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- I- L’ESSENTIEL EN QUESTIONS …
1-L’ESSENTIEL
2-L’ESSENTIEL DANS CHAQUE DOMAINE DE VIE
3-L’ESSENTIEL ET L’ENSEIGNEMENT
4- L’ESSENTIEL DES OUVRAGES PUBLIES
5-L’ESSENTIEL AU REGARD D’UNE VIE
6-L’ESSENTIEL EN TROIS PETITS CONTES
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1-L’ESSENTIEL
-L’essentiel ? L’essentiel c’est ce qui passe avant l’important, le secondaire, le détail.
En terminant mes études à Toulouse en 1972 j’avais dit à mes ami(e)s qu’au soir de ma vie je voudrais que « le dérisoire, l’accident, l’inutile, le détail disparaissent plus ou moins et qu’il me reste l’essentiel. »
Comme le dieu Janus cet essentiel a vu peu à peu le jour avec deux visages : des partages et des luttes.
-Les partages d’une certaine qualité de relations humaines.
Elle peut contribuer à briser des solitudes, à changer des destins, à qualifier des vies.
L’amour, l’amitié, la fraternité, l’art (ainsi la musique, le cinéma, la littérature, la poésie…), la communion avec la nature sont certainement les vécus qui peuvent être les plus merveilleux.
-Les luttes contre l’inacceptable et pour le vivant ,comment ?
En contribuant à la remise en cause (capacité de dénonciation) du système productiviste mondial, système pour une large part autoritaire, injuste, anti écologique, violent. C’est un système autodestructeur qui assassine peu à peu l’humanité et l’ensemble du vivant.
En contribuant à penser et à mettre en œuvre (capacité de proposition), à tous les niveaux géographiques, des moyens démocratiques, justes, écologiques et pacifiques pour construire un monde viable. « La fin est dans les moyens comme l’arbre est dans la semence » (Gandhi), cette pensée a été lumineuse dans ma vie.
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2-L’ESSENTIEL DANS CHAQUE DOMAINE DE VIE
Pour chaque domaine vous avez éventuellement une biographie très courte et une biographie très longue sur le site « au trésor des souffles ».
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-Si je devais symboliquement retenir cinq éléments essentiels de ma vie enseignante ce seraient lesquels ?
--D’abord d’innombrables moments partagés avec les étudiants en particulier :
Les premières minutes du premier cours de la première année, de droit ou
d’administration économique et sociale, quand tout un potentiel est là, quand nous prenons
ensemble une route. J’aimais aussi le fait d’arriver le matin avant les étudiant(e)s et de les
voir s’installer peu à peu dans le grand amphi.
Les dernières minutes de leur dernière année d’études (Maitrise, D.U, Magister, DEA , Master ) quand ils partent devant nous (éducation, e ducere, sortir de) vivants encore mieux de leurs propres vies.
De façon plus particulière, les adieux de l’année de retraite qui furent extraordinaires (poèmes, chants, musiques, interventions…) dans les amphis, à la Faculté et au Laboratoire de droit de l’environnement.
Dans les dernières minutes de chaque cours aussi le pot partagé en fin de cours avec les groupes de moins d’une trentaine d’étudiant (e)s, les verres levés aux suites de
leurs vies…en leur rappelant ce que j’avais découvert en 1972 : plus on porte en soi un projet d’humanité plus il peut vous porter à son tour.
--Ensuite dans les cours :
Du point de vue de la forme l’insistance sur la découverte d’une méthodologie mettant en avant des analyses globales, critiques et prospectives.
Du point de vue du fond la mise en avant du pessimisme de l’intelligence et de l’optimisme de la volonté, et celle de moyens cohérents avec les fins que l’on met en avant.
--Puis le bouillonnement idéologique, la prospective juridique et la convivialité
exceptionnelle de certains colloques et des trois réunions mondiales des juristes de
l’environnement organisées par notre laboratoire de droit de l’environnement en 1991, 2001,2011.
--Egalement les conclusions des cours dans une dizaine de disciplines, des interventions dans quarante deux formations continues et dans une vingtaine de colloques. Je les travaillais le mieux possible et m’exerçais à les répéter parce que les derniers mots peuvent être particulièrement importants.
–Enfin les mots d’encouragements et de remerciements (gardés maintenant précieusement dans deux albums émouvants) et les questions où les étudiants s’impliquaient souvent , j’en garde seulement trente symboliques alors que sont partis les cartons de 5100 questions posées pendant 41 ans.
Dit autrement sur l’enseignement : au moment d’un des pots de départ à la retraite (mai et juin 2013), j’avais affirmé : Nietzsche écrivait « Il faut quitter la vie non pas amoureux d’elle mais en la bénissant », je quitte ce métier en étant encore amoureux de lui , mais, surtout, en le remerciant .
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-Si je devais symboliquement retenir trois éléments de ma vie de chercheur ce seraient
lesquels ?
-- D’abord une question qui m’a accompagné mes quarante et un ans d’enseignement (1972-2013) et jusqu’à aujourd’hui en 2022, qui accompagne peut-être beaucoup d’entre nous : cette veille de fin des temps peut-elle encore, et à travers quels moyens, quelles volontés et quelle marges de manœuvres se transformer en une forme d’aube d’humanité ?
--Ensuite par rapport à mes ouvrages :
Je pense que le livre le plus global, critique et créateur que j’ai écrit a été en 1988
« Construire la paix », en deux volumes. A ma connaissance il n’y a toujours pas à ce jour (2022) d’ouvrage aussi global sur la course aux armements comme le soulignaient déjà les nombreux commentaires dans les journaux et revues de l’époque.
Le livre qui a été le plus lu en France et à l’étranger (grâce au master à distance que je dirigeais) est celui des quatre éditions (la quatrième en collaboration avec deux collègues) de « Droit international de l’environnement »(éditions Ellipses).
Le livre le plus original a été le seul tiré à compte d’auteur « Au trésor des souffles » que j’ai fais partager pour une large part sur ce blog aux articles intitulés à la rubrique « Recueil de citations ».
--Enfin j’ai eu la chance et la volonté d’écrire uniquement sur ce qui me tenait à cœur. Sur 75 articles un seul m’a été amicalement « conseillé » , le sujet ne me tentait guère mais il fallait un écrit très technique pour que j’arrive à la titularisation d’enseignant.
J’ai été peu doué pour entrer dans des démonstrations juridiques rigoureuses et fouillées, ayant beaucoup plus l’esprit de synthèse que d’analyse. Mon directeur de thèse (sur «Les moyens de coordination et de planification internationales de l’éducation » (publiée à la LGDJ en 1973) l’avait bien noté dans sa préface :« Suivons l’auteur dans ses propos, même si parfois plus de pénétration dans l’analyse aurait davantage servi son dessein. Mais il y a des natures dont la richesse est avant tout dans l’appréhension des problèmes et des solutions. Elles peuvent l’emporter sur les démonstrations les plus pénétrantes. De cette richesse l’auteur de cette thèse est comblé. » Oui, les analyses méticuleuses étaient et sont encore vécues comme un obstacle à surmonter alors que j’ai plongé et que je plonge avec joie dans les synthèses, les prospectives et les propositions.
J’en profite pour redire ce que vous savez : chacun chacune de nous a des forces et des
faiblesses, des dons et des manques, des qualités et des défauts.
Ne faut-il pas arriver, pour soi-même et pour les autres, à les repérer peu à peu et, si on
le veut, à les faire bouger sur tel ou tel point que l’on juge important. C’est une des
chances d’une éducation porteuse que celle d’amener les personnes à les découvrir et à agir.
Quant aux échecs ils devraient être là non pour nous punir mais
pour en tirer des leçons,
pour lever des obstacles,
découvrir d’autres chemins,
et aussi d’ailleurs apprendre à nous relever.
