Chap.1 Quelles forces soufflent sur le monde ?
Plan détaillé :
1-Le marché mondial
Histoire du marché mondial
Puissance du marché mondial et de l’argent
La compétition , maitre mot du marché mondial
Vitesse et marché mondial
La vitesse contre la démocratie
Vitesse et dominations
Corruption et marché mondial
Limites du marché mondial
Dénonciations du marché mondial
Remises en cause du marché mondial
Autophagie (système qui se dévore lui-même)
Périls communs du système mondial
2-Les Etats
Quelques conceptions de l’Etat
Variété des Etats
L’absolutisme étatique (une des logiques de l’horreur)
Critiques de l’Etat
Limites des Etats
Remises en cause de l’Etat
La politique
Le pouvoir
3-Les organisations internationales
Nations Unies
Union européenne
Organisations internationales en général
Organisations non gouvernementales
4-Les complexes scientifico-technico-industriels
La techno science : puissance de la science
L’exemple de la voiture
Firmes multinationales
Complexes scientifico-militaro-industriels
Complexes médiatiques
Complexes urbains
5-Les acteurs humains
Les personnes : appartenance au genre humain
Les personnes : richesse des différences
Les peuples
Les générations et l’humanité
Mots d’enfants sur les personnes et la vie
6-L’humanité
L’humanité définie de façon transdisciplinaire
Humanité et être humain
L’humanité : la disparition de l’humanité ?
L’humanité et sa survie
L’espérance de l’humanité
L’humanité et ses éléments constitutifs
L’humanité et la nature
L’humanité, son unité et ses diversités .
L’intérêt commun de l’humanité et son contenu
L’humanité et ses lieux de vie (ou collectivités ou territoires) interdépendants.
L’humanité accompagnée de concepts et de principes
L’humanité et le droit
Les droits de l’humanité les droits de l’homme les droits des peuples et leurs interdépendances
L’humanité doit avoir, à terme, son « droit de l’humanité.»
L’intérêt commun de l’humanité et son contenu
L’humanité à la recherche de son patrimoine commun et de ses biens communs
Petit conte. Les livres, le petit papier et l’humanité
Responsabilité des générations présentes par rapport aux générations futures.
La famille humaine
Etre frères
7-Le développement,le productivisme,la crise autodestructrice
Origines, étapes de la notion de développement
Radicalité de la crise
Au cœur de la crise : le productivisme
Interdépendances et développement
Pour une société viable
Développement durable
Croissance et décroissance
Radicalité écologique,croissance,décroissance
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I- Quelles forces soufflent dans le monde ?
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1 – Le marché mondial
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Histoire du marché mondial
Après le marché des marchands des XVème et XVIème siècles, après celui des
manufactures du XVIIème jusque vers 1850, celui des monopoles de 1850 à 1914,
voilà depuis 1914 et surtout depuis 1945 le marché mondial avec ses piliers : les
Etats, les organisations intergouvernementales, les firmes géantes, la techno
science, les marchés financiers. Enfin, vivant ou survivant au milieu de tout cela, les
acteurs humains : les personnes, les peuples, l’humanité.
JML
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Puissance du marché mondial et de l’argent
Tout ce que le marché voit il le touche, tout ce qu’il touche il l’emballe, au marché
tout est marchandise.
François Salvaing
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La quête sanglante du profit et du pouvoir, la dictature omniprésente de la
marchandise…
Raoul Vaneigem
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La force prime le droit, et l’or prime la force.
Jean Rostand
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La société de consommation, qui consomme les gens, oblige les gens à consommer.
Eduardo Galeano
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Le marché mondial, puissance suprême, plane sur la terre tel le Destin antique et
d’une main distribue aux hommes le bonheur et le malheur, fonde et mine les
empires, fait naître et disparaître les peuples.
Jean Cardonnel
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En quête de rentabilité maximale, les masses de capitaux vont et viennent à la
surface du monde. Ils sont comme la cargaison mal arrimée d’un bateau que ses
mouvements menacent de couler.
Jean-Claude Guillebaud
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Il ne possédait pas l’or mais l’or le possédait.
Jean de La Fontaine
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L’argent est devenu l’entremetteur entre les besoins de la vie humaine et les objets
de ces besoins, se posant aussi en entremetteur entre la vie de l’homme et
l’existence des autres hommes. C’est le processus de la conversion de toutes
choses en argent et de l’argent en toutes choses.
Jean Cardonnel
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Le bien remplace le lien.
Marcel Mauss
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Tout vaut tant…
Entendu dans une réunion
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Tant qu’il y aura de l’argent il n’y en aura pas assez pour tout le monde.
Graffiti
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La compétition, maître mot du marché mondial
Habermas dit que « le système colonise le monde vécu ». Il n’y a plus d’autres
critères d’appréciation que la performance, la compétitivité, la rentabilité…
André Gorz
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L’évangile de la compétitivité…La compétitivité a ses évangélistes, ses prêtres et
bien entendu ses fidèles: l’opinion publique matraquée par ce discours (…). La
« bonne nouvelle » de la compétitivité n’est bonne que pour une infime portion de la
population mondiale. Seuls une poignée d’individus, de groupes ou de pays auront
effectivement et légitimement accès à la table.
Riccardo Petrella
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La machine à gagner est une machine à exclure.
Albert Jacquart
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Pour les fauves l’attrait de la jungle c’est qu’elle n’a pas de loi.
René Jean Dupuy
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L’ambition souvent fait accepter les fonctions les plus basses : c’est ainsi qu’on
grimpe dans la même posture que l’on rampe.
Jonathan Swift
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Chacun invoque la compétitivité de l’autre pour soumettre sa propre société aux
exigences systématiques de la machine économique.
André Gorz
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Les tenants du libéralisme croient plus ou moins à la sacralisation de la compétition,
les tenants du socialisme croient plus ou moins à la gestion de la compétition, les
tenants du nationalisme croient plus ou moins à la nationalisation de la compétition.
Les tenants d’une société viable voudraient à juste titre remettre en cause la compétition… Ils pensent que c’est vital.
JML
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La compétition : être sans les autres, contre eux, au-dessus d’eux. La solidarité : être
avec les autres et d’abord avec les plus faibles et les exclus.
JML
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La logique de la compétitivité a été élevée au rang d’impératif naturel de la société.
La compétitivité fait perdre le sens du « vivre ensemble », le sens du « bien
commun »
Riccardo Petrella
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Etre ou ne pas être compétitif nous dit le marché mondial.
Etre ou ne pas être heureux nous dit la vie.
JML
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Des compétitions peuvent contribuer à des crises démocratiques. Ce processus se manifeste au moins de deux façons.
D’abord les compétitions contribuent à saper les fondements des démocraties en multipliant et en aggravants les inégalités. Des exclus, ne voyant alors pas leurs situations changer, peuvent contribuer à favoriser l’avènement de régimes autoritaires qui, croient-ils par les propagandes, vont leur donner de nouvelles conditions de vie.
Ensuite les compétitions aggravent des relations entre Etats ce qui peut durcir des régimes politiques. Des pays voudront ainsi avoir d’autres moyens plus agressifs de répondre à ces compétitions et, pour ce faire, seront tentés de prendre des pentes autoritaires.
JML
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Vitesse et marché mondial
La vitesse absolue est le contraire de la démocratie qui suppose d’aller vers les
autres, de discuter, de prendre le temps de la réflexion et de partager la décision.
Quand il n’y a plus de temps à partager il n’y a plus de démocratie possible.
Paul Virilio
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La vitesse est un facteur essentiel dans la répartition des richesses et du pouvoir. Le
mode dominant de déplacement détermine à chaque époque une part de
l’organisation de la société, depuis la Grèce antique où on disait que « ceux qui font
marcher les navires gouvernent la cité », jusqu’aux dynasties ferroviaires de l’essor
du capitalisme, en passant par la chevalerie qui est la base de la féodalité.
Aujourd’hui le mode de déplacement principal est le transport électronique des
informations et de l’action. Il s’agit de moins en moins de parcourir une distance mais
de contrôler et d’agir à distance.
Paul Virilio
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La vitesse contre la démocratie
L’accélération porte atteinte à la démocratie. En effet la vitesse a quelque chose de contraire à la démocratie qui est synonyme de discussions, de temps pris pour arriver à des compromis, à des partages des décisions. Or le temps politique est court-circuité par le temps marchand, par le temps économique, par la vitesse des transactions financières. Paul Virilio affirme en particulier que « quand il n’y a plus de temps à partager il n’y a plus de démocratie possible ».Il y a donc une sorte de « désynchronisation » entre le domaine politique et le domaine économico-financier.
Dans un raccourci trop rapide (lui aussi…) on peut également affirmer que les Parlements sont court-circuités par les exécutifs plus rapides qui, eux-mêmes, sont court-circuités par les marchés financiers encore plus rapides.
Avec cette puissance et cette rapidité des marchés financiers il y a aussi une certaine désynchronisation entre l’économie réelle et l’économie virtuelle ce qui ne favorise pas la clarté démocratique.
JML
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Vitesse et dominations
De Lucie (3 millions d’années avant notre ère) à nos jours(2022) la vitesse a été un des facteurs de domination. Ainsi les femmes étaient dominées par les hommes parce qu’entre autres elles étaient moins rapides (temps des grossesses et des enfants portés sur le dos).Aujourd’hui il y a des personnes « lentes » qui sont « déconnectées » et des personnes « rapides » qui sont « connectées » à travers des techniques informatiques.
JML
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Corruption et marché mondial
Contrairement à une idée répandue, la corruption internationale qui gangrène la vie
publique ne sévit pas seulement dans les Républiques bananières et autres
démocraties chancelantes aux antipodes de l’Europe. Elle ronge aussi l’Occident.
Les complicités sont nombreuses, souvent insouciantes, tant certaines pratiques sont
devenues habituelles. (…) Le mouvement s’accélère, car, avec l’internationalisation
de l’économie, la corruption se répand. Et plus elle s’étend, moins elle devient
supportable. Comme dans les travaux publics lorsque par le biais des appels d’offres
internationaux des entreprises étrangères tentent de pénétrer dans le pré carré
d’entreprises nationales. Comme dans l’agroalimentaire où la mondialisation favorise
la multiplication des intermédiaires et l’arrivée d’organisations confinées dans la
grande criminalité telles que la Mafia. Comme dans le traitement des déchets dont
les pays les plus riches cherchent à se débarrasser en les exportant. La
multiplication des subventions dont l’utilisation est insuffisamment contrôlée, devient
un facteur aggravant.(…) Autre ferment de corruption: les compensations négociées
dans le cadre de grands contrats internationaux par les pays acheteurs pour obtenir
des débouchés à leurs productions nationales.
Gilles Bridier
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Le phénomène serait en passe de devenir un véritable cancer mondial. Entre autres
causes, celle qu’avance l’économiste Alain Cotta : « le secteur des narcotiques
dégage des profits colossaux qui trouvent dans la corruption de tous les pouvoirs
leur réinvestissement de choix ». Un phénomène qui, de l’avis général, mine le jeu
politique, ruine les citoyens, freine le développement. (…) La dérégulation des
économies dans les années 80 s’est soldée par une dérégulation de la corruption.
Une véritable fièvre de l’argent facile s’est emparée des élites de la planète.
Sandrine Tolotti
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De nombreuses instances ont pris conscience de la nécessité de s’attaquer à la
corruption pour des raisons d’ordre moral mais aussi à cause de son coût
économique. (…) D’autre part les pratiques de corruption minent la légitimité politique
des institutions et diminuent l’efficacité de l’administration.
Gilles Bridier
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Limites du marché mondial
Qu’est-ce qu’une société qui ne se donne plus de limites ?
Jacques Ellul
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Petit conte. Une civilisation était parvenue à un tel niveau technoscientifique qu’elle matérialisait la pensée. Ainsi on pensait à un être … il était alors devant vous. Jusqu’au jour où des personnes pensèrent à des monstres qui avalèrent toute la civilisation.
JML
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Le marché mondial, présenté comme le grand administrateur des affaires humaines,
est impuissant devant les périls sociaux planétaires (nouvelle pauvreté, migrations fuites,
banlieues géantes, drogués etc.) lesquels sont autant de bombes à
retardement dont les effets s’aggravent à mesure qu’ils sont différés.
Jean Chesneaux
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Nous souffrons de trois déséquilibres majeurs : entre le Nord et le Sud de la planète,
entre les riches et les pauvres au sein de chaque société, entre les hommes et la
nature. Ces trois déséquilibres reflètent une triple crise des relations et de l’échange :
entre les sociétés, entre les hommes, entre les hommes et leur milieu de vie. Ces
crises sont inséparables et ne peuvent être surmontées séparément.
Fondation pour le progrès de l’homme
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Dénonciations du marché mondial
Je dénonce la servitude née du monde industriel de production, le gigantisme des
outils, le culte de la croissance indéfinie.
Ivan Illich
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« Etre c’est avoir » dit le système. Et le piège consiste en ce que celui qui a le plus
désire le plus et que, tous comptes faits, les personnes finissent par appartenir aux
choses et travailler à leurs ordres.
Eduardo Galeano
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Nous sommes maintenant au seuil d’une nouvelle époque de l’ère planétaire. Elle
mondialise ce qui est et ce qui se produit, elle unifie – par la technique – le globe,
elle précipite les hommes et les choses dans un devenir qui, pour tendre à
l’universalité et à la globalité, n’en est pas moins errant et n’exclut pas la platitude.
Kostas Axelos
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La mondialisation c’est l’expropriation des producteurs désormais soumis à ce
système sur lequel ils n’ont plus aucun contrôle, la domestication des
consommateurs, de leurs goûts, de leurs habitudes, et la fragilisation résultant de
l’instabilité des conditions à la fois techniques et commerciales désormais
dominantes à l’échelle du monde.
Jean Chesneaux
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Dans tout l’univers de la civilisation industrielle la domination de l’homme sur
l’homme croît en étendue et en efficacité.
Herbert Marcuse
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Ce qui fait peur à notre société c’est qu’elle n’est plus sociale, qu’elle n’est plus un
réseau de relations, de négociations, de décisions entre des acteurs sociaux. La
société devient foule, marché, tendance, de même que les entreprises sont
redevenues des affaires.
Alain Touraine
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Le drogué c’est le monde pauvre, le « gros bonnet » c’est l’ensemble du capital
transnational, le dealer c’est le groupe Banque Mondiale, FMI, GATT, et la drogue, le
narcotique c’est la technologie chère.
La dépendance se mesure à l’endettement créé par la première injection de « grands
travaux » et de la « révolution verte » dans les années 1950 – 60.
Philippe Paraire
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Je hais mon époque de toutes mes forces. L’homme y meurt de soif ! (…) On ne peut
plus vivre de frigidaires, de bilans, on ne peut plus vivre sans poésie, sans couleur ni
amour. En travaillant pour les seuls biens matériels nous bâtissons notre prison.
Nous nous enfermons solitaires avec notre monnaie de cendre qui ne procure rien
qui vaille pour vivre.
Antoine de Saint-Exupéry
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Trop d’individus sont déterminés par les normes du bien-être imposées par la
société, et s’efforcent d’augmenter leur standing matériel sans se demander quel prix
ils doivent payer pour cela : la diminution de leurs capacités à développer de bonnes
relations sociales et interpersonnelles dans leur foyer, au travail, pendant leurs
loisirs.
Leonard S. Rubenowitz
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Ce n’est plus le capitalisme seul qui concentre en lui le mal de notre civilisation.
Celui-ci est une hydre à plusieurs têtes : l’atomisation, l’anonymat, la
marchandisation, la dégradation morale, le mal-être progressent de façon
interdépendante et constituent ensemble ce mal.
Edgar Morin
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A l’Ouest le sacrifice de la justice au nom de la liberté sur l’autel de la déesse
Productivité. A l’Est le sacrifice de la liberté au nom de la justice sur l’autel de la
déesse Productivité. Au Sud nous pouvons encore nous demander si cette déesse
mérite nos vies.
Eduardo Galeano (citation avant la chute du mur de Berlin, 1989)
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Etre ou ne pas être compétitif nous dit le marché mondial.
Etre ou ne pas être heureux nous dit la vie.
JML
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Marché mondial cherche compétition.
Humanité cherche futur…
JML
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Remises en cause du marché mondial
Les logiques de la mondialisation actuelle sont productivistes donc pour une large
part, violentes, injustes, autoritaires et anti écologiques. A travers quels moyens mettre
en œuvre d’autres logiques allant dans le sens d’une société pacifique, juste,
démocratique et écologique ?
JML
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Face à cette société devenue étrangère à elle-même, face à cette méga machine
bureaucratique industrielle nous avons dans tous les pays deux types de rébellion.
D’un côté, les gens culturellement armés pour assumer leur autonomie exigent la
création et la protection contre le pouvoir de l’Etat et le pouvoir de l’argent, de
nouveaux espaces de socialité autogérée et d’activités autodéterminées. De l’autre
côté, nous avons la réaction régressive de ceux qui aimeraient retrouver la sécurité
d’un ordre pré-moderne, stable, hiérarchisé, fortement intégrateur où dès sa
naissance chacun a sa place assurée et assignée par son appartenance à sa nation
ou à sa race…
On ne fera reculer cette extrême droite que si on y décerne la réaction pathologique
à un vrai problème : celui d’un système social au fonctionnement incompréhensible,
qui n’assure plus l’intégration, qui assujettit toutes les sphères d’activité et de la vie
aux impératifs de compétitivité et aux réglementations administratives censées en
atténuer les effets.
