yeux pourvu qu’on les ouvre, celle d’un texte qui n’est pas à la hauteur des enjeux et celle d’une situation particulière et plus globale qui est une véritable machine infernale ?
La bombe climatique est-elle désamorcée un peu, beaucoup ou pas du tout ?
III-Les critiques de l’Accord de Paris sur le climat : reflet des puissances et des impuissances .
Oui le droit est bien le produit de rapports de forces.
Parmi les puissances les plus fortes celles des puissances pétrolières, charbonnières et gazières, des pays dominants, des puissances de financiarisation du marché mondial, des logiques productivistes (voir sur ce site et ce blog les articles relatifs au productivisme)..
Parmi les «contre puissances » encore trop faibles celles des acteurs agissant dans le sens de contre mécanismes modérés ou radicaux face au productivisme.
Parmi les impuissances : celles des absences de chiffres, de dates, celles des imprécisions, celles de l’omniprésence des marges de manœuvres des Etats Parties, et puis celles des silences criants, scandaleux. Finalement n’y a-t-il pas une impuissance des Etats et d’autres acteurs à s’attaquer radicalement aux causes des changements climatiques ?
En ce sens l’Accord de Paris peut faire l’objet d’au moins quatre critiques gravissimes qui seront ici résumées.
-1ère critique L’Accord de Paris, sans fixer une stratégie de pourcentages et d’étapes, avalise pour une (large ?) part le réchauffement climatique (A).
-2ème critique L’Accord de Paris, sans engagements précis, ne détermine pas des moyens financiers pérennes et massifs (B).
-3ème critique L’accord de Paris, sans remises en cause des responsabilités, persiste dans des formes d’injustice climatique (C).
-4ème critique L’accord de Paris, par de nombreux silences, n’arrive pas à rompre avec le système productiviste (D).
A-1ère critique L’Accord de Paris, sans fixer une stratégie de pourcentages et d’étapes, avalise pour une (large ?) part le réchauffement climatique.
1-Certes un objectif ambitieux est mis en avant, il prévoit de « contenir le réchauffement « nettement en dessous de 2°C » par rapport aux niveaux préindustriels et de « poursuivre l’action menée pour limiter l’élévation à 1,5°C. »
2-Mais ce volontarisme est très gravement affaibli par l’absence d’objectifs chiffrés à long terme.
-Les contributions volontaires nationales sont avalisées. Or le secrétariat de la Convention dans un rapport de synthèse affirme que le pire a été évité, (entre 4° et 5° ou au-delà) mais qu’elles conduisent à un réchauffement d’au moins trois degrés.
-Le pic des émissions mondiales de gaz à effet de serre est visé « dès que possible.» On appréciera l’indétermination.
– Quant à l’équilibre entre les émissions d’origine anthropique et les absorptions par les puits de carbone on s’efforcera d’y parvenir au cours de la deuxième moitié du siècle. Dans les décennies qui viennent on avalise ainsi le stockage et la séquestration du carbone, la compensation carbone, la géo ingénierie.
-Enfin les révisions à la hausse sont encore retardées à 2025 après un rendez-vous en 2018, un premier bilan mondial des contributions nationales sera fait en 2023.Une coalition d’Etats envisage une première révision avant 2020. Des inventaires sont prévus tous les 5 ans, mais la mise en œuvre des révisions à la hausse restent dépendante des volontés des États.
On est très loin de ce qu’a martelé avec une gravité extrême le GIEC,
il fallait impérativement des points de passage à 2030,2050,
il fallait impérativement s’engager à faire chuter les émissions mondiales de 40 à 70% d’ici 2050 pour éviter un emballement climatique incontrôlable.
B-2ème critique L’Accord de Paris, sans engagements précis, ne détermine pas des moyens financiers pérennes et massifs.
1-Certes l’ensemble des pays en développement et les pays émergents pourront participer à ces efforts de l’aide, ils sont « invités à fournir ou à continuer de fournir ce type d’appui à titre volontaire », et non pas seulement les pays développés qui, eux, « fournissent des ressources financières aux pays en développement aux fins tant de l’atténuation que de l’adaptation dans la continuité de leurs obligations au titre de la Convention de 1992. »
2-Certes les 100 milliards de dollars (91 milliards d’euros)(qui sont par exemple seulement l’équivalent de 25 jours de dépenses militaires mondiales)(et en 2021 10 jours à 5 milliards de dollars par jour) , cent promis depuis six ans par les pays développés pour aider, chaque année à partir de 2020, les pays en développement à faire face aux conséquences des changements climatiques, sont considérés comme un « niveau plancher » à partir duquel un nouvel objectif chiffré collectif devra être fixé avant 2025 mais sans engagement pour la suite.
3–Pourtant ce plancher de financement n’est pas dans l’Accord, il se trouve dans une des décisions de la COP donc sans force contraignante et faisant l’objet de nouveaux arbitrages futurs.
4 -Ces financements ne sont pas qualifiés « d’additionnels » à l’aide au développement, c’est une porte ouverte à des Etats développés qui requalifieront en « financement climat », l’aide déjà apportée.
5-Ajoutons qu’on se trouve dans un schéma de grande complexité économique et écologique, par rapport à la répartition des efforts financiers entre l’atténuation et l’adaptation. L’Accord de Paris n’est pas clair là-dessus.
En schématisant on peut dire que plus le réchauffement s’aggrave plus on a besoin de fonds pour l’adaptation,
mais s’il y a moins de fonds pour l’atténuation le réchauffement s’aggrave.
Cette complexité pourrait être pour une large part résolue si les moyens financiers étaient sans commune mesure avec ceux programmés qui restent dérisoires par rapport aux besoins qui s’annoncent et par rapport à de nouvelles ressources financières gigantesques qui sont pensées par certains économistes (Jean-Jacques Gouguet par exemple) mais ne sont pas mises en œuvre.
C-3ème critique L’accord de Paris, sans remises en cause des responsabilités, persiste dans des formes d’injustice climatique.
1-Ce consensus pour trouver un accord entre les Etats est la preuve, affirment certains, qu’il y eu un compromis porté la justice climatique c’est à dire par la reconnaissance que les pays développés et les pays en développement ont du principe consacré à nouveau par l’Accord (principe déjà présent dans la Convention de 1992 et dans le Protocole de 1997)des responsabilités communes mais différenciées dans le changement climatique et que leurs capacités respectives à y faire face sont inégales.
2- Mais sont renvoyés dans le préambule (ce qui est mieux que rien mais qui n’est pas assez contraignant) les impératifs d’une transition juste, le respect des droits de l’homme, des droits des peuples autochtones, l’équité entre les générations. Vous avez dit justice ?
3– En plus de cela il y a, dirait Aragon, un « silence qui a le poids des larmes », celui sur les déplacés environnementaux et sur leurs droits. Quelle honte, quelle tristesse, quelle fuite devant les responsabilités ! On sait qu’ils sont et seront surtout dans les pays du Sud. Voilà qui en dit long sur ce qui constitue déjà, aux yeux de certains, de nouvelles classes dangereuses en voie d’explosion dans les décennies à venir. Au moins aurait-on pu avoir le courage minimal d’annoncer la nécessité d’une réunion internationale spécifique. Vous avez dit justice ?
4 –Aucun mécanisme clairement défini pour faciliter le transfert des technologies, pour supprimer des barrières à l’accès, barrières liées aux droits de propriété intellectuelle. Vous avez dit justice ?
5-Egalement certes les parties qui reconnaissent la nécessité d’éviter et de réduire au minimum les pertes et préjudices liés aux effets néfastes des changements climatiques et d’y remédier mais la décision de la COP précise que « l’Accord ne peut donner lieu ni servir de fondement à aucune responsabilité ni indemnisation. » Les pays développés refusent de devoir indemniser les pays en développement pour les dommages climatiques. Vous avez dit justice ?
6-Enfin l’absence aussi d’un tribunal international sur la justice climatique, même si on peut estimer très positif le fait que des associations saisissent des tribunaux nationaux pour poursuivre l’Etat considérant qu’il ne faisait pas assez pour lutter contre le réchauffement climatique. Ainsi aux Pays-Bas en 2015 et 2018,en France en 2020(Conseil d’Etat) ont ordonné à ces Etats d’appliquer leurs engagements .Mais l’Accord de Paris en tant que tel est loin de la justice climatique !
D- 4ème critique L’accord de Paris, par de nombreux silences, n’arrive pas à rompre avec le système productiviste.
« La vérité d’un homme c’est d’abord ce qu’il cache » disait Malraux.
La vérité de cet accord c’est aussi ce qu’il cache.
1- Il ne cache pas tout, certains éléments, comme la référence à la croissance économique, sont comme ces diables qu’on enfonce dans une boite et qui ressortent toujours. Sainte croissance protégez-nous !
Ne pas se demander seulement ce qui est écrit mais aussi ce qui ne l’est pas…
2-Ainsi de nombreux silences sont là, et à leurs façons ils sont plus ou moins criants :
-l’absence ( provisoire en principe puisque l’OACI et l’OMM doivent intervenir par la suite) de prise en compte des secteurs de l’aviation et du transport maritime,
-l’absence de prise en compte des gaz à effet de serre liés aux activités militaires, un remarquable colloque à Paris (« Armées, guerres et environnement ») parallèle à la COP21, a insisté sur ce point,
-certes l’absence de référence dans l’Accord aux énergies renouvelables qui ne sont mentionnées que dans le préambule de la décision par rapport aux pays en développement,
-le silence révélateur d’un puissant non-dit sur le nucléaire, autre élément de grande discorde en particulier entre d’une part certains Etats, le complexe de la nucléocratie et d’autre part une grande partie des ONG ,
-mais aussi deux grands silences révélateurs l’un sur l’absence d’interdictions aux subventions accordées aux énergies fossiles,
-l’autre, particulièrement gravissime, sur le prix du carbone (même si une allusion est faite à la tarification du carbone à la fin de la décision de la COP dans une rubrique consacrées aux entités non parties à l’accord),certains pensent que c’était un contre mécanisme essentiel contribuant puissamment à laisser des énergies fossiles dans le sol,
-…mais aussi le silence sur les liens à établir entre la taxation des transactions de change et le fonds d’adaptation,
– mais aussi le silence sur la consécration d’un nouveau principe selon lequel le commerce international doit être conforme aux conditions sanitaires et environnementales,
– mais aussi un grand silence sur les espèces vivantes, même si la biodiversité est évoquée dans le préambule de l’Accord, il fallait l’affirmer clairement : les changements climatiques mettent en péril l’humanité et l’ensemble du vivant,
-Enfin un autre silence, celui relatif à l’explosion démographique, chaque jour l’excédent de la population mondiale (227000 personnes) est l’équivalent de la communauté d’agglomération Limoges Métropole, cette explosion démographique que, par exemple, Claude Levi Strauss … ou René Dumont, ne séparaient pas de la crise écologique;
-Enfin pas un mot sur les déplacés environnementaux! C'est probablement un des silences les plus écœurants. Nous y reviendrons bien sûr.
On trouve une façon quasi automatique de répondre aux raisons de ces silences nombreux et omniprésents : d’autres conférences, climatiques ou non,” traiteront de ces questions, l’ordre du jour était déjà assez chargé comme cela .
3-En fait ces silences témoignent de désaccords profonds, de reflets de multiples puissances et impuissances, de cette machine infernale du renvoi à plus tard, de l’incapacité de se hisser au niveau de l’intérêt commun de l’humanité.
Et çà n’est pas parce que l’on est noyé dans l’ urgence qu’on ne peut pas prendre en compte le long terme, c’est surtout parce qu’on a pas pris en compte le long terme que l’on est noyé dans l’urgence.
4-Il aurait fallu, au minimum, prendre acte de ces ou de certaines de ces questions à résoudre
soit dans le préambule de l’Accord, soit dans une déclaration spécifique, soit par un autre moyen
et annoncer le principe de conférences diplomatiques pour avancer par rapport à tel ou tel drame, par exemple celui des déplacés environnementaux.
On aurait pu avoir là une autre “dynamique vertueuse” et vitale.
IV- L ’Accord de Paris sur le climat et sa mise en œuvre de 2016 à 2022.
L’Accord de Paris constitue une certaine avancée mais encore dérisoire par rapport à l’ampleur des mécanismes de destruction.
L’entreprise de luttes contre les causes des changements climatiques partait d’un texte très insuffisant. On peut donc se demander si les Etats ont réellement à ce jour appliqué l’Accord et essayé d’aller plus loin dans sa mise en œuvre ?
Nous envisagerons tour à tour deux points :
-Une entrée en vigueur rapide, mais des COP ( 2016 à 2021) souvent bloquées , trop partielles et trop peu radicales (A) .
-Le rappel de quelques dispositions de l’Accord après 2020 (B).
A-Une entrée en vigueur rapide, mais des COP ( 2016 à 2021) souvent bloquées , trop partielles et trop peu radicales .
1-L’Accord de Paris est entré en vigueur en moins d’une année (12 décembre 2015-4novembre 2016) , ce qui est rapide par rapport à la durée de plusieurs années , durée courante dans ce type de convention, ici avec deux seuils, au moins 50 Etats et 55% des émissions mondiales. C’est là un point positif important.
Au 16 novembre 2020 l’Accord est signé par 196 pays et ratifié par 189 d’entre eux. Seuls l’Erythrée, l’Iran, l’Irak, la Libye, le Soudan du Sud, la Turquie, le Yémen ne l’avaient pas ratifié à cette date.
2- Le blocage des COP jusqu’ici s’est fait sur les deux éléments essentiels :
l’augmentation très insuffisante des réductions des émissions de CO2,
les soutiens financiers très insuffisants des pays développés aux pays les moins développés dans leurs aides aux réductions des émissions et à l’adaptation aux effets du réchauffement.
-La COP 22 a eu lieu à Marrakech, du 7 au 18 novembre 2016.