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-Si je devais symboliquement retenir quatre éléments de ma vie associative ce seraient lesquels ?
--D’abord les amitiés commencées dans le théâtre puis celles vécues au milieu de luttes et de prises de consciences des militant(e)s.
--Ensuite le voyage associatif bouleversant fait au Bangladesh en 1974, avec la découverte des souffrances en particulier des enfants et la découverte de dominations sur les pays et les
peuples du tiers-monde.
--Puis la chance d’avoir pu agir sur ces quatre terrains, démocratie, justice, paix,
environnement, d’avoir compris leurs interactions et, malgré des échecs personnels et collectifs, d’avoir eu encore la force d’y croire et une certaine capacité de révolte (pourtant pas assez vive et pas assez porteuse.) Ces associations et ces coordinations (je passe sur leurs noms repris dans une bibliographie détaillée) que j’ai lancées, avec un deux ou trois amis, étaient et sont celles de luttes
pour la justice, au départ bouleversé par un voyage associatif au Bangladesh en 1973,
pour la démocratie, au départ bouleversé dans un groupe de réflexion où nous réfléchissions au coup d’Etat militaire au Chili en 1973 et au rôle des classes moyennes dont nous étions en France,
pour l’environnement , au départ résistant dans la grande manifestation contre le nucléaire à Creys Malville en 1977),
pour la paix , au départ protestant, avec le « Collectif paix liberté », au Salon du Bourget contre les ventes d’armes en 1978.
J’ai toujours été proche de multiples « résistances non-violentes » face à l’inacceptable et tourné vers les utopies créatrices, concrètes, pas celles des nuages mais celles des alternatives.
--Enfin la volonté de contribuer, avec d’autres, à lancer des idées et des mouvements puis, sauf exceptions , de ne pas les accompagner trop longtemps après leurs mises au monde ,çà n’est pas une théorie générale mais c’est ce que je préférais vivre et donc laisser la place à « la relève »…Ce fut ainsi une véritable explosion associative. Au total les créations de 15 associations (dont 7 existaient encore fin 2013),de deux coordinations (une à Brive, une à Limoges) et 4 soutiens à des créations d’associations (dont 3 existaient encore fin 2013).
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-Si je devais symboliquement retenir quatre éléments de ma vie familiale ce seraient
lesquels ?
--D’abord la chance de rencontrer celle avec laquelle nous avons déterminé un projet commun , pris la route et cheminé ensemble.
--Ensuite nos quatre enfants ont été une chance dans nos vies et nous l’espérons réciproquement. L’arrivée des petits-enfants est une forme de nouvel espoir même si, ils en ont conscience, le futur va être particulièrement difficile pour eux et tant d’autres... vu l’état du vivant.
--D’autre part la volonté selon laquelle la famille peut et devrait devenir un lieu de vie où il s’agit de se protéger, de se compléter, de se confronter, de se limiter, finalement de s’incliner les uns vers les autres. La famille, lieu de partages de joies, de peines, de projets.
-Enfin un des ressorts de l’amour est d’avoir foi dans l’autre . Les « vrais regards d’amour sont ceux qui nous espèrent » disait un auteur , l’autre vu comme capable d’aller ou de revenir vers le meilleur. Les échecs devraient être là non pour nous punir mais pour en tirer des leçons, pour lever des obstacles, découvrir d’autres chemins, et aussi apprendre à nous relever.
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- Si je devais symboliquement retenir quatre éléments de ma vie amicale ce seraient
lesquels ?
--D’abord c’est une grande chance de créer et de vivre des amitiés dans les lieux de vie successifs en particulier associatifs, et dans toutes ses périodes de vie, cela jusqu’au bout, pourquoi pas…Autant de multiples partages de joies, de peines et de projets.
--Ensuite un point particulier est celui de retrouvailles après des décennies, elles peuvent être émouvantes et merveilleuses.
-- D’autre part un moment privilégié, est celui du repas à quatre avec un heureux partage, en particulier sur la façon dont les membres du couple se sont rencontrés. Un repas plus nombreux peut être fraternel mais deux couples peuvent partager un moment particulièrement chaleureux. Ce fut ainsi avec de nombreux ami(e)s.
--Enfin au fur et à mesure que l’âge avance un partage plus fréquent et très triste des peines, amis malades ou qui s’en vont. « Comment ça va ? Cela ne va pas , cela s’en va » disait un philosophe…
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- Quel est l’essentiel pour vous dans votre vie de retraité ?
-Entrer dans la retraite m’a permis de redécouvrir, à partir d’auteurs préférés, des
conceptions sur « le bien vieillir » (qui ne correspond pas tout à fait( !) aux « recettes », dont
on nous rabat les oreilles, pour « rajeunir » …)
L’essentiel est synthétisé à travers des civilisations, des philosophies, des théories, des
pratiques : ne faut-il pas encore, jusqu’au bout si possible, demander quelque chose à la
vie ?
Chacun chacune propose un remède, une force, un souffle :
s’émerveiller , chercher, se battre pour un idéal, aimer et être aimé, décaler ses désirs, jouir des petites choses de la vie, accepter de lâcher prise…vous prolongerez la liste.
- Ainsi la vieillesse est certes une accumulation de limites mais aussi d’apprentissages qui continuent sous différentes formes.
A tout âge de la vie ne faudrait-il pas, comme nous y invite par exemple Edgar Morin, « se détacher et participer » ?
-La vieillesse appelle ou oblige beaucoup plus au détachement, en ce sens peut-être est-elle
liée à la détermination de limites au cœur des activités humaines ?
-Est-elle si loin d’une forme de « frugalité conviviale » si chère aux théories et aux pratiques de la décroissance ?
-J’aimerais « participer » jusqu’au bout, le plus possible, ne serait-ce qu’en guettant, ici et là,
de petites et de plus grandes aubes d’humanité
-La participation est par exemple celle des rencontres avec des personnes en particulier de la famille et des amis , celle de l’écriture sur un blog et un site, celle de soutiens à des associations, celle d’une petite marche chaque jour, marche que je n’aime pas(malgré quatre ouvrages de bons conseils), la musique m’aide alors à cheminer sur…du plat, plat, plat.
--Le détachement n’est pas évident, il y a celui qui est forcé par exemple par la maladie et le grand âge, il y a celui qui est choisi, ainsi j’ai par exemple décidé il y a cinq ans d’arrêter d’aller faire partager des lectures de petits contes dans l’enseignement primaire, je sortais heureux mais harassé parce que nous mimions chaque histoire , et il y a trois ans j’ai aussi décidé d’arrêter mes interventions orales dans les universités en particulier du troisième âge, je les aimais beaucoup...
-Ainsi deux pensées m’accompagnent sur ces limites personnelles et collectives,
l’une de Jacques Ellul « Qu’est-ce qu’une société qui ne se donne pas de limites ? »,
l’autre de l’auteur de « Ainsi parlait Zarathoustra » : « Il faut quitter la vie non pas amoureux d’elle mais en la bénissant. »
-Un proverbe d’Inde nous rappelle que « l’homme vient au monde les mains closes et il le
quitte les mains ouvertes ».
-Que va devenir ce rapport à la mort dans cette dernière période de vie ? Jusque là j’ai fait des
allers retours, variables selon les évènements personnels et collectifs, entre le « philosopher
c’est apprendre à mourir » (Platon) et le « ne pas se soucier de la mort » (Montaigne ).
-Certes se détacher mais aussi espérer voir apparaitre, face à cette forme de veille de fin des temps, ici et là des formes d’aubes d’humanité.
– Alors viendra le moment où, comme maillon de la chaine humaine, après avoir eu la chance et la force de prendre le temps de vivre, d’aimer, de lutter, avec Pablo Neruda («Troisième Livre des odes, ode à l’âge ») nous pourrons dire :
« Maintenant, temps,
je t’enroule,
je te dépose dans ma boîte sylvestre
et je m’en vais pêcher
avec ta longue ligne
les poissons de l’aurore ! »
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-Quel est l’essentiel pour vous dans la vie plus personnelle ?