André Gorz
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Il s’agit de savoir si l’homme des pays riches entend accepter sans murmure
l’existence confortable, contrôlée, artificielle, sans responsabilité et sans surprise que
lui offre l’institution. Ou bien va-t-il sortir de son sommeil, réclamer son droit,
reprendre la parole et en même temps le pouvoir de décider. Imposer des limites à
cette glu de produits et de biens qui le submerge, rouvrir un espace social de
rencontres et d’échanges, se souvenir qu’il a un passé, des voisins, des égaux. Car
la convivialité ne se sépare pas de l’équité.
Ivan Illich
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Le faux débat entre moins de marché et plus d’Etat ou plus de marché et moins
d’Etat ne laisse aux citoyens le choix qu’entre deux mécanismes de dépossession.
L’issue à l’actuelle crise de société doit être cherchée dans à la fois moins de
marché, moins d’Etat et plus d’échanges qui ne sont commandés ni par l’argent ni
par l’administration mais fondés sur des réseaux d’aide mutuelle, de coopération
volontaire, de solidarité auto-organisée.
André Gorz
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Les gens s’aperçoivent que l’objectif central de la vie humaine ne peut pas être de
changer de voiture tous les trois ans plutôt que tous les six. Mais ils ne peuvent pas
jusqu’ici trouver en eux-mêmes la ressource pour aller au-delà. Les significations
imaginaires du capitalisme s’érodent sans que la société puisse en faire émerger
d’autres. Il ne s’agit pas seulement de créer une nouvelle conception politique, il
s’agit de mettre en cause tout un mode de vie et d’en concevoir un autre puisque,
dans la société de consommation, règne des partis bureaucratiques, pouvoir de
l’argent et des médias, superficialité de la culture sont intimement liés et
solidaires.
Cornélius Castoriadis
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Autophagie
Nous sommes dans un système devenu autophage c'est-à-dire qui se mange lui-même
Aux personnes rencontrées par le Petit Prince de Saint-Exupéry on pourrait ainsi rajouter Erysichthon, qui se mangeait lui-même, évoqué par le poète Ovide en 30 avant notre ère dans « Les Métamorphoses », et l’identifier au productivisme.
« Que faites-vous ? » demande le Petit Prince.
« Je suis devenu un système autophage. Les pays, les marchés, les entreprises se dévorent, je dévore la nature, je dévore même mes limites. »
« Vous aimez çà ? » interroge épouvanté le Petit Prince.
«Au début j’y prenais goût, mais depuis longtemps je ne peux plus m’arrêter, j’ai toujours faim » répond l’autophage.
« A cette allure , dit le Petit Prince, vous souffrirez de plus en plus et vous allez vite disparaitre. Moi quand j’ai soif je marche tout doucement vers une fontaine.»
JML
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Périls communs du système mondial
Les périls communs sont constitués de drames et de menaces relatifs aux humains et à l’ensemble du vivant.
Quatre questions sur ce système mondial qui assassine l’humanité et le vivant :
1-Quels sont les périls communs ?
Ce système humanicide et terricide produit des périls communs, c'est-à-dire des drames et des menaces, lesquels? Quatre séries :
- La débâcle écologique tendant à dépasser des seuils d’irréversibilité (réchauffement climatique, effondrement de la biodiversité , épidémies aussi qui ont en partie pour cause la place écrasante de l’homme dans la nature ( des études scientifiques montrent que les risques de contagion sont beaucoup plus élevés chez les espèces sauvages menacées ou en voie d’extinction ) ,
- Les armes de destruction massive (nucléaires, biologiques, chimiques),
-Les inégalités criantes (sanitaires, alimentaires, économiques, culturelles, environnementales (les 1 % les plus riches de la planète sont responsables de deux fois plus d’émissions de CO2 que la moitié la plus pauvre de l’humanité.),
-enfin dernier drame et menace : la techno science et les marchés financiers de moins en moins contrôlés par les êtres humains…
Ce système est suicidaire, il ne réalise pas le bien commun et il contribue aux confusions entre les fins et les moyens, c'est-à-dire que les fins, autrement dit les êtres humains et le vivant , sont de plus en plus traités en moyens, et les moyens, c'est-à-dire surtout la techno science, le marché mondial et les marchés financiers, deviennent de plus en plus des finalités suprêmes .
2- Ce système n’est-il pas condamnable et condamné ?
Ce système n’est-il pas condamnable du seul fait, par exemple, qu’il y ait en 2018 un enfant sur deux dans le monde en situation de détresse et/ou de danger ( guerres, maladies, misère…) et du seul fait, par exemple, que les marchés financiers ont pris, depuis 1971 (fin de la convertibilité du dollar en or), une large partie de la place des conducteurs qu’étaient les Etats et les entreprises ?
Ce système n’est-il pas condamné du seul fait , par exemple, que près de 6 milliards de dollars partent chaque jour en 2021 vers les dépenses militaires mondiales, et du seul fait, par exemple, que des activités humaines entraînent un réchauffement climatique qui menace l’ensemble du vivant ,3°C à 6°C (ou plus) d’élévation de la température moyenne du globe vers 2100) et ,à cette même date, un à deux mètres ( ou plus ) d’élévation du niveau des mers ?
3-Des études apocalyptiques.
Deux études du 7 juin 2012, cosignées chacune par une vingtaine de chercheurs de différentes disciplines, chercheurs travaillant dans une quinzaine d’institutions scientifiques, non pas tirent la sonnette d’alarme mais font entendre un glas apocalyptique :
«La biosphère est à la veille d’un basculement abrupte et irréversible »(…) voilà « l’imminence d’ici à quelques générations d’une transition brutale vers un état de la biosphère inconnu depuis l’émergence d’homo sapiens c’est-à-dire 200.000 ans. »
On l’a compris : les générations à venir ne sont pas celles d’un futur plus ou moins lointain perdu dans les incertitudes des siècles ou des millénaires à venir. Les générations visées sont les « quelques générations » (2, 3, 4 … ) qui viennent et qui plongeraient peu à peu dans cette forme d’inconnu.
4-La question des questions ?
Cette veille de fin des temps peut-elle encore, à travers quels moyens, quelles volontés et surtout quelles marges de manœuvres, se transformer en une forme d’aube de l’humanité ?
Devons-nous, voulons-nous , pouvons-nous non seulement ralentir le Titanic sur lequel personnes, peuples et humanité sont embarqués mais surtout le faire changer de route ?
Faut-il être encore plus au bord de l’abîme pour se rapprocher les uns et les autres ? C’est le refus de cet abîme qui peut nous rassembler, ce sont et seront les mises au monde d’autres possibles fraternels qui nous donnent des chances de survie.
JML
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2-Les Etats
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Quelques conceptions de l’Etat
L’Etat c’est l’association politique librement formée par les participants au contrat
social, la souveraineté de l’Etat c’est la volonté générale des co-contractants.
Jean-Jacques Rousseau
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L’Etat est l’esprit en tant qu’il se réalise avec conscience dans la réalité… le Dieu
réel, le terrestre divin.
Friedrich Hegel
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L’Etat dispose du monopole de l’usage légitime de la violence.
Max Weber
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L’Etat est un être de droit en qui se résume abstraitement la collectivité nationale.
Carré de Malberg
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L’Etat est la forme par laquelle les individus d’une classe dominante font valoir leurs
intérêts communs.
Karl Marx
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L’Etat est un produit de la force, c’est la force des plus forts qui dominent la faiblesse
des plus faibles. Ce n’est pas le droit qui crée l’Etat. L’Etat est un fait, rien qu’un fait.
Léon Duguit (juriste de Bordeaux, dans les années 1900, adversaire de M. Hauriou)
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L’Etat c’est l’institution qui détient le pouvoir politique et au nom de qui ce pouvoir
s’exerce.
Maurice Hauriou ( juriste de Toulouse, dans les années 1900, adversaire de L. Duguit)
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Si l’Etat est fort il nous écrase, s’il est faible nous périssons.
Paul Valéry
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Variété des Etats
Ainsi se superposent les nations qui ont les ressources et la technologie, celles qui
ont la technologie sans les ressources, ou les ressources sans la technologie, enfin
celles qui sont privées des unes et de l’autre.
René-Jean Dupuy (professeur de droit international public, décédé en 1997)
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L’absolutisme étatique (une des logiques de l’horreur)
L’homme est un loup pour l’homme. Il doit donc renoncer à ses droits au profit d’un
souverain absolu qui fait régner l’ordre : l’Etat.
Thomas Hobbes
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Il faut qu’il y ait une puissance coercitive pour contraindre les hommes à l’exécution
de leurs pactes par la terreur de quelque punition plus grande que le bénéfice qu’ils
attendent du fait de les rompre, une telle puissance il n’y en a point avant
l’établissement d’un Etat.
Thomas Hobbes
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Tout dans l’Etat, rien en dehors de l’Etat, rien contre l’Etat.
C’est l’Etat fasciste ainsi défini par Mussolini.
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Critiques de l’Etat
L’Etat est un immense cimetière où viennent s’enterrer toutes les manifestations de
la vie individuelle.
Michel Bakounine
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L’Etat, débile Cyclope, enfant monstrueux de la force et du droit qui l’ont engendré
de leurs contradictions.
Paul Valéry
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Etat ? Qu’est-ce cela ? Allons! Ouvrez les oreilles, je vais vous parler de la mort des
peuples. L’Etat, c’est le plus froid de tous les monstres froids… Il ment froidement et
voici le mensonge qui rampe de sa bouche : « Moi, l’Etat, je suis le Peuple ». (…)
Elle veut tout vous donner si vous l’adorez la nouvelle idole. (…) Là où finit l’Etat, là
seulement commence l’homme qui n’est pas superflu.
Friedrich Nietzsche
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La Cité terrestre subit le quadrillage des souverainetés. La terre n’a qu’un peuple et
le monde est peuplé d’étrangers.
René-Jean Dupuy
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L’Etat représente la violence sous une forme intensifiée et organisée.
Mohandas Gandhi
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Je n’hésite pas à dire que l’Etat c’est le mal mais un mal historiquement nécessaire,
aussi nécessaire dans le passé que le sera tôt ou tard son extinction complète. (…) Il
est né historiquement du mariage de la violence, du pillage, en un mot de la guerre
et de la conquête.
Michel Bakounine
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La prison n’est qu’une des techniques de pouvoir qui ont été nécessaires pour
assurer le développement et le contrôle des forces productives. La discipline
d’atelier, la discipline scolaire, la discipline militaire ont été des inventions techniques
en liaison avec le développement des sociétés capitalistes et de l’Etat correspondant
à celles-ci.
Michel Foucault
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Cet Etat mérite-t-il mon sacrifice ? Est-il doux, patient, aimable, humain, honnête?
Est-il à la recherche du bonheur pour tous ? Je
ne pose pas ces questions pour y répondre moi-même. Je les pose pour que chacun
y réponde en soi-même.
Jean Giono
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L’Etat se nourrit de la violence de la Nation. Même contenue elle dresse les hommes
à l’exclusivisme voire à la xénophobie car l’Autre est concurrent. L’Etat est
fondamentalement rival, il est fait pour gagner.
René-Jean Dupuy
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Limites des Etats
La « forme Etat » s’est généralisée à la surface du globe, notamment avec la
décolonisation. Mais l’Etat-nation a vu en même temps se dissoudre dans le marché
mondial ce qui avait été le socle même de sa construction historique : le marché
national. Les Etats du Nord ont perdu la maîtrise de leur champ économique propre
et ceux du Sud ne l’ont jamais eue. Les uns et les autres sont démunis devant les
contraintes et les pesanteurs de la mondialisation économique.
Jean Chesneaux
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Remises en cause de l’Etat
Le citoyen se sentant rejeté à l’extérieur de l’Etat le rejette et le traite comme une
puissance étrangère qu’il utilise au mieux de ses intérêts.
Pierre Bourdieu
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Les classes tomberont aussi inévitablement qu’elles ont surgi autrefois. L’Etat
tombera avec elles. La société qui réorganisera la production sur la base d’une
association libre et égalitaire des producteurs reléguera toute la machine de l’Etat où
sera désormais sa place : au musée des antiquités à côté du rouet et de la hache de
bronze.
Friedrich Engels
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C’est sur les Etats que doit peser la masse des consciences humaines.
Dominique Pire
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L’Etat ne peut ni s’abolir immédiatement comme le croyait Bakounine, ni se
consolider pour l’éternité‚ comme le croyait Hegel. Il peut et il doit se subordonner à
la société civile et disparaître en elle.
Henri Lefebvre
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L’alternative à la prise en charge par l’Etat, avec tout ce qu’elle comporte comme
contrôles et classifications bureaucratiques, n’est pas la prise en charge par des
entreprises privées mais la dé monétarisation, la déprofessionnalisation que
représente la prise en charge des gens par eux-mêmes, dans un cadre mutualiste ou
coopératif auto-organisé.
André Gorz
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La politique
Au sens restreint la politique désigne les institutions étatiques,
au sens plus large il s’agit des enjeux des règles et des acteurs politiques (partis, groupes de pression),
au sens beaucoup plus large il s’agit de l’ensemble des relations humaines à l’occasion
du pouvoir.
JML
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Si la politique est en tout la politique n’est pas tout.
Emmanuel Mounier
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Les problèmes politiques sont les problèmes de tout le monde, les problèmes de tout
le monde sont les problèmes politiques.
Sous-titre d’une collection dirigée par Jacques Julliard
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Je ne m’occupe pas de politique. C’est comme si vous disiez je ne m’occupe pas de
la vie.
Jules Renard
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Si vous ne vous intéressez pas à la politique la politique de toute façon s’intéresse à vous.
JML
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La vie de la cité (étymologie), l’art de gouverner (Platon), l’art d’une harmonie
collective (Aristote). La politique c’est la lutte pour le pouvoir. Le mystère de
l’obéissance est la plus grande force du pouvoir.
Bertrand de Jouvenel
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Pour les uns la politique est une lutte c’est à dire que le pouvoir permet aux individus
et aux groupes qui le détiennent d’assurer leur domination sur la société, pour les autres la politique est une intégration c’est à dire un effort pour faire régner l’ordre et
la justice. La politique est comme Janus le dieu à deux faces.
Maurice Duverger
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Est politique un groupe de domination dont les ordres sont exécutés, sur un territoire
donné, par une organisation administrative qui dispose de la menace et du recours à
la violence physique.
Max Weber
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La vie politique gravite autour d’enjeux déterminés dont le particularisme tient à
l’existence du pouvoir (d’Etat). Leur poursuite obéit à des règles identifiables :
juridiques, sociales, culturelles ou simplement dictées par des logiques de situation.
Enfin sur cette scène « organisée et organisatrice » opèrent des acteurs, dirigeants
et militants, partis et groupes de pression, tous mus par l’ambition d’exercer ou
d’influencer le pouvoir d’Etat.
Philippe Braud
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La politique fut d’abord l’art d’empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde,
on y adjoignit l’art de contraindre les gens à décider sur ce qu’ils n’entendent pas.
Paul Valéry
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Un système politique est n’importe quel ensemble constant de rapports humains qui
impliquent dans une mesure significative des relations de pouvoir, de gouvernement
ou d’autorité.
Robert Dahl
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Toute politique implique quelque idée de l’homme.
Paul Valéry
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La politique devient de plus en plus la gestion des conséquences,
elle n’arrive plus ou peu à remonter en amont, à s’attaquer aux causes des situations et elle
n’arrive plus à élaborer des projets à long terme. Elle gère, elle accompagne, elle suit
la pente la plus forte du système. Réinventer la politique çà n’est donc pas seulement la
rendre participative c’est aussi se demander en particulier ce qu’elle peut dire et faire par rapport aux acteurs les plus puissants que sont les multinationales , les marchés financiers , la techno science.
JML
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Le pouvoir
C'est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ; il va jusqu'à ce qu'il trouve des limites.
Charles de Montesquieu
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Pour qu'on ne puisse pas abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir.
Charles de Montesquieu
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Les recherches d’anthropologie nous aident à mieux comprendre la naissance du
pouvoir politique. On est passé d’une classification rigide entre sociétés sans Etat et
sociétés dont l’organisation dépend au contraire de son bon fonctionnement à une
tentative de classification qui s’attarde surtout sur l’émergence progressive des
formes de régulation sociale conduisant à une véritable différentiation du pouvoir
politique.
Dans la mesure où il ne s’appuie pas sur une institution spécifique celui-ci peut
s’exprimer à travers des liens de parenté, restant par là même diffus et ambigu et
entretenant de ce fait des relations étroites avec les mythes, la religion et le rituel. Au
contraire le pouvoir politique peut apparaître comme une organisation particulière,
régie par des règles spécifiques dont le pouvoir réel, par ailleurs, sera tantôt
immense, donnant ainsi naissance à un appareil bureaucratique rigide parvenant à
dominer la société, tantôt très réduit en raison de la soumission aux normes du
système social tout entier qui le contiennent et qui réussissent à empêcher les
dirigeants politiques d’exercer, sauf circonstances exceptionnelles, un quelconque
pouvoir réel.
Pierre Birnbaum
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La théorie politique se divise lorsqu’il s’agit d’énoncer les ressorts centraux de la
régulation sociale. Selon le premier modèle explicatif il y a au principe de tout pouvoir
politique une dose plus ou moins importante de croyance : croyance des individus
dans la qualification des gouvernants, dans leur aptitude à gérer la chose publique ;
croyance des individus dans la légitimité des ordres et des règles prescrits par les
gouvernants. Cette interprétation s’emploie à penser dialectiquement le problème de
l’ordre politique : tant au niveau des gouvernants qui dispensent des injonctions
qu’au niveau des gouvernés qui les acceptent et les appliquent (cf. la théorie du
pouvoir légitime de Max Weber). (…)
Selon le second modèle explicatif la contrainte exercée par l’autorité politique sur les
individus et les groupes serait le ressort privilégié de l’ordre social. A des titres divers
Platon, Machiavel ou Hobbes ont épilogué en ce sens. A l’époque contemporaine le
marxisme représente la principale expression d’une explication de la société fondée
sur la notion de contrainte, même s’il a considérablement évolué dans l’appréciation
du rôle exact joué par la violence étatique (Gramsci, Althusser).