Parmi le positif : au moment du désengagement des Etats-Unis tous les Etats parties ont réaffirmé leur soutien à l’Accord de Paris et leur volonté de le mettre en œuvre.
Le calendrier des modalités d’application est déterminé.
Quelques pays ont présenté leurs plans du « zéro net émission en 2050 ».
Les 48 pays « les plus vulnérables » ont annoncé produire uniquement des énergies renouvelables aussi vite que possible…
Parmi le négatif : les ressources consacrées à l’adaptation des pays les moins développés ne représentent que 16% des financements…
Remarque globale : un sentiment de « temporisation. »Une récession des volontés refait surface , un an après un certain souffle, celui de l’Accord à Paris.
-La COP 23 se déroule à Bonn du 6 au 17 novembre 2017 au secrétariat de la Convention sur les changements climatiques.
Parmi le positif : la présidence Fidjienne a proposé le concept des “dialogues de Talanoa”. Il s’agit d’une série d’échanges multilatéraux qui se dérouleront tout au long de 2018, pour que les pays s’entendent sur la manière de rendre compte de leurs actions.
Les îles Fidji ont aussi réussi à faire adopter des accords pour reconnaitre les droits des genres et des autochtones.
Les règles de transparence des données échangées par les pays, de comptabilisation des émissions de gaz à effet de serre voient le jour .
Elément aussi essentiel que coupablement tardif : un programme de travail sur l’agriculture et la sécurité alimentaire fait enfin son apparition dans les négociations climatiques.
Parmi le négatif : Aucune entente n’a pu être conclue concernant le fonds d’adaptation. Les pays du G77 demandent aux pays industrialisés de leur donner une idée du montant qui sera mis à leur contribution pour qu’ils puissent faire des demandes adéquates. Cette demande n’a pas été satisfaite.
Les Etats insulaires, et plus largement les pays les plus vulnérables aux impacts du réchauffement climatique, sont insatisfaits des concessions obtenues dans le dossier des pertes et dommages – provoqués par les ouragans, les inondations, ou la montée des eaux …
Les pays du Sud leur ont demandé de respecter les objectifs de réduction d’émissions fixées par le protocole de Kyoto, dont la deuxième phase d’engagement – pour la période 2013-2020 – n’a toujours pas obtenu le nombre de ratifications nécessaire pour entrer en vigueur.
Remarque globale : un sentiment de quelques avancées, accompagnées de l’ombre du départ des Etats-Unis.
-La COP 24 a eu lieu à Katowice (Pologne) du 3 au 14 décembre 2018.
Cette COP24 se déroule juste après un autre rapport choc du GIEC du 8 octobre 2018 « rapport sur les conséquences d’un réchauffement climatique de 1,5°C. » Il montre des différences importantes d’impacts entre un monde à +1,5°C et à +2°C, et explique qu’il faudrait réduire les émissions de gaz à effet de serre de près de 50% d’ici 2030(12 ans pour le faire) pour rester sous +1,5°C, objectif idéal de l’Accord de Paris.
Parmi le positif : l’adoption du manuel d’utilisation du Pacte de Paris, plus de cent pages détaillant les règles permettant de mettre en œuvre les principes de l’Accord de Paris.
Parmi le négatif : après ce rapport du GIEC certains attendaient de la COP24 que tous les pays révisent à la hausse d’ici 2020 leurs promesses de réductions de gaz à effet de serre. Devant l’opposition de quelques-uns, la COP24 se limite à “répéter la demande de mise à jour” des engagements d’ici 2020, déjà formulée dans l’Accord de Paris, évoquant simplement des “efforts pour rehausser les ambitions d’ici 2020”.
L’Accord de Paris prévoit que les pays développés aident financièrement les pays en développement à réduire leurs émissions et à s’adapter aux impacts des dérèglements. Les règles d’application insistent simplement sur la nécessité que ce financement soit “prévisible”, et invitent les pays développés à un rapport “qualitatif et quantitatif“ sur ces financements tous les deux ans à partir de 2020.
Remarque globale : une récession des volontés est là.
-La COP 25 s’est tenue à Madrid du 2 au 15 décembre 2019.
Parmi le positif : grâce à une alliance de petits Etats insulaires et de pays européens, africains et latino-américains, le bilan de cette COP n’est pas complètement négatif puisque 80 Etats ont montré qu’ils étaient prêts à accroître leurs efforts en 2020, comme les y enjoint l’accord de Paris sur le climat.
D’autre part de nombreux participants à la COP ont appelé à une “transition juste” vers une économie bas-carbone, pour l’ensemble de la société.
Parmi le négatif : les grands émetteurs que sont la Chine, l’Inde, les Etats-Unis, l’Australie o le Brésil, ont préféré « jouer chacun leur propre partition. » Sur les sujets centraux, aucune avancée sensible n’a été enregistrée par rapport à la précédente COP.
L’accord de Paris reconnaît la “nécessité d’éviter les pertes et préjudices” liés aux impacts déjà à l’œuvre la voie à des procédures judiciaires d’indemnisation, il n’est cependant pas question de financements comme le souhaitaient les pays vulnérables.
Les engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre pris par les 196 signataires du traité de 2015 mettent la planète sur une trajectoire de 3,2 °C d’ici à la fin du siècle, loin du seuil initial fixé à 2 °C et encore plus loin de l’objectif de 1,5°C .
Cet échec est d’autant plus sensible que de nombreux témoignages étaient là : jeunes du monde entier, inquiets pour leur futur, petits Etats insulaires menacés de disparition faisant part de leur détresse, peuples indigènes amazoniens, victimes de la déforestation, rapports de scientifiques confirmant la fonte irréversible des glaciers si rien ne changeait…
Remarque globale : continue d’exister un double blocage,
un blocage des pays développés pour préciser les engagements financiers,
un blocage de l’ensemble des Etats parties pour déterminer la hausse de leurs réductions des gaz à effet de serre.
-La COP 26, qui devait se tenir en novembre 2020 a été retardée d’une année à cause de la pandémie du Coronavirus . Elle aura lieu toujours à Glasgow du 1er au12novembre 2021.
Cette décision a été prise par le Bureau de la COP de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), avec le Royaume-Uni(COP 26) et l’Italie(COP 25).
Les petits États insulaires et moins développés ont appelé Londres à « agir rapidement » afin que les gouvernements n’oublient pas la question climatique dans leurs plans de relance économique. « Un report était inévitable à cause de la pandémie mais constitue également un luxe que les pays et citoyens les plus vulnérables ne peuvent s’offrir », a réagi la directrice exécutive de Greenpeace International. « Quand la COP se tiendra, nous espérons que les gouvernements, mis à l’épreuve par la pandémie, seront prêts à agir ensemble pour mettre fin à l’urgence climatique en mettant un point final à l’ère des énergies fossiles. »
-La COP 26 s’est tenue à Glasgow en Ecosse en novembre 2021.
Des éléments qui auraient pu être porteurs qui sont mais trop peu suivis , aux dates lointaines et encore imprécis :
A l’issue de la conférence, qui s’est achevée samedi 13 novembre , plus de 150 pays sur 196 ont déposé de nouveaux engagements climatiques pour 2030 (les « NDC »), comme les y engage le traité international, et plus de 80 Etats, représentant trois quarts des émissions mondiales, ont promis la neutralité carbone pour le milieu du siècle, notamment l’Inde, qui s’est engagée à atteindre zéro émission nette d’ici à 2070. Mais, « quand on regarde ces nouveaux engagements, franchement, c’est la montagne qui a accouché d’une souris », a déclaré la directrice du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), durant la COP.
Une quarantaine de pays se sont engagés à abandonner le charbon d’ici à 2030 pour les pays développés et d’ici à 2040 pour les nations les plus pauvres. Parmi les signataires de cet accord, certains des plus gros consommateurs mondiaux : le Canada, l’Ukraine, le Chili, le Vietnam, mais aussi la Pologne. Ces pays s’engagent également à ne plus financer de nouvelles centrales charbon, ni sur leur territoire ni à l’international, et à accélérer le déploiement des énergies renouvelables. Cependant, les poids-lourds de la consommation mondiale de charbon n'ont pas pris part à cet accord, à savoir les Etats-Unis, la Chine, l’Inde, le Japon ou encore l’Australie. Près de 16 milliards d’euros d’investissement par an passeraient ainsi vers les énergies renouvelables.
A cette COP26, il y a eu beaucoup d’initiatives multilatérales sur la sortie des énergies fossiles. Certains pays émergents, comme l’Inde, en ont même profité pour prendre le leadership en annonçant qu’ils seraient neutres en carbone en 2070 et essaieraient de réduire drastiquement leurs émissions d’ici à 2030. La France a finalement rejoint l'accord mettant fin aux financements à l'étranger de projets d'exploitation d'énergies fossiles sans techniques de capture du carbone d'ici fin 2022. Un accord qu'une vingtaine de pays avait signé le 4 novembre pendant la conférence.
La Chine et les Etats-Unis, premiers émetteurs mondiaux de gaz à effet de serre, ont annoncé "prendre des mesures renforcées pour relever les ambitions pendant les années 2020", réaffirmant leur attachement aux objectifs de l'Accord de Paris.
Une coalition en faveur des énergies propres a été lancée à Glasgow. On y trouve des Etats, des industriels, des organisations internationales, des scientifiques et des regroupements de citoyens. Baptisée "Green grids. One sun, one world, one grid" (Réseau vert : un soleil, une planète, un réseau), elle a pour objectif d’accélérer la construction de grandes centrales solaires et d’interconnecter les réseaux électriques. La France fait partie du comité de pilotage aux côtés de l’Inde, du Royaume-Uni et des Etats-Unis.
Une trentaine de pays, des régions et une dizaine de constructeurs automobiles se sont engagés mercredi à "travailler" pour faire en sorte que d’ici 2040, toutes les voitures neuves vendues soient zéro émission. La Chine, les Etats-Unis, le Japon, la France ou l’Allemagne, parmi les plus importants pays constructeurs, n’ont pas signé .
45 gouvernements ont plaidé pour une protection renforcée de la nature et 95 entreprises de l’agro-alimentaire affirment vouloir changer leurs pratiques pour mieux préserver les milieux naturels. 26 Etats ont également déposé de nouveaux engagements pour changer leur politique agricole afin qu’elle soit plus durable et moins polluante.
Est affirmée la reconnaissance du rôle de la biodiversité dans la lutte contre le changement climatique et la nécessité de préserver "l’intégrité des écosystèmes", notamment les océans et la cryosphère.
Deux éléments positifs :
Ces engagements sur la déforestation avaient déjà été pris par 38 pays en 2014. Pour enrayer la déforestation, une centaine de pays abritant plus de 85% des forêts du monde se sont engagés à préserver leurs écosystèmes. Les Etats-Unis, la France, la Chine et l’Australie ont aussi signé cet accord, qui prévoit la fin de la déforestation d’ici à 2030. Le plan a pour objectif de mettre fin à l’abattage à l'échelle industrielle des arbres d’ici à dix ans. Cette initiative va bénéficier d'un financement public et privé de 19,2 milliards de dollars (16,5 milliards d'euros).
Une centaine de pays se sont engagés dans "pacte global pour le méthane" à réduire d’au moins 30% leurs émissions de ce gaz à effet de serre d’ici à 2030. Ces pays, dont le Canada, le Japon, les Etats-Unis, l’Union européenne ou encore le Brésil, représentent environ 40% des émissions mondiales de méthane. C’est le tout premier accord mondial de ce type. Cependant, comme pour le charbon, certains des principaux émetteurs de méthane ont refusé de signer ce pacte, à savoir la Chine, la Russie et l’Inde.
Un élément négatif : l’aide aux pays pauvres est toujours absente.
En 2009, les pays riches avaient promis aux pays plus pauvres et plus exposés de porter leur aide pour la lutte contre le changement climatique à 100 milliards de dollars par an en 2020... Une aide dont les pays pauvres n'ont jamais vu la couleur... Les pays riches assurent désormais pouvoir honorer leur engagement à partir de 2023, selon un nouveau "plan de livraison"...Courage, fuyons.
La déclaration finale mise en ligne par la présidence britannique de la COP26 ne fait aucune mention d'un mécanisme spécifique pour compenser les "pertes et préjudices" déjà subis par les pays les plus pauvres et exposés aux effets du réchauffement .
Si la 26e Conférence des parties des Nations unies laisse entrevoir quelques progrès, les engagements pris à Glasgow auront pour conséquence une hausse de 2,7 °C des températures selon l’ONU, loin de ce que prévoit l’accord de Paris.
On est encore loin du compte : les nouveaux plans, pris de manière volontaire par les Etats, entraîneraient, s’ils sont tenus, une hausse de 14 % des émissions d’ici à 2030 par rapport à 2010, alors qu’il faudrait les réduire de 45 % pour espérer limiter le réchauffement à 1,5 °C. Cet écart s’explique parce que seule une grosse moitié des pays ont accru leurs efforts. Les autres, comme la Russie, le Brésil, le Mexique, l’Australie, l’Indonésie ou le Vietnam, ont adopté de nouveaux objectifs qui ne marquent aucun progrès, voire sont moins ambitieux.
Remarque globale : nous allons toujours vers l’aggravation de la catastrophe climatique.
-La COP27 se tiendra en novembre 2022 à Charm El-Cheikh (Egypte).
B-Le rappel de quelques dispositions de l’Accord de Paris après 2020.
1-L’Accord repose surtout sur les engagements volontaires des Etats , les contributions déterminées au niveau national(CDN) (ou NDC, Nationally Determined Contributions) .
Plus de 160 pays ont déposé depuis 2015 des engagements de réduction de leurs émissions de gaz à effets de serre.
2- D’autre part en décembre 2019 seuls 80 Etats prévoyaient de réviser leurs contributions nationales aux objectifs renforcés.