Par plus personnel j’entends, entre autres, par exemple les lectures à haute voix de poésies(Tagore , Neruda … ) , l’écoute de condensés d’airs classiques(Beethoven, Mozart…et Maria Callas), quelques chansons que j’aime tant, de bons films, et des articles commentés à deux …Et puis je rencontre, en général pendant trois mois chacun, une quarantaine « d’amis », de Marc Aurèle à Edgar Morin, avec souvent les mêmes passages préférés de leurs pensées.
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3- L’ESSENTIEL ET L’ ENSEIGNEMENT
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-Comment avez-vous choisi la profession d’enseignant ?
-Au départ j’avais fait des études de droit , de sciences po ,de relations internationales puis une thèse sur « la coordination et la planification de l’éducation dans le monde » pensant ainsi rentrer à l’UNESCO , mais il n’y avait pas de recrutement cette année là dans ce domaine.
-J’ai appris au même moment que l’Université de Limoges recrutait un chargé de cours, j’ai candidaté et j’ai eu la chance d’être retenu en droit public.
- L’enseignement m’a motivé tout de suite et j’ai eu une chance qui ne m’a jamais quitté, celle d’intervenir dans des matières qui me passionnaient, ainsi par exemple le droit international public, les relations internationales. J’enseignais à de petits groupes comme à de grands auditoires dans les amphis, des premières années de droit jusqu’aux dernières. Plus tard j’ai été chargé, entre autres, aussi du droit international de l’environnement, j’ai assuré la direction d’un « master de droit international et comparé de l’environnement », le plus important en langue française, master à distance qui recrutait dans une trentaine de pays.
-L’enseignant à l’université est toujours aussi un chercheur. Je suis rentré au laboratoire de droit de l’environnement. La recherche me motivait mais l’enseignement encore plus.
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- En tant qu’enseignant quelle est la question la plus vitale que vous vous êtes posé?
-Avons-nous contribué à irriguer des visages, des intelligences, à faire naitre des
déterminations, à allumer des feux,
-et qu’avons-nous accepté de recevoir d’eux : quelles valeurs, quelles inquiétudes, quelles remises en cause, quelles questions?
« Nous rendons justice les mains tremblantes » écrivait un haut magistrat, ai-je enseigné un
peu tremblant de cette responsabilité d’universitaire?
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- Avec les étudiants quels sont vos souvenirs les plus marquants?
-Des souvenirs de moments d’engagements symboliques :
Moments des derniers cours où les étudiants (éducation, e-ducere, se séparer de) devraient pouvoir partir encore plus vivants devant nous. Dans tous les groupes de moins de quarante nous levions nos verres (que j’avais amenés) « aux vies » de chacun, chacune et de tous et toutes. Ou bien nous lisions le poème de ce berger, Lucien Jacques : « Je crois en l’homme » (que vous retrouverez sur internet.)
Moments en master où, après un débat sur elles, nous applaudissons, debout, « les générations futures » pour symboliquement leur donner du courage… (et nous en donner…) cela devant le tableau sur lequel était écrit « Vive et que vivent les générations futures ! » Les applaudissements n’en finissaient pas.
Moments dans les amphis de troisième année, après un cours sur la protection internationale des droits de l’homme, où nous applaudissions , debout, les résistants du monde cela devant le tableau où était écrit contre tous les dictatures, un cri de Pablo Neruda « Ils pourront couper toutes les fleurs, ils n’empêcheront jamais le printemps !».
-Des souvenirs de moments exceptionnels :
Moments où nous étions montés sur les tables des amphis en chantant « Liberté ! Liberté ! » le lendemain de la chute du mur de Berlin.
Moments où le mardi gras, plusieurs fois à la demande d’associations étudiantes je faisais un discours plus que déjanté, le plus souvent contre la compétition.
-Des souvenirs de perles orales ou écrites
Ainsi cette étudiante qui traversait avec sa voix deux cloisons et qui faisait de grands moulinets me poussant vers le mur, et l’étudiant suivant me demandant inquiet : « Je dois faire pareil ? »
Ainsi cette perle écrite : j’avais dit, dans un cours sur les dominations des hommes et sur les libérations des femmes, que des dramaturges grecs affirmaient « çà n’est pas la femme qui engendre, celui qui engendre c’est l’homme ». Sur la copie il était écrit « çà n’est pas la femme qui enjambe, celui qui enjambe c’est l’homme ». Commentaire possible : enjambez un peu moins vos connaissances, vous semblez avoir l’esprit ailleurs, attention au grand écart.
Sur le site « au trésor des souffles » j’ai partagé plusieurs « colliers de perles » …
-Des souvenirs face à trois de mes grands « ennemis », la compétition ( mortifère, écrasant les faibles et multipliant les exclus), le scientisme (l’absence de critiques par rapport aux recherches et aux technologies) et le nucléaire (sans limites dans ses effets environnementaux, sanitaires et financiers) .Quels souvenirs par rapport à eux?
Moments des premiers cours avec tout ce potentiel de solidarités à partager. Il est arrivé ainsi que nous disions ensemble en frappant sur les tables « Compétitions : Non ! Non ! Non ! Solidarités : Oui ! Oui !Oui ! »
Moments de critiques du scientisme au cours de « grands problèmes politiques contemporains » dans les grands amphis ou les petites salles au cours de master de droit de l’environnement). J’avais préparé « un véritable numéro » de dix minutes ( ! ),celui d’une sorte de Docteur Folamour (film de Stanley Kubrick) qui montait sur la chaise puis sur le bureau et terminait l’ascension en ajoutant une autre chaise et en criant les bras tendus vers le ciel « La science a fait de nous des dieux .. », je tombais alors derrière le bureau dans un grand fracas, les uns riaient, d’autres étaient tétanisés, je me relevais peu à peu en disant « …avant que nous ne méritions d’être des hommes ».(Pensée de Jean Rostand, ardent défenseur du désarmement.) D’une année sur l’autre le bruit courait et des étudiants venaient me demander de « faire le savant fou. » A partir de soixante ans je m’économisais, l’ascension se terminait sur la première chaise et essoufflé par ce moment de folie je criais beaucoup moins. Lorsque je m’exerçais la veille une bonne heure , avant de m’enfermer j’avertissais ma femme, nos enfants et nos voisins. Les hurlements et les bruits étaient impressionnants. Mais cent millions de fois moins que le scientisme.
Mes réponses aux questions sur le nucléaire me valurent un jour en fin de cours un papier attentionné et plein d’humour : « Monsieur, j’ai remarqué que lorsque vous répondiez aux questions sur le nucléaire vous deveniez tout rouge. On ne veut pas vous perdre. Ménagez-vous. »
-Des souvenirs de moments de profonde tristesse :
Ainsi le départ volontaire d’une étudiante, connue pour son partage lumineux, qui était dans des associations tiers-monde , à l’enterrement de laquelle tous ses amis bouleversés étaient venus en noir,
Ainsi le départ accidentel fin mai d’un étudiant noyé dans la Vienne , qui devait venir le matin à l’oral, dont les amis avaient ensuite aidé financièrement le rapatriement du corps en Afrique.
-Des souvenirs au moment de la retraite en 2013 :
Une étudiante était venue la veille en fin de cours me disant « Monsieur, vous avez eu ma grand-mère qui aimait bien vos cours. » Beaucoup m’avaient dit « Vous avez eu ma mère, mon père » mais la « grand-mère » c’était une première ! Emotion de réaliser une fois de plus cette fuite du temps, interrogation sur cette fausse nouvelle (est-ce possible ?) ou cette vérité qui voulait me faire plaisir…
Moment de fraternité : des étudiants avaient créé une chanson superbe le jour de mon départ à la retraite, et nous avons chanté aussi dans l’amphi le poème d’Aragon, repris par Jean Ferrat , écrit au tableau :
« Un jour portant un jour viendra couleur d’orange
Un jour de palme un jour de feuillages au front
Un jour d’épaule nue où les gens s’aimeront
Un jour comme un oiseau sur la plus haute branche ».