Selon le troisième modèle explicatif le ressort principal du lien social ne résiderait ni
dans la croyance ni dans la contrainte mais dans l’intérêt des individus à la
préservation de leur vie et de leurs biens. C’est aux origines de la pensée politique
moderne qu’il convient de rechercher la première formulation cohérente – dans les
théories dites du contrat social (Locke, Rousseau). (…) La représentation utilitariste
de la société n’est pas étrangère à la généralisation de l’échange marchand et à la
modernisation du capitalisme. Elle annonce une théorie économique globale qui
institue le marché comme régulateur central de la vie sociale et qui systématise ainsi
le paradigme de l’intérêt.
Jean Baudouin
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Si la grande majorité des politologues s’accordent à reconnaître au champ politique
une autonomie relative de fonctionnement ils diffèrent lorsqu’il s’agit de décrire le
type de relation qui s’établit entre le stade politique et la « société civile ». Un modèle
(dit élitiste) conclut à l’existence d’une élite spécifique ayant autorité sur la société
civile. Ainsi au début du siècle Vilfredo Pareto, Gaetano Mosca et Roberto Michels
qui s’intéressent au phénomène d’appropriation du pouvoir par une élite. (…) Ainsi
en 1956 Wright Mills qui met en avant la conception élitaire de la démocratie
américaine. (…) Ainsi Pierre Birnbaum qui étudie l’autoreproduction de la classe
dirigeante française. (…)
Un autre modèle (dit pluraliste) décrit une pluralité d’élites à la fois associées et
concurrentes dans l’exercice du pouvoir. Les tenants de cette thèse ne contestent
pas le phénomène élitaire mais préfèrent le conjuguer au pluriel plutôt qu’au
singulier. Il n’y aurait pas « une » élite mais « des » élites. Robert Dahl aux Etats-
Unis (« évolution vers la polyarchie « ) et Raymond Aron en France (« concurrence
des catégories dirigeantes ») sont particulièrement représentatifs de ce courant.
Jean Baudouin
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Le pouvoir peut se définir par la capacité que possède un individu ou un groupe
d’individus de modifier la conduite d’autres individus ou de groupes d’individus dans
le sens de celui ou ceux qui le détiennent, le désirent et d’éviter que sa conduite ou
celle du groupe ne soit modifiée dans un sens contraire à ce qui est voulu.
Richard Henry Tawney
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Le pouvoir exprime l’aptitude d’une personne ou d’un groupe de personnes à
imposer sa volonté à d’autres, nonobstant leur résistance, par des moyens de
dissuasion, soit sous forme de retenues de récompenses jusqu’alors régulièrement
accordées, soit sous forme de punition, dans la mesure où l’un ou l’autre de ces
moyens constitue en effet une sanction négative.
Peter Blau
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Le pouvoir est la participation au processus décisionnel. (…) Le processus politique
est l’élaboration, la distribution et l’exercice du pouvoir.
Harold Lasswell et Abraham Kaplan
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Le secret d’une autorité quelle qu’elle soit tient à la rigueur inflexible avec laquelle
elle persuade les gens qu’ils sont coupables.
Raoul Vaneigem
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Il n’y a pas le pouvoir, il y a l’abus de pouvoir, rien d’autre.
Henry de Montherlant
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3-Les organisations internationales :
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Nations Unies
Le choix qui se pose aujourd’hui se situe entre la répression et la prévention. La
répression n’a aucune chance de succès: les forces qui sont aujourd’hui en œuvre
vont continuer imperturbablement leur action. La « sécurité collective » ne jouera pas
et les Casques bleus arriveront toujours trop tard. La prévention est la seule stratégie
de sécurité qui aurait quelque chance de réussir.
Maurice Bertrand
Travailler à la création d’une nouvelle organisation politique universelle (qui pourrait s’intituler Organisation Mondiale des Peuples) qui mettrait en œuvre un nouveau Pacte mondial dont les objectifs seraient la paix, la sauvegarde de la nature et la garantie des droits sociaux universels.
Cette Organisation devra assurer :
a) la reconnaissance des différentes communautés nationales et de leurs compétences autonomes dans la mesure où celles-ci sont compatibles avec le respect du droit international ;
b) un mécanisme de maintien de la paix, inspiré de celui créé par les Nations Unies, mais confié à un Conseil de sécurité composé de membres pleinement égaux entre eux (20 ou 25) élus tous les 3 ans par le Parlement de l’Organisation ;
c) le respect de la réglementation des armements telle que déterminée par Conseil de sécurité et la mise sur pied d’une force d’intervention réellement internationale et intégrée, capable de donner sens à la notion de sécurité collective ;
d) le caractère indérogeable du droit international par les autorités des différents États. Ce droit international comporte le noyau premier des droits de l’homme tels que visés à l’article 1° des Principes ci-dessus, auquel s’ajouteront la Déclaration universelle des responsabilités humaines visée au principe n°2, ainsi que les normes élaborées par le Parlement mondial ;
e) le caractère démocratique de la nouvelle organisation et notamment des procédures d’élaboration de nouvelles normes internationales. Ces procédures reposeront sur un principe de bicaméralisme, le Parlement mondial bicaméral étant composé d’une Assemblée représentants les États et d’une seconde Chambre représentant des forces sociales proprement dites [4]. Tous les textes internationaux d’importance dans le champ social ou écologique devront être votés par ces deux assemblées, à condition d’avoir reçu préalablement l’avis conforme d’un Conseil écologique et social. Ce Conseil sera composé pour moitié de membres désignés pour leur expertise et pour moitié de citoyens du monde tirés au sort.
Monique Chemillier Gendreau
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Union européenne
Nous ne coalisons pas des Etats, nous unissons des hommes.
Jean Monnet
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On n’aurait pas gagné grand chose si l’européocentrisme venait se substituer aux
nationalismes blessés des vieilles nations impériales.
Pierre Bourdieu
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J’attends de l’Europe qu’elle comprenne que sans politique sociale et sans espace
culturel elle ne sera pas.
François Mitterrand
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Aujourd’hui une course de vitesse est engagée en Europe entre les processus de
dislocation et de désintégration et ceux d’association et d’intégration. L’Union
européenne, qui est composée de quinze nations dont les rivalités ont longtemps
divisé le continent, a choisi la voie de la coopération, montrant que l’on peut
transcender les solidarités ethniques et religieuses. Sa vocation est de s’élargir en
direction des anciens pays communistes et de tous les Etats qui ont accompli leur
révolution démocratique.
Edgar Morin (citation d’avant mai 2004, date d’arrivée de ces pays dans l’UE)
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C’est mal connaître les hommes que de leur donner pour seule pâture ces sages
additions qui font si pâle figure à côté des enthousiasmes et des folies. Une
conscience européenne peut-elle se construire seulement sur des chiffres ?
Fernand Braudel
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Simple grand marché ou communauté de destin ? Le cours de l’Europe hésite entre
l’impasse et l’exigeante ambition.
Edgard Morin
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Veut-on une Europe, super puissance économique, militaire, ou veut-on une Europe
qui soit porteuse, à l’intérieur et à l’extérieur d’elle-même, de libertés, d’égalités, de
solidarités ? Une Europe productiviste ou une Europe contribuant à construire une
société fondée sur des moyens démocratiques, justes, écologiques et pacifiques ?
JML
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Organisations internationales en général
Une organisation internationale gouvernementale comprend cinq caractères: une
base interétatique, une base volontariste, l’existence d’organes permanents, une
autonomie, une fonction de coopération.
Michel Virally
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Les organisations internationales gouvernementales ont un double rôle : un rôle de
maintien de statu quo dans les relations internationales (à travers la diffusion du
modèle étatique et la légitimation des politiques étrangères des grandes puissances),
un rôle aussi de changement dans les relations internationales ( à travers l’utilisation
des Nations Unies par les pays du Sud pour légitimer leurs revendications).
Bien que les changements constatés soient indiscutables ils n’ont pas, semble-t-il,
fondamentalement remis en question la structure du système international
contemporain.
Philippe Braillard et Mohammad-Reza Djalili
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Organisations non gouvernementales
Les organisations non gouvernementales sont des groupements, des associations
ou des mouvements sans but lucratif, créés librement par des particuliers et qui
expriment une solidarité transnationale.
Daniel Colard
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Devant chaque organisation non gouvernementale on peut se poser une question
essentielle : quelles sont ses parts de rupture et de reproduction par rapport à l’ordre
dominant ? Autrement dit : fait-elle oui ou non avancer des libertés, des égalités, des
solidarités ?
JML
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Les initiatives citoyennes – associations, organisations non gouvernementales,
mouvements et réseaux de citoyens, membres de l’économie sociale et alternative –
révèlent une remarquable capacité à relier les questions locales aux enjeux globaux.
(…) Sans chercher à angéliser ce pôle de la société il constitue de fait aujourd’hui un
espace de créativité et d’imaginaire politique sans équivalent.
Valérie Peugeot
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Devant chaque organisation non gouvernementale on peut se poser une question
essentielle : quelles sont ses parts de rupture et de reproduction par rapport à l’ordre
dominant ? Autrement dit : fait-elle oui ou non avancer des libertés, des égalités, des
solidarités ?
Probablement deux séries de conditions sont à remplir pour que les ONG contribuent
mieux à impulser un autre avenir.
Du point de vue de leurs structures : mettre en œuvre ici ou là un fonctionnement
plus démocratique, dialoguer et / ou se confronter à l’ensemble des autres acteurs,
mieux s’organiser au niveau international et continental (coordinations, conférences,
contre sommets, forums, fronts communs, manifestations…)
Du point de vue de leurs actions : développer et leur force de contestation et leur
force de proposition, arriver à relier le « local » au « global » (« penser localement,
agir globalement ») et, par dessus tout, proposer et contribuer à mettre en œuvre des
moyens démocratiques, justes, écologiques et pacifiques.
JML
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4-Les complexes scientifico-technico-industriels
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La techno science et sa puissance
L’envers de la technicisation c’est l’invasion de secteurs toujours plus amples de la
vie quotidienne par la logique de la machine artificielle qui y introduit son
organisation mécanique, spécialisée, chronométrée et substitue la relation anonyme
aux communications de personne à personne. Elle tend à faire de la vie sociale une
gigantesque machine automatique.
Edgar Morin
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Le système technicien pose deux questions:
La technique est-elle un moyen ou constitue-t-elle une fin en elle-même ?
Le progrès technique est-il un mythe ?
Jacques Ellul
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L’autonomie de la technique conduit à affirmer que tout ce qu’il est possible de
découvrir le sera, et que tout ce qui a été découvert sera utilisé.
Jacques Ellul
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L’homme demain va pouvoir plus qu’il ne voulait ou plutôt il va pouvoir avant de
savoir s’il eût voulu pouvoir.
Jean Rostand
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Il ne dépend plus de nous que tout dépende de nous.
Michel Serres
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La science a fait de nous des dieux avant que nous méritions d’être des hommes.
Jean Rostand
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Le système technicien englobe la totalité de l’espace de vie, il est une Mégamachine.
Serge Latouche
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Petit conte philosophique.
Il était une fois une civilisation parvenue à une techno science extraordinaire : elle
matérialisait la pensée. On pensait à un être… il était là, à une chose… elle était là,
jusqu’au jour où certains pensèrent à des monstres qui finirent par avaler toute la
civilisation.
JML
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Le Taylorisme avait pour objectif une lutte contre la flânerie de la main d’oeuvre en
établissant des normes de travail, en séparant les tâches d’exécution et de
conception. Le Fordisme avait pour objectif une lutte contre la flânerie des matériaux
en incorporant du temps dans les machines, en parcellisant le travail d’exécution.
L’automatisation a pour objectif une lutte contre la flânerie de l’information en
incorporant du savoir dans les machines, en parcellisant le travail de conception et
en recomposant le travail d’exécution.
Benjamin Coriat
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Il est essentiel d’essayer de négocier les changements technologiques, cela à trois
niveaux : au niveau des technologies elles-mêmes en proposant des alternatives si
on n’est pas d’accord, au niveau des conditions de leur implantation (rythme
d’implantation, formation…), au niveau des conséquences de ces changements
technologiques. Ce contrôle des technologies est un enjeu vital pour une société
humainement viable.
JML
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Conte philosophique
Dans une nouvelle Arthur Clarke raconte l’histoire d’une communauté de moines
tibétains vouée depuis des siècles à transcrire les neuf milliards de noms donnés à
Dieu, au terme de quoi le monde sera accompli et prendra fin. Epuisés par cette
tâche fastidieuse, les moines font appel aux techniciens d’IBM dont les ordinateurs
font le travail en quelques mois. Et les techniciens effarés, qui n’y croyaient guère,
voient en redescendant dans la vallée les étoiles s’éteindre une à une. En épuisant
toutes les possibilités ils ont déclenché le code de disparition automatique du monde.
« Crime parfait » donc sans témoin, sans mobile, sans cadavre, sans meurtrier. Jean
Baudrillard reconstitue un tel crime, à la manière d’un Sherlok Holmes
métaphysicien, fasciné par la splendeur du vide. La grande question philosophique
était: « Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? ». Aujourd’hui, écrit
Baudrillard, la véritable question serait: « Pourquoi y a-t-il rien plutôt que quelque
chose ? »
Roland Jacquard
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Techno science
Petit conte redit sans cesse.
Il était une fois une civilisation parvenue à une techno science extraordinaire : elle
matérialisait la pensée. On pensait à un être… il était là, à une chose… elle était là,
jusqu’au jour où certains pensèrent à des monstres qui finirent par avaler toute la
civilisation.
JML
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Un progrès : une science qui serait maîtrisée(...) Nous affirmons au contraire la nécessité de prendre pleinement en compte l’ensemble des critères culturels, éthiques, scientifiques et esthétiques pour engager le monde dans la voie d’un développement équitable et durable. (...) C’est ainsi que le progrès technique, démocratiquement débattu et maîtrisé, permettra à l’humanité de faire face aux menaces globales que les scientifiques ont contribué à mettre en évidence en cette fin de siècle.
Un contre-appel face à celui de Heildelberg de juin 1992 lequel était très contestable.
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Par rapport au problème de la neutralité des techniques il y a trois façons de voir les
choses:
Certains pensent que les techniques sont neutres en elles-mêmes et autonomes par
rapport aux faits sociaux. Ce qui compte c’est l’usage que l’on en fait, par exemple
civil ou militaire. Ce sont les tenants du « tout technique ».
D’autres pensent que les techniques ne sont pas neutres et qu’elles ne sont pas
autonomes par rapport aux faits sociaux. Elles sont réduites à un aspect des
contradictions sociales à un moment donné de l’histoire, elles traduisent une culture,
un état de développement. Ce sont les tenants du « tout social ».
D’autres, enfin, pensent qu’innovations techniques et transformations sociales sont liées. Les machines ne sont pas neutres, elles ne sont pas liées qu’à leur usage, mais elles ne
sont pas qu’un appendice des rapports sociaux, elles ont leurs propres logiques. Les
machines conditionnent pour une large part l’organisation de la production et elles
sont liées aussi aux rapports sociaux.
JML
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Maîtriser la science (...).
Nous croyons que la lucidité doit primer sur l’efficacité et la direction sur la vitesse.
Nous croyons que la réflexion doit précéder le projet scientifique plutôt que succéder à l’innovation.
Nous croyons que cette réflexion est de caractère philosophique avant d’être technique et doit se mener dans la transdisciplinarité et l’ouverture à tous les citoyens.
Albert Jacquard, Jean-Marc Lévy Leblond, Jean-Paul Salomon , Jacques Testart, Jean-Paul Deléage
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Il est essentiel d’essayer de négocier les changements technologiques, cela à trois
niveaux : au niveau des technologies elles-mêmes en proposant des alternatives si
on n’est pas d’accord, au niveau des conditions de leur implantation (rythme
d’implantation, formation…), au niveau des conséquences de ces changements
technologiques. Ce contrôle des technologies est un enjeu vital pour une société viable.
JML
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L’exemple de la voiture
Je crois que l’automobile est aujourd’hui l’équivalent assez exact des grandes
cathédrales gothiques : je veux dire une grande création d’époque conçue
passionnément par des artistes inconnus, consommée dans son image, sinon dans
son usage, par un peuple entier qui s’approprie en elle un objet parfaitement
magique.
Roland Barthes
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(…) « Je suis l’automobile, ce formidable outil. J’ai longtemps été au cœur de tous
les fantasmes, j’ai su parfois me faire aimer, j’ai apprivoisé les hommes. » Mais qui
domine l’autre dans cette aventure ? Les ingénieurs-économistes ou les citoyens usagers
? Et pour quels effets sur l’aménagement du territoire et sur nos modes de
vie ?
Jean-Pierre Orfeuil
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Le circuler se substitue à l’habiter. Dans la circulation automobile, les gens et les
choses s’accumulent, se mêlent sans se rencontrer. C’est un cas surprenant de
simultanéité sans échange, ce qui contribue aussi à dégrader la vie urbaine.
