FACE AUX CATASTROPHES ECOLOGIQUES
DES IDEES, DES MOYENS, DES VOLONTES
Cette intervention a été faite par l’auteur de ce blog à l’ouverture du colloque international sur « Les catastrophes écologiques et le droit : échecs du droit, appels au droit », Limoges, 11,12, et13 mars 2009.Les actes du colloque, sous la direction de Jean-Marc Lavieille, Julien Bétaille et Michel Prieur, sont publiés aux éditions Bruylant, 2011.Ce billet a été revu et mis à jour pour les lecteurs de ce blog de Mediapart.
Voir aussi notre article " Les catastrophes écologiques et les droits de l’homme", in " Les changements environnementaux globaux et les droits de l’homme", sous la direction de Christel Cournil et de Catherine Fabregoule, Bruylant, 2012.
Voir enfin "Catastrophes écologiques et droits de l'homme" sur le site "cidce.org ", recherche faite dans le cadre de l'Agence nationale de la recherche(ANR), sous la direction de Jean-Pierre Marguénaud et de Michel Prieur, avec pour partenaires l'AFPCN (Association Française pour la Prévention des Catastrophes Naturelles), le CIDCE (Centre international de droit comparé de l'environnement),Sciences po-IDDRI (Institut de recherche sur le développement durable et les relations internationales),et le CRIDEAU-OMIJ(Centre de recherches interdisciplinaires sur l'environnement,l'aménagement et l'urbanisme.)
« Les catastrophistes sont ceux qui ferment les yeux sur les causes des catastrophes et non pas ceux qui essaient d’avertir, de critiquer, de proposer » écrivait François Partant.
Pendant cette intervention seront cités beaucoup de penseurs qui se trouveront ainsi parmi nous, avec eux nous pouvons toujours cueillir le souffle du monde.
Introduction
Nous voici côte à côte : pourquoi et face à quoi ?
Côte à côte pourquoi ?
D’abord parce que nous sommes, d’une certaine façon, accompagnés par lecortège d’une partie des souffranceshumaines, de la première à la dernière victime des catastrophes écologiques.
Ensuite parce que les générations présentes devraient être – on en est souvent loin – fraternisées par les périls communs.
Enfin et surtout peut-être parce que, ensemble, nous voudrions essayer de contribuer à penser l’avenir comme horizon de responsabilité, voilà déjà que nous pouvons entendre les pas de ceux et celles qui vont nous suivre…
Côte à côte face à quoi ?
Face à ces moments et à ces lieux où des bouleversements environnementaux tournent au désastre, basculent dans le drame.
La place des catastrophes écologiques est de plus en plus impressionnante à travers leur nombre, leur ampleur, leur accélération, leurs enchaînements, leurs interactions, à travers aussi cette urgence qui devient, au détriment du long terme, une catégorie centrale en particulier des mondes politique et médiatique.
Leurs causes sont de plus en plus complexes : ici des causes naturelles, là des causes humaines, mais depuis que les activités humaines sont devenues une force physique perturbatrice de la biosphère, des causes naturelles et humaines qui s’enchevêtrent de plus en plus.
Leurs arrivées sont de plus en plus annoncées : certes il y en a qui sont imprévues ou imprévisibles, mais beaucoup sont probables ou hautement probables ou certaines. Ces arrivées peuvent se préparer sur de longues ou de courtes périodes, l’événement sera brutal et plus ou moins terrible.
Les effets de ces catastrophes écologiques sont dramatiques en eux-mêmes à travers les victimes, les souffrances physiques et morales des survivants, les ravages des destructions matérielles, culturelles, environnementales. Ils sont dramatiques aussi en termes d’inégalités criantes entre personnes, peuples, régions, pays, continents par rapport aux préventions, aux secours et aux réparations.
Mais au-delà de ces catastrophes certains, depuis longtemps, ont pensé que c’était aussi un système que l’on pouvait qualifier de catastrophique parce que, pour une large part, antisocial, antidémocratique, anti pacifique et anti écologique.
