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Billet de blog 18 mars 2015

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MONDIALISATION : histoires des mondialisations ( I )

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

LA MONDIALISATION

Introduction 

1) L’inflation du  mot  mondialisation

a) Le mot « mondialisation » a envahi une partie des mondes médiatiques,  des discours politiques et du langage courant, cela au lendemain de la chute du mur de Berlin en novembre  1989. Ce mot a mis alors au second plan des expressions comme « village planétaire », « village global », « économie-monde »…

b) En 1989 cette sortie du « partage du monde » de  Yalta de  1945, a fait dire à certains que les pays de l’Est et l’ensemble des pays du monde basculaient dans l’économie libérale, que c’était même « la  fin de l’histoire » puisque « l’horizon indépassable de l’humanité » était désormais  le marché !

Cette mondialisation n’est-elle pas symbolisée par un forum mondial, et un contre- forum représentant une autre mondialisation ?

2) Deux lieux symboliques  de deux mondialisations

a) La mondialisation de la compétition est symbolisée par le Forum économique mondialqui se réunit à Davos, en Suisse, depuis 1971.Se retrouvent, autour du libéralisme économique, des chefs d’entreprises, des hommes politiques, et aussi des intellectuels, des journalistes, et même des responsables d’organisations non gouvernementales…

b) La mondialisation des solidarités est symbolisée par le Forum social mondial qui se réunit à Porto Alegre,  au Brésil, depuis 2001, mais aussi dans d’autres villes, sans oublier les réunions de forums sociaux aux différents niveaux géographiques. Se retrouvent, autour de l’altermondialisation, des organisations non  gouvernementales, des syndicats, des mouvements citoyens et des représentants  politiques  généralement  à gauche ou à l’extrême gauche.

Ces deux lieux ne symbolisent-ils pas une problématique essentielle de la mondialisation ?

3) Une  problématique essentielle : quelle mondialisation ? Pour qui ?

L’idée de mondialisation  peut, a priori, être porteuse de générosité :   voilà un monde sans frontières, fait de solidarités, de fraternité.

 Mais n’en va-t-il pas autrement ? La mondialisation en route n’est-elle pas celle de la compétition, mondialisation qui transforme la planète en une marchandise et ceux qui y vivent, les humains et le reste du vivant, plus ou moins en  objets au service d’un  marché et d’une techno science qui se mondialisent ?

Nous nous demanderons tour à tour quels sont les aspects historiques de la mondialisation(I), quel est aujourd’hui le contenu de la mondialisation  libérale(II), enfin et surtout comment on peut se situer par rapport à ce phénomène dominant(III) ?

I- Les histoires des  mondialisations

Nous envisagerons tour à tour les mondialisations historiques (A), l’histoire de la mondialisation  libérale(B), enfin celle de l’altermondialisation(C).

A- Les mondialisations historiques

Il s’agit de systèmes dans lesquels il y a des gagnants et des perdants.

1) Les mondialisations historiques : des systèmes dans l’histoire.

Fernand Braudel (1902-1985),  historien du monde méditerranéen, pensait que dans toute mondialisation il y a quatre aspects qui forment un système : l’économique, le social, le culturel, le politique. Pour lui les mondialisations des différentes époques étaient la Phénicie antique (correspondant actuellement au Liban, et à une partie de la Syrie et de la Palestine), Carthage (aujourd’hui près de Tunis), Rome (la domination de l’Empire romain), l’Europe chrétienne, l’Islam, la Moscovie (Moscou et sa région), la Chine et l’Inde.

2) Les mondialisations historiques : des bénéficiaires et des victimes

Jacques Le Goff (1924-avril 2014), historien médiéviste, affirmait que dans chaque mondialisation il y a des gagnants et des perdants. « La mondialisation appelle en général,  à plus ou moins long terme, la révolte de ceux pour qui elle devient non plus un bienfait mais une exploitation et même une expulsion. »(voir article Le  Monde du 5-5-2006, « Heurs et malheurs des mondialisations. »)

En revenant vers le présent, quelle synthèse peut-on faire de l’histoire de la mondialisation libérale ?

B- L’histoire de la mondialisation libérale et néolibérale au XXe et au début du XXIe

Après le marché des marchands des  XVe et XVIe siècles, le marché des manufactures du XVIIe à 1850, le capitalisme est entré dans le marché des monopoles, puis dans le marché mondial à partir de la Première guerre mondiale. Nous suivrons  son histoire à partir de 1850.

Au préalable il faut rappeler que le libéralisme économique, qui apparait idéologiquement au XVIIIe, met en avant les libertés économiques, et que l’intervention de l’Etat doit être la plus limitée possible.

Le néolibéralisme apparait dans la doctrine en 1970, il met en avant une politique économique et sociale qui étend la domination des mécanismes du marché à l’ensemble de la vie économique.

1) La mondialisation  libérale de 1850 à 1945

Avant 1850-1860 les entreprises étaient, dans l’ensemble, de petites dimensions, puis les monopoles apparaissent à la suite des concurrences, des crises  et des guerres.

 A  partir de 1850 une certaine intégration est en marche,  elle est fondée sur le commerce en particulier maritime qui se développe, sur le téléphone qui voit le jour, sur la liberté des capitaux qui apparait. Cette mondialisation est, en partie, remise en cause par les guerres mondiales, voilà le contrôle des changes, des barrières douanières, le ralentissement  d’investissements à l’étranger, même s’il est vrai que les guerres mondiales ont une part dans la mondialisation de ventes d’armes, de la diplomatie, de discours  médiatiques.

2) La mondialisation libérale de 1947à 1970 et néolibérale de 1970 à nos jours.