Henri Lefebvre
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La puissance automobile en chiffres ? (chiffres déjà anciens de 1994)
Six cents millions d’unités (3/4 dans la zone des 24 pays de l’O.C.D.E. qui ne représentent que 16% de la population mondiale)six mille milliards de francs pour les véhicules (marché dominé par vingt entreprises qui représentent 92%), deux mille milliards de francs pour les routes dans les pays de l’ O.C.D.E., deux millions six cents mille emplois en France, un rôle massif dans les pollutions atmosphériques (mais aussi pétrolières maritimes internationales, ainsique les atteintes à l’environnement liées à la fin de la vie des produits, sans oublier le
bruit…), neuf mille morts par an en France et cent quatre-vingts mille blessés(dans le
monde deux cent cinquante mille morts)
Jean-Pierre Orfeuil
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Fin 2019 il y avait 1,4 milliard de véhicules à moteur et à quatre roues en circulation dans le monde. Cela représente un pour 5,6 habitants . L’arrivée de la Chine est le premier marché mondial depuis 2010. Depuis 2017, la Chine (300 millions ) a même dépassé les Etats-Unis ( 268 millions de véhicules). Plus de 90 millions de véhicules sont produits par an dans le monde. On pourrait en compter à cette allure 1,8 milliard en 2035 et 8 milliards en 2100… Le marché automobile ne peut pas croitre indéfiniment. Le journaliste automobile britannique, L.J.K. Setright, résumait en 2003 la situation : «La fin de la voiture doit arriver. Elle a été tout au long de son existence un moyen de communication. Nous en avons d’autres maintenant dont on ne pouvait même pas rêver quand la voiture a été inventée. Ils doivent supplanter la voiture comme la navigation à vapeur a remplacé la voile. Mais, si on regarde notre comportement au cours des 70 dernières années, vous croyez vraiment que nous laisserons faire !»
Estimations Wards auto et L . J. K Setright
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(…) Evidence , l’auto coûte de l’argent donc du temps. Le salarié moyen est
possédé par sa voiture. Le calcul classique d’Ivan Illich fait valoir que le coût total
du kilomètre/engin (achat, amortissement, réparations…) est, en comptabilité temps,
d’une heure de travail salarié pour une consommation de six kilomètres de voiture.
Bref, la cadence d’un randonneur bien disposé.
Alain Véronese
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La circulation du tout automobile qui se développe depuis quarante ans a sacrifié
bien souvent les transports collectifs au profit de la voiture. La nature a elle aussi été
mise à contribution pour faire de plus en plus de routes et autoroutes. Mais
aujourd’hui, crise économique et conscience écologique aidant, la toute puissance
de la voiture est remise en cause.
Ina Ranson(en 2000)
Aujourd’hui c’est la voiture qui symbolise la virilité. La conduite automobile « virile » fait des milliers de morts chaque année.
Michel Tournier
Les transports sont responsables en 2021 de 29% des émissions de gaz à effet de serre en France, dont les voitures 54% de ce total. D’autre part 48000 décès sont attribués chaque année à la pollution aux particules fines ( affections respiratoires, cardiovasculaires et cancers.). Greenpeace a calculé que l’Union européenne devait se débarrasser des véhicules essence, diesel et hybrides avant 2028 pour respecter ses objectifs climatiques.
Le Monde 10 décembre 2018 Les chiffres pour comprendre l’ampleur de la pollution automobile
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Firmes multinationales
La grande entreprise multinationale moderne tend à s’affranchir, dans son
organisation et sa gestion, des principes et des normes de l’Etat de droit
démocratique : encadrement et surveillance des personnels portant atteinte aux
libertés individuelles, opacité organisée des centres de décision rendant très difficile
l’identification du pouvoir et de la propriété (qui possède le contrôle et sur quoi ?),
centralisme bureaucratique, règlement privé des conflits et contentieux avec
procédures et juridictions à la carte.
Christian de Brie
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La sphère des activités économiques et techno-scientifiques s’est développée et
différenciée beaucoup plus rapidement que les autres en engendrant des appareils
qui par leur dimension et leur complexité ne peuvent fonctionner que s’ils
spécialisent, réglementent et standardisent les conduites des acteurs. Le milieu de
vie et la vie des gens sont ainsi dominés par les impératifs d’une méga machine
économico-technico-bureaucratique.
André Gorz
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La richesse est fluide. Ce qui ne l’empêche pas de se concentrer. Les firmes
multinationales produisent 25% du PIB mondial et contrôlent le tiers du commerce
international. Leur part de marché devrait encore s’accroître durant les prochaines
années. C’est ce que prévoit Fabrice Hatem dans un livre éclairant : « Les
multinationales de l’an 2000 ». (…) La puissance de l’aimant asiatique sera le
phénomène majeur du début des années 2000 dans l’orientation des flux de la
richesse. (…)
Pierre Drouin
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Plutôt qu’un « impératif mondial » qui s’imposerait de l’extérieur au champ
économique, on se trouve devant une situation de cohésion systémique dont les
firmes multinationales sont les acteurs privilégiés et dont les « agrégats mondiaux »
(cours des devises fortes, prix des matières premières, taux bancaires, marges
commerciales) sont les principaux indicateurs. L’économie est donc devenue une fin
en soi, un système auquel sont soumis tous les autres champs de la vie sociale.
Jean Chesneaux
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Complexes scientifico-militaro-industriels
Le président Dwight D. Eisenhower (Message de ce président des Etats-Unis au moment de son départ en janvier 1961) était un des premiers à employer le terme de « complexe militaro-industriel. »
Il faut en réalité parler des « complexes scientifico-militaro-industriels . »
JML
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La science a fait de nous des dieux avant que nous méritions d’être des hommes.
Jean Rostand
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Science sans conscience n’est que ruine de l’âme.
François Rabelais
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Une époque de barbarie commence, les sciences la serviront.
Nietzsche
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Par le drame d’Hiroshima la science se trouvait plus directement impliquée, plus
profondément engagée dans le mal qu’elle ne l’avait jamais été au long de son
histoire (…)
Jusqu’à nouvel ordre et tant que nous n’aurons pas su établir une véritable paix, la
science, le progrès, la civilisation technique restent en accusation.
Jean Rostand
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L’intégrisme de la technique a été ébauché avec la dissuasion nucléaire qui n’est
qu’une foi nucléaire : on a inventé des systèmes d’armes qui sont des divinités
protectrices et il faut les alimenter sans arrêt par l’économie des nations pour qu’elles
nous protègent (…)
Il existe une possibilité de résistance c’est d’entrer dans l’intelligence de la technique
et regarder Méduse en face c’est à dire la technique comme impérialisme, comme
engin qui fonctionne seul, comme automatisme. Si, demain, non seulement quelques
intellectuels mais la collectivité sont capables de regarder en face cette technologie
totalitaire, alors il y a une espérance. Non pas pour revenir en arrière mais pour
maîtriser le développement de la vitesse et ses conséquences.
Paul Virilio
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On commence par fabriquer des canons pour se défendre, puis on vend des armes
pour pouvoir continuer à en fabriquer, on en arrive à fabriquer des guerres pour
continuer à vendre des armes.
Helder Camara
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Pour gagner mon pain
je fonds des canons qui tueront demain
si la guerre arrive
que voulez-vous faut bien qu’on vive !
Gaston Cavé
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Si vous ne faites pas attention à nos vies
nous ne faisons pas attention à vos lois,
Car vos lois protègent l’industrie atomique
elles ne protègent pas notre santé.
Pancarte dans une manifestation
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Complexes médiatiques
Il n’y a jamais eu autant de moyens de communication et il n’y a jamais eu autant de
solitude (…) Un média c’est un projet pas un tuyau, c’est une idée de programme,
une idée de public (…)
Dominique Wolton
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Sans presse libre nulle démocratie n’est possible. Quand elle est libre si l’information
dérape et mystifie : quels sont les risques pour la démocratie ? Quels devoirs pour le
citoyen ?
Ignacio Ramonet
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Voix multiples, un seul monde
Titre de l’un des programmes de l’UNESCO
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La vision du monde supposait une profondeur de champ.
Si le monde est écrasé, s’il est aplati il perd de sa profondeur de champ et l’homme perd sa profondeur d’action et de réflexion. C’est ça le règne de l’écran.
Paul Virilio
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La communication est un grand tout qui nous englobe, dans lequel nous sommes
dilués. Le paradoxe est que le silence se loge dans le plus grand bruit qui soit.
Anne Cauquelin
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L’homme politique se transforme en « homo cathodicus », ses discours ont tendance
à fonctionner sur le registre émotionnel et à se vider de leur sens. Gouverner c’est
paraître.
Jean-Marie Cotteret
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La puissance des médias est concentrée au Nord. Le Sud est aux ordres du Nord
pour l’information.
Rapport sur la communication dans le monde (UNESCO 1991)
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L’usage de la télévision tel qu’il est pratiqué en France a entraîné une dégradation
civique supplémentaire. Elle devait populariser, démocratiser la vie politique. Elle a
reproduit sur une échelle plus vaste les défauts de l’ancien système. Le théâtre
politique est plus ouvert mais plus faussé, plus falsifié que jamais. Il est un théâtre de
vedettes. (. . .) L’insistance de l’image et du son finit par agir indépendamment du
contenu des paroles prononcées, à la manière des slogans publicitaires.
Pierre Mendès France
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Au bout du parcours le critère décisif servant à juger une politique devient la vertu de
celui qui parle, attestée par son authenticité. Il en résulte une conception
sentimentale de la politique aussi éphémère que les émotions qu’elle inspire.
André Gérard Slama
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Parfois je pense que si je descendais les Champs-Elysées entre Claude Lévi-
Strauss et Marguerite Yourcenar c’est moi qu’on saluerait et j’en ai honte.
Bernard Pivot
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Il se passe quelque chose d’étrange dans notre « société du spectacle ». Des voix
s’élevaient partout pour mettre en garde contre la « déréalisation » du monde
médiatisé (Paul Virilio), contre le « tautisme » (Lucien Sfez) où l’autisme et la
tautologie risquent de se combiner, contre « le simulacre généralisé » (Jean
Baudrillard), contre la « vidéo-vidéesse » (Régis Debray). Aujourd’hui ces voix sont
couvertes par d’autres qui choisissent un registre tout à fait différent : celle de Michel
Serres – « la légende des anges » – et celle de Pierre Levy : « l’intelligence
collective ». Ce dernier est émerveillé par les fantastiques possibilités du « tout
numérique » et la magie des espaces virtuels. Comme si notre monde désemparé,
sans projet, voyait dans les « autoroutes de l’information » la voie royale vers une
sortie de crise du sens. Fuite en avant ? Point d’ancrage pour une communauté de
citoyens du monde ?
Pierre Drouin
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La catastrophe spécifique du multimédia et de l’informatique serait de rendre les
hommes inutiles. C’est déjà bien parti. Il faut donc mettre en place une intelligence
politique des phénomènes d’accélération dans tous les domaines. Il ne s’agit pas de
revenir en arrière mais de critiquer démocratiquement la négativité des nouvelles
technologies.
Paul Virilio
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Ou bien nous continuons de dériver vers les réalités virtuelles du cyberespace, ou
bien nous œuvrons pour façonner une communauté mondiale exerçant un contrôle
politique et juridique sur ceux qui rêvent de pareil avenir, qu’il s’agisse des stratèges
de Washington, des pionniers de l’ère électronique ou des sorciers des finances.
Richard Falk
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L’abondance de l’information ne doit jamais se substituer à la liberté du jugement.
Marie-José Mondzain
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Complexes urbains
L’urbanisation n’a pas répondu à l’espoir d’une civilisation nouvelle. De nouveaux
rapports de domination et de dépendance se sont multipliés. Le droit à la ville
implique une conception révolutionnaire de la citoyenneté.
Henri Lefebvre
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Au Nord : la cité-banlieue, vitrine des ségrégations sociales.
Au Sud : des mégapoles disloquées.
Sous-titre d’un « Manière de voir » du Monde diplomatique
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Partout au Nord comme au Sud, des agglomérations tentaculaires bouleversent les
équilibres écologiques, sociaux et économiques, drainent l’essentiel des richesses,
accumulent des tensions entre une minorité de privilégiés et la masse grandissante
des exclus, des tensions qu’un pouvoir rien moins que démocratique est impuissant
à régler pacifiquement.
Ignacio Ramonet
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Avec l’affaiblissement des pouvoirs et des missions de l’Etat-nation c’est au cœur
des villes que se joue l’avenir de la démocratie comme mode de régulation pacifique
des conflits entre citoyens partageant un projet commun de liberté, d’égalité et de
fraternité. (…)
Cet avenir dépend tout autant de l’aptitude à restaurer ou à instaurer des procédures
de concertation et d’arbitrage entre les citadins concernés que de la volonté
d’imposer, sur les lieux de vie, la priorité des intérêts collectifs sur la logique de
concurrence et de compétitivité sans finalité.
Christian de Brie
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Ici les villes de grande solitude. Là-bas la planète des bidonvilles. Partout la ville, lieu
de toutes les fractures.
Claude Liauzu
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La planète s’urbanise : un million de villes dont 4250 de plus de 100.000habitants,55% de la population mondiale vit en ville, , soit 4,3 milliards d’habitants), à cette allure en 2050 ce seraient 68% de citadins.
La planète se bidonvillise : le tiers de la population des pays pauvres y survit, soit 1 milliard de personnes.
La planète se mégapolise : 417 villes ont entre 1 et 5 millions,43 villes ont entre 5 et 10 millions,36 mégavilles ont plus de 10 millions dont Tokyo 38.
La planète se fragilise : crise de l’eau, mégas pollutions, pollutions de l’air, des sols, des eaux, emplacements menacés par des effondrements, villes menacées par la montée des eaux, ainsi de l’ordre de 150 millions à 400 millions de déplacés climatiques d’ici 2050 pour un mètre d’élévation du niveau des mers, tous les continents seront touchés.
JML
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5-Les acteurs humains
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Les personnes : l’appartenance au genre humain
Je suis homme et rien de ce qui est humain ne m’est étranger.
Térence
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L’égoïsme et la haine ont seuls une patrie, la fraternité n’en a pas
Alphonse de Lamartine
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Je ne suis ni Athénien, ni Grec mais un citoyen du monde.
Socrate
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Tout pays est mon pays, tout homme est mon frère.
Proverbe indien
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Je crois aux hommes
Solidaires dans l’aventure de l’existence
Je crois à l’amour
Qui brise la solitude, change les destins et
Qualifie la vie
Je crois à tous ces témoins d’humanité
Qui sont tournés vers l’avenir
Et qui luttent contre les forces de mort.(…)
Parents anonymes d’un livre : « Naissances en fêtes »
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Rabbi Pinchas demandait un jour à ses élèves à quel moment on pouvait être sûr
que la nuit avait pris fin et que le jour avait commencé. « N’est-ce pas, dit l’un d’eux,
lorsqu’on peut à distance reconnaître un chien et un mouton ? » Non, répondit le
maître. « Est-ce quand on peut distinguer un palmier d’un figuier ? » demanda un
autre. Non, répondit le maître. « Quand est-ce donc ? » demandèrent-ils. Le Rabbi
répondit : « C’est quand tu peux regarder le visage d’un autre homme et y
reconnaître celui de ta sœur ou de ton frère. Avant cela il fait encore nuit. »
Bernard Durel
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Sur un sentier raide et pierreux
J’ai rencontré une petite fille
Qui portait sur le dos son jeune frère.
« Mon enfant, lui ai-je dit,
tu portes un lourd fardeau. «
Elle me regarde et dit :
« Ce n’est pas un fardeau,
Monsieur,
C’est mon frère. »
Le mot de cette enfant courageuse
S’est gravé dans mon cœur
Et quand la peine des hommes m’accable
Et que tout le courage me quitte,
Le mot de l’enfant me rappelle :
Ce n’est pas un fardeau que tu portes,
C’est ton frère…
Une association l’ACAT
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Personne ne se libère seul, personne ne libère personne, les hommes se libèrent
ensemble.
Paulo Freire
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Nous sommes les enfants d’un monde dévasté, qui s’essaient à renaître dans un
monde à créer. Apprendre à devenir humain est la seule radicalité…
Raoul Vaneigem
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Si je savais quelque chose qui me fut utile mais qui fut préjudiciable à ma famille je le
rejetterais de mon esprit. Si je savais quelque chose qui fut utile à ma famille et qui
ne le fut pas à ma patrie je chercherais à l’oublier. Si je savais quelque chose utile à
ma patrie qui fut préjudiciable à l’Europe et au genre humain je le regarderais comme
un crime.
Charles de Montesquieu
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Nous avons beau monter sur des échasses on marche sur nos jambes. Et sur le
trône le plus élevé du monde on n’est assis que sur son cul.
Michel de Montaigne
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Ne pas tant chercher à devenir quelqu’un que , surtout, à faire quelque chose d’humain. Oui , devenir humain avec les autres.
JML
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Qui connaît l’autre homme est intelligent, qui se connaît est éclairé.
Lao Zi
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L’homme n’est ni bon ni méchant, il naît avec des instincts et des aptitudes.
Honoré de Balzac
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Les personnes : la richesse des différences
Il y a schématiquement quatre attitudes devant la différence : l’élimination,
l’exacerbation, l’assimilation, le respect.
Les deux premières peuvent donner lieu à des pratiques inhumaines, elles sont porteuses de haines, de peurs.
La troisième, l’assimilation, consiste à gommer la différence, on accepte l’autre à condition que telle ou telle différence s’efface, que l’autre nous ressemble, il est notre égal parce qu’il devient comme nous.
Seule la quatrième attitude correspond à l’immense principe de non-discrimination : le respect des différences signifie que nous sommes égaux en dignité, en droits et que nous sommes différents. Egaux et différents. Et il faut lutter pour que cela le devienne, le reste et se développe.