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-Quels sont pour vous des données pédagogiques essentielles ?
-D’abord dans les cours du point de vue de la forme l’insistance sur la découverte d’une méthodologie mettant en avant des analyses globales, critiques et prospectives. Du point de vue du fond la mise en avant du pessimisme de l’intelligence et de l’optimisme de la volonté, et celle de moyens cohérents avec les fins que l’on met en avant.
-Ensuite les logiques productivistes fondées sur la soumission et la compétition ont tendance, de façons certes très variables, à donner des individus écrasés (obéissance), désolés (fatalité), isolés (administration des peurs), fanatisés (la fin justifie les moyens).
Il s’agit au contraire de promouvoir des logiques d’éducation à la paix fondées sur la résistance et la solidarité.
Celles-ci impliquent face à l’obéissance : l’esprit critique et la responsabilité, face à la fatalité : la formation à l’autonomie, face à l’administration des peurs : le respect des différences, face à la fin qui justifie les moyens : le choix de moyens conformes aux fins que l’on propose. Ainsi l’éducation à la paix peut être un des chemins de la paix.
-Enfin quelques idées fortes contribuant à créer une méthodologie :
« Est régressive toute pensée selon laquelle l’individu est et n’a pas à se construire » (Simone de Beauvoir)
Ne pas perdre de vue le sens des ensembles, élément essentiel de mes enseignements s’il en est un.
Les méthodes sont précieuses, il faut passer du temps à les découvrir.
Pour mieux avancer une idée il faudrait la dire trois fois : on l’annonce, on la développe, on la résume.
Argumenter a priori, a posteriori mais aussi a contrario ( oui , sans doute, mais…)
Ne faut-il pas avoir avec soi une veilleuse allumée, celle de notre capacité au questionnement ?
Ne faut-il apprendre à ranger et à « déranger » ses pensées ? Quels ordres et quelles remises en cause ? Par quels moyens ?
« Penser c’est dialoguer avec l’incertitude et la complexité » (Edgar Morin).
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-Quelle a été votre pratique pédagogique la plus originale ?
Le processus des questions en amphi et en salle .
-Cette pratique pédagogique, institutionnalisée dans tous mes cours, à ma connaissance
et sauf erreur, n’existe pas à ce jour sous cette forme dans les universités, en tous les cas
les facultés de droit, ou alors elle doit être rarissime. Si certains enseignants visiteurs du
site la trouvent intéressante peut-être lui donneront-ils le jour ?
-J’ai pu beaucoup apprendre des étudiants et eux ont eu la possibilité, ici ou là, d’entrer dans quelques réponses possibles et d’avoir une forme de reconnaissance de leurs questions .
-Cette pratique pédagogique a vu le jour dès 1972 de la 1ère année au Dea puis au Master. Peu de temps après mon arrivée à Limoges, j’ai écrit dans la revue de l’Université un article sur la pédagogie qui soulignait, entre autres, cette idée pédagogique pouvant être porteuse.
-A la fin des cours les étudiants posent des questions par écrit anonymement (quelquefois
quelques prénoms ou noms apparaissaient), depuis quelques années s’ajoutent des mails.
-Les deux extrêmes sur un semestre de cours ont été de 8 à 85 questions. La
moyenne des questions semestriellement en 1ère, 2nd et 3ème années était de 20 à 25, en
IPAG 4ème année 15 à 20 questions par écrit à la fin du cours, les chiffres ont été stables à
travers les années sauf exceptions.
-La plupart sont posées en quelques lignes, certaines sont beaucoup plus longues.
J’y répondais au début du cours suivant, oralement, rapidement ou longuement. C’est ainsi que j’ai pu essayer de répondre à 5100 questions , gardées dans des cartons, et au final le 1er septembre 2013 trente questions symboliquement conservées dans un album. Le chiffre parait impressionnant mais il faut le rapporter aux 41 ans d’enseignement, ce qui fait une moyenne d’environ 123 questions par an pour l’ensemble de mes cours.
-Les questions étaient le plus souvent globales, quelquefois très précises,
-De temps en temps elles voulaient m’impliquer (« Pour vous qu’est-ce que le droit ? », « Qu’est-ce-que vous proposez comme critères du choix d’un métier ? »), ou alors l’étudiant(e) s’impliquait : « Je suis en train de décrocher, je suis débordé dans la masse des cours de cette première année, pouvez-vous me donner des aides dans les méthodes ? » , « Ma flamme s’est éteinte. Pouvez-vous m’aider à la rallumer et me dire pourquoi je peux croire encore en l’homme ? ». « Monsieur, comment ralentir ce monde qui va trop vite ? C’est comme un manège qui accélère et je ne peux pas descendre. » «Monsieur, l’écologie s’occupe de la fin du monde et on ne sait pas quand elle arrive, mais il y a ceux qui doivent s’occuper de leurs fins du mois et ils savent quand elles arrivent. Etes- vous d’accord avec ce que je viens de vous dire ?» Enfin des questions sur les critères du « choix d’une profession » m’ont amené à proposer aussi un texte distribué depuis cinq ans en fin d’année et mis sur le site.
-A partir du DEA puis du Master s’ajoutent des questions orales assez nombreuses (c’est une
pratique plus connue et plus utilisée), elles ont été rarissimes dans les autres années pendant
les cours.
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-Qu’appelez-vous « les casseurs d’horizons » ?
Les violences ont de multiples formes (Voir le quatrième de nos sept articles sur les violences) , l’une d’entre elles est, à ce jour, trop peu évoquée, nous proposons de l’appeler celle des « casseurs d’horizons. »
Cette appellation de « casseurs » s’oppose à éclaireurs d’horizons, tisseurs de confiances, découvreurs d’autres possibles, porteurs d’utopies créatrices, constructeurs d’alternatives…
--Quelles sont les pratiques des casseurs d’horizons ?
De la maternelle à l’université, et dans de multiples autres lieux, familles mais aussi médias, professions, administrations, entreprises, associations, institutions, partis politiques …, à côté des nombreux tisseurs et passeurs de projets et de fraternités, voilà aussi des casseurs d’horizons qui sont à l’œuvre. Leur nombre est important, certes difficile à déterminer mais ils sont bien là. Que font-ils ?
Ils assèchent des visages au lieu de contribuer à les irriguer,
ils sèment des peurs au lieu de faire naitre des confiances,
ils éteignent des braises au lieu d’allumer des feux,
ils apprennent à ramper au lieu de se mettre debout,
ils en appellent aux compétitions tous azimuts et recouvrent de linceuls de silence des solidarités existantes ou à construire ,
ils méprisent des inventions, des créations, des projets en rupture d’inhumanité ,
ils commencent toujours par asséner un « Est-ce que c’est possible ? » au lieu d’avoir le courage d’un « Faut-il le faire ? » et, ensuite, de se demander comment …
--« Le » grand casseur d’horizons.
Il y a beaucoup plus grand et beaucoup plus puissant que les casseurs d’horizons, c’est le système mondial dans lequel nous vivons ou survivons, ce trio infernal capitalisme-productivisme-anthropocène-.C’est lui « Le » grand casseur d’horizons.
L’immense majorité des terriens se retrouve en effet dans un monde en grande partie autoritaire, injuste, violent, et dans des débâcles écologiques rapides, nombreuses, en interactions.