Ce système productiviste autodestructeur et totalisant est entré dans une crise écologique radicale depuis « l’anthropocène » vers 1850 et très certainement en 1945 au moment où la techno science met en place des forces qui dans le temps et dans l’espace dépassent le vivant. Le lendemain d’Hiroshima Jean-Paul Sartre écrit : « Nous savons désormais que chaque jour peut être la veille de la fin des temps. » Jean Rostand devant des survivants de l’horreur nucléaire dira : « La science a fait de nous des dieux avant que nous méritions d’être des hommes. Désormais tous les espoirs sont permis à l’homme…même celui de disparaître. »
Ainsi, alors que ce système dans ses logiques autodestructrices peut rouler vers le chaos, n’est-il pas vital de se demander quelles idées, quels moyens, portés par des volontés, contribuent et pourraient contribuer à créer des contre logiques, des contre-mécanismes pour éviter de produire certaines catastrophes écologiques et atténuer les effets de celles que l’on ne peut empêcher. Mais pour cela le temps n’est-il pas compté ?
Nous envisagerons tour à tour deux séries d’analyses, les unes relatives aux idées (I), les autres relatives aux moyens (II) face aux catastrophes écologiques. Les analyses relatives aux volontés seront bien sûr présentes dans les deux parties proposées.
I-Quelles idées et quelles volontés face aux catastrophes écologiques ?
Lorsque le sol se dérobe à travers des événements personnels et/ou collectifs il y a souvent trois types de réactions : soit on ferme les yeux et c’est la fuite en avant, soit on cherche une branche à laquelle se raccrocher et c’est le remède miracle, soit on se sent incapable de faire face et c’est la résignation. N’en va-t-il pas ainsi par rapport aux catastrophes écologiques ?
Quelles idées peuvent contribuer à y faire face ?Face à la fuite en avant : l’idée de limites, autrement dit : une pédagogie des impasses(A). Face au grand remède miracle : l’idée d’utopies créatrices, autrement dit : une pédagogie des responsabilités(B). Face à la résignation : l’idée de déterminations, autrement dit : une pédagogie des volontés(C).
A. Face à la fuite en avant : l’idée de limites. Pour une pédagogie des impasses.
Quelle est la situation dominante ?(1) Que penser et que faire face à cette situation dominante ?(2)
1- Quelle est la situation dominante ?
Le poids des modes de vie sur l’environnement, très inégal en particulier selon les pays, est devenu de plus en plus écrasant. Il s’inscrit dans des logiques de fuite en avant.
Ces logiques s’appellent : la recherche effrénée du profit, la course à la marchandisation du monde, la course à la mort sous la forme de certaines productions terricides et humanicides, la croissance sacro-sainte, la vitesse facteur de répartition de richesses et de pouvoirs, la dictature du court terme, le vertige de la puissance, la compétition élevée au rang d’impératif naturel de nos sociétés, l’accélération d’un système porteur d’une crise du temps.
Et puis, à travers une explosion démographique mondiale qui continue, cette fuite en avant c’est aussi celle de la machine à gagner fonctionnant comme une lame qui met d’un côté ceux et celles dont les besoins fondamentaux sont plus ou moins satisfaits et, de l’autre, ceux et celles dont les besoins fondamentaux restent criants.
Dès lors, il n’est pas étonnant que cette fuite en avant s’accompagne de nombreux dénis personnels et collectifs de la réalité : on pense que la catastrophe ne se produira pas ou qu’on y échappera. Il n’est pas étonnant, non plus, que cette fuite en avant s’accompagne de silences et de mensonges sur les effets, sur les causes de telle ou telle catastrophe écologique, ou même sur l’existence de certaines d’entre elles que l’on espère garder dans les secrets de la planète et qui peuvent constituer autant de bombes à retardement.