JML
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Il faut se ressembler un peu pour se comprendre mais il faut être un peu différent
pour s’aimer. Oui semblables et dissemblables. Ah ! Qu’étranger pourrait donc être
un joli mot !
Paul Géraldy
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La vie est justement ce miracle, ce mouvement permanent et changeant qui ne
reproduit jamais le même visage. Vivre ensemble est une aventure où l’amour,
l’amitié est une belle rencontre avec ce qui n’est pas moi, avec ce qui est différent de
moi et qui m’enrichit.
Tahar Ben Jelloun
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Le regard d’ouverture perçoit similitude et différence. Il procède d’un universalisme
qui, en tout homme, reconnaît ces deux dimensions.
René Jean Dupuy
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Imaginez un homme, tout juste vêtu d’une pagne, maigre à faire peur, le visage
peinturluré de rouge et de bleu, s’accroupissant au coin d’une mairie parisienne et
restant là des jours à grignoter quelques grains de millet, parfois chantonnant, le plus
souvent immobile et muet. Il ne tend pas la main, il ne mendie pas. Gageons qu’il
franchira vite le porche d’un hôpital psychiatrique. Cet homme je l’ai vu cent fois en
Inde : les dévots s’accroupissent autour de lui, le contemplant longuement dans
l’espoir de recevoir quelque émanation de sagesse.
Albert Béguin
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Toi, dit l’enfant blanc
A l’enfant noir,
Tu te fonds
Dans la nuit noire.
Toi, dit l’enfant jaune
A l’enfant blanc,
Tu te fonds
Dans l’aube blanche.
Toi, dit l’enfant rouge
A l’enfant jaune,
Tu te fonds
Dans le midi du jour.
Et toi, dit l’enfant noir
A l’enfant rouge,
Tu te fonds
Dans le cuivre du couchant.
Mais alors, mais alors,
Dirent les quatre enfants,
Nous sommes
Les heures vives
De la vie.
Yves Yaneck
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Ton Christ est juif,
Ta démocratie est grecque,
Tes chiffres sont arabes,
Ton écriture est latine,
Ta voiture est japonaise,
Ta pizza est italienne,
Ton couscous est algérien,
Ton café est brésilien,
Ta montre est suisse,
Ta chemise est indienne,
Ta radio est coréenne,
Tes vacances sont turques,
ou marocaines,
Ton avion est américain,
Et …tu reproches à ton voisin d’être étranger ?
Julos Beaucarne
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Dès l’aurore dis-toi d’avance : je rencontrerai un indiscret, un ingrat, un insolent, un
fourbe, un envieux, un égoïste.
Marc Aurèle
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On assiste à une sorte de fétichisation de la différence qui peut très bien mener à
une autonomie verrouillée, à une autarcie, à cet individualisme dont on parle tant
dans les sociétés occidentales. L’éloge de la différence a subi une dégradation du
concept et peut même avoir aujourd’hui un sens très ambigu.
Jean Baudrillard
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Si tu diffères de moi, loin de me léser tu m’enrichis.
Antoine de Saint-Exupéry
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Mots d’enfants sur les personnes et la vie
Qu’on soit blanc, jaune, noir, rouge on est des frères. Les mots qu’on dit, amour et paix, il faut les vivre.
Mathieu, 9 ans
La liberté c’est chanter dans le printemps.
Anouck à 5 ans
Tout ce qu’on peut faire c’est de casser les armes, de pisser sur ces monstres qui font pourrir les fleurs de l’amour.
Vincent à 7 ans
Et je suis venue vers vous/ J’ai coupé les herbes /Qui me barraient le chemin/ Et je suis venue vers vous (...)/ J’ai senti sous votre regard/Ma vie qui commençait…
Lucie, 10 ans , ci-dessus un poème qu’elle aime
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Les Peuples
Etre unis c’est le bout du monde
Le cœur de l’homme s’agrandit
Le bout du monde se rapproche
Le cœur des peuples bat plus fort
Le cœur des peuples bat la terre (…)
Et la moisson sera parfaite
Notre travail est un défi
Jeté aux maîtres, aux frontières
Nous voulons travailler pour nous
Nous prendrons jour malgré la nuit (…)
Nous nous levons comme les blés
Et nous ensemençons l’amour.
Paul Eluard
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Les vents du peuple me portent
Les vents du peuple m’entraînent
Ils sèment mon cœur
Et propagent ma voix
Miguel Hernandez
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La nation comme le peuple sont des communautés humaines caractérisées par la
participation à un même passé et par la volonté de se construire un futur.
Dans le cas de la nation l’accent est mis sur l’origine commune.
Dans le cas du peuple il est mis sur la volonté d’un futur.
La nation tend à se reproduire, en revanche le peuple tend au changement. C’est au peuple et non à la nation que l’on attribue le droit à la libre détermination de lui-même car on suppose
que la nation est déjà déterminée. Face au droit de souveraineté dont la nation est
titulaire, le peuple revendique le droit à la souveraineté.
José Echeverria
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Tout pouvoir vient du peuple
Mais où va-t-il ?
Oui, où diable peut-il aller ?
Il va pourtant quelque part
Bertolt Brecht
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Tous les peuples ont le droit de disposer d’eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils
déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement
économique, social et culturel.
Article 1 alinéa 1 du Pacte international des droits civils et politiques. Article 1 alinéa
1 du Pacte international des droits économiques, sociaux et culturels
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Droits de l’homme et droits des peuples ne sauraient se contredire. La défense des
uns exige celle des autres et inversement.
Edmond Jouve
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Un peuple qui opprime d’autres peuples ne saurait être libre.
Karl Marx
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Vous dont les larmes ont l’amertume du sang des peuples poignardés.
Kateb Yacine
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Si je savais une chose utile à ma nation et qui fut ruineuse à une autre je ne la
proposerais pas à mon prince parce que je suis homme avant d’être Français.
Charles de Montesquieu
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La liberté d’un peuple oriente tous les peuples
Paul Eluard
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Les Nations Unies ont mis en avant trois types de protection jugées prioritaires : les
peuples dépendants soumis à une domination coloniale, à un régime raciste, ou à
une occupation étrangère, encore cette dernière a-t-elle donné lieu à de nombreux
silences ou inactions des Nations Unies.
JML
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Comment distinguer les peuples des minorités ? Des points de vue juridique et
politique on peut dire qu’il y a celles qui aspirent à un statut de reconnaissance de
différents droits (culturels etc.) ne mettant pas en cause l’intégrité territoriale de l’Etat
où elles vivent, et qu’il y a celles dont les revendications menacent l’intégrité
territoriale, soit par l’appel à l’indépendance soit par le rattachement à un autre Etat ;
dans ces hypothèses ces minorités aspirent au statut de « peuple-Etat ».
JML
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Tous les conflits qui voient s’affronter des nations, des ethnies ou des groupes
religieux ne sont pas pour autant des conflits identitaires. Il y a conflit identitaire
seulement lorsqu’un groupe est persuadé, à tort ou à raison, qu’il est menacé de
disparaître soit sur le plan physique soit sur le plan politique.
François Thual
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Les générations et l’humanité
L’humanité est constituée par l’ensemble des générations passées, présentes et futures.
Elle a quelque chose d’indivisible, c’est un grand tout, un ensemble, qui va de la première à la dernière génération, cela à travers l’histoire de l’humanité.
En même temps, les générations ont différentes spécificités, autrement dit l’humanité comprend un tout et des éléments qui le composent.
JML
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6-L’humanité
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L’humanité définie de façon transdisciplinaire
A notre sens l’humanité peut être définie , au-delà d’ une certaine interdisciplinarité nécessaire, par une transdisciplinarité à sa hauteur.
-Du point de vue du droit c’est un « concept » juridique, c’est-à-dire « une dénomination abstraite et synthétique d’un ensemble de normes ou de situations de même nature. »
A ce concept vont se rattacher différentes notions juridiques, par exemple celle de patrimoine commun de l’humanité.
L’humanité s’inscrit aussi dans un puissant mouvement de reconnaissance des droits, après ceux des personnes et ceux des peuples voici l’avènement des droits de l’humanité.
-Du point de vue de l’histoire l’humanité est constituée par l’ensemble des générations passées, présentes et futures. Elle s’incarne dans l’histoire, l’anthropocène en particulier montre bien cette histoire trans générationnelle qui bouleverse la planète.
-Du point de vue de la philosophie l’humanité est constituée par un tout, de la première à la dernière génération, et des parties, les générations constituées par les personnes et les peuples. Elle rencontre son espérance et peut avoir à faire face à sa mortalité.
JML
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Humanité et être humain
Le vrai démocrate est celui qui, avec des moyens non-violents, défend sa liberté,
celle de son pays et en fin de compte, celle de l’humanité toute entière.
Mohandas Gandhi
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La Terre est ma patrie et l’Humanité ma famille.
Khalil Gibran
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Nous souffrons collectivement d’un manque d’ampleur, d’une absence d’horizon
d’humanité.
Jean Cardonnel
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Il est plus facile d’avoir de la bonhomie que de l’humanité.
Jean Cardonnel
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C’est dans l’immense mouvement d’humanité par lequel nous donnons en masse
son sens global à notre vie que nous rencontrons le sens qui se donne.
Jean Cardonnel
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Ne sommes-nous pas d’autant plus vivants que nous portons en nous un projet
d’humanité et qu’il nous porte ?
JML
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La dignité de l’homme suppose à la fois qu’il soit vu dans sa particularité et perçu
comme le miroir de l’humanité.
Emmanuel Kant
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L’humanité : la disparition de l’humanité ?
Le péril majeur pour l’humanité ne provient pas d’un régime, d’un parti, d’un groupe ou d’une classe. Il provient de l’humanité elle-même dans son ensemble qui se révèle être sa pire ennemie et celle du reste de la création. C’est de cela qu’il faut la convaincre si nous voulons la sauver.
Claude Lévi-Strauss
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L’humanité entière est confrontée à un ensemble entremêlé de crises qui, à elles toutes, constituent la Grande Crise d’une humanité qui n’arrive pas à accéder à l’Humanité.
Edgar Morin
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Passer de l’homme aux groupes familial, régional, national, international résulte d’une progression quantitative ; accéder à l’Humanité‚ suppose un saut qualitatif. Dès lors qu’il est franchi, elle doit, elle-même, jouir de droits faute de quoi les hommes perdraient les leurs.
René-Jean Dupuy
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L’humanité se vivait comme infinie car elle était une abstraction. Les dangers qui la
guettent (pollution, guerre…) lui révèlent à la fois son existence et sa mortalité.
René-Jean Dupuy
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La tragédie va-t-elle se poursuivre jusqu’à la fin des temps quitte à en précipiter la
survenance ? Ou bien pour conjurer l’usure du monde les hommes parviendront-ils à
se reconnaître en leur commune humanité?
René-Jean Dupuy
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Le monde a commencé sans l’homme et il s’achèvera sans lui.
Claude Lévi-Strauss
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Survie de l’humanité
Dans les décennies qui viennent les catastrophes écologiques diffuses ou brutales vont très probablement s'accélérer, s'aggraver, se multiplier, parce que des logiques profondes d'autodestruction sont en marche.
Certains croient aux changements par les catastrophes. Il est vrai, et tant mieux, qu'on peut tirer une certaine pédagogie ou une pédagogie certaine de telle ou telle catastrophe. On peut, aussi, n'en tirer aucune pédagogie, la catastrophe n'est pas vertueuse en elle-même.
Et puis il faut agir en amont, c'est à dire aux niveaux de la précaution et de la prévention parce que la catastrophe est porteuse de souffrances et parce que l'accumulation des catastrophes nous pousse de plus en plus en aval du productivisme.
L'épreuve du réchauffement climatique est probablement l'une des plus terribles pour l'humanité.
Certains auteurs, comme James Lovelock, pensent qu'elle va entraîner, par une désertification générale de notre Terre, plusieurs milliards de victimes, les survivants se réfugieront en Arctique et, faute de place, finiront par s'entretuer. « Les survivants envieront les morts », cette pensée du chef de l'Etat soviétique en1980, à propos de la guerre nucléaire, ne pourrait-elle pas s'appliquer au réchauffement climatique ?
L'être humain peut survivre à cette épreuve ou disparaître. Il n'est pas sûr qu'il puisse inverser la tendance à l'autodestruction. Ainsi une équipe internationale de chercheurs (cf. Annales de l'Académie nationale américaine des sciences, PNAS, 26 janvier 2009) affirme que le changement qui est à l'œuvre du fait de l'augmentation des concentrations de dioxyde de carbone dans l'atmosphère « sera largement irréversible au cours des mille années suivant la fin des émissions ». Selon eux pendant cette période « les températures atmosphériques ne baisseront pas significativement ».
Antonio Gramsci avait raison : « Il faut avoir à la fois le pessimisme de l'intelligence et l'optimisme de la volonté ». Face au pessimisme de l'intelligence qui a de multiples raisons d'être, si l'on ose regarder les mécanismes d'autodestruction en face, l'optimisme de la volonté ne signifie pas une sorte d'appel à un remède miracle, encore moins une fuite en avant. Il s'agit de faire naître les déterminations personnelles et collectives à travers ce que certains appelleraient « une métamorphose de l'humanité » (Edgar Morin).
Et pourtant une pensée d'Albert Camus a, elle aussi, quelque chose de terrible : « J'ai toujours pensé que l'homme qui espérait dans la condition humaine était un fou et que celui qui désespérait des événements était un lâche ». Pour essayer de nous éviter ce choix entre la folie et la lâcheté, même si on peut préférer la première, nous appellerons au secours un autre grand penseur, Jacques Ellul, qui insistait sur l’urgente nécessité d'introduire une limite au cœur des activités humaines. C'est lui aussi qui écrivait : « Lorsqu'il n'existe aucun espoir raisonnablement acceptable l'espérance doit jouer. C'est au moment où il n'y a plus d'espoir qu'il faut commencer à espérer ». Les volontés et les moyens verront-ils le jour pour surmonter l'immense et vital défi des changements climatiques ?
JML
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L’espérance de l’humanité
L’humanité n’est pas
une illusion fumeuse,
une incantation magique,
une représentation impossible,
une nébuleuse floue,
une étoile inaccessible,
l’occasion d’un exercice de trémolos dans la voix
ou un gadget pour idéaliste …
L'humanité n’est pas
un refuge à l’abri du présent,
une fuite des responsabilités,
un mythe d’une communauté unanime,
une forme d’appel à la bonne conscience,
un immense cortège ne distinguant plus les responsables et les victimes,
un souci de luxe de fins du monde loin des fins de mois,
un lot de consolation distribué par les maitres aux esclaves
ou le camouflage d’un gigantesque cimetière des rêves trahis et des espoirs déçus…
L’humanité s’incarne à travers les temps et les lieux. Si nous sommes à l’écoute nous pouvons entendre encore les pas de ceux et celles qui nous ont précédés, et déjà les pas de ceux et celles qui vont nous suivre.
L’humanité est à la fois et tour à tour un héritage, un temps présent, une promesse.
Pour résister à l’intolérable et pour construire un monde démocratique, juste, écologique, pacifique, le souffle de ceux et celles qui nous ont précédés et celui de ceux et celles qui vont nous suivre peuvent contribuer à nous porter, mais c’est notre souffle, celui des vivants que l’on attend. Et c’est notre souffle qui nous attend.
Crier chanter embrasser vivre l’espoir, mais lequel ? Celui par exemple de nos remises en cause, personnelles et collectives qui permettraient de commencer à sortir de ce système productiviste humanicide et terricide , remises en cause qui donneraient plus de marges de manœuvres surtout aux générations encore jeunes, et à celles qui naitront dans les quelques décennies à venir : ne seront-elles pas aux avant-postes de tous les défis ? Puissent-elles connaitre la fraternité, l’amitié, l’amour qui peuvent qualifier la vie !
Et mon humanité ?
Ne sera-t-elle pas d’autant plus vivante que la voilà partie prenante (« un sac pour recevoir ») et donnante (« un sac pour donner ») dans la chaine des générations ?
Ne peut-elle pas contribuer à me transformer ?
Plus nous portons un projet d’humanité plus il peut nous porter à son tour.
Serons-nous, personnellement et collectivement, indifférents, tièdes, somnolents, désenchantés, résignés,
ou bien voulons-nous
rester ou devenir des veilleurs debout ?
Lorsque, dans nos vies personnelles et/ou collectives, existent la grisaille, les brouillards, les ombres, l’obscurité ou les ténèbres de certains instants présents, ne pouvons-nous pas essayer, autant que faire se peut ( ?!…), de les resituer dans la perspective de l’espérance de l’humanité ? Difficile à exprimer, mais encore beaucoup plus difficile – ou parfois impossible- à vivre, et pourtant ce peut être une force et une chance que celle d’entrer dans cette espérance de l’humanité.
L’espérance de l’humanité pour des croyants c’est celle d’un dieu qui n’abandonne pas les êtres humains, qui les aime et les appelle à aimer.
Il y a aussi une autre façon de la concevoir et de la vivre, soit complémentaire soit exclusive de la précédente. Ainsi l’espérance de l’humanité
ce sont les vies de ceux et celles qui nous ont précédés à travers ces témoins d’humanité, connus et inconnus, luttant contre des forces de mort, c’est ce patrimoine culturel qu’ils nous laissent avec une immense chance, un grand bonheur de le découvrir et de le partager,
ce sont les vies de ceux et celles qui sont présents aujourd’hui, ces générations vivantes qui, si elles arrivent à penser et à mettre en œuvre des moyens démocratiques, justes, écologiques et pacifiques, porteront un projet d’humanité, alors, oui, il les portera à son tour,
ce sont les vies de ceux et celles qui vont nous suivre et qui peuvent nous dire : notre confiance en vous, nous la risquons à nouveau. Essayez, nous vous les prêtons, d’aimer le monde avec les cœurs et les esprits de ceux et celles qui vont arriver, et puis laissez-nous la liberté de devenir ce que nous voudrons être.
