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Billet de blog 18 mars 2015

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PRODUCTIVISME : un système en crise radicale ( II )

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 La crise radicale du système productiviste

Le productivisme ne traverse pas une crise de croissance mais  s’enfonce dans la croissance d’une crise radicale, pourquoi ? Parce qu’il rassemble les trois facteurs constitutifs d’une crise dans un système donné, facteurs qui sont portés ici à un niveau  élevé de gravité(A), et que, d’autre part, il comprend des facteurs aggravants(B) ainsi  qu’un facteur infernal qui a quelque chose de terrifiant(C).

  A-) Les facteurs de la crise du productivisme

1)L’ampleur  des problèmes des drames et des menaces est impressionnante : la faim dans le monde, les maladies ( cardiovasculaires, cancers, maladies infectieuses… ), les conflits armés, le terrorisme, la course aux armements, les atteintes aux droits des personnes , des peuples, et déjà des générations futures, la dégradation mondiale de l’environnement, l’urbanisation vertigineuse, l’explosion de la pauvreté, le chômage, l’analphabétisme ,l’endettement mondial, la criminalité financière internationale, l’explosion démographique…

 2) L’ampleur de l’incertitudeconstitue un autre facteur de la radicalité de la crise. Le monde semble arriver à d’immenses carrefours où des choix vitaux sont nécessaires, faute de quoi un certain nombre de phénomènes, en particulier écologiques, basculeront très probablement dans d’irréversibilité. Autrement dit : on ne sait pas si on va vers de gigantesques catastrophes (liées par exemple aux armes de destruction massive, ou  à la rencontre explosive entre la crise climatique et la crise énergétique) ou vers une nouvelle naissance, une « métamorphose » de l’humanité, ou vers une hypothèse intermédiaire faite de drames et aussi de sursauts pour essayer d’en sortir.

  3) La recherche de fausses solutions est le troisième facteur d’une crise.

  Le premier type de fausse solution consiste à se tourner vers « le » grand remède miracle, on en appelle au Sommet miracle,  à «  La » technique miracle, à l’Homme providentiel, à l’élimination des boucs émissaires porteurs de tous les malheurs du monde.

 Le second type de fausse solution consiste en une fuite en avant, une sorte de "ralliement passif au modèle dominant", de "dictature du présent" accompagnée d’un « après nous le déluge ».

  B-) Les facteurs aggravants de la crise du productivisme

Trois facteurs amplifient la crise : des phénomènes d’expropriation, une crise du temps et les interactions à l’intérieur du système global.

 1) Des mécanismes d’expropriation des élus et des citoyens n’ont-ils pas tendance, ici ou là, à apparaître ou à se développer ? Ainsi les marchés financiers n’entraînent-ils pas une expropriation du politique par le financier ? La primauté du libre-échange et la puissance des firmes géantes n’entraînent-elles pas une expropriation du social par l’économique ? La compétition n’entraîne-t-elle pas une expropriation de la solidarité par l’individualisme ? La vitesse n’est-elle pas un facteur de répartition des richesses et des pouvoirs qui défavorise ou rejette des organismes et des individus plus lents ?

 2) La crise du temps liée au système productiviste aggrave aussi l’état des lieux. Ainsi de façon globale le temps du marché et du profit à court terme se heurte aux temps écologiques à long terme, et des pouvoirs humains se voulant infinis se heurtent à la finitude de la Terre.

 Ainsi de façon plus précise les manifestations de la crise du temps, à titre indicatif, sont liées à l’arrivée de nouvelles technologies représentant des échelles de temps gigantesques (déchets nucléaires, exploration spatiale) ou miniaturisées (informatique).

 De même participent à cette crise du temps le stress temporel des villes, la communication qui devient souvent une célébration de l’immédiat, l’exclusion qui témoigne d’une difficulté à se penser dans le temps…

 3) Les interactions entre les crises du système productivisteconstituent un autre facteur d’aggravation. Interactions par exemple entre les guerres qui portent atteinte à l’environnement et, d’autre part, une gestion injuste de l’environnement-conflits liés à l’eau par exemple-qui peut contribuer aux causes d’un conflit.

 Interactions par exemple entre la crise énergétique et la crise climatique. Ainsi s’il est vrai que la consommation de pétrole va augmenter de 1,6% en moyenne chaque année d’ici 2030 (d’après l’AEI), s’il est vrai qu’après un pic vers 2015 la production de pétrole s’effondrera vers 2030-2040 et que les réserves dites non conventionnelles seront chères et difficiles d’accès, s’il est vrai que les énergies fossiles en 2030 représenteront  89% des énergies du monde donc une production toujours massive de gaz à effet de serre, s’il est vrai qu’il n’y aura pas d’ici là de volonté collective massive de développer les énergies renouvelables, alors il n’est pas exclu que se rencontrent la crise énergétique et la crise climatique ce qui pourrait provoquer une désorganisation en profondeur des sociétés et une multitude de drames.

C-) Un facteur aggravant et terrifiant de la crise du productivisme

1) Ce facteur aggravant et terrifiant est constitué par l’accélération du système international. Elle se manifeste de multiples façons : une techno-science omniprésente et toujours en mouvement, un règne de la marchandise toujours à renouveler, une circulation rapide de capitaux, de produits, de services, d’informations qui font de la planète une sorte de « grand village », les déplacements nombreux et rapides des êtres humains, l’explosion démographique mondiale, l’urbanisation accélérée du monde, les discours sur la compétition, personnelle et collective, économique, culturelle, militaire, la prise de conscience d’une fragilité écologique de la planète provoquée par des activités humaines productivistes… Le fait que le productivisme soit devenu comme une sorte de camion fou se comprend particulièrement bien à travers la dégradation et la protection de l’environnement.

 2) L’accélération est une machine infernale par rapport à l’environnement,pourquoi ?Quatre mécanismes ont quelque chose de terrifiant :

 Le mécanisme général : le système international s’accélère, on vient d’en énumérer quelques manifestations.

Second mécanisme : Les réformes et  les remises en cause pour protéger  l’environnement sont souvent lentes (complexité des rapports de force et des négociations, retards dans les engagements, obstacles dans les applications, inertie des systèmes économiques et techniques sans oublier la lenteur de l’évolution des écosystèmes).

 Troisième mécanisme : l’aggravation des problèmes, des menaces et des drames fait que l’on agit pour une part dans l’urgence (l’urgence tend à occuper une place importante).

 Dernier mécanisme : s’il est nécessaire de soulager des souffrances immédiates,   il est aussi non moins nécessaire de lutter contre leurs causes par des politiques à long terme ce qui  demande du temps,

 …or  le système s’accélère. Autrement dit : il n’est pas sûr que les générations futures aient beaucoup de temps devant elles pour mettre en œuvre des contre-mécanismes nombreux, radicaux et massifs.

 Tel est le productivisme, telle est la crise radicale dans laquelle il s’enfonce. Qu’en penser ?   ( Voir III)

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