2. Que penser et que faire face à cette situation dominante ?
Face à cette situation dominante, voilà des limites nécessaires, voilà donc une pédagogie des impasses. Jacques Ellul demandait avec force : « Qu’est-ce qu’une société qui ne se donne plus de limites ? » Ivan Illich insistait sur le fait que « la crise obligera l’homme à choisir entre la croissance indéfinie et l’acceptation de bornes multidimensionnelles ». Cornelius Castoriadis en appelait à « nous défaire des fantasmes de l’expansion illimitée ».
Cette idée de limites ne se traduit-elle pas par au moins trois principes ?
Le principe de précaution dont la violation peut déboucher sur une catastrophe écologique. « Les sociétés humaines ne doivent mettre en oeuvre de nouveaux projets, produits et techniques, qu’une fois acquise la capacité d’en maîtriser les risques présents et futurs. »
Le principe de modération de ceux et celles qui, pris dans la fuite en avant des gaspillages, seront amenés à remettre en cause leur surconsommation, leurs modes de vie, à brûler moins d’énergie pour adopter, diraient par exemple des économistes « objecteurs de croissance », des pratiques de frugalité, de simplicité, de décroissance. André Gorz écrivait : « Il est impossible d’éviter la catastrophe climatique sans rompre radicalement avec les logiques qui y mènent depuis cent cinquante ans. »
Le principe de sauvegarde : les sociétés humaines doivent aller vers des modes de production et de consommation « sans prélèvements, sans déchets et sans rejets susceptibles de porter atteinte à l’environnement. » (1)
D’où l’existence de ces luttes pour développer des technologies propres, des énergies renouvelables et pour consacrer des éléments de l’environnement (par exemple l’eau) comme biens publics mondiaux ou comme patrimoine commun de l’humanité. Ces deux notions ne peuvent-elles pas contribuer à construire une certaine harmonie ou simplement une certaine cohabitation entre solidarité, liberté et sécurité ? Ne doit-on pas relier l’environnement au patrimoine mondial de l’humanité même si cette notion a subi un coup d’arrêt dans la Convention sur la diversité biologique puisque les États sont souverains sur leurs ressources naturelles. Il est cependant hautement souhaitable et encore possible que le potentiel de cette notion se déploie dans les décennies à venir. René-Jean Dupuy affirmait : « L’humanité doit elle-même jouir de droits faute de quoi les hommes perdraient les leurs. » D’où cette idée, en particulier de certains internationalistes, de refonder le droit international public sur une norme impérative de droit international général (jus cogens) qui serait celle de l’intérêt commun de l’humanité (2).
Ces trois principes ne doivent-ils pas cohabiter avec le principe d’universalité? Comment penser l’universalité par rapport à l’écologie ? L’alternative, qui est aussi liée aux catastrophes écologiques, devrait être clarifiée. On peut en effet être frappé par le fait que beaucoup de citoyens, d’élus, d’auteurs n’arrivent pas à se situer par rapport à cette question vitale qui exige une réponse cohérente à la fois en termes d’universalité et de type de société. Une formulation de cette réponse par rapport à l’universalité et à l’écologie peut être la suivante : soit on renonce à l’universalité parce que, dit-on, si les pays en développement vont vers le même niveau de vie que les pays développés ce sera le chaos écologique pour tous et on justifie, on renforce des inégalités donc des violences structurelles ; soit on affirme l’universalité et on remet en cause la fuite en avant pour construire au Sud et au Nord de la planète des sociétés écologiquement, socialement et pacifiquement viables pour tous.
B. Face au grand remède miracle : l’idée d’utopies créatrices. Pour une pédagogie des responsabilités
1. Quelle est la situation dominante ?
C’est souvent celle d’un appel à un remède miracle qui, croit-on, empêchera la catastrophe.
Ainsi la grande conférence miracle : certes 2009 était et 2015 sera une étape cruciale pour le climat, mais un nouvel accord ne résoudra pas tout, d’autres avancées seront vitales.