Pablo Neruda fait dire à tous les peuples martyrs « Aucune agonie ne nous fera mourir ! »
Cri de grande douleur, de résistance acharnée et d’espoir fou !
La douleur peut nous casser, la fraternité peut, encore et encore, contribuer à nous mettre debout. Ainsi, tant que dureront les êtres humains, l’espérance de l’humanité n’est-elle pas inépuisable ?
JML
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L’humanité et ses éléments constitutifs
L’humanité est constituée par l’ensemble des générations passées, présentes et futures.
Elle a quelque chose d’indivisible, c’est un grand tout, un ensemble, qui va de la première à la dernière génération, cela à travers l’histoire de l’humanité.
En même temps, les générations ont différentes spécificités, autrement dit l’humanité comprend un tout et des éléments qui le composent. Quelles sont les spécificités par exemple des générations présentes ? Certainement la puissance de la techno science, le marché mondial, l’explosion démographique, les organisations internationales gouvernementales et non gouvernementales, la montée de périls communs (débâcle écologique, armes de destruction massive, inégalités criantes, technoscience et marchés financiers qui deviennent des fins et non des moyens…)…
Les générations sont interdépendantes, pour le pire, pour l’entre-deux et pour le meilleur. C’est un défi vital de construire une solidarité intergénérationnelle agissante pour un monde viable.
JML
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L’humanité et la nature
Quel est l’essentiel de la conception dominante de la nature, l’anthropocentrisme ? La nature est un objet au service des êtres humains. L’homme est tout-puissant par rapport au non-humain, il doit se comporter en « maitre et possesseur de la nature », l’homme exerce, par le droit de propriété, un pouvoir absolu sur la nature qui est un objet de droit.
Quel est l’essentiel de la conception résistante de la nature, l’éco-centrisme ? La nature est un sujet, elle a une valeur intrinsèque, en elle-même, indépendamment de toute utilité pour les êtres humains. L’homme fait partie d’un ensemble, le vivant. Ayant vu le jour dans des civilisations très anciennes, en particulier amérindiennes, cette conception recommence à se développer depuis quelques décennies jusqu’à ces dernières années, par exemple un chapitre de la Constitution de l’Equateur est consacré aux droits de la nature, une loi des droits de la Terre-Mère a été adoptée en Bolivie. LaConférence mondiale des peuples sur le changement climatique et les Droits de la Terre-Mère a adopté en 2010, à Cochabamba en Bolivie, une déclaration finale dans laquelle est affirmé que « la Terre-Mère doit être reconnue comme source de vie, comme un être vivant, avec lequel nous avons une relation indivisible, interdépendante, complémentaire et spirituelle.»
Une troisième conception pourrait être qualifiée d’ anthropo-éco-centrisme. Quel est l’essentiel de cette conception ?Cette synthèse doit être porteuse, elle doit dépasser les contradictions entre les deux visions précédentes pour contribuer à une véritable protection mondiale de l’humanité et de l’environnement. La nature est un donné et un construit pour les êtres humains (anthropocentrisme) et en elle-même (éco centrisme).L’humanité n’est pas au dessus de la nature. La nature n’est pas au dessus de l’humanité. L’humanité et la nature ont des liens de réciprocité, de complémentarité, d'interdépendance. L’humanité fait partie de la nature, la nature accueille l’humanité. Pour l’exprimer simplement : la Terre dépend des êtres humains et les êtres humains dépendent de la Terre.
La nature n’est pas objet ni sujet de droit, elle est projet de droit, idée forte avancée il y a vingt ans dans l’ouvrage de François Ost « La nature hors la loi. L’écologie à l’épreuve du droit. » L’ouvrage plaide pour « une nature-projet qui inscrit l'homme dans la complexité des interactions avec son milieu et définit une éthique de la responsabilité soucieuse de notre avenir commun. »
On peut ainsi aller dans le sens d’une synthèse accueillant le « meilleur » de chaque ensemble de théories et de pratiques et rejetant le plus critiquable. De l’anthropocentrisme on met en avant les humains et on remet en cause la marchandisation, la société de marché, pas seulement en la contrôlant mais en la remettant à sa place, en lui fixant des limites. De l’éco centrisme on met en avant l’ensemble du vivant et on remet en cause l’effacement de la différence entre l’humain et le non humain. Cette troisième conception se veut synonyme de responsabilités et de patrimoine commun.
On se fonde sur les responsabilités des êtres humains vis-à-vis de l’ensemble du vivant (humanité, faune, flore). Le patrimoine commun de l’humanité reposera sur une gestion synonyme de limites établies au nom des responsabilités des êtres humains et du respect des êtres vivants. On retrouve ici Hans Jonas et le « Principe responsabilité. Une éthique pour la civilisation technologique » avec en particulier cette pensée bien connue : « Agis de façon que les effets de ton action soient compatibles avec la permanence d’une vie authentiquement humaine ; ou, pour l’exprimer négativement : agis de façon que les effets de ton action ne soient pas destructeurs pour la possibilité future d’une telle vie ; ou simplement ne compromets pas les conditions pour la survie indéfinie de l’humanité sur terre… »
Le patrimoine commun de l’humanité(PCH) doit être démocratique, juste, écologique et pacifique. C’est et ce sera une gestion synonyme de partage entre pays, entre peuples, entre générations présentes et futures, sans oublier le respect du PCH créé par les générations passées. Ce patrimoine se transmet pour les générations futures et pour l’ensemble du vivant.
JML
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L’humanité, son unité et ses diversités .
Ne faut-il pas rechercher l’unité de l’espèce humaine et respecter ses différences ?
Cette unité de l’humanité repose sur l’unité de l’espèce humaine, les êtres humains ont des caractères qui définissent leur appartenance à l’espèce homo sapiens, mais cette unité va beaucoup plus loin. C’est une construction à travers des solidarités, à travers des luttes pour faire face aux périls communs. « Un seul monde ou aucun, s’unir ou périr » disait Einstein. Cette unité ne doit pas signifier une « uniformité uniformisante » aurait dit Kostas Axelos. Le titre d’un rapport de l’UNESCO de 1980 le disait magnifiquement : « Voix multiples, un seul monde. »
Respecter les différences est au cœur de nos relations avec les autres, et par exemple aussi des relations entre les générations passées, présentes, futures.
En premier lieu un acteur donné, par exemple une personne, un peuple, un pays, une culture ne doit pas éliminer les différences, il faut prévenir et dénoncer ces pratiques de domination qui débouchent souvent sur des drames épouvantables.
En second lieu un acteur donné ne doit pas exacerber les différences, ce regard est lui aussi destructeur à travers la formation des ghettos, le repli identitaire, au-delà d’un certain degré, peut se traduire par des pratiques inhumaines.
En troisième lieu le fait pour un acteur donné d’effacer les différences n’est-il pas plus ou moins dommageable ? Ce regard d’ « assimilation » consiste à dire que l’autre devient notre égal … parce qu’il devient comme nous.
En quatrième lieu se situe l’attitude « d’ouverture », elle repose sur le respect des différences, elle correspond à « l’intégration. » On reconnaît des similitudes et des différences, c’est le grand principe de non-discrimination. Nous sommes égaux et différents, nous sommes égaux « en dignité et en droits », il faut lutter pour conquérir et protéger ces égalités, « et » (non pas « mais ») nous sommes différents, il faut lutter pour que ces différences soient respectées. Ainsi les Etats parties à des pactes internationaux protecteurs des droits de l’homme s'engagent à respecter et à garantir à tous les individus se trouvant sur leur territoire et relevant de leur compétence les droits reconnus dans ces pactes, sans distinction aucune, « notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance, de handicap, d’âge, d’orientation sexuelle ou de toute autre situation. » Ce respect des différences se manifeste par exemple à travers les expressions de toutes les cultures.
Il faut ajouter que des différences ne peuvent en appeler à l’inhumanité, à la haine de l’autre, dans ce cas elles ne sont pas acceptables et se posent les questions des sanctions à adopter, et surtout des moyens à mettre en œuvre pour prévenir, en amont, de telles situations le plus souvent issues de désespoirs et/ou d’idéologies fondées sur la fabrication de l’image de l’ennemi.
JML
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L’humanité et ses lieux de vie (ou collectivités ou territoires) interdépendants.
Comment qualifier les lieux de vie ? La Terre est "le foyer de l’humanité", les continents sont nos "matries", les pays sont nos patries, les villages, les villes et les régions sont nos terroirs.
JML
Le projet remarquable de « déclaration universelle du bien commun de l’humanité »(Forum mondial des alternatives,2012)affirme « il est indispensable de reconstruire les territoires comme base de la souveraineté alimentaire et énergétique et des principaux échanges ; de régionaliser les économies sur la base de la complémentarité et de la solidarité et, pour les régions périphériques, de se « déconnecter » des centres économiques hégémoniques, pour établir une autonomie commerciale, financière et de production.»
Les rapports entre ces collectivités doivent reposer d’abord quant à la forme d’organisation des volontés sur le principe de subsidiarité active. Dans chaque lieu il faut pouvoir prendre des initiatives et disposer de marges de manœuvres quant aux moyens mis en œuvre, cela à travers des rapports de force complexes, et à partir aussi des divers ordres juridiques. Ensuite quant au fond : ces rapports entre collectivités doivent reposer sur le respect de quelques grands principes énoncés ci-dessous, cela pour chaque lieu de vie, chaque collectivité, chaque territoire donc en fin de compte, à travers le temps, pour l’ensemble de l’humanité.
JML
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L’humanité accompagnée de concepts et de principes
Deux concepts paraissent essentiels. Ainsi doit peu à peu voir le jour dans les vies des peuples ce concept, porteur de principes (précaution, prévention…), le concept de limites au cœur des activités humaines. « Qu’est-ce qu’une société qui ne se donne plus de limites? » demandait Jacques Ellul. N’est-ce pas d’ailleurs, pour donner un exemple criant, la question des questions que pose le nucléaire et que nous devons lui poser, n’est-il pas sans limites dans le temps et l’espace?
Le second concept est celui des moyens proposés qui doivent être conformes aux fins que l’on met en avant. Pour des fins démocratiques des moyens démocratiques, pour des fins justes des moyens justes, pour des fins écologiques des moyens écologiques, pour des fins pacifiques des moyens pacifiques. Cette pensée de Gandhi est lumineuse, décapante, opérationnelle : « Les fins sont dans les moyens comme l’arbre est dans la semence »
Des principes doivent accompagner chaque ordre juridique de chaque territoire, non seulement le principe de non-discrimination évoqué plus haut mais, aussi, ceux mis en avant par une plate-forme remarquable publiée dans Le Monde diplomatique (avril 1994, pages 16 et 17) intitulée « Pour un monde solidaire et responsable ».Elle est fondée sur « les éléments de diagnostic, les principes communs, l’esquisse d’une stratégie d’action en particulier sur l’articulation des niveaux géographiques et sur des programmes mobilisateurs. »
Sont soulignés le principe d’humanité c’est-à-dire la possibilité d’avoir une vie digne répondant aux besoins essentiels, le principe de responsabilité des divers acteurs dans la construction des sociétés, le principe de diversité fondé sur le respect des différences et allant à l’encontre d’une uniformisation tous azimuts, par exemple des cultures, le principe de précaution qui consiste à ne mettre en œuvre de nouveaux produits et de nouvelles techniques que si des risques graves ou irréversibles n’existent pas , le principe de modération qui consiste pour les plus aisés à limiter leur consommation, à apprendre ce que des théoriciens et des praticiens de la décroissance appellent « la frugalité conviviale.»
Sauvegarde signifie aussi que lorsqu’une avancée décisive, sur un point de protection importante, a été acquise, un verrou juridique doit être alors posé. Un exemple significatif est celui du Protocole de Madrid sur l’Antarctique (1991) qui interdit les recherches minérales pour cinquante ans. On ne doit pas revenir en arrière dans la protection. C’est ce que l’on nomme le principe de non-régression. La nécessité vitale de réduire les atteintes à l’environnement ne peut que contribuer à convaincre les législateurs, les juges et la société civile d’agir en vue de renforcer la protection des acquis environnementaux au moyen de la consécration de ce principe de non régression. ( Voir sous la direction de Michel Prieur et Gonzalo Sozzo, « La non régression en droit de l’environnement », Bruylant , 2012).
A ce propos Edgar Morin exprime une position qui peut être porteuse : « Il faut combiner croissance et décroissance. Je suis contre cette pensée binaire qui n’arrive pas à sortir d’une contradiction. Il faut distinguer ce qui doit croître et ce qui doit décroître. Ce qui va croître, c’est évidemment l’économie verte, les énergies renouvelables, les métiers de solidarité, les services étonnamment sous-développés comme les services hospitaliers.»On ne peut mieux dire.
JML
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L’humanité et le droit
Sans doute le travail ébauché autour de la notion d’humanité, s’il n’est pas détourné
par un juridisme réducteur, est-il de nature à nourrir utilement la catégorie du droit
impératif général. Placée au centre du jus cogens (normes impératives de droit
international général), l’humanité, non comme représentation (impossible) d’une
totalité, mais comme garantie de la survie de tous, peut servir de référence
adéquate.
Monique Chemillier- Gendreau
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Passer de l’homme aux groupes familial, régional, national, international résulte
d’une progression quantitative. Accéder à l’Humanité‚ suppose un saut qualitatif. Dès
lors qu’il est franchi, elle doit, elle-même, jouir de droits faute de quoi les hommes
perdraient les leurs.
René-Jean Dupuy
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Les droits de l’humanité, les droits de l’homme, les droits des peuples et leurs interdépendances
Les droits de l’homme et les droits des peuples doivent s’appuyer sur ceux de l’humanité et réciproquement. En effet d’une part l’humanité devient une forme de garantie ( encore faiblement garantie) de la survie de tous, êtres humains et peuples, d’autre part les droits-libertés, les droits-égalités, les droits-solidarités (droits au développement, à l’environnement, à la paix) qui sont des droits de l’homme et des peuples renforce les droits de l’humanité. Ainsi par exemple le droit à l’environnement, appartient aux hommes, aux peuples et à l’humanité, cela à partir de textes spécifiques.
Certes existent des contradictions entre des droits. On en connait à l’intérieur des droits de l’homme, par exemple entre la liberté d’aller et de venir et des limites dans les moyens de se déplacer cela au nom de la protection de l’environnement. De même à l’intérieur des droits des peuples, par exemple entre l’autodétermination politique et l’autodétermination d’une économie dominée. De même à l’intérieur des droits de l’humanité entre des droits des générations présentes donnant souvent priorité au court terme(telle énergie moins chère) et pouvant porter atteinte aux droits des générations futures(lourds effets à long terme du choix telle ou telle ressource énergétique). De même il faut faire en sorte de ne pas jouer les droits de l’homme contre les droits des peuples et réciproquement.
De même on ne peut jouer les droits de l’humanité contre les droits de l’homme et des peuples. Ainsi on ne peut pas, au nom des générations futures, violer des droits de l’homme, un exemple extrême est connu : ce serait bien sûr un crime que celui de la disparition forcée de personnes âgées au nom d’une pression démographique trop forte dans tel ou tel lieu pour les générations futures. De même on ne peut pas jouer les droits de l’homme et des peuples contre ceux de l’humanité, ainsi au nom du droit à la sécurité présente on ne devrait pas pouvoir fabriquer certaines armes menaçant l’existence de générations futures.
JML
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L’humanité doit avoir, à terme, son « droit de l’humanité.»
L’humanité est entrée dans le droit international public à travers des dispositions relatives aux crimes contre l’humanité, au patrimoine commun de l’humanité, au droit humanitaire…
Les Etats tendent à protéger l’humanité par la consécration des expressions ci-dessus, pourtant comment ne pas voir d’abord que certains Etats n’acceptent pas d’adhérer par exemple au statut de la Cour pénale internationale qui sanctionnent les crimes contre l’humanité, et comment passer sous silence le fait que ce sont souvent des Etats qui violent les droits qu’ils sont censés protéger.
D’autre part l’humanité n’a-t-elle pas vocation à dépasser des souverainetés étatiques soit irréductibles, soit incapables de dégager des intérêts communs ? En tous les cas ce « droit de l’humanité » non seulement devrait laisser vivre les diversités, mais devrait être pour elles une garantie de plus.
JML
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L’intérêt commun de l’humanité et son contenu
L’intérêt commun de l’humanité a vu le jour peu à peu à travers les générations. Il a pour noms démocratie, justice, écologie, paix. Il doit donc être fondé sur des finalités et des moyens démocratiques, justes, écologiques, pacifiques. Ces fins et ces moyens ont leurs spécificités et sont interdépendants. Ainsi par exemple la paix contribue à la protection de l’environnement et celle-ci contribue à la paix.