Au 1er janvier 2021 les Etats devaient communiquer leurs plans climatiques renforcés , seuls 70 pays l’ont fait, ils représentaient 28%des émissions de gaz à effet de serre.
3-Après 2020 les engagements nationaux devront être mis à jour tous les cinq ans.
4-Les règles d’application précisent comment comptabiliser les émissions, et ce à partir de 2024, et quoi comptabiliser, cela en suivant les directives du GIEC.
Elles prévoient que les pays soumettent tous les deux ans un rapport expliquant leurs actions, soumis à l’évaluation d’experts mais sans pouvoir ouvrir la voie à des sanctions.
Une flexibilité est accordée aux pays les moins avancés et aux Etats insulaires, en fonction de leurs capacités.
Les autres pays en développement doivent fournir un argumentaire et un cadre temporel.
5-Tous les cinq ans, à partir de 2023, les pays feront le “bilan mondial” de leurs efforts collectifs.
Face aux récessions des volontés personnelles et collectives nous renvoyons à nos articles sur « Les volontés ».
Nous dirons simplement ici :
Mettre perpétuellement en avant et avoir à la bouche le terrible « soyons réalistes, restons réalistes » c’est aujourd’hui en fait, malgré soi ou avec soi, être probablement fermé sur des mécanismes de mort, c’est refuser les paris d’autres possibles, c’est étouffer l’audace, c’est pactiser avec l’indifférence, être paralysé par la peur de ne rien pouvoir faire et ne rien faire, c’est enfin et surtout se laisser glisser sur la pente la plus forte : celle d’un système porteur de souffrances et de drames.
« A l’auberge de la décision les gens dorment bien. » Proverbe.
« Qui délibère trop oublie de vouloir »(Alain)
« La résignation c’est la vertu du malheur » (Tchekhov.)
« Eclore est une fracture, naître est un effort. (Shakespeare).
Fracture vous avez dit fracture ? Pour prendre sa mesure vous avez dit qu’il faut se dépasser ?
On reste « rangé » avec l’impardonnable habitude de ne pas bouger, or n’est-ce pas « déranger » qui fait venir au monde ?
Oui « L’utopie ou la mort. »Merci encore et toujours cher René Dumont.
L’utopie créatrice , celle qui prend les moyens de se réaliser,
cela sans oublier que « les fins sont dans les moyens comme l’arbre est dans la semence », boussole lumineuse et radicale de Gandhi.
V-L’Accord de Paris sur le climat : les effets de trois évènements récents.
Le retrait des Etats-Unis de l’Accord en 2016 et leur retour en 2020 (A).
Le sommet d’avril 2021 et les « annonces des objectifs de réduction » de CO2 par des Etats(B),
Les effets de l’épidémie de coronavirus sur les émissions de CO2 ( C ).
A-Les Etats-Unis, leur retrait de l’Accord en 2016 puis leur retour en 2020
1-L’élection en novembre 2016 aux Etats-Unis d’un président climato-sceptique a représenté une grave difficulté pour appliquer l’Accord puisque cet Etat est, après la Chine, le second émetteur et aussi un contributeur financier très important.
C’est une forme d’atteinte aux droits de l’humanité d’avoir agi ainsi. Ce que le président n’a même pas réalisé puisque , à ses yeux, on peut se demander si elle existe.
Le 1er juin 2017 les Etats-Unis ont annoncé leur retrait de l’Accord, le 4 novembre 2019 la procédure de retrait est enclenchée, la procédure de retrait doit durer jusqu’en novembre 2020.La nouvelle administration a poursuivi une politique agressive en faveur des énergies fossiles, qui passe en particulier par la promotion des exportations américaines de pétrole et de gaz naturel liquide.
Cependant des entreprises et des Etats fédérés étaient déjà engagés dans la transition énergétique et tous les Etats parties affirment leur maintien dans l’Accord.
2-L’élection d’un nouveau président en novembre 2020 marque un heureux revirement , défenseur de l’Accord il y engage les Etats-Unis dès le début de son mandat le 20 janvier 2020,cette décision prend effet 30 jours après.
Donc les Etats-Unis juridiquement ne seront sortis de l’Accord de Paris que trente jours seulement à cause des longues procédures du retrait.
L’heureuse nouvelle est double : une certaine politique environnementale aux Etats-Unis revoit le jour et le second émetteur de CO2 du monde veut essayer de représenter un exemple pour les Etats dans cette lutte contre le réchauffement climatique.
3-On peut aussi se demander si les Etats-Unis et la Chine , au-delà de leurs compétitions militaires et économiques effrénées et mortifères , ne vont pas se trouver, malgré elles et avec elles, plus ou moins( ?)
côte à côte face aux périls communs des apocalypses écologiques qui vont très probablement s’aggraver dans les décennies à venir ?
Côte à côte en amont dans les luttes contre les causes, côte à côte en aval dans une assistance écologique réciproque et enfin rapidement mondialisée, puissante , massivement financée ? (Voir nos articles sur « L’assistance écologique. »)
B- Le « sommet sur le climat » des 22 et 23 avril 2021 et les dernières « annonces des objectifs de réduction » de CO2 par des Etats
Organisé virtuellement, coronavirus oblige, par les Etats-Unis , une quarantaine de chefs d’Etats étaient invités, leurs pays représentaient plus de 80%des émissions de CO2.
1-Les principales annonces d’objectifs de réductions de gaz à effet de serre ont été les suivantes :
Etats-Unis : de 50% à 52% d'ici 2030 par rapport à 2005. Cet objectif double quasiment l'ancien engagement du deuxième pollueur mondial, qui s'était fixé une diminution de 26% à 28% à l'horizon 2025 .Neutralité carbone d'ici 2050.
Chine : 65 % d’ici à 2030 par rapport à 2005 (déjà annoncé en décembre 2020).. .La Chine a annoncé qu'elle commencerait à baisser son recours au charbon après 2025. Neutralité carbone d'ici 2060.
L’'Union européenne a annoncé une réduction d' " au moins 55%" de ses émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030 par rapport au niveau de 1990., après un accord au Conseil européen du 12 décembre 2020 elle a affirmé aussi l’objectif d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050.
Le Canada s'est engagé à des baisses de 40% à 45% d'ici 2030 par rapport à 2005,
Le Japon annoncé une réduction de ses émissions de CO2 à 46% à l'horizon 2030 par rapport à 2013, contre un objectif précédent de 26%.
L'Inde n'a pas renouvelé ses engagements à l'occasion de ce sommet. Si l'on se base sur ses dernières déclarations, elle devrait réduire ses émissions de 33 à 35 % d'ici 2030 par rapport à ce qu'elle émettait en 2005
La Russie n'a pas non plus renouvelé ses dernières annonces . La Russie prévoit une baisse de 33 à 35 % de ses émissions d'ici 2030 par rapport à 1990 .
2-Si l'on compare ces objectifs absolus d'émissions pour 2030 avec les émissions actuelles de chacun de ces pays, ce sont les États-Unis et l'Union européenne les plus ambitieux .
La Chine et l'Inde ont des annonces en progrès puisqu'elles basent la baisse de leurs émissions sur leur PIB, or celui-ci continue de progresser .
C-Les effets éphémères de la pandémie du coronavirus sur le réchauffement climatique.
1-L’épidémie de coronavirus aura effectivement entraîné avec elle une chute des émissions de CO2 au premier semestre de l’année 2020. (Etude publiée le 14 octobre 2020 dans la revue « Nature Communications ») « Les mesures de restrictions mises en place à travers le monde ont permis d’enregistrer une baisse sur les six premiers mois de l’année, les émissions mondiales de CO2 ont chuté ont de 1551 millions de tonnes, soit 8,8 % par rapport à la même période l’année précédente, estiment ces experts. Cette baisse est due aux secteurs des transports, de l’aviation ou encore de l’énergie. »
« Les émissions liées au transport ont, elles, plongé de 40 %. Celles liées à la production d’énergie ont enregistré un déclin de 22 %. Enfin, l’industrie a chuté de 17 %. En outre malgré le confinement et le télétravail généralisé, les émissions liées au logement ont également décliné (à hauteur de 3 %) : les experts attribuent ce recul à un hiver anormalement doux sur l’ensemble de l’hémisphère Nord, qui a limité les besoins en chauffage. »
2-« Entraînées par le déconfinement de la plupart des pays, les émissions ont globalement renoué avec leurs niveaux habituels au mois de juillet 2020 », remarque également l’étude. “Néanmoins, des différences importantes persistent entre les pays, avec une baisse des émissions continue aux Etats-Unis où les cas de coronavirus sont toujours en train d’augmenter considérablement”, remarque les chercheurs. »
Malgré cette chute, ces derniers avertissent toutefois sur le caractère éphémère du phénomène. Les émissions de gaz à effet de serre repartent à la hausse en 2021 selon l’Agence internationale de l’énergie après la chute historique de 2020.
3-D’autre part est-il besoin d’affirmer que l’on ne peut souhaiter un désastre gigantesque, celui de l’aggravation puissante d’une pandémie , pour nous préserver d’un autre désastre apocalyptique ,celui du réchauffement climatique. A ce calcul morbide c’est l’humanité et le vivant qui sont perdants.
VI-L’aggravation accélérée des changements climatiques .
Des phénomènes climatiques extrêmes se multiplient, ainsi les inondations, les canicules, les typhons, les incendies. Par exemple les gigantesques incendies de Californie en novembre 2018, en octobre 2019, témoignent du fait que les Etats-Unis sont entrés dans une insécurité écologique grandissante. Les incendies au Brésil s'aggravent en 2019. L’Australie est, elle aussi, en novembre 2019 la proie des flammes sur de grandes étendues qui déciment en particulier la faune.
L’été 2021 est une préfiguration de ce qui va s’amplifier et se multiplier : fonte accélérée au Groenland, dômes de chaleur au Canada, en Espagne, au Maroc, inondations meurtrières en Allemagne, en Belgique, en Inde, en Russie, en Chine, incendies gigantesques dans l’Ouest des Etats-Unis ,en Grèce, en Turquie, famine à Madagascar provoquée par le réchauffement climatique…enfin les feux de forêts en Sibérie qui ont brûlé de l’ordre de 15 millions d’hectares de janvier à août 2021, la fumée atteint le pôle Nord à 3000 kms de là , le permafrost se réchauffe de plus en plus ,son méthane et sa puissance de réchauffement menacent…sans parler , nous disent des scientifiques, de virus très anciens qui pourraient sortir de leur sommeil.
L’accélération de la fonte des glaces de l’Antarctique a quelque chose d’ une apocalypse à long terme: si le glacier Thwaites, à l'Ouest , grand comme le quart de la France, venait à s’effondrer le niveau des mers augmenterait de 70 centimètres et avec d'autres glaciers... de plus de deux mètres ! Adieu de nombreuses iles, adieu de nombreuses villes en bord de l'eau...tout cela non pas dans les siècles mais déjà dans les 3, 4, 5 décennies qui viennent.
Nous envisagerons tour à tour
Les derniers rapports du GIEC, 5ème et 6ème rapports (A).
Les derniers rapports spéciaux du GIEC (B).
L’ évocation de l’avenir environnemental à long terme et à très long terme par certains scientifiques ( C) .
A-Les derniers rapports du GIEC .
Après les rapports de 1990,1995, 2001, 2007 est venu celui de 2013-14, puis le 6ème rapport de synthèse en novembre 2022 précédé de trois volets l’un en 2021, les deux autres en 2022.
A cela s’ajoutent des rapports spéciaux sur des réalités particulières, ainsi celui de 2018 sur les effets de l’élévation de la température de 1,5° et 2° et celui de 2019 sur l’océan et la cryosphère (l’ensemble des portions de la surface des mers ou des terres émergées où l’eau est présente à l’état solide.)
1-Le 5ème rapport du 27 septembre 2013 et du 31 octobre 2014 du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat(GIEC) confirme les alarmes contenues en particulier dans celui de 2007.
a-Il est « extrêmement probable »que l’homme soit responsable du réchauffement de la planète (une probabilité de 95%, en 2007 elle était de 90%.)
b-De 1992 à 2012 les pays développés sont passés de 13 à 12 milliards de tonnes de CO2, les pays en développement (dont surtout les pays émergents), qui n’avaient pas d’obligations de réduction dans le Protocole de Kyoto, sont passés de 7 à 21 milliards de tonnes de CO2, soit donc aujourd’hui 50% de plus que les pays développés. En 2012 les plus gros émetteurs de CO2 sont la Chine(8,3 milliards de tonnes), les Etats-Unis (5), l’Inde(2), la Russie(1,7), le Japon(1,2), les 28 de l’Union européenne émettent de l’ordre de 4 milliards de tonnes.(Sur les changements climatiques voir en particulier de remarquables articles de journalistes environnementalistes du journal Le Monde, de Libération, du site Mediapart…)
c-D’ici à la fin du siècle (2100) l’augmentation de la température moyenne de la Terre apparait plus clairement : si l’on ne fait rien nous sommes en route pour au moins +4,8°C, l’un des pires scénarios du GIEC. (Ce serait alors un bouleversement équivalent (dans l’autre sens) à la dernière glaciation, par exemple avec 5°C en moins l’Europe du Nord était un gigantesque glacier…)
Dans les autres cas la probabilité de dépasser 2°C est de 50%, or le seuil de 2° dépassé a des conséquences imprévisibles. La prévision la plus optimiste de +0,3°C est pratiquement inaccessible.
d-Quant au niveau de la montée des océans : le rapport de 2013 est plus sombre que celui de 2007(18à59cm). D’ici la fin du siècle le GIEC affirme que la hausse serait de 26 à 82cm. Certaines études situent cette élévation entre 1 et 2 mètres. Allant dans ce sens on constate que les glaciers de l’Ouest de l’Antarctique fondent de plus en plus vite, »un point de non retour » est atteint( revue américaine Science et Revue Geophysical Research Letters, 12 mai 2014) ce phénomène constitue une des causes de la montée des océans..