Ainsi la grande technique miracle qui va mettre « la Terre à l’ombre » et sauver l’humanité de la catastrophe finale. Certes un projet de géo-ingénierie peut être important s’il est conçu comme une solution avec d’autres, s’il ne désengage pas de l’essentiel que devraient être les politiques de réduction massive des gaz à effet de serre, si les effets collatéraux sont dérisoires ou secondaires et si le processus est décidé démocratiquement. Dans le cas contraire, une fois de plus, on se retrouve dans des logiques scientistes et productivistes.
Ainsi le grand remède miracle de la répression ou de l’élimination de victimes émissaires, par exemple dans le cadre de politiques sécuritaires les déplacés environnementaux seront considérés comme des catégories dangereuses que certains proposeront de parquer sur des plates-formes amarrées loin des côtes ou à la dérive dans les océans.
Ainsi le grand remède miracle de l’homme providentiel : ainsi un président américain qui voudrait aller vers une véritable politique environnementale rencontrerait des limites parmi lesquelles celles du complexe scientifico-militaro-industriel des États-Unis, grand prédateur de l’environnement, à l’origine de nombreuses catastrophes écologiques, et qui a probablement encore de beaux jours devant lui.
2. Que penser et que faire face à cette situation dominante ?
Face à cette situation dominante, voilà des utopies créatrices, voilà donc une pédagogie des responsabilités. « L’utopie ou la mort » avertissait René Dumont, « le principe de responsabilité » théorisait Hans Jonas.
Cette idée d’utopies créatrices ne se traduit-elle pas par au moins trois principes ?
Le principe de responsabilités communes mais différenciées : ainsi par rapport aux préventions, aux secours, aux réparations liés aux catastrophes écologiques, tous les acteurs, à tous les niveaux géographiques, ont des chemins à parcourir, mais ces responsabilités ne doivent-elles pas être assumées à la mesure de leurs pouvoirs et de leurs richesses ?
Le principe de solidarité : « Il faut qu’une conscience écologique de la solidarité se substitue à la culture de compétition qui régit les rapports mondiaux » nous rappelle Edgar Morin. Par exemple entre les États, entre des ONG du Nord et du Sud, des solidarités sont à organiser pour mettre en oeuvre des moyens avant, pendant et après la catastrophe.
Le principe d’humanité, c’est-à-dire la possibilité pour chaque être humain de disposer de l’essentiel, d’être libre debout et solidaire, bref d’avoir une vie digne. En ce sens, il existe des situations écologiques catastrophiques, même si elles ne constituent pas des catastrophes écologiques se produisant à un moment donné. Ainsi, l’absence d’accès à l’eau potable et l’absence d’accès à des sanitaires sûrs sont, avec les maladies qui les accompagnent, deux grandes causes de mortalité sur la planète, ce qui se traduit par plusieurs millions de victimes chaque année. Que dire ? Sûrement avec Albert Camus : « Il n’y a d’humanisme que celui des hommes révoltés. » Que dire mais surtout que faire ?
C. Face à la résignation : l’idée de déterminations. Pour une pédagogie des volontés
1. Quelle est la situation dominante ?
C’est souvent celle de la fatalité devant des catastrophes passées, présentes et à venir. Ce sont des chemins de bonnes intentions pavés de renoncements successifs. Volontés de personnes, de peuples, des générations présentes, d’États, d’organisations internationales et régionales, d’organisations non gouvernementales, d’entreprises, de collectivités locales… volontés étouffées, dépassées, essoufflées.
