Analyse critique des moyens viables.
Plan proposé :
-Tout çà c’est de l’utopie ! (A)
-C’est un discours déconnecté des rapports de forces ! (B)
-C’est une analyse hors sol, on ne sait pas de quel territoire vous parlez ! (C)
-C’est une liste où de petites remises en cause se trouvent avec les plus grandes ! (D)
-Quels sont les types de propositions qui reviennent souvent ? (E)
-Avec telle ou telle proposition ou tel ou tel ensemble de propositions je suis en désaccord profond ! (F)
-Comment les mises en œuvre des moyens pourraient -elles se dérouler dans le temps ? (G)
-Quels sont et quels peuvent être les processus de décisions et de mises en œuvre de ces moyens ?(H)
-Vos articles sont longs ! (I)
-Et après ces quatre séries de remises en cause « au final qu’est-ce qu’on fait ? » (J)
A-Tout çà c’est de l’utopie !
Oui , mais de l’utopie créatrice.
René Dumont avait appelé son grand ouvrage « L’utopie ou la mort ! »(Seuil, 1973.) Il ne pouvait mieux dire.
Si le productivisme n’est pas remis en cause ses logiques terricides et humanicides ne s’arrêteront qu’avec la disparition de l’humanité et d’une large partie du vivant. Il faut donc un bouleversement gigantesque et radical .
Ces articles relèvent d’un projet de transformation radicale du système mondial dans lequel s’est embarquée et se trouve embarquée l’humanité. Cette transformation se situe dans une analyse prospective en rupture profonde avec la société mondiale existante.
Mais il ne s’agit pas d’une utopie abstraite, celle de vœux pieux, celle des nuages. On rêve, et on en a heureusement le droit, mais rien ne change.
Il s’agit ici d’une utopie concrète, créatrice, c'est-à-dire qui propose de prendre les moyens de se réaliser.
Cette utopie créatrice veut penser des moyens conformes aux finalités avancées, celles de la démocratie, de la paix, de l’environnement et de la justice.
B-C’est un discours déconnecté des rapports de forces !
Non, les rapports de forces sont omniprésents , et dans les situations, et dans les drames et menaces, et dans les résistances et les constructions..
Nous partons souvent des dominations, nous analysons des stratégies, des résistances.
Nous avons conscience bien sûr du fait qu’il faut soulever des montagnes.
Nous savons également que les domaines clefs à changer, c'est-à-dire le marché mondial, les marchés financiers, la techno science , sont aussi ceux dans lesquels existent les acteurs les plus puissants.
C-C’est une analyse hors sol, on ne sait pas de quel territoire vous parlez !
Non, elle est ancrée dans tous les territoires.
Il est vrai que les dimensions mondiales dominent parce que beaucoup d’acteurs pris en compte se situent à ce niveau là.
Mais bien entendu nous en appelons aux actes à tous les niveaux géographiques. Ainsi le local, le régional, le national, le continental, l’international.
La démocratie doit se construire aux différents niveaux géographiques et chaque territoire doit respecter quelques principes .Une plate-forme remarquable a été publiée dans Le Monde diplomatique (avril 1994, pages 16 et 17) intitulée « Pour un monde solidaire et responsable », elle est fondée sur « les éléments de diagnostic, les principes communs, l’esquisse d’une stratégie d’action en particulier sur l’articulation des niveaux géographiques et sur des programmes mobilisateurs. » Cette plate-forme met en avant les principes suivants :
-Le principe d’humanité c’est-à-dire la possibilité d’avoir une vie digne répondant aux besoins essentiels, le principe de responsabilité des divers acteurs dans la construction des sociétés, le principe de diversité par exemple des cultures, le principe de précaution qui consiste à ne mettre en œuvre de nouveaux produits et de nouvelles techniques que si des risques graves ou irréversibles n’existent pas, le principe de modération qui consiste pour les plus aisés à limiter leur consommation, à apprendre la frugalité.
- Parfois nous précisons le territoire, d’autres fois nous renvoyons à plusieurs territoires. Il peut arriver que nous ne précisions rien, ce qui donne, reconnaissons le, effectivement une impression de flou. En fin de compte tous les territoires sont concernés .Et les responsabilités prises par les uns et les autres, par exemple de villes et de régions, par exemple de continents, peuvent surprendre dans l’avenir et, espérons le, dans le bon sens, celui aussi des remises en cause.
D-C’est une liste où de petites remises en cause se trouvent avec les plus grandes !
C’est vrai, nous avons fait ce choix.
Il y avait le risque de ne plus distinguer les remises en cause gigantesques et les petites réformes.