Selon le GIEC les phénomènes extrêmes devraient devenir plus fréquents et plus intenses, le seul exemple des sécheresses devient de plus en plus terrible dans des lieux de plus en plus nombreux de la planète, ainsi début 2014 en Californie, en Australie, au Nordeste du Brésil…
e-Le rapport de synthèse du 31 octobre 2014 de cette 5ème évaluation donne les points essentiels des trois volets précédents :
Le dérèglement climatique causé par l’activité humaine est incontestable.
Les émissions récentes de GES d’origine anthropique sont les plus élevés de l’histoire. Si elles se poursuivent « au même rythme cela accroitra les risques d’impacts sévères, envahissants et irréversibles. »
Les évènements extrêmes vont se multiplier et s’amplifier. « Le risque de changement abrupt et irréversible augmente en même temps que l’amplitude du réchauffement. »
Il est indispensable d’agir maintenant : l’atténuation et l’adaptation sont des stratégies complémentaires .
2-Le 6ème rapport du GIEC, premier groupe de travail le 9 août 2021. a-Les trois groupes de travailCe premier rapport est relatif à l’état des lieux, nouvelles évaluations climatiques liées aux émissions de gaz à effet de serre. Il a été rédigé par 234 scientifiques de 66 pays, cela à partir de l’analyse de plus de 14 000 études scientifiques. Le rapport du deuxième groupe de travail sera relatif à la vulnérabilité de nos sociétés, à l'impact pour les écosystèmes, (février 2022) . Le rapport du troisième groupe de travail concerne l’atténuation et l’adaptation aux changements climatiques (mars 2022). La synthèse du 6e rapport est prévue en septembre 2022. b-L’analyse globale d’Audrey Garric (Le Monde du 9 août 2021) est on ne peut plus claire:« C’est un état des lieux qui donne le vertige. D’abord, parce qu’il montre, de la manière la plus implacable qui soit, à quel point l’humain est en train de bouleverser le climat dans chaque région du monde : l’élévation de la température de l’air et de l’océan, la fonte des glaciers ou la hausse du niveau des mers s’aggravent à un rythme et avec une ampleur sans précédent depuis des millénaires, voire des centaines de milliers d’années. Ensuite, parce qu’il brosse un tableau sombre du monde qui nous attend : celui de catastrophes climatiques en cascade si nous continuons à brûler des combustibles fossiles à un rythme élevé, mais aussi de changements irréversibles, comme la montée des océans ou la fonte des glaces, quoi que nous fassions. » c-Si nous voulons résumer l’état global des lieux : Le résumé du résumé est simple : la rapidité, l’ampleur, l’omniprésence et l’aggravation des changements climatiques sont là aujourd’hui et encore beaucoup plus demain. L’homme est le responsable « sans équivoque » de cette situation dramatique, cette réalité scientifique est désormais incontestable. En 2013 le GIEC parlait de « responsabilité extrêmement probable » , cela à 95% . Nous ajouterons que les négationnistes de cette réalité sont ou dans le mensonge par intérêt , ou dans l’illusion par inconscience, ou dans l’incompétence par ignorance.
Il y a toujours plus de gaz à effet de serre rejeté dans l'atmosphère.L'objectif de limiter le réchauffement à 1,5°C est déjà hors de portée.
Les événements extrêmes se multiplient, s’accélèrent et s’aggravent. Ces événements extrêmes comme les canicules infernales , les pluies diluviennes , les sécheresses terribles sont devenus plus fréquents et plus intenses, les moussons plus abondantes, le nombre de cyclones tropicaux majeurs a augmenté. On peut donc ajouter que les catastrophes écologiques de l’été 2021 sur une large partie de la planète ne sont qu’une préfiguration d’apocalypses écologiques qui vont suivre.
Le cas du méthane devient alarmant.C'est le principal gaz à effet de serre après le CO2,il est responsable d'un quart du réchauffement climatique.Il a un pouvoir de réchauffement 28 fois supérieur.Les émissions humaines de méthane viennent à 40% de l'agriculture avec en particulier la consommation de viande beaucoup trop importante,à 35% des énergies fossiles avec en particulier le gaz de schiste et l'extraction du pétrole et à 20% des déchets.
d-Les cinq scénarios établis par le GIEC pour les prochaines décennies.
Les auteurs du GIEC ont établi cinq scénarios d’émissions de gaz à effet de serre. Dans tous les cas de figure, la température va continuer d’augmenter dans les vingt prochaines années. Nos actions actuelles déterminent l’ampleur du dérèglement climatique dans la deuxième moitié du siècle , 2050-2100.
Dans le détail, sur la période 2081-2100, en comparaison avec l’ère préindustrielle, les scientifiques prévoient une élévation de la température mondiale de 1,4 °C (fourchette de 1 °C à 1,8 °C) dans le scénario très peu émetteur, 1,8 °C pour le scénario peu émetteur, 2,7 °C pour celui intermédiaire, 3,6 °C pour l’émetteur et 4,4 °C pour le très émetteur (fourchette de 3,3 °C à 5,7 °C). Il s’agit de moyennes, en Arctique par exemple le réchauffement est trois fois supérieur à la moyenne mondiale.
Aggravant leur diagnostic, les experts estiment que le seuil de 1,5 °C de réchauffement, permettant de limiter les pires effets de la crise, sera atteint ou dépassé avant 2040,donc plus tôt qu’ils ne l’avaient prévu en 2018.
Avec le scénario très peu émetteur, qui implique une neutralité carbone en 2050, la température redescendrait à 1,4 °C en 2081-2100.
Le dépassement du seuil de 2 °C aurait lieu au milieu du siècle dans les trois scénarios les plus émetteurs. Le réchauffement continuera d’accroître les canicules et les saisons chaudes, tout en diminuant les vagues de froid. Dans un monde à + 2 °C, les extrêmes de températures atteindront plus souvent les « seuils de tolérance pour la santé et l’agriculture. » Vers la fin du XXIe siècle, ces seuils seraient franchis plus de cent jours de plus qu’actuellement dans de nombreuses régions tropicales.
e-L’humanité se trouve « à l’aube de retombées cataclysmiques » :
La vie sur terre telle que nous la connaissons sera transformée par le dérèglement climatique quand les enfants nés en 2021 auront 30 ans, voire plus tôt.
Quel que soit le rythme de réduction des émissions de gaz à effet de serre, les impacts dévastateurs du réchauffement sur la nature et l’humanité qui en dépend vont s’accélérer. Est décrite une « humanité à l'aube de retombées climatiques cataclysmiques », en proie aux pénuries d'eau, aux exodes et à la malnutrition, dans un monde où les espèces s'éteignent massivement…Ainsi « Le pire est à venir, avec des implications sur la vie de nos enfants et nos petits-enfants bien plus que sur la nôtre »,
Le GIEC ajoute que si « la vie sur Terre peut se remettre d'un changement climatique majeur en évoluant vers de nouvelles espèces et en créant de nouveaux écosystèmes , l'humanité ne le peut pas. »
Agriculture, élevage, pêche, aquaculture… « Dans tous les systèmes de production alimentaire, les pertes soudaines s’accroissent. » « Or l’humanité n’est à ce stade pas armée pour faire face à la dégradation certaine de la situation. « Les niveaux actuels d’adaptation seront insuffisants pour répondre aux futurs risques climatiques . »
C’est là bien sur une réponse à ceux qui affirment dans une sorte de rite de réassurance, aveugle et automatique, que « l’homme s’adaptera toujours. »
Désormais, le GIEC estime que dépasser le seuil de 1,5 °C de hausse des températures pourrait déjà entraîner, « progressivement, des conséquences graves, pendant des siècles, et parfois irréversibles ». Et selon l’Organisation météorologique mondiale, la probabilité que ce seuil de 1,5 °C sur une année soit dépassé dès 2025 est déjà de 40 %.
« Même à 1,5 °C, les conditions de vie vont changer au-delà de la capacité de certains organismes à s’adapter », souligne le rapport, citant les récifs coralliens, dont un demi-milliard de personnes dépendent.
En 2050, des centaines de millions d’habitants de villes côtières seront menacés par des vagues-submersion plus fréquentes, provoquées par la hausse du niveau de la mer, qui entraînera à son tour des migrations importantes. Avec une augmentation limitée à 1,5 °C, dans les villes, 350 millions d’habitants supplémentaires seront exposés aux pénuries d’eau, 400 millions au-delà de 2 °C. Et avec ce demi-degré supplémentaire, 420 millions de personnes de plus seront menacées par des canicules extrêmes.
Le texte souligne d’autre part le danger des effets en cascade. Certaines régions (Est du Brésil, Asie du Sud-Est , Chine centrale) et presque toutes les zones côtières pourraient être frappées par trois ou quatre catastrophes météorologiques simultanées, voire plus : canicule, sécheresse, cyclone, incendie, inondation, maladies transportées par les moustiques…
f-Les seuils de ruptures.
Le GIEC étudie les points de basculement, les seuils de rupture entraînant un emballement du système climatique.
Il évoque des événements à « faible probabilité mais fort impact » comme la déstabilisation de la calotte glaciaire antarctique ou le dépérissement des forêts . L’élévation du niveau des mers va également se poursuivre pendant des siècles puisqu’elle est entraînée par l’expansion thermique de l’océan sous l’effet du réchauffement, ainsi que la fonte des glaciers et des calottes..« Il ne peut pas être exclu que l’élévation du niveau de mer s’approche de 2 mètres d’ici à 2100 et 5 mètres d’ici à 2150. »
La capacité des forêts, des sols et des océans à absorber les émissions de CO2 risque de s’affaiblir avec la poursuite des rejets carbonés. Sur les six dernières décennies, ces puits de carbone ont réussi à retirer de l’atmosphère 56 % du CO2 émis par les activités humaines, limitant le réchauffement. Mais ils risquent de devenir « moins efficaces » à l’avenir.
Ces changements sont, pour certains scientifiques, irréversibles sur de très longues échelles de temps. Le réchauffement, l’acidification et la désoxygénation de l’océan se poursuivront pendant des siècles ou millénaires. Les glaciers vont continuer de fondre pendant des décennies voire des siècles, de même que la calotte du Groenland et le pergélisol, ces sols de l’Arctique gelés en permanence.
Ainsi le rapport rédigé en 2021 par le GIEC oscille entre le glas apocalyptique et un certain espoir de changer cette marche suicidaire par des mesures immédiates et drastiques.
3-Le 6ème rapport du GIEC,2ème groupe de travail.
.Le deuxième volet du rapport du GIEC a été rédigé par 270 scientifiques de 67 pays. Sa synthèse a été validée par les 195 pays membres du Giec.
En avril 2022, le GIEC publiera un troisième volet concernant les solutions à mettre en place pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
-La première partie du rapport est consacrée aux effets actuels du réchauffement climatique (+1,09°C en 2021) sur les populations et les écosystèmes :
réduction de la disponibilité des ressources en eau et en nourriture (en Afrique, en Asie et dans les petites îles notamment) ;
impact sur la santé dans toutes les régions du monde (plus grande mortalité, émergence de nouvelles maladies, développement du choléra), augmentation du stress thermique, dégradation de la qualité de l’air... ;
baisse de moitié des aires de répartition des espèces animales et végétales.
D’ores et déjà, entre 3,3 et 3,6 milliards d’habitants vivent dans des situations très vulnérables au changement climatique.
Les experts évoquent les incidences à venir pour les populations avec, en particulier, 1 milliard d'habitants des régions côtières menacés en 2050.
Parmi les effets en cascade liés aux catastrophes naturelles de plus en plus rapprochées, le GIEC évoque aussi les conséquences sur la production alimentaire, la hausse du prix des aliments ou encore la malnutrition…
La température dans le monde a augmenté de 1,09°C depuis l'ère préindustrielle en 1850.
Ce type de conséquences, sur les populations, les écosystèmes et la nature, sont plus graves, plus nombreuses et plus rapides que ce qui était attendu auparavant.
-Le GIEC s’attache à rendre compte des « impacts, de l’adaptation et de la vulnérabilité » liés aux changement climatiques.
"Les demi-mesures ne sont plus une option" insiste le GIEC.Il n'est pas trop tard pour lutter contre le changement climatique mais "chaque retard supplémentaire" réduit les chances humaines de construire un avenir vivable.
Si des efforts ont été réalisés pour réduire les émissions de CO2, les auteurs du rapport dénoncent une inadéquation des moyens mis en œuvre face à la rapidité des changements, signe d’un "manque de volonté politique".
Le nouveau volet du rapport aborde davantage l’interconnexion entre la nature, le climat et les populations : par exemple, la nécessité de préserver les écosystèmes, qui protègent eux-mêmes les conditions de vie humaine sur terre.
Il insiste aussi sur le lien entre lutte contre le réchauffement climatique et combat pour la justice : les populations les plus vulnérables sont en effet démesurément touchées par les conséquences de la crise, et le réchauffement climatique accroît les inégalités. Réduire la pauvreté permet par ailleurs de renforcer la participation possible de ces populations à la lutte contre le changement climatique.
Le GIEC affirme que des progrès en termes d’adaptations, planifiées ou mises en œuvre, ont été observés dans toutes les régions et tous les secteurs. « La prise de conscience et l'évaluation des risques climatiques actuels et futurs ont augmenté dans le monde entier (…). Au moins 170 pays et de nombreuses villes ont désormais intégré l'adaptation dans leurs politiques climatiques et leurs processus de planification ».
Mais ces adaptations restent largement insuffisantes. L’écart entre ce qui est fait et ce qui reste à faire reste toutefois trop important « Au rythme actuel de planification et de mise en place de l'adaptation, l'écart entre les besoins et ce qui est fait va continuer à grandir .
Cet écart s’explique notamment par « le manque de financement, d'engagement politique, d'informations fiables et de sentiment d'urgence ».