Des volontés sont ou peuvent être étouffées par au moins six séries de mécanismes. Volontés étouffées par une éducation à la soumission, elle s’exerce à travers l’apprentissage de la soumission à de multiples hiérarchies, l’intégration de la fatalité, la déresponsabilisation, le discours-vérité auquel on doit se soumettre. Volontés étouffées par une éducation à la compétition qui met en avant le peloton de tête, le droit du plus fort, le culte de la croissance, en fait on étouffe des volontés qui pourraient aller dans le sens de la coopération, de la solidarité et on oriente la volonté vers l’obsession de la puissance. Volontés étouffées par l’administration des peurs, laquelle repose sur l’idéologie sécuritaire, le repli identitaire plus ou moins exacerbé, la fabrication de l’image des adversaires et des ennemis. Volontés étouffées par la fuite en avant qui est synonyme d’absence de prise de conscience des caractères destructeurs du productivisme, de dictature de l’instant consacré « au toujours plus ».Volontés étouffées, de façon très variable selon les lieux, par des oppressions politiques, économiques, sociales, culturelles. Volontés étouffées par des pratiques de règlement violent des conflits : violence d’oppression par laquelle on dicte sa loi, violence de soumission par laquelle on exerce une violence contre soi-même.
Des volontés sont ou peuvent être dépassées par au moins cinq séries de mécanismes. Volontés dépassées par la complexité et la technicité du réel. La complexité est liée à un grand nombre d’acteurs, à des interdépendances entre les activités, les niveaux géographiques, à une quantité impressionnante de données fournies par de nombreuses disciplines. Cette complexité est niée par le discours vérité, par le discours sur le grand remède miracle, par le discours en vase clos. La technicité du réel est liée à la technique planétaire qui se répand, de façon inégale, à travers d’énormes complexes scientifico-technico-industriels, à travers l’appel aux experts, cette technicité fait sentir son poids dans les processus de décision. Volontés dépassées par la rapidité du système international liée à certaines technologies, à l’omniprésence du court terme, à la banalisation de la vitesse. Volontés dépassées par la puissance des intérêts productivistes qui se traduit par de multiples concentrations d’avoirs, de pouvoirs et de savoirs. Volontés dépassées par l’absence de moyens ou des moyens souvent dérisoires pour remettre en cause le productivisme que ce soit par rapport à la dégradation de l’environnement, aux injustices, aux violences ou aux aspects autoritaires du système international. Volontés dépassées par l’arrivée de catastrophes qui peuvent briser, pour un temps plus ou moins long, des volontés, catastrophes dont on est loin de toujours tirer la pédagogie. Ainsi, des pédagogies des catastrophes sont ou absentes ou réduites à des effets d’annonce, ou dérisoires, ou sans véritables moyens. Et puis, à l’auberge de la décision, certains décideurs dorment bien et d’autres partent parfois sans payer l’addition.
Des volontés sont ou peuvent être essouffléespar au moins quatre séries de mécanismes. Volontés essoufflées par la force de récupération du système productiviste, ce système peut récupérer des expressions et surtout des pratiques qui se voulaient différentes ou qui étaient en rupture avec lui. Volontés essoufflées par des échecs personnels ou collectifs pour changer l’ordre dominant et se changer soi-même en tant qu’acteur personnel ou collectif lorsque c’est nécessaire. Volontés essoufflées par le sentiment d’une petite avancée locale mais d’un statu quo global ou bien réciproquement. Volontés essoufflées par une érosion, un épuisement des motivations qui poussaient à agir.
2. Que penser et que faire face à cette situation dominante ?
Voilà les déterminations de différents acteurs qui sont synonymes de volontés naissantes, résistantes et à la recherche de nouveaux souffles. Voilà donc une pédagogie des volontés.
Face à ces volontés étouffées que sont ou que peuvent être des volontés naissantes ? Au moins six contre-mécanismes répondent aux logiques d’étouffement des volontés. Volontés naissantes à travers l’éducation à la résistance, c’est-à-dire la formation à l’esprit critique, à l’autonomie, à la prise de conscience des responsabilités personnelles et collectives. Volontés naissantes à travers l’éducation à la solidarité, cela à tous les niveaux géographiques et d’abord avec les plus faibles dans chaque société. Volontés naissantes à travers la découverte et la mise en oeuvre du principe de non-discrimination fondé sur le respect des différences. Volontés naissantes à travers la prise de conscience des aspects terricides et humanicides du système productiviste. Volontés naissantes à travers la gestation de libérations politiques, économiques, sociales, culturelles. Volontés naissantes à travers l’apprentissage (de la maternelle à l’université)du règlement non violent des conflits dans le respect des personnes et la recherche de solutions justes.