Trois séries d’évènements font basculer le monde dans la mondialisation libérale puis néolibérale.

a) Du point de vue du commerce international les négociations commerciales s’organisent, c’est  le libre-échange qui se met en place à travers  l’Accord général sur les droits de douane et le commerce (GATT, 1947) puis l’Organisation mondiale du commerce (OMC, 1995).

b) Du point de vue du système financier international  il y a l’avant et l’après  15 août 1971, jour où les Etats-Unis décident de mettre fin à la convertibilité du dollar en or. La Conférence de Bretton  Woods (juillet 1944) et les statuts du FMI (adoptés  en juillet 1944 et entrés en vigueur en décembre 1945) avaient mis en place un système basé sur des parités fixes, les monnaies avaient une valeur d’échange fixe en dollars  ou en or, le dollar était convertible en or, la base était  de 35 dollars pour une once d’or (28,3 grammes).Mais le déficit budgétaire des Etats-Unis prenant de l’ampleur, cet Etat ne voulait pas que ses stocks d’or s’effondrent, les autorités des Etats-Unis pensaient qu’ils ne pouvaient donc plus garantir la convertibilité du dollar en or. Ainsi à partir d’août 1971 le dollar peut flotter, les spéculations sur les monnaies se multiplient, le système bancaire devient plus puissant, les marchés boursiers sont plus importants, les opérateurs internationaux ont des logiques spécifiques de fructification des patrimoines financiers, ils prennent peu à peu « la place du conducteur. »

c) Du point de vue politique et idéologique la sortie du monde de Yalta, en novembre  1989, amène certains à croire que le marché est l’avenir du monde et que le triomphe du libéralisme est assuré à tout jamais puisque son « ennemi principal » a disparu. Cette attitude peut, bien sûr, faire penser aux personnes qui, derrière une citadelle, attendent l’ennemi et ne voient pas que la citadelle s’effondre sous leurs pieds.

Que la mondialisation libérale et à plus forte raison néolibérale soit condamnable et condamnée les altermondialistes ne le pensent-ils pas ?

 C- L’histoire de l’altermondialisation

Cette histoire, beaucoup plus courte que celle du libéralisme, est souvent passée sous silence, elle  mérite pourtant  d’être soulignée  pour ses auteurs, ses idées, ses acteurs, ses actions.

1) Des auteurs et  des idées de l’altermondialisation

a)Depuis longtemps des auteurs préparaient le terrain de l’altermondialisation, ils  critiquaient le système productiviste. Depuis 1945 nous n’en citerons que quelques-uns. Ainsi  Edgar Morin qui dénonçait la marchandisation du monde, « ce n’est plus le capitalisme mais une hydre à plusieurs têtes qui est devant nous : atomisation,  anonymation , marchandisation,  mal-être progressent de façon interdépendante. » Ainsi Ivan Illich qui dénonçait «  le culte de la croissance, le gigantisme des outils, la servitude liée au mode de production industriel », il en appelait à « la convivialité ». Ainsi Herbert Marcuse qui critiquait cette civilisation industrielle dans laquelle « la domination de l’homme sur l’homme croit en étendue et en efficacité », il pensait que « l’homme unidimensionnel »au lieu de se soumettre devait se révolter. Ainsi Kostas Axelos, qui dénonçait en particulier « l’uniformité uniformisante.»Ainsi Cornelius Castoriadis qui en appelait à « la conquête de l’autonomie individuelle et collective » allant vers une démocratie « radicale ». Ainsi  Eduardo Galeano qui avertissait « « Etre c’est avoir » nous dit le système, les personnes finissent par appartenir aux choses et travailler à leurs ordres.»

b) Deux grandes idées sont mises en avant par les altermondialistes, elles correspondent aux deux slogans  connus: « Tout n’est pas à vendre ! »( on  les appelle au départ les « antimondialistes ») et «  Un autre monde est possible ! »

2) Des acteurs et  des actions de l’altermondialisation

a) Les altermondialistes constituent une  véritable « galaxie».Les acteurs sont modérés, réformateurs, ou radicaux. Il s’agit d’ONG, de syndicats, de mouvements citoyens.

Leurs domaines d’actions sont très nombreux (défense de l’environnement, droits  de l’homme, développement des pays du Sud, annulation de la dette, taxation des transactions financières, urgence humanitaire, agriculture, éducation, paix…).

 Les altermondialistes  ne veulent pas se transformer en une internationale de parti politique mais contribuer à être un levain dans la pâte des lieux où ils se trouvent.

b) Leurs actionssont celles de réflexions, d’échanges, d’orientations, de propositions à l’intérieur de Forums sociaux depuis 2001, cela à tous les niveaux géographiques.

Leurs actions sont celles aussi de manifestations, ainsi  en décembre  1999 à la Conférence de l’OMC à Seattle, mais aussi par la suite toujours des manifestations contre les politiques de l’OMC, du  FMI, du G8… qu’ils rendent en partie responsables de la marchandisation du monde.

c ) Le mouvement des Indignés qui voit le jour le 15 mai 2011 en Espagne, et qui suit « le printemps arabe », a beaucoup de points communs avec l’altermondialisation, ainsi « changer le monde » ,lutter contre le chômage, redistribuer des richesses, créer des conditions de vie dignes pour tous… Il est cependant différent  dans son fonctionnement, il est fondé sur des assemblées, ses actions non-violentes sont à base de campements sur les places et à base de marches plus ou moins longues. Le « indignez-vous! » s’est étendu à une partie de la planète.

Tels sont les aspects historiques des mondialisations. Quel est donc le contenu de la mondialisation libérale dominante aujourd’hui ? (II)

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