Le secrétaire général de l'ONU a dénoncé l'« abdication criminelle » des dirigeants mondiaux dans la lutte contre le réchauffement, face au « recueil de la souffrance humaine » que constitue ce rapport. « Près de la moitié de l’humanité vit dans la zone de danger - aujourd’hui et maintenant. De nombreux écosystèmes ont atteint le point de non-retour - aujourd’hui et maintenant ».
4-Le 6 ème rapport du GIEC,3ème groupe de travail,4 avril 2022.
Le troisième rapport a été rédigé par 278 chercheurs de 65 pays, à partir de l’analyse de 18 000 études scientifiques. Le « résumé à l’intention des décideurs » est un résumé du rapport scientifique de 3 000 pages, négocié à la fin par les représentants des 195 pays membres du GIEC, en collaboration avec les auteurs du rapport qui gardent le droit du dernier mot.
1-Urgence de mesures immédiates et substantielles. Restent 3 ans(Pic des émissions) et 8 ans.(diminution massive)
« Le GIEC appelle à des mesures immédiates et dans tous les secteurs pour « garantir un avenir vivable ».(Voir par exemple l’article Le Monde , Audrey Garric et Perrine Mouterde ,4 avril 2022, voir aussi l’article « Nous avons les outils pour limiter le réchauffement climatique »,France info, Camille Adaoust et Thomas Baietto,4 avril 20222)
Si l’on veut limiter le réchauffement à 1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle cela signifie qu’il faut atteindre un pic des émissions au plus tard en 2025, pour qu’ensuite elles diminuent massivement dans tous les domaines de façon radicale d’ici 2030.Autrement dit 3 ans pour le pic, 8 ans pour la réduction massive.
. « Nous sommes à la croisée des chemins. Les décisions que nous prenons maintenant peuvent garantir un avenir vivable. Nous disposons des outils et du savoir-faire nécessaires pour limiter le réchauffement », a déclaré le président du GIEC, se disant « encouragé par les mesures climatiques prises dans de nombreux pays ».
2-Des augmentations des émissions catastrophiques et inégales.
Mais ces politiques restent très insuffisantes. « Les émissions de gaz à effet de serre sont en hausse constante et ont atteint des records entre 2010 et 2019. Le rythme a toutefois ralenti : les émissions ont augmenté de 1,3 % par an en moyenne sur la décennie contre 2,1 % entre 2000 et 2009. Mais elles ont bondi en 2021 pour atteindre un niveau historique .»
« Les émissions ont augmenté, en raison de la hausse de l’activité mondiale, dans tous les secteurs : l’approvisionnement en énergie, l’industrie, les transports, l’agriculture et les bâtiments. Seuls 18 pays sur 195 ont réussi à réduire leurs émissions de manière durable, c’est-à-dire pendant plus de dix ans. »
« Les émissions sont très inégales, elles varient largement d’une région et d’un pays à l’autre (entre 2,6 tonnes et 19 tonnes équivalent CO2 par personne en moyenne), elles dépendent largement des niveaux de revenus : les 10 % des habitants les plus riches contribuent de 34 % à 45 % de l’empreinte carbone des ménages, tandis que les 50 % les moins aisés n’y prennent part qu’à hauteur de 13 % à 15 %. »
Les émissions doivent atteindre leur maximum avant 2025, avant d’être réduites de 43 % d’ici à 2030 par rapport à 2019 dans le premier cas(plus 1,5°C ) et de 27 % dans le second cas(plus 2°C ) . « La température mondiale ne pourra être stabilisée sans atteindre la neutralité carbone – au début des années 2050 si l’on veut maintenir le réchauffement à 1,5 °C et au début des années 2070 pour 2 °C. »
3-Les solutions ? Une panoplie globale et détaillée.
Les solutions s’appellent
une réduction importante des énergies fossiles,
un accroissement des énergies renouvelables,
une efficacité énergétique et l’électrification,
les modifications des modes de vie,
une hausse substantielle des financements
et l’aide de l’innovation technologique.
Si l’on reprend les propositions essentielles :
4-La production d'énergie représente 34% des émissions mondiales. Que faire ?
Dans ce secteur, qui correspond principalement à la production d'électricité, la consommation de charbon, pétrole et gaz doit diminuer respectivement de 95%, de 60% et de 45% en 2050 par rapport à 2019. Cela demande une "transition majeure" avec "le déploiement de sources d'énergie peu émettrices" Réduire de manière « substantielle » l’utilisation globale des combustibles fossiles, principale cause du réchauffement.. « Cela suppose aussi de fermer prématurément les centrales à gaz, pétrole et charbon, observe le directeur du Cired et coauteur du rapport. Toute construction nouvelle rend encore plus difficile l’atteinte de nos objectifs. »
S’il existe encore de nombreux défis à la mise en place d’un système énergétique fondé entièrement sur les renouvelables, "le déploiement de sources d'énergie peu émettrices" comme l'éolien, le solaire, l'hydraulique …ou le nucléaire. Sur ce point, le GIEC note que de nombreuses technologies peu carbonées "ont montré de nombreux progrès depuis le précédent rapport, en termes de coût, de performance et de déploiement". les chercheurs notent qu’une « variété de solutions systémiques » permet déjà d’en intégrer une part importante. Le GIEC ajoute que "le coût de plusieurs technologies bas-carbone a chuté continuellement depuis 2010". Les experts citent l'énergie solaire, dont le coût a baissé de 85% entre 2010 et 2019, l'éolien (–55%) ou encore les batteries lithium-ion (–85%).
5-L’industrie représente 24% des émissions mondiales. Que faire ?
Parvenir à zéro émission nette dans ce secteur est un "défi", mais c'est "faisable", estime le Giec. Les scientifiques évoquent des actions coordonnées "tout au long de la chaîne de valeur", pour "utiliser plus efficacement les matériaux, les réutiliser et les recycler, diminuer les déchets". « Ainsi dans l’industrie, le défi sera difficile à relever. Il faudra utiliser plus efficacement les matériaux, réutiliser et recycler davantage, minimiser les déchets, agir sur la demande. Les processus de production devront également être transformés par un recours accru à l’électricité, à l’hydrogène et aux technologies de stockage et de captage du CO2.
Les technologies de captage et stockage, qui récupèrent le CO2 dans les fumées, seront incontournables pour contrebalancer les émissions résiduelles du secteur de l’énergie.
Les techniques d’élimination du dioxyde de carbone dans l’atmosphère, notamment via la plantation d’arbres, seront également centrales pour atteindre la neutralité carbone. En parallèle, des sources d’énergie bas carbone doivent être déployées.
6-L’agriculture, la forêt et l’usage des terres représentent 22% des émissions mondiales. Que faire ?
Ce secteur est crucial, parce qu'il peut participer, au-delà de ses réductions d'émissions propres, à la captation de carbone émise par d'autres. « Protection et restauration de forêts ou des zones humides, baisse de la déforestation dans les régions tropicales, gestion durable des cultures et du bétail, mais aussi modification des régimes alimentaires, réduction des pertes et des gaspillages de nourriture… Les options pour réduire les émissions du secteur de l’agriculture, des forêts et de l’utilisation des sols, tout en accroissant sa capacité de captage du carbone, sont également nombreuses.
7-Les transports représentent 15% des émissions mondiales. Que faire ?
Dans ce secteur le GIEC liste plusieurs options : réduction de la demande de transports (télétravail, moins d'étalement urbain), report sur des modes moins polluants (transports en commun), des modes actifs (vélo, marche) avec des investissements (pistes cyclables, trottoir), électrification des véhicules (moins polluants que les thermiques sur l'ensemble de leur cycle de vie) et biocarburants (même si ces derniers présentent des risques de conflit sur l'usage des sols avec l'alimentation).
8-Les bâtiments représentent environ 6% des émissions mondiales. Que faire ?
Les zones urbaines doivent également être repensées : les bâtiments doivent être rénovés de façon ambitieuse et à un rythme accéléré, les transports en commun et non motorisés encouragés, les villes électrifiées. Elles pourraient devenir plus compactes, avec des logements proches des lieux de travail, et disposer d’espaces verts ou de lacs pour absorber le carbone. La demande en énergie et en matériaux doit également être réduite. »
Les villes et les aires urbaines offrent des "opportunités significatives" pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Cela doit inclure "la réduction ou le changement de la consommation énergétique et de matériaux", "l'électrification" et l'augmentation de la capacité de la ville à capter et stocker du carbone (avec des espaces verts, par exemple).
9- Les moyens financiers. Que faire ?
Au-delà de la volonté et de la capacité des responsables politiques à engager et à mettre en œuvre ces mesures, la question des moyens sera déterminante. « Aujourd’hui, les flux financiers internationaux ne permettent pas d’atteindre les objectifs d’atténuation et font particulièrement défaut dans les pays en développement. Pour limiter le réchauffement à moins de 2 °C, les investissements annuels doivent être, entre 2020 et 2030, de trois à six fois supérieurs à ce qu’ils sont actuellement . La suppression des subventions aux combustibles fossiles contribuerait également à réduire le niveau d’émissions.
« Sans mesures d’atténuation urgentes, efficaces et équitables, le changement climatique menacera de plus en plus la santé et les moyens de subsistance des populations du monde entier, les écosystèmes et la biodiversité ».
Un commentaire sur les propositions du GIEC : La tentative de solutions omniprésentes est positive même si la panoplie est incomplète. Positif est aussi le refus d’embrasser la géo ingénierie comme remède miracle et de s’en tenir aux technologies de captage et stockage qui récupèrent le CO2 dans les fumées. Outre un désaccord total sur la promotion du nucléaire qui est à exclure on est frappé par la grande timidité des recommandations financières et par leur manque d’imagination,on est loin des gigantesques créations de ressources nouvelles que nous évoquons souvent.
B-Les rapports spéciaux du GIEC.
1- Juste avant la COP24 est publié un rapport spécial , celui du GIEC du 8 octobre 2018« Rapport sur les conséquences d’un réchauffement climatique de 1,5°C. »
Il montre les différences d’impacts entre un monde à +1,5°C et à +2°C, et explique qu’il faudrait réduire les émissions de gaz à effet de serre de près de 50% d’ici 2030 pour rester sous +1,5°C, objectif idéal de l’Accord de Paris.
2-Le rapport spécial sur l’océan et la cryosphère dans le contexte du changement climatique est publié le 25 septembre 2019.
La cryosphère est constituée par la neige, l’ensemble des glaciers de montagne, des calottes glaciaires, des banquises, des lacs et des sols gelés de la planète . Elle représente 10 % de la surface terrestre et stocke près de 70 % de l’eau douce disponible.
Sous l’effet du réchauffement elle recule rapidement dans tous ses éléments, dans toutes les régions et à toutes les altitudes. Les écosystèmes côtiers sont affectés par le réchauffement de l’océan, notamment par l’intensification des vagues de chaleur marines, par son acidification, sa perte d’oxygène, par les intrusions salines et l’élévation du niveau de la mer, le tout conjugué aux effets préjudiciables des activités humaines en mer comme à terre. On en observe déjà les impacts sur la superficie de certains habitats, la biodiversité ainsi que sur le fonctionnement des écosystèmes et leurs services écosystémiques. L'océan se réchauffe, il devient plus acide et moins fécond .
Les populations côtières sont exposées à de multiples aléas climatiques, tels les cyclones tropicaux, les niveaux marins extrêmes, les submersions marines, les vagues de chaleur marines, la disparition de la glace de mer et le dégel du pergélisol. Ces bouleversements des océans ont des effets sur la répartition et l'abondance de la faune et de la flore marines.
En haute montagne, la fonte des glaciers et de la cryosphère s'accélère. Vivent dans les régions de haute montagne 670 millions de personnes. Le déclin de la cryosphère en haute montagne continuera d'avoir des répercussions négatives sur les loisirs, le tourisme et l'identité culturelle des populations.
À mesure que les glaciers de montagne reculent, ils modifient également la disponibilité et la qualité de l'eau en aval, ce qui a des répercussions sur de nombreux secteurs comme l'agriculture et l'hydroélectricité.
Les glaciers, la neige, la glace et le pergélisol sont en déclin et continueront de l'être. Ce recul devrait accroître les risques pour les populations, comme les glissements de terrain, les avalanches, les chutes de pierres et les inondations.
Recul de la banquise arctique, fonte du pergélisol , 4 millions de personnes vivent en région arctique. L'étendue de la banquise arctique diminue et perd en épaisseur.
Gelé depuis de nombreuses années, le pergélisol se réchauffe et dégèle. Sa fonte devrait être généralisée au XXIe siècle. Le pergélisol arctique et boréal renferme de grandes quantités de carbone organique, presque deux fois le carbone atmosphérique, et risque d'entraîner, s'il dégèle, une hausse considérable des concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère.
La hausse du niveau de la mer pourrait atteindre 60 à 110 cm d'ici 2100. Un grand nombre de déplacés environnementaux sur les 680 millions de personnes sont dans les zones côtières de faible élévation. La fonte des glaciers et des calottes glaciaires entraîne une élévation du niveau de la mer et les phénomènes côtiers extrêmes sont de plus en plus intenses.
Selon le rapport, alors que le niveau de la mer a augmenté d'environ 15 cm à l'échelle mondiale au cours du XXe siècle, cette hausse est actuellement plus de deux fois plus rapide – 3,6 mm par an – et continue de s'accélérer. Le niveau de la mer continuera d'augmenter pendant des siècles. Cette hausse pourrait atteindre 30 à 60 cm environ d'ici 2100 et ce, même si le réchauffement planétaire est limité à une valeur bien en dessous de 2 °C. Il pourrait atteindre 60 à 110 cm si ces émissions continuent d'augmenter fortement. Certains États insulaires deviendront inhabitables .
3-Le 8 août 2019 le rapport spécial du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) sur « les changements climatique et les terres émergées » a été publié.