Face à ces volontés dépassées que sont ou que peuvent être des volontés résistantes ?Cinq séries de contre-mécanismes sont nécessaires. Volontés résistantes à travers l’apprivoisement de la complexité, le contrôle des techniques. Volontés résistantes à travers l’élaboration de politiques à long terme. Volontés résistantes à travers les regroupements et les actions en commun de divers acteurs, à travers aussi une autolimitation mise en oeuvre par la minorité des habitants de la planète en situation de surconsommation. Volontés résistantes à travers la capacité de propositions relatives aux moyens de remettre en cause, ici et là, le productivisme. Volontés résistantes à travers une pédagogie des catastrophes répondant non seulement aux urgences mais s’attaquant aussi aux causes de ces catastrophes.
Face à ces volontés essoufflées que sont ou que peuvent être des volontés à la recherche de nouveaux souffles ?Quatre séries de contre-mécanismes sont nécessaires. Volontés à la recherche de nouveaux souffles à travers des actes et des politiques par rapport aux faiblesses et aux contradictions du système. Volontés à la recherche de nouveaux souffles qui consistent à essayer de tirer de véritables leçons des échecs pour déterminer, si nécessaire, de nouvelles stratégies et de nouveaux moyens. Volontés à la recherche de nouveaux souffles en ne surestimant pas, mais aussi en ne sous-estimant pas, les avancées « du local » et celles « du global »sans oublier leurs interpellations réciproques qui peuvent voir le jour tôt ou tard. Volontés à la recherche de nouveaux souffles en cherchant en soi et avec les autres des motivations pour « rallumer la flamme » si elle a tendance à s’éteindre.
Cette idée de détermination ne se traduit-elle pas par au moins trois principes ?
Le principe de citoyenneté : « apprendre à nous considérer et à considérer tous les êtres humains comme des membres à part entière de la communauté humaine mondiale. » Le droit à l’environnement est une des expressions de cette citoyenneté. Celle-ci est relative aussi à l’absence de discriminations par rapport à l’assistance écologique et aux réparations des dommages, à l’absence aussi de discriminations médiatiques. Combien de victimes restent sous des linceuls de silence et d’abandon !
Les principes d’unité et de diversité : il s’agit de respecter et de construire cette unité qui nous appelle à vivre ensemble. « Un seul monde ou aucun, s’unir ou périr » disait Albert Einstein. En même temps cette diversité nous enrichit. En ce sens, lutter contre les catastrophes écologiques c’est aussi sauvegarder la diversité des ressources génétiques. « L’uniformité uniformisante » était pour Kostas Axelos l’une des plus grandes catastrophes dans laquelle le monde s’engouffrait.
Enfin le principe de subsidiarité n’est-il pas « une forme d’organisation des volontés » consistant pour chaque collectivité à respecter les principes évoqués ici, à prendre des initiatives et à avoir des marges de manœuvres quant aux moyens ?
Notes
(1) Fondation pour le progrès de l’homme, « Pour un monde solidaire et responsable », Le Monde diplomatique, avril 1994, pp. 16 et 17. Il s’agit d’une plate-forme remarquable sur les éléments de diagnostic, les principes communs, l’esquisse d’une stratégie d’action en particulier sur l’articulation des niveaux géographiques et sur des programmes mobilisateurs.J’ai souvent dit aux étudiants que ces deux pages devraient être affichées, discutées et méditées dans toutes les universités de la planète.
(2) Voir Monique Chemillier-Gendreau, Humanité et souverainetés, La Découverte, 1995. et René-Jean Dupuy, La clôture du système international, PUF, 1989.
(Voir II, Face aux catastrohes écologiques : quels moyens?°