Nous avons cependant mis l’accent sur les premières en ne négligeant pas pour autant les secondes.
Le local correspond d’ailleurs souvent non seulement à la base mais peut prendre une grande ampleur et devenir même international.
Tous les acteurs ont des remises en cause à mettre en œuvre, dans des proportions très variables et avec des responsabilités très variables : Etats, organisations internationales et régionales, organisations non gouvernementales, entreprises, firmes multinationales, collectivités territoriales, réseaux scientifiques et technologiques, enfin les acteurs humains c'est-à-dire les personnes ,les peuples, l’humanité(générations passées qui ont le droit à la préservation du patrimoine culturel mondial, générations futures qui ont le droit que nous leur laissions des marges de manœuvres pour choisir ce qu’elles voudront être, générations présentes qui ont droit à une société humainement viable sans compromettre les droits des autres générations).
Ainsi « L’humanité doit avoir des droits faute de quoi les hommes perdront les leurs » écrivait René-Jean Dupuy, (« La clôture du système international », puf, 1989).Comment passer des intérêts nationaux (ceux de chaque Etat) aux intérêts communs (ceux des Etats et de la société civile internationale) puis à l’intérêt commun de l’humanité ?
Les droits de l'homme, des peuples, de l'humanité, du vivant, ne doivent-ils pas s'interpeller les uns les autres, s'appuyer les uns sur les autres, s'incliner les uns vers les autres?
E-Quels sont les types de propositions qui reviennent souvent ?
a-Nous en appelons souvent à la création de nouveaux fonds internationaux pour l’environnement, la paix, la justice, la démocratie. Ce ne sont pas des remèdes miracles mais ils sont absolument nécessaires, ils constituent des indicateurs significatifs des remises en cause de logiques productivistes.
b-Nous en appelons souvent à la conclusion de nouvelles conventions internationales pour l’environnement, la paix, la justice, la démocratie. Le multilatéralisme, pas plus que les Etats, n’est un remède miracle mais, à ce jour, il constitue une chance plutôt que l’unilatéralisme, plutôt que les forces du marché mondial, plutôt que les marchés financiers livrés à eux-mêmes. Certes çà n’est pas parce que des Etats concluent une convention que problèmes drames et menaces sont réglés dans un domaine. Encore faut-il que le contenu de la convention ou du traité soit consistant , que le texte ensuite soit appliqué et que d’autres domaines voient, eux aussi, des remises en cause en termes de moyens viables.
c-Nous en appelons souvent aux actions de « la base », elles demeurent essentielles et en elles-mêmes et pour inspirer, anticiper ou contribuer à mettre en œuvre des changements étatiques et interétatiques.
d-Nous en appelons souvent aux remises en cause interactives de plusieurs domaines, ainsi par exemple les créations d’emplois dans l’environnement et les reconversions d’emplois et de dépenses dans un désarmement pour la paix.
F- Avec telle ou telle proposition ou tel ou tel ensemble de propositions vous êtes un lecteur en désaccord profond !
Je le regrette mais suis content que votre esprit critique soit bien là. Il y avait peu de chances d’un accord « unanime » avec les 600 propositions…et heureusement.
Sur les 600 propositions on pourra bien sûr en trouver un certain nombre ou un nombre certain scandaleuses , dangereuses, suicidaires, injustes, illégitimes, illégales, incohérentes, inapplicables, coûteuses, ridicules, incompréhensibles, floues, contradictoires …
On pourra aussi regretter que des réformes et des remises en cause soient passées sous silence. C’est souvent les lacunes à combler qui sont les plus intéressantes.
Je ne me battrai de façon inégale pour défendre telle ou telle proposition, surtout je resterai ouvert à des propositions plus porteuses.
Par contre je défendrai vivement certains principes qui inspirent des remises en cause vitales , par exemple celui de détermination de limites au sein des activités humaines.
Une chose est sûre : plus on attend pour décider et mettre en œuvre des remises en cause massives, plus on se retrouvera dans des situations dramatiques , des menaces apocalyptiques ,des marges de manœuvres qui s’amenuisent…
G-Comment les mises en œuvre des propositions se dérouleraient-elles dans le temps ?
L'auteur ne peut pas répondre à cette question.
En effet de multiples variables interviennent et interviendront : hasards, nécessités et volontés, donc pour l’instant une pluralité de possibles.
Ainsi des catastrophes activant des remises en cause, ainsi des résistances fortes ou faibles et pour changer les choses et pour ne pas les changer, ainsi les interventions de tel ou tel acteur…
Par contre les propositions sont pensées sur les courts, moyens, longs et très longs termes.