Les experts de l’ONU avertissent que la surexploitation des ressources menace la sécurité alimentaire , appauvrit la biodiversité et amplifie les émissions de CO2.
Nous vivons sur une Terre nourricière, tempérante, protectrice. Mais à épuiser ses ressources, à exploiter trop intensivement ses sols et ses forêts, nous mettons en péril non seulement notre capacité à faire face au réchauffement, mais aussi nos conditions de vie et de subsistance. Il est donc urgent d’adopter, à l’échelle mondiale, une gestion des terres plus durable.
Les contributions des trois groupes de travail au sixième rapport seront finalisées en 2021 et le 6ème rapport de synthèse sera établi au premier semestre de 2022.
C-L’avenir environnemental à long terme et à très long terme ?
1-On l’a compris : les générations à venir ne sont pas celles d’un futur plus ou moins lointain perdu dans les incertitudes des siècles ou des millénaires à venir.
Les générations visées sont les « quelques générations » (2, 3, 4, 5… ? ) qui viennent et qui plongeraient dans cette forme d’inconnu, celle d'une augmentation de la température de 4 à 6 degrés voire plus vers 2100, très probablement la fin d’une grande partie du vivant.
2- Dans le très long terme, autour de 2150, 2200( ?) on trouve des prospectives, pour une part incertaines, quelquefois particulièrement sombres avec des élévations de la température moyenne du globe entre 4 et 8 degrés voire plus, une fonte massive des glaces du Groenland (Arctique pôle Nord)ce qui entrainerait une montée du niveau des océans de l’ordre de sept mètres, une fonte relativement importante de l’Antarctique, et la disparition de la plus grande partie de la forêt amazonienne.
Un grand scientifique australien très connu déclarait : « Le destin de l’homme est déjà scellé, il est trop tard, dans moins de cent ans les sociétés humaines ne seront plus.» (Frank Fenner, The Australian ,16 juin 2010).Il n’était pas le premier à le dire ni les derniers ceux qui lui répondent que l’espoir restant est celui d’une « métamorphose de l’humanité » à travers des volontés massives de changements massifs.
3-Quant aux perspectives incertaines à très long terme ce seraient le comble de l’horreur selon certains. Il s’agit de certains scientifiques qui pensent que sont probables ou très probables :
une accélération de la fonte du sous-sol gelé sibérien libérant du dioxyde de carbone,
une accélération de la fonte des fonds marins de l’Arctique dont la couche de pergélisol sous-marin craquerait, libérant massivement du méthane, entrainant ainsi un emballement du réchauffement et l’arrivée de virus endormis jusque là,
une fonte accélérée puis totale de l’Antarctique (pôle Sud) qui une entrainerait une élévation du niveau des mers de l’ordre de 70 mètres ( !) ,
et au total dans quelques siècles( ?) ou millénaires( ?) une planète qui commencerait à ressembler à celle de Vénus , en route vers… 500°C.
Ce qui ne serait qu’une préfiguration de ce moment où , dans l’immensité du temps, le soleil , avant de s’éteindre, brûlera tout le système solaire dont bien sûr notre Terre.
VIII-L’Accord de Paris sur le climat : les acteurs face à la grande épreuve climatique.
Nous envisagerons tour à tour
A-Dans le trio capitalisme-productivisme-anthropocène ce système d’autodestruction a un « cœur » et une « armature » , cela comme une machine infernale.
B-L’ensemble des acteurs face aux catastrophes écologiques .
C- Le schéma général de fonctionnement des acteurs.
A-Dans le trio capitalisme-productivisme-anthropocène ce système d’autodestruction a un « cœur » et une « armature » , cela comme une machine infernale.
Nous en avions fait la démonstration par rapport non pas à l’environnement mais à la paix dans nos deux ouvrages sur la course aux armements ( « Construire la paix »,éditions La Chronique sociale,1998).
1-Le « cœur » de la machine infernale est constitué par les acteurs essentiels qui s’appellent les marchés financiers, les firmes géantes, les complexes de la techno-science .
2-« L’armature » de la machine infernale est constituée par les acteurs importants qui s’appellent les deux cents Etats (très inégaux), les organisations internationales et régionales, les organisations non-gouvernementales, les complexes médiatiques, les collectivités territoriales et tous les autres acteurs(administrations ,juridictions etc…).
Ces acteurs se situent dans un monde avec une croissance démographique toujours explosive (227.000 personnes chaque jour en excédent de population, c'est-à-dire les naissances moins les décès), une urbanisation vertigineuse du monde(le monde s’urbanise, se mégapolise, se bidonvillise, se fragilise) et une consommation encore effrénée d’énergies fossiles ( 84,3% du total de l’énergie consommée dans le monde en 2019 !).
C’est à l’intérieur de ce système mondial que vivent, survivent et meurent les acteurs humains (personnes, peuples, générations) .
Dans des proportions et des responsabilités très variables ce sont les auteurs par rapport à cette autodestruction.
Ce sont aussi les témoins et les victimes.
Et ce sont enfin les lanceurs d’alerte, les résistants, les alternatifs.
C’est également à l’intérieur de ce système mondial que vivent survivent et meurent les espèces animales et végétales qui avec les humains constituent le vivant.
B-L’ensemble des acteurs face aux catastrophes écologiques.
Viennent-ils au monde ces contre-mécanismes puissants qui seront les produits de l’ ensemble des acteurs, dont les Etats , la société civile et beaucoup d’autres … et les produits aussi des catastrophes écologiques .
1- L’espoir de suites porteuses de ce que certains considèrent comme un « premier pas », réside donc, une fois de plus, dans l’ensemble des acteurs à tous les niveaux géographiques : des Etats qui continueront à négocier, des collectivités, des entreprises, des ONG ,des citoyens, des peuples… qui amorceront des transitions énergétiques et, de façon plus globale, qui mettront en œuvre des moyens démocratiques, justes, pacifiques et écologiques…
L’espoir de la suite de ce que certains considèrent comme un « premier pas », réside donc, encore une fois, dans l’ensemble des acteurs :
2–Les Etats qui continueront à négocier dans les COP à venir et dans d’autres lieux de gouvernance par exemple à l’OMC.
Un rappel : en 2018 la part des plus grands émetteurs était la suivante
Chine 28,1%, Etats-Unis 15, 2% , à eux deux 43,3% des émissions mondiales des gaz à effet de serre.
UE 10,3%, Inde 7,3%, Russie 4 ,6%, Japon 3,4 %.En 2019 l’Inde se retrouve à la troisième place devant l’UE .Dans l’UE l’Allemagne est la pays le plus emetteur.
Rappelons que par habitant on trouve en tête le Qatar, le Koweït et l’Arabie saoudite. Viennent ensuite le Canada, les Etats-Unis, l’Allemagne, la Chine ,la France.
3-Egalement, certains le pensent, une partie du monde financier qui pourrait se détacher des énergies fossiles et se tourner vers les énergies renouvelables.
Le rôle des Etats peut être ici essentiel dans les temps à venir pour commencer des réformes et aller vers des remises en cause.
Peut-être aussi le rôle de forces , lesquelles ( ? ) , qui pourraient exister dans ces mondes financiers ? On trouve par exemple des banques qui se veulent éthiques et liées au développement durable, encore faut-il des mécanismes de contrôle des objectifs proclamés..
4- Bien sûr des collectivités territoriales, des entreprises et des acteurs de la société civile (ONG , citoyens, syndicats, mouvements sociaux) ,le rôle de fondations engagées, qui amorceront la transition énergétique, qui lancent et lanceront diverses alternatives qui pourront se rencontrer ici et là. C’était la première fois dans l’histoire du Limousin qu’un mouvement associatif Alternatiba les 12 et 13 septembre 2015 avait réuni autant de participants…
5-Des marches pour "Sauver le climat "se multiplient, des grèves de classes à partir de janvier 2019 voient le jour une fois par semaine dans certains pays. Si on atteignait des chiffres gigantesques de jeunes sur la planète , en révolte non-violente, résistante et constante, celle-ci pourrait avoir une influence importante.
6-Ne pas sous-estimer les juridictions qui , de plus en plus saisies en particulier par des associations et des citoyens , demandent des comptes aux Etats quant à l’exécution de leurs obligations nationales et internationales, entre autres exemples aux Pays-Bas en 2018 et en France en 2020.
7- Ces espoirs et d’autres que certains placent dans les Etats se réduisent pour certains comme une peau de chagrin. On pense alors qu’ils peuvent et qu’ils doivent continuer à négocier, mais c’est à la société civile de « bouger et de faire bouger. »
8-Le rôle des catastrophes écologiques, diffuses ou violentes, n’est pas à sous-estimer. Elles peuvent entrainer des mécontentements voire des révoltes de populations, des pressions sur les gouvernements, encore faut-il en arriver aux remises en cause nécessaires, ici et là peut-être des populations pousseront-elles à tirer des pédagogies véritables de différentes catastrophes ?
Une véritable pédagogie des catastrophes écologiques n’est pas évidente, elle suppose que l’on s’attaque non seulement à leurs manifestations mais aux aussi à leurs causes.
D’autre part, pour paraphraser Jean Rostand à propos des armes nucléaires, ne pas oublier que la survenance de catastrophes écologiques de plus en plus gigantesques pourrait finir par avoir pour effet…qu’il n’y aurait plus grand monde pour en tirer des leçons.
( Voir «Les catastrophes écologiques et le droit : échecs du droit, appels au droit », sous la direction de Jean-Marc Lavieille, Julien Bétaille et Michel Prieur , sont publiés aux éditions Bruylant, 2011, ils comprennent trente quatre communications .
Voir aussi « Les changements environnementaux globaux et les droits de l’homme », sous la direction de Christel Cournil et de Catherine Fabregoule, Bruylant, 2012.)
C-Le schéma général de fonctionnement des acteurs.
Il nous semble qu’ici et là les acteurs fonctionnent sous trois formes :
1-Des résistances et des pratiques alternatives de plus en plus nombreuses « à la base » par des personnes, des associations, des mouvements, d’autres acteurs , cela sous les pressions des catastrophes et en résistances aux logiques productivistes humanicides et terricides,
2- Des discours , des réformes et quelques remises d’importances très variables, aux « sommets » des différents niveaux géographiques, sous les pressions et des catastrophes et de la base,
3-Des fissures « au cœur » des logiques du productivisme, celles des marchés financiers, du marché mondial, de la techno science, sous les pressions et des catastrophes et de la base et du sommet ,
4-Sans compter les arrivées des improbables, des imprévus et des imprévisibles pour le pire, l’entre-deux et le meilleur.
IX-L’Accord de Paris sur le climat : de graves lacunes à combler.
Deux points proposés ici
A-Un rappel des lacunes à combler dans de nouvelles négociations.
B- Une source d’espoir : les créations massives de nouvelles ressources financières du XXIème siècle.
A-Un rappel des lacunes à combler .
1-Une liste indicative des lacunes à combler.
-L’absence de prise en compte des gaz à effet de serre liés aux activités militaires, un remarquable colloque à Paris (« Armées, guerres et environnement ») parallèle à la COP21, a insisté sur ce point,
- L’absence de référence dans l’Accord aux énergies renouvelables qui ne sont mentionnées que dans le préambule de la décision par rapport aux pays en développement,
-Le silence révélateur d’un puissant non-dit sur le nucléaire, autre élément de grande discorde en particulier entre d’une part certains Etats, le complexe de la nucléocratie et d’autre part une grande partie des ONG ,
- Deux grands silences révélateurs , l’un sur l’absence d’interdictions aux subventions accordées aux énergies fossiles,
-L’autre, particulièrement gravissime, sur le prix du carbone (même si une allusion est faite à la tarification du carbone à la fin de la décision de la COP dans une rubrique consacrées aux entités non parties à l’accord), certains pensent que c’était un contre-mécanisme essentiel contribuant puissamment à laisser des énergies fossiles dans le sol,
- Le silence sur les liens à établir entre la taxation des transactions de change et le fonds d’adaptation,
– Le silence sur la consécration d’un nouveau principe selon lequel le commerce international doit être conforme aux conditions sanitaires et environnementales,
- Le silence sur un futur statut des déplacés environnementaux
( Voir en particulier la « Présentation du projet de convention relative au statut international des déplacés
environnementaux », Jean-Marc Lavieille, Jean-Pierre Marguénaud et Julien Bétaille,Revue européenne de droit de l’environnement ( REDE) n°4, 2008.Voir aussi l’article de Michel Prieur sur les déplacés environnementaux dans l’ouvrage souvent cité « Les catastrophes écologiques et le droit ». Voir enfin Christel Cournil, Benoit Mayer, « Les migrations environnementales », La bibliothèque du citoyen, Sciences Po, Les Presses, 2014.)
– Le grand silence sur les espèces vivantes, même si la biodiversité est évoquée dans le préambule de l’Accord, il fallait l’affirmer clairement : les changements climatiques mettent en péril l’humanité et l’ensemble du vivant,
-Enfin un autre silence, celui relatif à l’explosion démographique, chaque jour l’excédent de la population mondiale (227.000 personnes) est l’équivalent de la communauté d’agglomération Limoges Métropole, cette explosion démographique que, par exemple, Claude Levi Strauss … ou René Dumont, ne séparaient pas de la crise écologique.
-On peut aussi penser qu'il aurait été important que l'Accord ,sans entrer dans les différentes techniques, se prononce sur quelques principes encadrant la géo ingénierie c'est-à-dire un ensemble des techniques qui visent à manipuler et modifier le climat et l’environnement de la Terre .Une sorte de « plan B » si le reste échoue. Le GIEC intégrera dans son 6ème rapport de 2021-2022 certaines techniques de géo ingénierie telles que le stockage du CO2.