Beaucoup de terriens ont pour seuls horizons des drames et des menaces. Le futur est plongé dans les brouillards, des projets disparaissent. « No future ! » disait même le slogan d’un mouvement musical , le futur semble en voie de disparition.
Comment « Le » grand casseur d’horizons est-il en marche ?
Le système productiviste repose sur les logiques profondes qui s’appellent la recherche du profit, la fructification des patrimoines financiers, la marchandisation du monde, le développement d’armes terrifiantes, la course aux quantités, le culte de la croissance, les discours et les pratiques de la compétition, la priorité donnée au court terme, l’accélération du système.
Les périls communs sont là : débâcle écologique dépassant des seuils d’irréversibilité, armes de destruction massive terrifiantes, épidémies catastrophiques, inégalités criantes, techno science et marchés financiers de moins en moins contrôlés par les êtres humains…
Ainsi on est loin d’un futur comme horizon de responsabilité.
La mondialisation productiviste est irresponsable et compétitive, alors qu’il faut construire une communauté mondiale responsable et solidaire. Et des chemins de bonnes intentions sont souvent pavés de renoncements personnels et collectifs successifs.
--La résignation face aux casseurs d’horizons.
La pente la plus forte c’est celle qui nous amène à ne pas marcher vers des fontaines, comme nous y invite le Petit Prince.
C’est celle de la résignation devant les rapports de forces alors que ceux-ci peuvent changer, alors qu’à chaque instant, le réel contient plus de possibles que l’on ne croit.
Manquer de souffle, être étouffé(e) par l’impératif du réalisme, laisser la place à des sortes d’experts d’étouffements d’horizons, et finalement de ne pas être à la hauteur des défis.
Simone de Beauvoir écrivait: « Il est peu de vertus plus tristes que la résignation. Elle transforme en fantasmes, en rêveries contingentes, des projets qui s’étaient d’abord constitués comme volonté et comme liberté. »
Mettre perpétuellement en avant et avoir à la bouche le terrible « soyons réalistes, restons réalistes » aujourd’hui en fait, malgré soi et/ou avec soi,
c’est être probablement fermé sur des mécanismes de mort,
c’est refuser les paris d’autres possibles,
c’est étouffer l’audace,
c’est pactiser avec l’indifférence,
être paralysé par la peur de ne rien pouvoir faire et ne rien faire,
c’est, enfin et surtout, se laisser glisser sur la pente la plus forte : celle d’un système porteur de souffrances, de drames et de menaces.
-Des résistances et des alternatives personnelles et collectives face aux casseurs d’horizons.
Un témoignage magnifique : « Votre nom, maitresse, chantera jusqu’au bout de mes jours. Le regard que vous avez su porter sur moi m’a insufflé la confiance qui me manquait. Un regard qui savait si bien dire : « Vas-y, tu peux ! Vas-y, tu vas y arriver ! ».Grâce à vous tout devenait possible et ma révolte a trouvé son chemin : les livres et le savoir.»(Maria)
Résister personnellement et collectivement aux casseurs d’horizons c’est
Construire en soi et avec d’autres la confiance, exercer sa capacité de proposition, faire respirer son imagination, découvrir le travail en équipe et la vouloir conviviale.
Former et des enseignants et des parents et des professionnels et des associatifs et quantité d’autres personnes et de groupes qui contribueront à construire et à partager « des racines et des ailes », à porter des éducations aux droits de l’homme, des peuples et de l’humanité, des éducations à l’environnement, à la paix.
S’engager et persister dans des luttes communes, « Dire nous. Contre les peurs et les haines, nos causes communes » écrit Edwy Plenel (Editions Don Quichotte 2016.).
Critiquer et démonter, seul(e)s et avec d’autres, des mécanismes inacceptables.
Proposer et mettre en œuvre des utopies créatrices prenant les moyens de se réaliser, des alternatives, à tous les niveaux géographiques, fondées sur des moyens démocratiques, justes, écologiques et pacifiques,
Penser et sentir que d’autres nous ont précédés et que d’autres vont nous suivre sur ces chemins de résistances et de constructions pour un monde viable. Une fois de plus Camus avait raison : « Il n’y a d’humanisme que celui des hommes révoltés »
L’avenir comme horizon de fraternité et de responsabilité est peut-être ce qui qualifie le mieux cette recherche d’un monde non pas compétitif et irresponsable mais solidaire et responsable. Dans l’ouvrage « Habiter le temps »(Bayard,1996) l’historien Jean Chesneaux écrivait :
« Nous sommes à la fois obsédés du temps et orphelins du temps. Notre existence
individuelle se dissout dans un zapping permanent ; nos sociétés sur programmées
sont bloquées dans l’immédiat ; notre devenir historique se brouille (…) Comment
renouer dans le respect de la durée un dialogue interactif entre le présent agissant,
le passé comme expérience, l’avenir comme horizon de responsabilité ? Comment
reconquérir le temps pour redonner du sens et de la cohérence à notre être en
société comme à notre vie quotidienne ? Comment réintégrer le temps dans notre
culture politique, dans nos pratiques citoyennes, dans notre art de vivre ? »
Contre tous les casseurs d’horizons nous terminerons en citant la fin du merveilleux poème de Baudelaire, « L’étranger ». N’en appelle-t-il pas à la poursuite d’un idéal, à la conscience aussi peut-être de la fragilité des choses ?
«(…) -Eh ! Qu’aimes-tu donc , extraordinaire étranger ?
-J’aime les nuages…les nuages qui passent… là-bas…les merveilleux nuages ! »
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-Conclusion relative à l’enseignement sous la forme d’un vœu de créations de nouveaux
cours ?
-D’abord ne faudrait-il pas penser introduire quand çà n’existe pas et développer quand çà existe déjà, de la maternelle à l’université, des théories et des pratiques de règlement des
conflits ? Certes le droit est présent dans ce domaine (pratiques de médiation, droit
international, histoire des conflits, sociologie des conflits, règlement des conflits dans telle et
telle discipline …) Mais une des choses les plus importantes de la vie on ne nous l’a pas
apprise : Comment régler nos conflits personnels et collectifs ? La non-violence a de grandes et nombreuses pratiques à faire partager.
-Ensuite créer également des cours, à différents niveaux, dans diverses disciplines, sur la vitesse dans nos sociétés. Paul Virilio a été un des premiers à lancer cette idée, il faut la concrétiser, là aussi le droit comparé serait précieux.
-Enfin il est anti pédagogique et dommageable à de multiples points de vue que les
Facultés de droit n’aient pas créé massivement, du début à la fin des études, des cours de
prospective juridique. Là aussi le droit comparé avec d’autres pays sera utile. Certes en France certains enseignants ont mis en avant des éléments de prospective juridique dans leurs cours, par exemple en proposant aux étudiant(e)s d’imaginer l’élaboration d’une convention internationale. Mais ne faudrait-il pas aussi des cours spécifiques, théoriques et pratiques, de prospective juridique? « L’imagination est plus importante que la connaissance » disait Einstein. Quelle place donner à l’imagination dans nos formations juridiques ? Et dans l’ensemble des formations ?
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4- L’ESSENTIEL DES OUVRAGES PUBLIES
Présentation commentée des 12 ouvrages : 9 de l'auteur de ce blog , 2 sous sa co-direction et le douzième écrit avec deux collègues.
-La thèse : « Les moyens de coordination et de planification internationales de l’éducation », préface de Pierre Vellas, Directeur de l’Institut d’études internationales et des pays en voie de développement, thèse publiée à la Librairie générale de droit et de jurisprudence (L.G.D.J.), collection Droit de la coopération internationale, 1973, (206 pages).
La première partie descriptive analyse les moyens institutionnels, financiers, juridiques de la coordination internationale de l’éducation surtout dans le cadre de l’UNESCO.