H-Quels sont et quels peuvent être les processus de décisions et de mises en œuvre de ces moyens ?
Nous pensons que le schéma général de développements déjà en route et de déclenchements nouveaux des moyens pour un monde viable serait et sera probablement le suivant :
a-Des résistances et des pratiques alternatives de plus en plus nombreuses à « la base » par des personnes, des associations, des mouvements, d’autres acteurs , cela sous les pressions des catastrophes et en résistances aux logiques productivistes humanicides et terricides,
b-Des discours, des réformes et quelques remises en cause d’importances variables aux « sommets » des différents niveaux géographiques, sous les pressions et des catastrophes et de la base,
c-Des fissures « au cœur » des logiques du productivisme , celles des marchés financiers, du marché mondial, de la techno science…sous les pressions et des catastrophes et de la base et du sommet ,
d-Peut-être aussi l’arrivée de l’improbable…
e-Beaucoup de ces moyens demanderont quelques années, d’autres probablement quelques décennies . Nous les considèrerons comme les dernières chances, cela avant une multiplication des irréversibilités et des drames omniprésents.
D’autres pensent que tout est désormais joué, ce qui, on l’aura compris, n’est pas notre façon de penser l’avenir et n’est pas notre analyse de l’état du monde.
I-Vos articles sont longs !
C’est vrai mais il vous est possible d’y remédier.
L’auteur en a bien conscience. Mais il ne peut s’empêcher d’approfondir certaines synthèses… et les pages défilent.
C’est un peu long parce que si l'on veut essayer de penser on entre dans la complexité et l'incertitude. « Penser c’est dialoguer avec la complexité et l’incertitude » écrit Edgar Morin.
Mais, on le sait, il est fréquent et heureusement plus facile de lire de petits passages choisis à partir de titres et de sous-titres. Ou de parcourir simplement les plans généraux.
J-Et après ces quatre listes de l’ordre de 600 propositions « au final qu’est-ce qu’on fait ? »
"Et au final on fait quoi?"
- Le "final" on ne le connait pas. Il y a peu de temps pour se réaliser. De l'ordre de quelques décennies( ?) où des marges de manœuvres existent encore , puis quelques décennies( ?) où elles deviendront de plus en plus réduites.
-"Au final" çà n'est probablement pas le grand soir mais des grands soirs et des petits matins. Nous avons précisé quels étaient les circuits des luttes (interactions entre les bases, les sommets et les complexes du productivisme).
-"Au final" il n'y a pas de remède miracle mais un ensemble de mécanismes et de contre-mécanismes auxquels participent les acteurs à tous les niveaux géographiques.
-"Au final" aujourd'hui personnellement et à travers différents lieux (par exemple associations et mouvements, familles, amis, site, blog, vie quotidienne...) pour savoir où on en est on peut écrire quatre mots les uns sous les autres : démocratie, justice, écologie, paix, et en face de chacun on met trois colonnes : "Mes parts de reproductions", "Mes entre les deux", "Mes parts de ruptures". C'est le genre de bilan qui appelle en général à la modestie...mais peut « relancer » pour "agir " dans tel lieu plutôt que dans tel autre et si besoin autrement.
On peut aussi construire le même tableau plus collectif d’un territoire, par exemple d’une ville, ou d’une profession ou d’un groupe de personnes…
-Un mot fort de cette interpellation c'est le "on". Edwy Plenel et d'autres avec lui ont une expression différente et beaucoup plus forte : "Dire nous". ( Edwy Plenel , « Dire nous. Contre les peurs et les haines, nos causes communes . »Don Quichotte Editions, 2016.)
Pour l'heure il faut avoir confiance dans des mouvements de jeunes, passés, présents et à venir, en résistance contre le réchauffement climatique, il faut les soutenir, ils ne suffiront pas mais sont essentiels.
Et puis, bien sûr, de nouvelles pratiques de citoyens, citoyennes , d’associations, de mouvements, de villes , de villages…
Avec les uns et les autres si quelques Etats , sous la pression de populations, de mouvements et d’ONG, se tournaient vers des paradis fiscaux pour les remettre en cause, se tournaient aussi vers une véritable taxation des transactions de change et vers un début de remise en cause des dépenses militaires, il est probable alors que des fissures structurelles se produiraient.
En un mot "Et maintenant on fait quoi?"
On fait naitre sa révolte, on fait vivre sa révolte, on partage sa révolte.
Résistances et alternatives.
Camus avait raison:"Il n'y a d'humanisme que celui des hommes révoltés."