Ces techniques posent au moins quatre séries de questions, celles de la démocratie (qui en décide ?), celles de la domination économique de puissantes entreprises, celles de risques gravissimes de certaines techniques, celles d’un désengagement qu’elles pourraient entrainer par rapport aux luttes contre le réchauffement.
Il y a une cinquième question qui apparait, c’est celle d’un productivisme qui aura tendance à faire de la géo ingénierie « La grande technique miracle » qui mettra la Terre à l’ombre. Ce que le productivisme a détruit il prétend le reconstruire par les mêmes moyens , et cela se vend et s’achète.
On trouve une façon quasi automatique de répondre aux raisons de ces silences nombreux et omniprésents : d’autres conférences, climatiques ou non,” traiteront de ces questions, l’ordre du jour était déjà assez chargé comme cela .
2-Les explications de ces lacunes.
En fait ces silences témoignent
de désaccords profonds,
de reflets de multiples puissances et impuissances,
de cette machine infernale du renvoi à plus tard,
de l’incapacité de se hisser au niveau de l’intérêt commun de l’humanité.
Et çà n’est pas parce que l’on est noyé dans l’ urgence qu’on ne peut pas prendre en compte le long terme, c’est surtout parce qu’on a pas pris en compte le long terme que l’on est noyé dans l’urgence.
3-Des solutions relatives aux lieux de futures négociations.
-Il aurait fallu, au minimum, prendre acte de ces ou de certaines de ces questions à résoudre dans le préambule de l’Accord, et /ou annoncer le principe de conférences spécifiques pour avancer par rapport à tel ou tel drame, par exemple celui des déplacés environnementaux.
-Certaines lacunes ont vocation à être résolues dans le cadre de l’Accord lorsqu’elles sont spécifiques à son objet et voient la levée de désaccords.
-D’autres attendront malheureusement pour être comblées que les désaccords soient levés. Des conférences spécifiques se dérouleront dans d’autres instances.
-Il est déjà tard mais toujours temps que quelques Etats et des fronts communs d’ONG lancent des processus, ce serait là une autre “dynamique vertueuse” et vitale.
4-Des ONG, à travers des fronts communs , sont capables d’impulser des dynamiques conventionnelles, l’exemple de la Convention sur les mines anti personnelles et l’exemple du Traité d’interdiction des armes nucléaires en sont des preuves remarquables.
B- Les créations massives de nouvelles ressources financières du XXIème siècle .
1-Une énumération indicative
On peut penser que l’une des plus grandes remises en cause allant serait celle de la réorientation massive de sommes gigantesques vers les luttes contre le réchauffement climatique et la pauvreté, ainsi par exemple à travers "un impôt mondial sur le capital" .( Sur celui-ci voir par exemple Thomas Piketty, Le capital au XXème siècle, Points,2019,p 835 à 883).
On peut aussi penser que cela suppose des rapports de forces dans lesquels des Etats, des populations, des jeunes, des entreprises, des ONG et tant d'autres acteurs deviendraient fraternisés par ces périls communs. La finance mondiale au service de la survie..."Ils ne savaient pas que c'était impossible alors ils l'ont fait" écrivait Mark Twain.
A titre indicatif énumérons
- une taxation , importante et mondiale, des transactions financières. Cette taxation doit inclure les devises et les produits dérivés. Une grande ONG comme Attac insiste sur ce point : « Il y a chaque année entre un million deux cent mille milliards et un million huit cent mille milliards de dollars de transactions financières, dont environ les trois quarts portent sur les produits dérivés échangés sur des marchés opaques. »Il est difficile d’imaginer dans la vie du système mondial des sommes aussi colossales,
- un impôt progressif et mondial sur les capitaux, en particulier un impôt élevé pour les grandes fortunes,
- une taxation des fonds spéculatifs,
-des ressources issues des bénéfices des firmes multinationales,
-une taxation importante des géants du numérique
-des ressources issues de la taxation des émissions de CO2 pour tous les transports internationaux,
- des capitaux provenant de la suppression complète et rapide des subventions des énergies fossiles,
-les transferts de dépenses militaires vers les dépenses de santé, d’environnement, d’alimentation, de logement, de culture…
-et toute nouvelle ressource allant dans le sens de « l’intérêt commun de l’humanité » c'est-à-dire la démocratie, la justice, la protection de l’environnement, la paix pour les générations passées ( protection de leur patrimoine culturel) , présentes et futures.
2- Des avancées ont vu le jour, elles restent certes encore dérisoires.
Voilà certes quelques avancées de levées partielles des secrets bancaire et judiciaire, qui est un des contre-mécanismes des paradis fiscaux, mais on est encore très loin d'une véritable remise en cause que serait une transparence généralisée . Les sommes abritées dans les paradis fiscaux en 2018, c'est à dire dans plus d'une soixantaine de pays et territoires(?), seraient de l'ordre de 15.000(?) à 40.000(?) milliards de dollars!!! C'est l'une des sommes les plus gigantesques que l'on puisse imaginer. Il est vrai que l'on est encore loin des 226.000 milliards de dollars (192.000 milliards d'euros) du total de la dette mondiale, soit trois fois le PIB mondial...On notera l'imprécision, opacité oblige, des sommes cachées dans les paradis fiscaux.
Voilà certes quelques timides tentatives de luttes contre l'évasion fiscale de grandes firmes multinationales, ainsi le G 20 en novembre 2015 a adopté un plan de l'OCDE en vue de pousser ces entreprises à déclarer leurs bénéfices pays par pays, de même la Commission de l'Union européenne va dans ce sens fin 2015 et début 2016 par exemple en critiquant des pays (Belgique, Pays-Bas, Luxembourg...) qui sont accusés de soutenir de telles pratiques, mais on est encore loin d'une véritable convention mondiale accompagnée de sanctions.
En mars 2018 la Commission de l'UE propose de taxer de 3% les revenus des géants numériques, les GAFA (Google,Apple,Facebook,Amazon), cela dans les pays de leurs utilisateurs, et au delà 200 groupes ayant un chiffre d'affaires annuel de plus de 750 millions d'euros et de plus de 50 millions d'euros dans l'Union européenne, cette taxe, rapporterait 5 milliards d'euros par an.
La France en 2019 commence à prélever une taxe sur les géants du numérique, c’est le début d’un long chemin légitime et légal consacré en avril 2019. Si la taxe précédente est à l'initiative de la France, l'Allemagne par contre semble se déclarer favorable à "un impôt minimum mondial sur les bénéfices des multinationales du numérique". La proposition française beaucoup plus cadrée va donner lieu à un rapport de forces gigantesque aux enjeux importants entre des Etats européens et les GAFA.
Les GAFA se retrouvent sous pression sous l’administration du nouveau président des Etats-Unis à partir de 2021, à cela s’ajoutent de multiples enquêtes et poursuites venant d’ Etats fédérés, du Congrès, du ministère de la justice et de l’autorité américaine de la concurrence.
Ces rapports de forces on le voit déjà au niveau d'amendes en juin 2017(2,47 milliards d'euros) et juillet 2018(4,3 milliards d'euros) infligées par la Commission à Google pour abus de position dominante, ainsi pour la seconde amende l'abus concerne le système d'exploitation pour smartphones , Android. Google verse les amendes pour éviter d'énormes astreintes mais fait appel devant la Cour de justice de l'Union européenne. En février 2019 le géant bancaire suisse UBS a été condamné par le tribunal de grande instance de Paris à une amende de 3,7 milliards d'euros pour démarchage bancaire illégal et pour blanchiment aggravé de fraude fiscale. Les premiers pas des uns et des autres sur ce chemin peuvent être prometteurs.
Les GAFA en 2019 pèsent en Bourse 3360 milliards de dollars et réalisent 600 milliards de chiffres d’affaires par an. Les amendes records imposées par l’UE ne vont pas assez loin selon certains auteurs , en particulier aux Etats-Unis, qui ici et là proposent de démanteler, de casser ces géants.
Voilà certes les premières taxes sur les transactions financières(TTF) d'un certain nombre d'Etats encore très minoritaires (ainsi par exemple à ce jour deux sur 28 dans l'Union européenne) mais on est encore loin d'une véritable TTF qui serait mondiale dans sa portée et radicale dans son assiette. C'est très certainement un des grands espoirs de véritables alternatives mondiales, espoir porté par exemple par une ONG telle que ATTAC, qui contribuerait à construire une communauté mondiale humainement viable dans la mesure où des sommes gigantesques, dégagées par ces TTF, seraient consacrées à des besoins criants, en particulier sanitaires et environnementaux...
Le G7 des ministres des finances le 5 juin 2021 a publié un communiqué commun, concrétisant leur accord sur une taxation mondiale des sociétés à hauteur de 15% "au moins". Un accord plus approfondi devrait voir le jour au G20 de juillet 2021.C’est une avancée.
Elle a cependant trois faiblesses : le G7 n’est pas le G20, les communiqués de ces instances n’obligent pas directement les Etats mais fixent des orientations, le taux mis en avant est considéré comme beaucoup trop faible par des économistes critiques et par des ONG.
On le voit des mouvements de fond et de fonds ont très probablement commencé, des Etats commencent à en appeler à des sommes très importantes ici et là, peut-être un jour à des capitaux gigantesques ? La question qui se pose est celle de la lenteur de l’évolution de ces rapports de forces face à la rapidité de la débâcle écologique.Ces contre mécanismes sont prometteurs mais trop lents, trop faibles face aux mécanismes puissants et rapides de l’autodestruction environnementale.
X-L’Accord de Paris et les quatre mécanismes principaux de la machine infernale de la débâcle écologique.
C’est bien entendu le noyau dur, il vise le cœur et aussi l’armature de la machine infernale du système mondial.
Nombre d’acteurs sont impliqués en tout ou partie et les quatre mécanismes ont de multiples liens .
Mais ces mécanismes sont aussi des géants aux pieds d’argile puisqu’ ils avancent dans l’autodestruction.
Nous envisagerons tour à tour
Les reports de nombreuses décisions des conférences climatiques et la difficulté de dégager peu à peu l’intérêt commun de l’humanité.(A)
La course au profit et la marchandisation de la nature.(B)
Les interactions et la débâcle écologique .( C)
Un facteur aggravant et terrifiant : l’accélération du système international . (D)
A-Les reports de nombreuses décisions des conférences climatiques et la difficulté de dégager peu à peu l’intérêt commun de l’humanité.
1-Sans remonter à l’avertissement du scientifique suédois Arrhénius en 1896,
rappelons que c’est en 1972 à la Conférence de Stockholm qu’est évoqué pour la première fois au niveau de l’ensemble les Etats le danger du réchauffement climatique,
qu’il faut attendre 1992 pour voir une convention,
1997 pour qu’arrive son protocole,
2005 pour qu’il entre en vigueur,
2015 pour un nouvel accord qui entrera finalement en vigueur en 2016,
soit au total 44 ans (1972-2016) pour faire les « premiers pas » ! Certes un chemin de mille pas commence par quelques pas, mais quel est le temps qui reste pour construire cet intérêt commun de l’humanité ?
On a donc, souvent, décidé … qu’on déciderait plus tard. On retrouve cette tendance lourde dans la plupart des conférences climatiques précédentes.« A l’auberge de la décision les gens dorment bien » dit un proverbe.
2- Les délégations étaient certes réveillées,
en surmontant parfois des intérêts nationaux,
en dégageant parfois des intérêts communs, ce qui n’était pas rien,
mais lorsque l’intérêt commun de l’humanité les appelle pourquoi ne répondent-elles pas ?
D’immenses penseurs les exhortent pourtant à le faire :
C’est ici ou jamais qu’il fallait et qu’il faut traduire en actes cette citation magnifique, terrible et appelant aux remises en cause, citation de Montesquieu : « Si je savais quelque chose qui me fût utile et qui fût préjudiciable à ma famille, je la rejetterais de mon esprit. Si je savais quelque chose qui fût utile à ma famille et qui ne le fût pas à ma patrie, je chercherais à l’oublier. Si je savais quelque chose utile à ma patrie et qui fût préjudiciable à l’Europe ou bien qui fût utile à l’Europe et préjudiciable au genre humain, je la regarderais comme un crime. »
Et Claude Lévi-Strauss « Le péril majeur pour l’humanité ne provient pas d’un régime, d’un parti, d’un groupe ou d’une classe. Il provient de l’humanité elle-même dans son ensemble qui se révèle être sa pire ennemie et celle du reste de la création. C’est de cela qu’il faut la convaincre si nous voulons la sauver. »
Et Edgar Morin « L’humanité entière est confrontée à un ensemble entremêlé de crises qui, à elles toutes, constituent la Grande Crise d’une humanité qui n’arrive pas à accéder à l’Humanité. »
Et un internationaliste René Jean Dupuy « Passer de l’homme aux groupes familial, régional, national, international résulte d’une progression quantitative ; accéder à l’Humanité‚ suppose un saut qualitatif. Dès lors qu’il est franchi, elle doit, elle-même, jouir de droits faute de quoi les hommes perdraient les leurs. »
On ne peut remettre en cause le productivisme autodestructeur que par des contre-mécanismes massifs et radicaux, personnels et puissamment collectifs.
B-La course au profit et la marchandisation de la nature.
On comprend mieux les enjeux pour le capitalisme et le productivisme. De façon plus globale Ils mettent en œuvre au moins quatre stratégies pour préserver les taux de profit.
1-La première voie utilisée par le productivisme est une exploitation tous azimuts de ressources "déjà trouvées" dans la nature. Autrement dit il s’agit d’exploiter le plus possible les ressources existantes, c’est la course aux quantités des gisements en route ou en bout de course.
Ce que le productivisme a emballé il l’achète et il le vend jusqu’à extinction des stocks.