La seconde partie est porteuse d’une idée qui a fait son chemin. En tenant compte de la technique de planification indicative, concertée, sectorielle, mise en œuvre par certaines organisations internationales, ne pouvait-on pas penser à ce type de moyens dans le domaine de l’éducation?
La suite des évènements a montré que cette idée s’est concrétisée puisque la Conférence mondiale de l’éducation et la Conférence mondiale sur l’enseignement, organisées par l’UNESCO, ont débouché sur des plans d’action qui ressemblent pour une part à ceux imaginés dans ce travail voilà quarante huit ans (complément de la thèse en 2001, non publié).
- Les deux ouvrages « Construire la paix » : deux volumes, publiés aux éditions La Chronique Sociale, Lyon, 1988, (234 et 246 pages), ils sont autonomes et complémentaires. C’est, bien sûr, dans l’ensemble des problématiques de la paix qu’est analysée la course aux armements.
Le premier tome, « Les armements détruiront l’humanité », démonte l’ensemble des éléments de la course aux armements. Cette sorte de machine infernale est constituée d’une périphérie, d’une armature dans laquelle fonctionnent des mécanismes psychologiques, idéologiques, institutionnels, juridiques, politiques, militaires. Cette machine infernale est constituée aussi d’un centre, d’un cœur dans lequel fonctionnent des mécanismes économiques, financiers, technologiques, scientifiques.
Le second tome, « L’humanité détruira les armements », reprend ces dix domaines et analyse pour chacun d’eux des contre-mécanismes en route ou possibles. Ecrits avant la chute du mur de Berlin ces livres ne prennent pas en compte l’implosion de l’empire soviétique. Et pourtant, au-delà de cet événement considérable, la course aux armements, dans ses logiques profondes, fonctionne globalement comme analysée il y a 34 ans, même si certaines logiques très limitées de désarmement ont commencé à voir le jour.
- Les deux ouvrages l’un sur le « Droit international du désarmement », (préface d’un ancien Président de la Cour internationale de justice (1994-1997), Mohamed Bedjaoui), éditions L’Harmattan, 1997, (362 pages).
-l’autre sur le « Droit international de l’environnement » (préface de Michel Prieur, Président du Centre international de droit comparé de l’environnement, CIDCE), éditions Ellipses, 1998, (192 pages), ont la même structure générale.
Dans la première partie de chaque ouvrage sont analysés les caractères de chaque discipline à partir des mêmes thèmes : histoire, objet, sources, institutions. A cela est ajoutée l’étude de la vérification des traités de désarmement dans le premier ouvrage et l’analyse des enjeux et du contexte du droit de l’environnement dans le second.
Dans la seconde partie de chaque ouvrage est étudié le contenu de chacun de ces domaines à partir essentiellement des traités de désarmement et des conventions de protection de l’environnement.
Le premier livre se termine par une analyse transversale de différents domaines du droit international public, autrement dit par l’étude des rapports de ce droit du désarmement avec le droit du développement, le droit de l’environnement et les droits de l’homme.
Le second livre se termine par une prospective juridique mettant en avant la nécessité d’un droit de l’environnement mieux appliqué, radical et plus global.
Ce qu’il y a de stimulant dans ces deux recherches c’est en particulier la situation de laquelle nous sommes partis : en effet existaient des articles assez nombreux sur les traités de désarmement mais aucun manuel en langue française n’avait été publié dans ce domaine ; pour le droit international de l’environnement existait un manuel mais il fallait, bien entendu, actualiser la matière qui avait fait l’objet de beaucoup de changements en dix ans et, surtout, la prendre en compte dans la formation, le contenu et l’application de ce droit.
Une des avancées les plus positives du droit du désarmement est certainement constituée par les progrès considérables de la vérification des traités bilatéraux, régionaux et internationaux.
Un des aspects les plus sombres est probablement l’absence du droit par rapport aux recherches scientifiques militaires qui continuent leur ascension plus ou moins irrésistible.
Une des avancées les plus positives du droit international de l’environnement est certainement représentée par cet ensemble considérable de conventions de lutte contre des pollutions, de conservation mondiale et régionale de la nature.
Un des aspects les plus sombres est probablement le fait que, du point de vue de l’effectivité de ce droit, des choix financiers massifs n’ont pas été faits à ce jour par la communauté internationale dans le sens de la protection de l’environnement. Quand et surtout comment va-t-on sortir de cette véritable « récession de la volonté ? »Elle nous amène vers des jours sombres si des remises en cause massives et radicales ne voient pas le jour.
-L’ouvrage « Droit international de l’environnement », éditions Ellipses, 2004, (191 pages).
Tout en conservant le plan général, il a été refondu dans son introduction, dans certains chapitres et, bien entendu, a fait l’objet de nombreuses mises à jour.
-L’ouvrage « Relations internationales », préface de Emmanuel Putman et Alain Sériaux, directeurs de la collection « Le droit en questions », éditions Ellipses, 2003, (176 pages).
Cet ouvrage analyse tout à tour
la discipline (histoire, place, objet, lieu pédagogique),
les approches (réalistes, marxistes, solidaristes, débat sur la nature de la société internationale, débat sur la mondialisation),
les facteurs (géographiques, écologiques, économiques, financiers, monétaires, scientifiques, techniques, militaires, idéologiques, culturels, spirituels, psychologiques, médiatiques, démographiques),
les règles des relations internationales (cadre juridique international, principes politico-juridiques des relations internationales, relations diplomatiques),
la société internationale (structures, contenu, caractère dominant de la mondialisation),
les acteurs (personnes, peuples, humanité, organisations non gouvernementales, autres acteurs de la société civile internationale, Etats, organisations internationales et régionales, techno science et marché mondial),
les évolutions historiques (histoire du système interétatique, histoire du développement, histoire des relations internationales de 1945 à nos jours).
Enfin l’ouvrage analyse les défis des relations internationales : démocratie, justice, protection de l’environnement, paix.
Cet ouvrage est, pour une large part, le produit des trente premières années de cours (1973-2003 date de publication ) de « Relations internationales » en première année de droit. Une question m’a accompagné : comment essayer de répondre à une responsabilité : celle de contribuer à faire entrer des (les ?) étudiants dans des questions essentielles ?
-L’ouvrage de Droit international de l’environnement (DIE), entièrement refondu, dans une nouvelle collection, permettant 150 pages de plus que dans les deux premières éditions, collection « manuel-universités-droit », préface de Michel Prieur, 3ème édition, Ellipses, 2010, (368 pages).
Le DIE ne peut pas, à lui seul, protéger l’environnement mais, aujourd’hui, sans le DIE on ne peut pas protéger l’environnement.
Dans une première partie sont analysés les caractères du DIE à travers huit chapitres : relativité et nécessité, nature et objet, histoire et acteurs, enjeux et contexte, sources formelles et techniques juridiques, institutions et juridictions, application et sanctions, faiblesses et forces de ce droit.
Dans une seconde partie est analysé le contenu du DIE à travers huit chapitres : concepts et principes, responsabilité internationale et réparation des dommages, air et changements climatiques, eaux douces et milieu marin, sols et forêts, conservation mondiale et régionale de la nature, produits chimiques, déchets dangereux et radioactivité, enfin commerce international, travail, habitat, et conflits armés.
Les défis du DIE sont clairs : renforcer son application, rendre opérationnels ses principes, combler ses lacunes, dégager des moyens institutionnels, juridiques et financiers.
-« Au trésor des souffles, », seul ouvrage à compte d’auteur, donné par nos soins à des parents et des amis, presses de l’imprimerie La Gutenberg, Tulle, n°0605469, 23 décembre 2006, (383 pages), recueil de textes et de citations rassemblés par l’auteur. On le retrouve sur son site « au trésor des souffles ».
Plan général :
1ère partie : Les souffles du monde ? (Quelles forces soufflent dans le monde ? Derniers souffles du monde ? Nouveaux souffles du monde ?)