Il est fondé aussi sur les périls communs (débâcle écologique, armes de destruction massive, inégalités criantes, domination des marchés financiers, des multinationales et de la techno science…), Jean Rostand affirmait que les humains devraient être « fraternisés par les périls communs. »
Cet intérêt dépasse donc les intérêts personnels, les intérêts nationaux, d’autres intérêts, et même les intérêts communs des Etats. Schématiquement ces intérêts ne devraient ils pas être combattus s’ils lui sont contraires, et soutenus lorsqu’ils vont dans son sens ? On devine que les confrontations des divers intérêts sont et seront loin d’être simples, l’intérêt de l’humanité a la caractéristique de tenir compte aussi du long terme, ce qui est loin d’être le cas de bon nombre d’intérêts tournés surtout vers le court terme. On constate que les puissants partagent rarement d’eux-mêmes, ils ne le font qu’à travers les rapports de forces, ou bien s’ils arrivent à avoir conscience d’intérêts vitaux communs sur le cours ou le long terme.
JML
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L’humanité à la recherche de son patrimoine commun et de ses biens communs
A ce jour en droit international public c’est le patrimoine commun de l’humanité (PCH) qui est consacré en droit positif, c'est-à-dire dans le droit en vigueur. Le PCH prend et prendra différentes formes, outre les quatre qui suivent on peut en imaginer et en construire d’autres, on devra les articuler entre elles pour renforcer la protection générale. A long terme ce devrait être là un contre-mécanisme important contre le productivisme, il n’aura ni des logiques d’intérêts nationaux, ni des logiques de primauté du profit et d’une fuite en avant autodestructrice. Le PCH au sens propre est celui d’éléments qui appartiennent juridiquement à l’humanité. Il s’agit des fonds marins (« la Zone ») (Convention sur le droit de la mer du 10-12-1982, article 136), de la Lune et de ses ressources naturelles (Accord du 5-12-1979, article 11), du génome humain (Déclaration du 11-11-1997, article 1er).Beaucoup d’auteurs s’arrêtent là et, malheureusement, n’ont pas une vue d’ensemble d’autres formes qui se rattachent au PCH. En effet le PCH au sens large est celui d’éléments constitués par des espaces internationalisés qui doivent être explorés et exploités dans l’intérêt de l’humanité. Il s’agit de l’espace extra atmosphérique (Traité du 27-1-1967, article 1er-1), de l’Antarctique (Traité du 1-12-1959, préambule).Et le PCH au sens plus large est celui d’éléments constitués par certains biens naturels et culturels ou mixtes, qui restent sous les souverainetés étatiques, mais qui nécessitent d’être protégés dans l’intérêt de l’humanité parce qu’ils présentent un intérêt exceptionnel. (Conclue dans le cadre de l’UNESCO, c’est la Convention sur le Patrimoine mondial, 16-11-1972).
On peut légitimement soutenir qu’il faudrait rajouter ici une quatrième série d’éléments : Le PCH au sens très large comprendrait les ressources biologiques, que les Etats ont certes le droit souverain d’exploiter (article 3 de la Convention sur la diversité biologique du 5-6-1992), mais les Etats seraient contrôlés (interdictions possibles) par une autorité internationale, gardienne de ce patrimoine naturel mondial, par exemple-si elle voit enfin le jour- la future Organisation mondiale de l’environnement(OME).Celle-ci interviendrait alors au nom de la nature et au nom des générations présentes et futures, cela pourrait se faire par exemple sous la forme d’un protocole à la Convention sur la diversité biologique. La critique de cette remise en cause serait double : des souverainetés étatiques verront dans cette entreprise une forme de dépossession, et le productivisme ne peut accepter de remettre en cause des logiques d’exploitation sans limites de la Terre.
Quelles sont les critiques faites à cette conception ?La critique est double : c’est celle des souverainetés étatiques qui verront dans cette entreprise une forme de dépossession, c’est celle du productivisme qui ne peut accepter de remettre en cause des logiques d’exploitation sans limites de la Terre.
Que penser de ces critiques ?Face aux souverainetés irréductibles, une solidarité mondiale doit avoir le droit du dernier mot. Face au productivisme, condamnable et condamné, un système viable pour l’ensemble du vivant (humain, et non humain) doit voir le jour.
Construire la protection se fait aussi à travers des rapports de forces, de multiples acteurs interviennent.
Le PCH n’est pas un remède miracle pour la protection de l’environnement mais, s’il est accompagné de moyens et s’il est plus étendu, il peut être une forme importante contribuant à cette protection.
Cet intérêt commun de l’humanité est lié aussi à des biens communs. Ils sont qualifiés d’ « indispensables pour la vie collective des individus et des peuples » par le projet de « déclaration universelle du bien commun de l’humanité » (Forum mondial des alternatives, 2012), il est affirmé qu’il s’agit « de l’alimentation, de l’habitat, de la santé, de l’éducation et des communications matérielles et immatérielles. »Il faut donc « garantir l’accès aux biens communs et à une protection sociale universelle ». Cette déclaration conçoit plus globalement le « Bien commun de l’humanité comme possibilité, capacité et responsabilité de produire et de reproduire la vie de la planète et l´existence physique, culturelle et spirituelle de tous les êtres humains à travers le monde. »
Ces théories et ces pratiques , encore en gestation, celle de Patrimoine commun de l’humanité, celle de Biens communs, au-delà de leurs différences(conceptions de la propriété et de la responsabilité, conceptions des acteurs les mettant en œuvre, de leur étendue, de leur gestion…), ont probablement un point commun : mettre en avant des éléments qui, en dépassant le quadrillage étatique, en mettant des limites à la marchandisation du monde, en étant pensés sur le long terme, voudraient contribuer à préserver ce que l’humanité et la nature peuvent avoir d’essentiel.
JML
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Petit conte. Les livres, le petit papier et l’humanité
Un empereur demande à de nombreux savants de lui écrire l’histoire de l’humanité.
Au bout de dix années ils reviennent avec dix volumes, « c’est trop long » dit l’empereur »,
au bout d’un an ils reviennent avec un gros volume, « c’est trop long » dit l’empereur,
au bout d’un mois ils reviennent avec une page, « c’est trop long » dit l’empereur.
Au bout d’une heure ils donnent à l’empereur un petit papier.
« Merci » dit l’empereur.
Il était écrit : « l’homme nait, aime, est aimé, souffre, lutte et meurt ».
Conte entendu et reconstitué par l’auteur de ce recueil
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Ne sommes-nous pas d’autant plus vivants que nous portons en nous un projet d’humanité et qu’il nous porte ?
JML
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Responsabilité des générations présentes par rapport aux générations futures.
Que répondre à ceux et celles qui expriment leur indifférence, leur mépris, ou leur manque de temps pour penser et agir aussi par rapport aux générations futures ? Ecoutons-les : « Après nous le déluge ! », « Je n’en ai rien à faire, occupons-nous des vivants ! », « Pourquoi épiloguer sur ce qui n’existe pas ? » « Elles devront faire face comme nous l’avons fait, c’est leur affaire. ». « Il y a ceux qui sont obligés de s’occuper de leurs fins de mois, il y a ceux qui ont le temps et le luxe de pouvoir s’occuper de la fin du monde!» Que répondre ?
Si vous ne vous intéressez pas aux générations futures demandez-vous si les générations passées se sont intéressées à vous ? Est-ce qu’elles ont contribué à inspirer, préparer, construire tel ou tel aspect de vos vies ? De quelles libérations, de quelles chances, ou bien de quelles difficultés, de quelles aliénations ont-elles été porteuses ?
Si vous ne vous intéressez pas aux générations futures demandez-vous si les générations présentes s’intéressent à vous ? Est-ce qu’elles contribuent dans vos vies à des solidarités, des coopérations porteuses de fraternité, de bien-être ou, au contraire, à des compétitions, des fuites en avant, des formes de mépris porteuses de difficultés, de souffrances ?
Si vous ne vous intéressez pas aux générations futures demandez-vous si les générations futures s’intéresseront à vous ? Serez-vous, encore pour quelque temps, sur les lèvres et dans les cœurs des vivants? L’avenir de vos petits-enfants aura-t-il dépendu en partie de vous, sous quelles formes ?
Ne pas faire aux générations futures ce que l’on ne voudrait pas qu’elles nous fassent. Devons-nous (éthique), pouvons-nous (marges de manœuvres), voulons-nous (volontés et moyens) faire en sorte qu’elles soient sujets de leurs propres vies et non objets des vies de générations qui n’auront pas su être aux rendez-vous de leurs responsabilités ? Le système productiviste, lancé dans sa course folle, nous laisse-t-il le temps de penser aux effets de certains choix personnels et collectifs ? Un linceul de silence ne couvre-t-il pas volontairement certains d'entre eux ?
JML
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Dans de grands amphis comme dans de petites salles, face au tableau sur lequel nous avions écrit « Vive et que vivent les générations futures ! » nous nous levions une fois par an pour les applaudir. Dans ce geste dérisoire et symbolique, nous avions comme l’impression de vouloir leur donner du courage (et nous en donner aussi), beaucoup d’entre nous étaient émus, quelques-uns bouleversés, parce que, à chaque fois, les applaudissements, comme perdus dans le temps, semblaient ne plus finir. Peut-être étaient-elles déjà un peu avec nous?
JML
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La famille humaine
- C’est l’appartenance à la famille humaine qui est le fondement éthique essentiel de la fraternité trans générationnelle. Or la famille humaine est synonyme de plusieurs réalités qui ont des effets sur cette fraternité.
D’abord l’explosion démographique. Le nombre de personnes ayant vécu sur Terre serait de l’ordre de 100 milliards, il y a près de huit milliards d’habitants(7,8) en 2022, il y aurait en principe en 2050 de l’ordre de 9 milliards, l’explosion ralentirait ensuite puisqu’en 2100 il devrait y avoir 10 à 11 milliards de terriens. Chaque jour 224000 personnes, en excédent de population, sont acteurs ou témoins des fraternités et de leurs contraires. Ainsi une question souvent abordée, en particulier par Claude Levi Strauss, est celle des rapports entre quantités et qualités, elle interpelle la fraternité. Par exemple n’est-il pas et ne sera-t-il pas plus difficile, et sous quelles formes, de fraterniser dans des mégapoles de plus en plus gigantesques?
La famille humaine est synonyme aussi d’unité et de diversités. Il s’agit de rechercher l’unité de l’espèce humaine. « Un seul monde ou aucun, s’unir ou périr » disait Einstein. La fraternité trans générationnelle ne fait-elle pas de nous des frères et des sœurs en humanité laquelle serait une forme de Mère ? Il s’agit également de respecter les diversités. Nous sommes ici dans des pratiques quotidiennes de fraternités et d’anti fraternités trans générationnelles. Ne pas éliminer les différences, ne pas les exacerber, ne pas les effacer mais les respecter. Loin des dominations, des ghettos, des assimilations, la fraternité correspond à un regard d’intégration, d’ouverture, elle reconnait des similitudes et des différences entre les personnes, les peuples, les générations.
La famille humaine est synonyme également de lieux interdépendants où vont se vivre des fraternités dans le temps. Le vivre ensemble se déroule dans nos villages, nos villes, nos régions qui sont nos terroirs, dans nos pays qui sont nos patries, dans nos continents qui sont nos matries , sur notre Terre qui est notre foyer de l’humanité. Ces territoires nous aident à construire nos identités, à nous structurer. Mais ils ne doivent pas se refermer, devenir des fractures de l’humain, des administrations de peurs de l’autre, des fabriques de l’ennemi. Ils doivent se découvrir, s’interpeller, se compléter, s’incliner les uns vers les autres. Voilà Montesquieu citoyen du monde: « Si je savais quelque chose qui fût utile à ma famille mais qui ne le fût pas à ma patrie, je chercherais à l’oublier. Si je savais quelque chose utile à ma patrie et à l’Europe mais préjudiciable au genre humain, je le regarderais comme un crime. »Les lieux de vie, comme les générations, sont donc marqués par les interdépendances, n’est-ce pas un devoir moral de les construire dans la fraternité ?
JML
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Etre frères
-Après la famille humaine, quels sont les autres fondements éthiques de la fraternité trans générationnelle ? Ne sommes-nous pas fraternisés par le commun, en particulier les périls les fragilités et les projets communs ?
Etre frères n’est-ce pas se rassembler contre des périls communs ?Ils s’appellent et s’appelleront très certainement débâcle écologique, armes de destruction massive, inégalités criantes, toute-puissance de la techno science et des marchés financiers. C’est être frères contre les périls communs eux-mêmes, c’est l’attitude non violente fondée sur le respect des personnes et les dénonciations les remises en cause de mécanismes anti fraternels.
D’autre part ce sont aussi les douleurs de la vie (la fraternité de la douleur) qui peuvent nous relier en étant à l'écoute des fragilités, celles des autres et les nôtres. Vont dans ce sens des religions, des cultures, des œuvres d’art, qui nous disent « çà n’est pas un fardeau que tu portes c’est ton frère. » Enfants en détresse sur notre terre : un sur deux aujourd’hui et combien demain ?
Et puis ne sommes-nous pas aussi fraternisés par les projets communs ? Etre frères c’est se rassembler à travers le temps pour préserver le bien commun et pour construire du commun c’est à dire relier, dans l’espace et dans le temps, le proche et le lointain ? Ces projets ne sont-ils pas témoignages de fraternités d’espérance s’ils répondent aux urgences et s’ils construisent des politiques à long terme ?
JML
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Un enseignant demande un jour à ses étudiants « Quand peut-on dire que la nuit s’achève et que le jour se lève ? »
Quatre étudiants répondent tour à tour : « lorsqu’on y voit plus clair autour de soi et en soi, lorsqu’on a diplômes, métier, argent, et surtout santé, amour, amitié, lorsque dans la rosée du matin on cueille le souffle du monde, lorsque les enfants souffrent moins et que toutes les personnes et les animaux seront réunis au paradis s’il existe. » « Oui, dit l’enseignant, mais encore ? »
Une petite voix se risque : « Je crois que la nuit s’achève et que le jour se lève lorsque l’on distingue un être humain d’un arbre, un arbre d’un canon, un canon d’une charrue, une charrue d’un morceau de pain. » « Oui, dit l’enseignant, mais essayez d’aller plus loin. »
Quatre étudiants répondent tour à tour : « Le jour se lève quand on ne distingue plus l’arbre malade de celui qui va bien parce que tous respirent, lorsqu’on ne distingue plus un canon d’une charrue parce que tous les canons ont été transformés en charrues, lorsqu’on ne distingue plus les pauvres des riches parce que tous ont assez de pain, lorsqu’on ne distingue plus ceux qui commandent de ceux qui sont commandés parce que tous décident. »
Ainsi, dit l’enseignant, « se connaitre, être, avoir, aimer, moins souffrir, construire un monde écologique, pacifique, juste et démocratique, tout cela et bien des choses encore font que la nuit s’achève et que le jour se lève.
Peut-être pourrait-on ajouter que la nuit s’achève et que le jour se lève lorsque l’on peut voir dans le visage de chaque être humain celui d’un frère et d’une sœur. Alors la nuit s’achève, l’aube apparait, une aube d’humanité. »
JML
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7-Le développement,le productivisme,la crise autodestructrice
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Origines, étapes de la notion de développement
La notion de développement a au moins quatre origines :
D’abord la colonisation qui contribue à ancrer dans l’esprit des dominants européens la conviction selon laquelle la croissance et le progrès n’ont pas de limites.
Ensuite le marxisme et l’humanisme qui, l’un avec le sens de l’histoire, l’autre avec la croyance dans le développement économique libéral, conduisent à penser que le développement, en tant que tel, ne comporte ni incertitude ni danger.
Puis les Nations Unies qui, à travers les puissances victorieuses de la Seconde guerre mondiale, mettent en avant l’opposition pays développés pays sous-développés, opposition fondée sur des indicateurs économiques.
A tout cela il faut, bien sûr, ajouter la techno science et son idéologie du progrès selon laquelle l’humanité va vers la totale satisfaction des besoins.
JML
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Depuis 77 ans(1945-2022) la notion de développement est passée par cinq
étapes :
de 1945 à 1950 il s’agit de lutter contre le retard de la croissance, le sous-développement est, le plus souvent, conçu comme un phénomène naturel ou comme
un retard du développement.
De 1950 à 1955 il s’agit de lutter contre le blocage de la croissance,
le sous-développement n’est pas un phénomène naturel c’est le produit
d’une histoire, il n’est pas conjoncturel mais structurel, il faut remettre en cause les
dominations et l’on arrivera à un développement harmonieux.
De 1955 (Conférence de Bandoeng qui condamne le colonialisme) à 1968 le développement est perçu avant tout comme une exigence de libération politique, économique et culturelle.
A partir de 1968 et jusqu’en 1988 la notion est entrée dans une crise profonde : les
pays du Sud ne sont pas arrivés à remettre en cause l’ordre mondial, au Nord
l’idéologie du développement a fait l’objet d’une certaine contestation (société de
consommation, puis débâcle écologique, enfin explosion de l’exclusion et de la
pauvreté). La notion de ‘‘développement durable’’ apparaît en 1992 : espoir pour certains,
impasse pour d’autres.
Enfin de 1988 à nos jours(2022) mise en avant dans les six rapports du GIEC de l’arrivée des apocalypses écologiques . Une société viable peut voir le jour à travers de gigantesques remises en cause.
JML
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Radicalité de la crise
Le système international est entré dans la croissance d’une crise (et non pas une
crise de croissance) probablement sans précédent : par l’ampleur des problèmes,
des drames et des menaces, par l’ampleur de l’incertitude (Catastrophe finale ?
Naissance d’une nouvelle humanité ? Hypothèse intermédiaire ?), par la recherche
de fausses solutions (de type grand remède miracle), par l’accélération du système
international (et ses conséquences négatives par rapport à la démocratie qui a
besoin de temps et par rapport au long terme négligé). La crise du système
international devient radicale dans la mesure où ces quatre séries de facteurs
s’aggravent et où leur cumul rend les alternatives aussi urgentes que difficiles à
mettre en œuvre.