2-La seconde voie utilisée par le productivisme est une exploitation tous azimuts de ressources "à trouver" dans la nature. Autrement dit il s’agit d’en découvrir de nouvelles, ainsi le gaz de schiste (avec de puissantes pressions de la course en avant des consommations d’énergie, d’industriels qui multiplient rapidement les forages par des moyens écologiquement inacceptables avec un silence ou une sous-estimation les effets écologiques dans les eaux, le sol, le sous-sol) , les richesses minérales aux pôles et d’abord en Arctique, mais aussi des recherches de nappes phréatiques, des « terres rares », de gisements de pétrole offshore.
Ce que le productivisme découvre il le touche, il l’emballe, puis il le vend et l’achète.
3-La troisième voie utilisée par le productivisme est un marché tous azimuts des "services" de la nature. Autrement dit on met en place des services que l’on va échanger avec le plus de profit possible.
Ce processus fait dire à des économistes critiques (ainsi Jean Gadrey , « Adieu à la croissance », éditions Alternatives économiques,2010) que « le capital financier veut découper la nature en services monnayables, puis en marchés dérivés pour qu’on puisse spéculer sur ces cours nouveaux ».
Ce que le productivisme, en affirmant faire œuvre de protection, déclare « services » il va le découper et le monnayer.
4-La quatrième voie utilisée par le productivisme est une "artificialisation" tous azimuts de la nature. Autrement dit des entreprises, surtout des firmes multinationales, se sont lancées dans les productions d’organismes génétiquement modifiés, de biotechnologies, de nanotechnologies, d’utilisations de plantes en carburants, de nouveaux marchés rentables liés au bio mimétisme de la nature, et de plus en plus de projets de géo-ingénierie climatique.
Ce que le productivisme commence à voir il va essayer de le modifier, de le transformer, puis il le vend et l’achète.
Ainsi à grande allure, sous de multiples formes, la pente est prise : tout vaut tant.
(Sur « La marchandisation de la nature » voir notre article sur ce blog sur notre site , et notre article in Mélanges en l’honneur de Soukaina Bouraoui, Mahfoud Ghezali et Ali Mékouar, Hommage à un printemps environnemental, PUF, 2016.)
C- Les interactions et la débâcle écologique.
1-Les interactions entre des éléments de l’environnement
Depuis longtemps on sait que les éléments de l’environnement sont interdépendants, que des pollutions peuvent passer d’un milieu dans un autre, peuvent traverser des frontières, on sait que des catastrophes peuvent avoir des effets plus ou moins étendus. Cependant on ne connait pas toujours la nature précise des interactions entre les phénomènes de dégradation de l’environnement.
De plus en plus de scientifiques pensent que les interactions entre les changements climatiques et d’autres problèmes menaces et drames environnementaux pourraient être lourdes de conséquences. Ainsi des interactions entre les changements climatiques et le déplacement de courants océaniques, entre les changements climatiques et l’extinction des espèces, entre les changements climatiques et la couche d’ozone. Ainsi la fonte des glaciers a désormais pour effet la montée du niveau des mers. Ainsi l’accélération des fontes de l’Arctique et maintenant de l’Antarctique agissent aussi sur ce niveau des océans, sur la circulation de l’océan global, sur les évènements climatiques extrêmes…
2- Les interactions entre des domaines d’activités.
Deux séries d’exemples relatifs à la guerre et aux inégalités
- Interactions entre environnement, paix et conflits armés.
Ainsi, par exemple, les interactions entre la dégradation de l’environnement et les guerres qui sont destructrices de l’environnement, mais la réciproque est moins connue : une gestion injuste et anti écologique de l’environnement peut contribuer à des conflits voire à des conflits armés. L’environnement a besoin de la paix et la paix a besoin de l’environnement.
- Interactions entre environnement, égalités, inégalités.
Ainsi par exemple les interactions entre les inégalités environnementales et les inégalités dans les autres domaines. Par exemple la « justice climatique » est aussi impérative que complexe, elle traverse les rapports entre les pays du Nord et du Sud, entre les pays du Sud et les pays émergents, entre l’ensemble des pays et les pays les moins avancés ainsi que les iles menacées par la montée des eaux.
3- Les interactions entre deux grandes crises.
- La crise climatique et la crise énergétique.
Si elles se rencontraient ces deux crises provoqueraient de multiples problèmes drames et menaces, par exemple des désorganisations amplifiées des sociétés.
Il est vrai aussi que l’on peut raisonner autrement et penser que cette rencontre pourrait provoquer et activer des remises en cause allant dans le sens de sociétés écologiquement viables. C’est ici ce que l’on appelle la pédagogie des catastrophes (voir l’article sur ce site : « Des idées, des moyens, des volontés face aux catastrophes écologiques. »)
Mais la catastrophe n’est pas vertueuse pédagogiquement en elle-même, on peut en tirer un peu, beaucoup ou pas du tout les leçons. (Voir Actes du colloque, Les catastrophes écologiques et le droit, échecs du droit, appels au droit, sous la direction de Jean- Marc. Lavieille, Julien Bétaille, Michel. Prieur, éditions Bruylant, 2012.)
- Cette rencontre se produirait très probablement si au moins cinq éléments étaient réunis : une consommation de pétrole augmentant en moyenne chaque année (par exemple de 1,6% selon l’estimation de l’Agence internationale de l’énergie) d’ici 2030 ; un effondrement important du pétrole vers 2040 (en 2050 le monde serait à 45 millions de barils produits par jour, autrement dit la moitié de la consommation en 2013) ; des énergies fossiles représentant toujours la plus grande part des ressources énergétiques mondiales ( de l’ordre de 80%) à la même période ; l’absence de volontés politiques, économiques et financières mondiales pour développer massivement des énergies renouvelables ; enfin une absence de politiques de réductions massives des consommations d’énergies dans les pays développés et les pays émergents.
Une seule donnée soulignée ici montre que la rencontre entre les deux crises est en route. Selon l’Agence internationale de l’énergie, en 2017 les énergies fossiles continuaient à fournir l’essentiel de la consommation d’énergie primaire mondiale, soit 85,5 %, plus précisément 33 ,5 % pour le pétrole, 28 % pour le charbon, 24 % pour le gaz naturel.
D-Un facteur aggravant et terrifiant : l’accélération du système international.
1-L’accélération mondiale se manifeste de multiples façons
- L’histoire de l’accélération se déroule en quatre événements majeurs : les deux accélérations celle de la techno science et celle du marché mondial, l’explosion démographique (avec un accroissement-les naissances moins les décès- de la population mondiale de 226.000 personnes chaque jour ), l’urbanisation vertigineuse (plus de la moitié des générations présentes en 2018 vivent dans les villes).
- Les causes de l’accélération s’appellent les logiques des fuites en avant du système productiviste, la généralisation du règne de la marchandise, la circulation rapide d’informations, de capitaux, de services, de produits et de personnes, l’arrivée des technologies de l’information et de la communication…
- Les manifestations de l’accélération se traduisent par une accélération des techniques, des rythmes de vie, par des accélérations sociales, culturelles, environnementales, politiques. L’urgence est devenue une catégorie centrale du politique, or moins on élabore de politiques à long terme plus on se trouve submergé par les urgences.
-Les effets de l’accélération sur les sociétés : elle porte atteinte à la démocratie, Paul Virilio écrit tragiquement : « Quand il n’y a plus de temps à partager il n’y a plus de démocratie possible. ». L’accélération a aussi des effets sur le travail, sur les contrôles, elle augmente le poids de l’urgence au détriment du long terme, elle contribue au développement des inégalités, elle a des effets sur l’argent- le temps c’est de l’argent et l’argent c’est du temps- elle a des effets sur les actualités, elle contribue à l’administration des peurs, enfin compétition et accélération se tiennent embrassées.
-Les effets de l’accélération sur les personnes : les rencontres sont souvent plus rapides, le présent est comprimé, compressé, existe également un certain effacement de la diversité des tâches, les rencontres du virtuel et du réel sont en situations d’accélération, le temps « mange l’espace » écrit Paul Virilio , il y aussi une augmentation du nombre d’actions par unité de temps et une réduction de chaque épisode de vie, enfin sont souvent présents un stress et une nervosité, sans oublier une atteinte à la capacité de comprendre.
(Voir sur ce blog et le site les quatre articles sur « L’accélération du système mondial », réflexions que nous avons présentées aussi dans des universités du troisième âge)
(Parmi les ouvrages à souligner : ceux de Paul Virilio, l’un des plus grands penseurs de la vitesse dans nos sociétés, voir par exemple « Vitesse et politique », (Galilée,1977), ou aussi Le Grand Accélérateur, Galilée,2010), Jean-Pierre Dupuy, « Pour un catastrophisme éclairé. Quand l’impossible devient certain. (Seuil,2002), Jean Chesneaux, « Habiter le temps »,(Bayard,1996), Harmut Rosa « Accélération », (La Découverte,2010), Nicole Aubert, « Culte de l’urgence. La Société malade du temps. » ( Flammarion, 2013), Lamberto Maffei, « Hâte-toi lentement » (FYP, 2016)
Le fait que le productivisme soit devenu comme une sorte de camion fou se comprend particulièrement bien à travers la dégradation et la protection de l’environnement.
2- L’accélération, une machine infernale par rapport à l’environnement
Pourquoi ? Parce que quatre mécanismes semblent, en théorie et en pratique, terrifiants, le mot n’est pas trop fort.
Les quelques lignes, qui s’inscrivent dans ces quatre petits paragraphes qui suivent, sont intellectuellement particulièrement éprouvantes, déstabilisantes, terribles à intégrer dans les raisonnements.
Beaucoup de personnes, en particulier de décideurs de toute nature, n’osent pas les mettre en avant et les passent sous silence, elles ont peur d’avouer leur impuissance ou peur de délégitimer leur action.
Nous pensons qu’il vaudrait mieux additionner de véritables faiblesses, les comprendre et essayer ensemble de faire face , mesurer et faire connaitre les chemins restant à parcourir, plutôt que de se draper dans de faux semblants, des orgueils mal placés ou de fausses victoires vite balayées.
- Le premier mécanisme est général : le système international s’accélère.
On vient d’en énumérer quelques manifestations. Cette accélération est une vérité incontournable. Si l’auteur de ces lignes avait plus de force il aurait créé avec quelques amis une « internationale de la lenteur » qui coordonnerait les ONG pensant et agissant en ce sens. . Ce ne serait pas un remède miracle mais un moyen pouvant être porteur. « Sois lent d’esprit » écrivait Montaigne.
L’environnement est emporté dans cette accélération générale.
-Second mécanisme : penser et mettre en œuvre les réformes et les remises en cause environnementales prend du temps
Pourquoi ? Pour des raisons particulièrement nombreuses.
A cause de l’introduction du long terme, de la complexité des interactions, de l’ enchevêtrement des ordres juridiques, de l’ inertie de systèmes économiques, des obstacles financiers, institutionnels, éducatifs, psychologiques et juridiques, à cause aussi des mises en œuvre de textes ,des actions trop tardives, des difficultés des remises en cause personnelles et collectives, de la complexité des rapports de force et des négociations, des retards dans les engagements, des obstacles dans les applications, de l’ inertie des systèmes économiques et techniques, sans oublier de la lenteur de l’évolution des écosystèmes, enfin par dessus tout, à cause de la puissance des logiques productivistes.
- Troisième mécanisme : on agit pour une large part dans l’urgence
L’aggravation des problèmes, des menaces et des drames de la dégradation environnementale rend les urgences omniprésentes, l’urgence devient une « catégorie centrale » du politique, elle fait d’ailleurs corps avec le court terme qui constitue une des logiques profondes du productivisme (voir sur ce blog les trois billets sur « Le productivisme ».). Il faut soulager des souffrances immédiates à la suite de catastrophes écologiques et de découvertes de scandales sanitaires et écologiques.
On doit faire face à la fois aux urgences climatiques et à d'autres urgences, en particulier sociales. On doit aussi élaborer des politiques à long terme. En 2013 nous avions dit et écrit qu'il fallait à la fois répondre aux fins de mois et aux fins du monde, c'était aussi une façon de dire entre autres qu'il n'y a pas de politique écologique sans justice sociale.
- Quatrième mécanisme : élaborer des politiques à long terme demande du temps
S’il est nécessaire de soulager des souffrances immédiates, il est aussi non moins nécessaire de lutter contre leurs causes par des politiques à long terme, ce qui demande du temps,
Un des exemples les plus criants est celui des déplacés environnementaux. Ce silence scandaleux dans l’Accord de Paris de 2015 sur le climat en dit long sur ce qui constitue déjà, aux yeux de certains, de nouvelles classes dangereuses en voie d’explosion dans les décennies à venir et qu’il faudra contenir au besoin, par tous les moyens, même les pires .
Il faudrait d’ores et déjà adopter et appliquer un statut international, celui par exemple élaboré par des universitaires de Limoges qui est considéré comme l’un des plus porteurs.
Aujourd’hui il y a 15 à 20 millions de déplacés environnementaux, vers 2100 on en attend au moins 150 millions. Des estimations vont maintenant jusqu’à 1 à 2 milliards dans la mesure en particulier où des mégapoles deviendraient irrespirables et/ou sous la montée des eaux.(Voir sur ce blog et ce site « Les déplacés environnementaux »).
Et on revient au premier mécanisme :
… le système s’accélère. Autrement dit : il n’est pas sûr que les prochaines générations futures aient beaucoup de temps devant elles pour mettre en œuvre des contre-mécanismes nombreux, radicaux et massifs.
Ajoutons à cela que, pour compliquer les situations en matière environnementale (comme dans tel ou tel autre domaine), il y a de véritables bombes à retardement. Elles mettent du temps à se préparer mais elles peuvent soit continuer sous la forme de pollutions diffuses soit exploser violemment et basculer dans l’urgence,
ainsi très vraisemblablement par exemple de véritables « Tchernobyls sous-marins » qui sont en route, des fûts de conteneurs radioactifs sont sous la pression des eaux et sous la destruction par la rouille, sans oublier des armes nucléaires qui dorment dans des sous-marins coulés.