2ème partie : Notre souffle ! (Chercher son souffle ! Avoir et/ou retrouver son souffle ! Nos souffles de vies !)
3ème partie : Un souffle… (Souffle qui passe…Souffle qui s’éteint…Autre souffle, ailleurs ?!…)
Direction, codirection et participation à la rédaction de deux ouvrages collectifs :
-« Les institutions des conventions internationales de protection de l’environnement », sous la direction de Jean-Marc Lavieille, PULIM, 1999, (502 pages), c’est une recherche faite pour le Ministère de l’environnement.
La plupart des conventions internationales et régionales de protection de l’environnement prévoient des organes de suivi.
Il était intéressant de dégager les lignes générales de leur évolution en examinant la composition et les fonctions de ces organes.
Il était nécessaire de contribuer à combler un vide conceptuel par rapport aux institutions des conventions, tant du point de vue des logiques qui les fondent que de leurs enjeux.
Il était important de faire apparaître des propositions pour le renforcement du suivi et du contrôle de l’application de ces conventions en particulier du point de vue institutionnel.
-« Les catastrophes écologiques et le droit : échecs du droit, appels au droit », sous la direction de Jean-Marc Lavieille, Julien Bétaille, Michel Prieur, éditions Bruylant, 2011, (600 pages).
A la suite de causes naturelles et/ou humaines, les effets brutaux ou insidieux, immédiats ou à long terme, des catastrophes écologiques portent atteinte aux êtres humains et à l’environnement.
Ces catastrophes occupent une place centrale dans les problèmes, les menaces et les drames environnementaux.
Pourtant sur ces réalités qui prennent de plus en plus d’ampleur, il a fallu attendre le colloque international de Limoges des 11,12, et 13 mars 2009, organisé par le CRIDEAU-OMIJ et le CIDCE, pour avoir enfin une vue globale, critique et créatrice des rapports entre le droit et les catastrophes écologiques.
Les actes de ce colloque reproduisent trente quatre communications qui interviennent ainsi : Après une préface et des propos préliminaires, neuf chapitres sont intitulés
1-Regards pluridisciplinaires sur les catastrophes écologiques.
2-Démocratie et catastrophes écologiques.
3-Droit international, droit communautaire et catastrophes écologiques.
4-Droits régionaux et catastrophes écologiques : approche comparée.
5-Acteurs du droit et catastrophes écologiques.
6-Temps de la précaution, de la prévention et catastrophes écologiques.
7-Temps de la catastrophe écologique.
8-Temps de la réparation et catastrophes écologiques.
9-Des droits nouveaux (autour en particulier des lanceurs d’alerte et des déplacés environnementaux) ?
L’ouvrage se termine par des conclusions générales proposées par Mireille Delmas- Marty. Face aux échecs du droit, les catastrophes écologiques sont aussi des appels au droit, aux « forces imaginantes du droit ».
Le 12ème ouvrage écrit avec deux collègues:
-« Droit international de l’environnement », 4ème édition, Ellipses, 2018.(375pages)
Ce manuel a été fait en collaboration avec Hubert Delzangles et Catherine Le Bris, collègues et amis avec lesquels j’avais participé à la rédaction du projet de Déclaration universelle des droits de l’humanité. J’ai été très heureux qu’ils me proposent de participer à cette 4ème édition .
Outre le fait que l’ouvrage est considérablement enrichi, voilà la relève assurée ainsi que le souligne Michel Prieur dans sa préface.
La dégradation mondiale de l’environnement est rapide, profonde, multiforme.
Le droit international de l’environnement ne peut pas, à lui seul, protéger l’environnement mais, aujourd’hui, sans lui on ne peut pas protéger l’environnement.
Comme étudiant, enseignant, chercheur, membre d’association ou comme citoyen n’est-il pas important de comprendre les forces et les faiblesses de ce droit ?
Dans une première partie sont analysés les caractères du droit international de l’environnement à travers sept chapitres : nature et objet, histoire et acteurs, enjeux et contexte, sources formelles et techniques juridiques, institutions et juridictions, application et sanctions, forces et faiblesses de ce droit.
Dans une seconde partie est analysé le contenu du droit international de l’environnement à travers neuf chapitres : concepts et principes, responsabilité internationale et réparation des dommages environnementaux, air et climats, eaux douces et milieu marin, sols et forêts, conservation mondiale et régionale de la nature, produits chimiques, circulation des déchets dangereux et radioactivité, santé travail et habitat, commerce international et conflits armés.
Les défis du droit international de l’environnement sont clairs : renforcer son application, rendre opérationnels ses principes, combler ses lacunes, dégager des moyens institutionnels, juridiques, financiers.
Les auteurs, adoptant une approche globale et critique, en appellent à un droit international de l’environnement plus complet et effectif afin de participer, par des moyens démocratiques, justes, écologiques et pacifiques, à la construction d’une société écologiquement viable au nom de l’intérêt commun de l’humanité.
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5- QUELQUES ELEMENTS ESSENTIELS AU REGARD D’UNE VIE
-Estimez-vous avoir eu des chances dans votre vie ?
Oui, de nombreuses chances.
--D’abord la chance d’abord d’être né en dehors de la guerre, de la faim, de la soif , d’une catastrophe écologique, d’un régime autoritaire, ou en dehors de plusieurs de ces situations à la fois. On ne le réalise pas toujours mais il s’agit d’autant de drames dans lesquels on ne se trouve pas plongé au début de sa vie, voire dans une partie ou toute son existence. On se doit d’autant plus de vouloir que les personnes les plus nombreuses possible aient cette chance d’échapper à l’inhumain.
-Ensuite la chance à douze ans de continuer de respirer et donc de vivre grâce à la chirurgie. A partir de cette opération du mois de mai 1958 j’ai pris deux décisions : remercier souvent la vie d’être de ce monde, et voir les autres, proches et lointains, avant tout avec leurs beaux et bons côtés , sans faire preuve de naïveté ni d’angélisme mais en nous encourageant dans le meilleur qui est souvent possible. J’insiste sur ce point. Je crois que nous perdons beaucoup de temps et dépensons beaucoup d’énergie à critiquer les autres, à nous plaindre de leurs défauts, de leurs manques…Je suis convaincu qu’une autre attitude est plus porteuse, laquelle ?
Encourager les autres dans ce qu’ils sont ce qu’ils font ce qu’ils essaient de faire de
bien, les croire capables de changer en mieux, un peu ou beaucoup, le leur dire et nous appeler ensemble aux changements, dénoncer avec rigueur, force et ténacité des mécanismes inacceptables en respectant les personnes (attitude très liée à la non-violence),réunir nos forces bien sûr mais, aussi, nos faiblesses nos fragilités personnelles et collectives, pour les remises en cause nécessaires face aux défis vitaux qui sont là : quelle démocratie ? Quelle justice ? Quel environnement ? Quelle paix ? En un mot : « se faire le moins de nœuds » possible et, quand ils sont là, les dénouer avant que ne surviennent ou ne s’aggravent diverses formes de violences.
--Ensuite la chance ensuite de rencontrer des êtres merveilleux. Né en 1946 en France, à Brive,(fin 2022 j’ai donc 76 ans ) je me rappelle un peu mes grands pères(mes grands-mères n’étaient plus là), j’ai eu la grande chance d’avoir une enfance vécue comme heureuse, mes parents nous élevaient avec amour, mes deux sœurs, mon frère et moi, « petit dernier » très entouré par les trois autres.