JML
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Au cœur de la crise : le productivisme
Le système international repose sur un productivisme compétitif, humanicide et
terricide. On peut affirmer que les logiques du marché mondial sont infernales,
pourquoi ?
Parce que le marché mondial nous dépasse par sa complexité, sa
technicité, sa rapidité, à cela s’ajoute une fatalité qui est le produit des trois facteurs
précédents.
JML
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Le système international repose sur un productivisme compétitif, humanicide et
terricide. On peut affirmer que les logiques du marché mondial sont infernales,
pourquoi ? Parce que le marché mondial nous dépasse par sa complexité, sa
technicité, sa rapidité, à cela s’ajoute une fatalité qui est le produit des trois facteurs
précédents. Ces logiques sont infernales parce que ce marché mondial devient
suicidaire par son insécurité, ses inégalités, sa fragilité, sa compétitivité.
Surconsommation au Nord, explosion démographique au Sud, course aux
armements et débâcle écologique qui se sont mondialisées : des logiques
d’autodestruction sont en marche. Il est vital de changer de route.
JML
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Un tel système mondial n’est-il pas condamné et condamnable ?
- Ce système n’est-il pas condamnable du seul fait, par exemple, qu’il y ait en 2018 un enfant sur deux dans le monde en situation de détresse et/ou de danger ( guerres, maladies, misère ,faim, violences…) et du seul fait, par exemple, que les marchés financiers ont pris, depuis 1971 (fin de la convertibilité du dollar en or), une large partie de la place des conducteurs qu’étaient les Etats et les entreprises, autrement dit ,pour faire court, le politique et l’économique ?
Ce système n’est-il pas condamné du seul fait , par exemple, que 5,8 milliards de dollars partent chaque jour en 2021 vers les dépenses militaires mondiales, et du seul fait, par exemple, que des activités humaines entraînent un réchauffement climatique qui menace l’ensemble du vivant (3°C à 6°C -ou plus- d’élévation de la température moyenne du globe vers 2100) et à cette même date un mètre -ou plus- d’élévation du niveau des mers ?
Ces deux petits passages ci-dessus, actualisés d’année en année, sont souvent repris dans mes écrits et mes interventions orales. Cela me fait penser à ce qu’un vieil ami disparu m’avait dit « L’amour n’a qu’un mot, il le redit sans cesse mais il ne le répète jamais, c’est l’amour. » De même on peut redire sans cesse que le productivisme a deux mots qui le qualifient « Condamnable et condamné. » On peut les redire sans cesse, mais on ne les répétera jamais… assez.
Dans sa compétition totalisante, terricide et humanicide, le productivisme n’est-il d’ailleurs pas l’un des contraires de ce que peuvent être l’amour, l’amitié, la fraternité ? Eux aussi peuvent être pris dans les filets de ce système inhumain, il faut alors beaucoup de forces, de chances, de solidarités pour les trouver ou les retrouver et pour participer à l’avènement d’un monde viable.
JML
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Chaque jour en 2020 trente cinq mille enfants de moins de cinq ans meurent de faim et de
maladies. Un tel système mondial n’est-il pas condamné et condamnable ?
JML
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Interdépendances et développement
Il y a un lien, une dialectique, une triade : paix, développement, droits de l’homme.
La paix sans laquelle le développement est impossible, le développement sans
lequel les droits de l’homme sont illusoires, les droits de l’homme sans lesquels la
paix est violence.
René- Jean Dupuy
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La paix c’est un état où les droits de l’homme sont d’abord connus et ensuite
respectés mais, réciproquement, c’est une chimère de croire que l’on peut respecter
les droits de l’homme dans un monde où la guerre, c’est à dire la négation même de
l’existence de l’homme, est affirmée tous les jours.
René Cassin
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La paix, le développement et la protection de l’environnement sont interdépendants
et indissociables.
Principe 25 de la Déclaration sur l’Environnement et le Développement (Rio, 1992)
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Pour une société viable
Un nouveau système international devrait être fondé sur une communauté mondiale
démocratique, juste, pacifique et écologique. De nouvelles logiques devraient être
synonymes de ruptures vitales par rapport au marché mondial, pourquoi ? Parce qu’il
s’agit de maîtriser le marché mondial par rapport à sa complexité, sa technicité, sa
rapidité, des doses de fatalité seront alors réduites. Ces nouvelles logiques iraient
dans le sens du changement du marché mondial remettant en cause l’insécurité, les
inégalités, la fragilité de ce système international et s’attaquant à la sacro-sainte
compétitivité.
JML
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Quels peuvent être les fondements d’une société viable ? Il s’agit de
résister face à la confusion entre les moyens et les fins c’est à dire de bâtir une
économie et une techno science au service des êtres humains et non l’inverse. Il
s’agit de mettre en œuvre des moyens conformes aux fins que l’on propose, c’est à
dire des moyens démocratiques, équitables, pacifiques, écologiques, prenant en
compte le court, le moyen, mais aussi le long terme, et mettant en avant
responsabilité, solidarité, autonomie.
JML
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Le développement a été successivement endogène, autocentré, socialiste, intègre,
intégral, harmonieux, participatif, autonome et populaire, durable et maintenant
humain et social (…) On a là un bel exemple de diplomatie verbale consistant à
changer les mots quand on est impuissant à changer les choses.
Serge Latouche
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La civilisation, au vrai sens du terme, ne consiste pas à multiplier des besoins mais à
les limiter volontairement. C’est le seul moyen de connaître le vrai bonheur et nous
rendre disponibles aux autres.
Mohandas Gandhi
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Ce qui est requis est une nouvelle création imaginaire d’une importance sans pareille
dans le passé, une création qui mettrait au centre de la vie humaine d’autres
significations que l’expansion de la production et de la consommation, qui poserait
des objectifs de vie différents pouvant être reconnus par les êtres humains comme
valant la peine.
Cornélius Castoriadis
J’en suis venu au développement à partir d’une critique de la croissance. Celle-ci
n’est autre que l’augmentation du produit national. La question du développement est
apparue lorsqu’il s’est avéré que la croissance matérielle débouchait sur le
déchirement du tissu social et sur la dégradation de l’environnement. A l’opposé le
développement respecte les valeurs humaines fondamentales et les mécanismes
reproducteurs de la biosphère. C’est l’objectif à atteindre.
René Passet
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Développement durable et critiques de celui-ci
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Le développement durable consiste à répondre aux besoins de développement et
d’environnement des générations présentes sans compromettre la capacité des
générations futures de répondre aux leurs.
Conférence de Rio,juin 1992
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Le développement durable repose sur trois piliers : le développement économique, le
développement social, le développement de l’environnement.
Conférence de Johannesburg, juin 2002
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Le développement durable est un oxymore, c’est-à-dire une figure consistant à
accoler un terme et son contraire. Le ‘‘développement’’ tel qu’il est conçu par ceux
qui le revendiquent, est fondé sur une croissance économique qui est insoutenable
pour la planète. Il y a incompatibilité radicale avec sa durabilité. Plutôt que ‘‘A bas le
développement durable’’ je préfère dire :« Vive la décroissance conviviale ! »
Serge Latouche
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Croissance, décroissance
Il faut aller vers un mode de vie radicalement nouveau. (…)
L’idée de base pourrait être : ‘‘Moins de biens, plus de liens !!’’
Paul Ariès
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Introduire l’idée de limite au cœur de l’activité humaine.
Jean-Paul Besset
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Sur la plage…
Un touriste voit un pêcheur qui se repose sur la plage sous son chapeau.
Il lui demande : « vous ne travaillez pas ? »
« Si, lorsque j’ai faim je vais prendre quelques poissons. »
« Vous pourriez travailler toute la journée. »
« Pour quoi faire ? »
« Pour vendre beaucoup de poissons. »
« Pour quoi faire ? »
« Vous auriez d’autres bateaux et plus d’argent. »
« Pour quoi faire ? »
« Pour prendre des vacances et vous reposer au soleil. »
« Ah bon ! » dit le pêcheur,
et il se rendormit sous son chapeau.
Conte entendu et reconstitué par l’auteur de ce blog
Il faut combiner croissance et décroissance. Je suis contre cette pensée binaire qui n’arrive pas à sortir d’une contradiction. Il faut distinguer ce qui doit croître et ce qui doit décroître. Ce qui va croître, c’est évidemment l’économie verte, les énergies renouvelables, les métiers de solidarité, les services étonnamment sous-développés comme les services hospitaliers.
Edgar Morin
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Oui à la décroissance autrement dit celle des remises en cause radicales des moyens autoritaires, injustes, anti écologiques et violents.
Oui à la croissance mais uniquement celle du développement des moyens démocratiques, justes, écologiques et pacifiques.
JML
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Radicalité écologique, croissance et décroissance
Comment mieux se situer ?(I)
Quels moyens ?(II)
Qui pour les décider et les mettre en œuvre?(III)
I-Si nécessaire comment se situer personnellement et collectivement ?
1-La radicalité écologique
pour certains est un épouvantail révolutionnaire chaotique,
pour d’autres il faut éventuellement la proclamer mais faire le contraire de ce qu’elle exige,
pour d’autres , à juste titre, c’est un ensemble de remises en cause par des moyens radicaux d’un système autodestructeur.
2-La croissance
pour certains elle est synonyme de grand remède miracle (Sainte croissance protégez-nous !) on l’attend ou on la relance, pour les entreprises, les personnes et les collectivités, croissance devenue indispensable aux économies fondées sur le trio infernal capitalisme-productivisme-anthropocène ,
pour d’autres elle est porteuse d’avantages mais il faut qu’elle profite à beaucoup plus , qu’elle soit mieux répartie et plus « durable » socialement et écologiquement,
pour d’autres, à juste titre, elle est insoutenable pour la planète (la croissance « ne peut pas être infinie dans un monde fini »), porteuse d’inégalités criantes elle est fondée sur une compétition mortifère, l’une des logiques de l’autodestruction.
3-La décroissance
pour les uns elle est marquée du sceau de l’inacceptable, elle est synonyme d’arrêt du progrès, d’inaction, d’assistanat, d’absence de compétitivité, d’effondrement économique,
pour d’autres elle est simplement synonyme ici et là de réformes partielles allant dans le sens en particulier d’une sobriété énergétique et de gaspillages moins nombreux,
pour d’autres , à juste titre , elle en appelle à une détermination radicale de limites au cœur des activités humaines, que ce soit par rapport à l’accumulation sans limites du capital, par rapport aux biens tant dans la production que dans la consommation, par rapport au travail (« travailler moins pour travailler mieux »),par rapport à la marchandisation du monde et de la nature.
II-Concrètement voilà un critère essentiel : celui des moyens.
Cela bien sûr dans le sillage de cette pensée lumineuse et oh combien radicale de Gandhi « La fin est dans les moyens comme l’arbre est dans la semence. »
1-Oui à la décroissance radicale, au sens de leurs remises en cause , des moyens autoritaires, injustes, anti écologiques et violents.
Ainsi par exemple pour la démocratie oui aux remises en cause des concentrations des pouvoirs, pour la justice oui aux remises en cause des concentrations des avoirs, pour l’environnement oui aux remises en cause des empreintes écologiques à tous les niveaux géographiques dans l’ensemble des activités en particulier de la remise en cause radicale des énergies fossiles et aussi de la remise en cause de la folie nucléaire, pour la paix oui aux remises en cause de la course aux armements et des ventes d’armes.
2-Oui à la croissance radicale, aux sens de créations et de développements massifs, des moyens démocratiques, justes, écologiques et pacifiques.
Ainsi par exemple pour la démocratie oui aux processus participatifs réels , pour la justice oui aux créations de ressources mondiales du XXIème siècle(transactions de change etc…),pour l’environnement oui aux énergies renouvelables massives et à un accès universel effectif à l’eau, pour la paix oui à la création d’une sécurité collective alternative et d’une assistance écologique enfin à la hauteur des drames et des menaces.
III-Comment cette gigantesque reconversion pourrait-elle voir le jour ?
1-Ces luttes pour ces suppressions et ces entreprises de créations devraient et pourraient voir le jour à tous les niveaux géographiques, ne pourrait-on pas qualifier ainsi chaque lieu :
mon terroir c’est mon village, ma ville, ma région,
ma patrie c’est mon pays,
ma matrie c’est mon continent,
mon foyer d’humanité c’est la Terre…
2-Ces niveaux géographiques n’ont-ils pas au moins quatre schémas de fonctionnement possibles?
Soit on pense et on agit dans le sens de systèmes centralisés dans lesquels les volontés vont du haut vers le bas, la démocratie est peu présente ou absente de tel ou tel lieu .
Soit on se prononce et on agit dans le sens d’un va et vient entre le haut et le bas, en corrections réciproques, reste à savoir comment se déroulent ces rapports de forces et ce qu’ils produisent dans tel ou tel lieu .
Soit on pense et on agit du bas vers le haut, on veut faire remonter des micro expériences, des actions à la base, une certaine démocratie participative existe à des échelles variables.
Soit on veut aller dans le sens de volontés qui, partant de la base, vont essayer de s’étendre, c’est un schéma proche d’une démocratie participative à des échelles variables.
Sur le terrain les circuits peuvent être compliqués puisque plusieurs schémas, par exemple dans un pays donné, peuvent fonctionner ensemble avec des ampleurs et des conflits variables.
3-Des façons de penser les liens entre ces différents lieux…
Une vision est exprimée à travers une citation de Montesquieu qui se termine de façon …radicale : "Si je savais quelque chose qui me fût utile et qui fût préjudiciable à ma famille, je le rejetterais de mon esprit. Si je savais quelque chose qui fût utile à ma famille et qui ne le fût pas à ma patrie, je chercherais à l’oublier. Si je savais quelque chose utile à ma patrie et qui fût préjudiciable à l’Europe et au genre humain, je le regarderais comme un crime ." (Œuvres complètes, Garnier ,1879,tome septième, Pensées diverses, page 158.)
Cette réflexion se retrouve d’une autre façon sous la plume d’un internationaliste, René-Jean Dupuy, qui écrivait « Passer de l’homme aux groupes familial, régional, national, international résulte d’une progression quantitative. Accéder à l’humanité suppose un saut qualitatif. Dès lors qu’il est franchi elle doit, elle-même, avoir des droits faute de quoi les hommes perdraient les leurs » (La clôture du système international, puf, 1989).L’humanité est conçue ici comme contribuant à être la garante de la survie de tous.
Me voilà, de mon terroir à notre Terre, en passant par mon pays et mon continent, me voilà dans une humanité qui habite non seulement l’espace mais le temps. Ainsi , en tous les lieux et en tous les temps ,doivent se faire les transmissions des patrimoines naturels et culturels, patrimoines locaux, nationaux continentaux, internationaux, patrimoines qui sont à la fois des donnés et des construits, des trésors du passé, du présent et du futur.
L’humanité des lieux dans lesquels je vis aura d’autant plus son sens si elle est reliée à celles de tous les lieux où vivent les êtres humains. Ne suis-je pas d’un village, d’une ville, d’un pays, d’un continent, et de toute la Terre, cela à travers des particularités et des points communs?
Le local, le régional, le national, le continental, l’international doivent respecter quelques principes vitaux .
Ces principes sont soulignés par une plate-forme remarquable publiée dans Le Monde diplomatique (avril 1994, pages 16 et 17) intitulée « Pour un monde solidaire et responsable », elle est fondée sur « les éléments de diagnostic, les principes communs, l’esquisse d’une stratégie d’action en particulier sur l’articulation des niveaux géographiques et sur des programmes mobilisateurs. » Cette plate-forme met en avant les principes suivants :
-Le principe d’humanité c’est-à-dire la possibilité d’avoir une vie digne répondant aux besoins essentiels,
le principe de responsabilité des divers acteurs dans la construction des sociétés,
le principe de diversité par exemple des cultures,
le principe de précaution qui consiste à ne mettre en œuvre de nouveaux produits et de nouvelles techniques que si des risques graves ou irréversibles n’existent pas,
le principe de modération qui consiste pour les plus aisés à limiter leur consommation, à apprendre la frugalité.
Nous pouvons rajouter le principe de non-régression environnementale. Cette sauvegarde signifie que lorsqu’une avancée décisive a été acquise, un verrou juridique doit être alors posé. La nécessité vitale de réduire les atteintes à l’environnement ne peut que contribuer à convaincre les législateurs, les juges et la société civile d’agir en vue de renforcer la protection des acquis environnementaux au moyen de la consécration de ce principe de non- régression. ( Voir sous la direction de Michel Prieur et Gonzalo Sozzo, « La non régression en droit de l’environnement », Bruylant , 2012) c'est-à-dire l’interdiction de remettre en cause une protection .
4- Nous pensons enfin que le schéma général de résistances face à des moyens inacceptables, de développements déjà en route et de déclenchements nouveaux des moyens pour un monde viable serait et sera probablement le suivant :
- DES RESISTANCES ET DES PRATIQUES ALTERNATIVES DE PLUS EN PLUS NOMBREUSES A" LA BASE", par des personnes, des populations, des associations, des mouvements, d’autres acteurs , cela sous les pressions des catastrophes et en résistances aux logiques productivistes humanicides et terricides,
- DES DISCOURS ET DES REMISES EN CAUSE, D’IMPORTANCES TRES VARIABLES , AUX « SOMMETS » des différents niveaux géographiques, sous les pressions des catastrophes et de la base,
-DES FISSURES « AU CŒUR » DES LOGIQUES DU PRODUCTIVISME , celles des marchés financiers, du marché mondial, de la techno science…sous les pressions et des catastrophes et de la base et du sommet.