-Mon père passionné de botanique, fut le premier à démontrer, dans sa thèse de pharmacie en 1932 à Paris au Muséum d’histoire naturelle, que la Stevia , plante originaire du Paraguay, avait trois cents fois le pouvoir du sucre et n’était pas nocive. Il adorait son métier de
pharmacien et, transcendant en chimie autant que j’étais nul, il inventa plusieurs médicaments. J’aimais la passion qu’il avait pour son métier, et aussi son calme, son humilité , son amour de la musique classique et… des vieux villages. Chez ma mère, qui travaillait à la maison, j’aimais la présence chaleureuse, et aussi l’esprit d’initiative, l’organisation sereine, la confiance dans leurs enfants , l’attention aux propositions que nous faisions.
-Chaque année nous avions une autre joie et une autre chance , celles d’aller en vacances, nous retrouvions cousin(ne)s et ami(e)s, partager ces moments était une forme de bonheur.
-J’ai eu aussi la chance de vivre les merveilles des amitiés à Brive, à d’Arsonval (en
maternelle), à Cabanis (l’enseignement primaire) puis à Bossuet (l’enseignement secondaire),
ainsi qu’aux louveteaux puis aux scouts, je vivais également les découvertes des amours, en
particulier dans un groupe de théâtre que nous avions créé avec des ami(e)s, nous avons joué quelques pièces.
-Après mon enfance et mon adolescence à Brive, j’ai fait mes études universitaires à Toulouse . Nous nous sommes rencontrés en 1973 avec celle qui devenait ma compagne de vie .Nous avons eu la grande chance et la joie profonde d’avoir quatre enfants, sept petits enfants, des familles.
-Enfin une autre chance que celle de rencontrer des ami(e)s de différents âges et lieux de vie, en particulier des militant(e)s de milieux associatifs.
-Sans oublier bien sûr les chances de nos professions nous ont amenés à rencontrer des collègues et d’autres personnels, et puis surtout , ma femme des jeunes de 5 à 25 ans dont , médecin, elle soignait les handicaps physiques , et son mari, moi-même, enseignant, avant tout avec des étudiant(e)s entre 17 et 30 ans (ou quelquefois plus… jusqu’à 83 ans ) que j’accompagnais surtout à la Faculté de droit et des sciences économiques de Limoges et à l’annexe de droit à Brive.
-Avez-vous eu des choix importants ou essentiels dans votre vie ?
Le choix d’enseigner, le choix de la compagne de ma vie, le choix de l'adoption de nos enfants,les choix de divers engagements contre les injustices, la débâcle écologique, la course aux armements, les choix d’écrire des ouvrages et des articles dans ces domaines, le choix de vivre notre retraite à la campagne une grande partie de l'année.
-Pouvez-vous citer à vos yeux votre plus grand échec ?
L’échec le plus grave dans ma vie , qui est celui aussi de la génération des militants de paix des années 1970 à 2000, consiste dans le fait que nous aurions pu (sans l’arrêter bien sûr, hélas !) contribuer, un tout petit peu, sur certains points idéologiques et éducatifs, à freiner la course aux armements, elle a continué son ascension irrésistible sur tous les plans. C’est un des grands malheurs du monde.
-Quelle est votre plus grande tristesse ?
Avant tout le fait que la moitié des enfants dans le monde se trouve encore et encore en situation de détresse et/ou de danger (guerre, faim, misère, maladies, catastrophes écologiques, autres violences... )
A un niveau plus personnel la tristesse des « départs » de membres de nos familles et de celles d’ami(e)s .
-Quelle est votre plus grande espérance ?
Que les moyens, les volontés et les marges de manœuvres permettent aux quelques générations futures qui arrivent de passer d’un système productiviste autodestructeur à une communauté mondiale respectueuse du vivant .
-Comment jugez-vous votre vie ?
Enseignant, chercheur , militant, vies avec familles et ami(e)s , retraité, vie personnelle :
en deux mots : a fait un peu, trop peu.
-Avez-vous une devise ?
Non, mais j’aime bien ce qui symboliserait l’essentiel .Par exemple :
Les interrogations personnelles et collectives : ???
Les exclamations devant les bonheurs et les malheurs des personnes et du monde : !!!
Les points de suspension porteurs de multiples interprétations : …
Ce qui donnerait : ???!!!...
J’aime aussi beaucoup le mot « souffle », je choisirai alors le symbole suivant :
Les souffles du monde ?
Notre souffle !
Un souffle…
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6- L’ESSENTIEL EN TROIS PETITS CONTES
-Le bol et les cailloux
Un sage demande à des personnes « Voilà un bol plein de cailloux, puis-je y mettre autre chose ? »,
« Non » répondent-elles.
Il ajoute du sable,
« Puis-je y mettre autre chose ? »
« Non » répondent-elles.
Il ajoute un peu d’eau puis demande : « Quelle est la philosophie de ce que je viens de faire ? »
Les uns disent « il faut remplir sa vie jusqu’au bout »,
d’autres affirment « il faut profiter de chaque moment de sa vie… »
Le sage ajoute : « N’oublions pas dans nos vies de mettre d’abord l’essentiel, puis l’important puis le secondaire. Essayons avant tout de déterminer ce qui est pour nous essentiel. »
Conte entendu et reconstitué par l’auteur de ce blog.
- Daphnis es-tu là ?
Un étudiant demande à son enseignant « Vous semblez aimer la mythologie grecque et romaine, comment, à partir d’elle, nous diriez-vous ce qui est pour vous essentiel dans nos vies? »Après un long silence l’enseignant répondit :
J’aimerais pour chacun, chacune, pour tous et toutes, que l’essentiel entre dans nos vies, comme on accueillerait une nouvelle personne dans une ronde, par exemple une ronde à quatre.
Voilà Sisyphe, condamné à rouler une roche au sommet d’une montagne, elle redescend et il doit toujours la remonter, ainsi sont dans nos vies les répétitions,
Voilà Prométhée, qui dérobe le feu aux dieux pour le donner à l’homme, ainsi sont dans nos vies les créations,
Voilà Castalie, nymphe métamorphosée en fontaine inspiratrice, ainsi sont dans nos vies l’enthousiasme et l’imagination,
Voilà Hygiée, déesse qui soutient la force des êtres vivants, ainsi sont dans nos vies la santé, le soulagement ou la guérison des douleurs,
La ronde des quatre commence et continue, mais ils découvrent que quelqu’un d’essentiel leur manque. Ils le veulent, ils l’appellent, le voilà.
Apparait Daphnis, berger, chanteur, poète et musicien, remarquable de beauté et de sagesse, apprenant à tous le respect des hommes et de la nature, et qui, admis dans l’Olympe, prit sous sa protection les pasteurs et les troupeaux, il fut chéri et des dieux et des êtres humains et du vivant.
Ainsi dans nos vies, si nous pensons que c’est elle(?) et qu’il doit en être ainsi(?), accueillerons-nous cette part de l’essentiel ?
Conte proposé par l’auteur de ce blog.
-Lumières…
A une fête des ami(e)s devaient apporter un objet symbolique d’une partie essentielle de leurs vies.
Ils amenèrent des photos d’enfants, de petits-enfants, de parents, d’amis, mais aussi de poings levés dans des manifs, des photos de leur travail, ils amenèrent des livres, des journaux intimes, des instruments de musique, des photos de villages, de maisons, d’appartements, de voyages, d’animaux, de télévisions , d’ordinateurs et de téléphones portables, des photos de luttes pour la paix, la justice, la démocratie, l’environnement,…et beaucoup d’autres objets.
L’un d’entre eux dit qu’il ne pouvait faire partager son objet aux autres qu’une fois la nuit arrivée.
A l’heure convenue il sortit une lanterne et dit «Avec les autres j’aurais aimé porter plus souvent cette petite lumière, comme des veilleurs debout , contre des injustices, des violences, des destructions de l’environnement, des atteintes aux libertés . Il est déjà tard mais toujours temps. »
Histoire écrite par l’auteur de ce blog.
Ce serait peut-être là l’essentiel :
rester ou devenir des veilleurs debout,
pour le vivant.