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Billet de blog 25 avril 2015

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ASSISTANCE ECOLOGIQUE: pour des moyens à la hauteur des enjeux(II)

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II-La mise en oeuvre dramatiquement insuffisante de l’assistance écologique,forme de solidarité internationale 

Se posent  certes des questions relatives aux intervenants et aux victimes (A) mais aussi  des problèmes relatifs aux moyens de l’assistance écologique(B).

A. Les intervenants  de l’assistance écologique et  les victimes secourues

D’abord conçue pour faciliter le travail des ONG, l’assistance écologique tendait  à s’appliquer à l’initiative  des gouvernements occidentaux avant d’être ensuite  pour une large part  institutionnalisée, internationalisée et coordonnée dans le cadre des Nations Unies.

 Qu’en est-il des intervenants (1) et des victimes(2) ? Comment avancer dans l’organisation de l’assistance écologique(3) ?

1-  Les intervenants

Ce sont d’abord sur place des solidarités entre sinistrés, des arrivées de sauveteurs de l’État sinistré, des réseaux associatifs d’ONG déjà sur place. Toutes ces aides vitales peuvent  cependant vite avoir leurs limites liées en particulier  à l’ampleur de la catastrophe.

 La porte s’ouvre alors aux sauveteurs de pays étrangers, aux ONG,  aux organisations internationales.

 L’État sinistré a un rôle prioritaire dans l’organisation des secours, il arrive cependant que sa désorganisation soit telle que son impuissance sera réelle.

 Les problèmes de coordination sont  souvent complexes entre les secours locaux, nationaux, régionaux, internationaux , ainsi la catastrophe de décembre 2004 en Asie en témoigne.

Enfin, il peut y avoir une certaine  militarisation ou une militarisation certaine, selon les cas, de l’assistance écologique à travers différentes équipes et moyens  militaires, par exemple des hélicoptères intervenant en  nombre important.

 2-Les victimes

Voilà donc ces moments où il peut ne plus y avoir d’espoir et où, si on en trouve la force, il faut commencer à espérer. Ces moments existent, entre autres, au coeur de catastrophes écologiques. Voilà des survivants, une personne, une famille, la population d’un village, d’une ville, qui trouvent des forces au-delà de leurs forces et qui arrivent à se remettre debout. Pablo Neruda faisait dire à son peuple martyr : « Aucune agonie ne nous fera mourir. » On pourrait affirmer cela de sinistrés qui nous laissent sans voix en se remettant debout avec un courage qui semble inépuisable.

L’assistance écologique ne doit pas être sélective, elle doit être tournée vers toutes  les victimes, et toutes les victimes de toutes les catastrophes écologiques dont les origines sont  naturelles et/ou humaines. (8)

 Le rôle des médias de ce point de vue est très important en particulier par rapport  au contenu (effets et aussi causes de la catastrophe écologique) et à la durée  de la couverture médiatique.

3-Ne  pourrait-on  pas essayer  de renforcer  l’organisation des secours ?

Ne faut-il pas organiser une coordination des ressources et des spécialités ? On le peut et on le doit. Si l’on veut avancer, il y a probablement au moins trois formes de solutions :

 La plus simple consiste à continuer de renforcer l’organe de coopération humanitaire des Nations Unies. Cette solution nécessaire  ne sera cependant  pas à la hauteur des défis  de demain.

La solution la plus centralisée consisterait à créer une sorte de Samu mondial qui placerait toutes les équipes (ONG comprises) sous son autorité. Sur le terrain les difficultés à surmonter ne seront pas évidentes.

 La  solution probablement  la plus opérationnelle et à penser sur le long terme consisterait à créer « une Agence internationale  des casques verts »(Alexandre Kiss avait été un des premiers à employer cette expression) qui en particulier soutiendrait les équipes sur place. Cette Agence mondiale d’assistance écologique serait organisée internationalement et par grande région et sous-région du monde et prête à se déployer à tout moment. Elle serait dotée de puissants moyens. Pour une cohérence générale elle pourrait être  par exemple rattachée, comme  la future Agence des déplacés environnementaux, à la future Agence mondiale de l’environnement.  C’est la solution qui semblerait  la plus porteuse.

  B. Les moyens mis en œuvre à travers l’assistance écologique

L’assistance écologique se développe à travers deux séries de moyens : ceux liés à une action préalable à une situation critique(1), ceux liés à une situation critique qui s’est produite(2).Face aux catastrophes, dont le nombre et l’ampleur vont vraisemblablement devenir plus importants, quels moyens massifs mettre en place (3) ?

1. Les moyens relatifs à l’action préalable à une situation critique

Ces moyens sont constitués par  les échanges d’informations relatifs aux organes devant être alertés, aux plans prévoyant des situations critiques, aux programmes d’assistance, aux surveillances de zones déterminées.

 La Convention sur l’assistance en cas d’accident nucléaire prévoit par exemple que les États déterminent et notifient à l’AIEA les experts, le matériel pouvant être fourni en cas de besoin, ainsi que les conditions financières de cette assistance.

 A titre préventif les moyens de mieux prévenir les désastres sont constitués entre autres par  des systèmes  d’alerte dans les océans sur les secousses sismiques, des digues plus élevées, des constructions parasismiques, des lignes électriques particulièrement résistantes, l’entretien des mangroves de régions côtières,sans oublier bien sûr un renforcement pensé des consolidations de lieux d'urgence en particulier des aéroports par exemple dans des zones à risques sysmiques…

A titre préventif aussi les interdictions de constructions en terrains considérés comme dangereux (c'est un point crucial qui se heurte   à la puissance de l'argent ) et, bien entendu, l’organisation de lieux d’accueil de sinistrés, sans oublier l’organisation de l’évacuation de populations.

Pourquoi fermer les yeux sur ce dernier point? Ne faut-il pas aller plus loin dans différents pays  par rapport aux  possibilités d'évacuation de grandes villes  face à des catastrophes majeures? Les mises en place de ces stratégies ne sont-elles pas encore trop rares ?Comment les penser sans basculer dans "l'administration de la peur" , en termes de sécurité et non de sécuritaire ? Le droit comparé, là aussi , ne peut-il pas être  porteur ?

  De façon plus globale le projet de convention internationale portant  statut des déplacés environnementaux(voir autre billet sur ce blog)  ne doit-il pas voir le jour? Et  les pratiques régionales et sous-régionales, pour contribuer à faire face aux situations des déplacés environnementaux, ne doivent-elles pas être soutenues par des moyens massifs ?

2. Les moyens relatifs à l’assistance en cas de situation critique qui s’est produite

 Il s’agit d’organiser l’assistance : financement des opérations d’assistance, formalités de contrôle et de douane en ce qui concerne le passage de frontières par le personnel de secours et le matériel, conduite des opérations…(9)

  Par rapport à la Convention sur l’assistance en cas d’accident nucléaire (1986),l’État demandant l’assistance doit préciser le type d’assistance requise, il doit fournir toutes les informations qui peuvent être nécessaires. Tout État peut demander une assistance portant sur le traitement médical ou l’installation provisoire sur le territoire d’un autre État Partie de personnes affectées par un accident nucléaire. Par contre, pour les mesures qui interviennent sur le territoire de l’État qui fournit l’assistance, c’est celui-ci qui doit coordonner les opérations. La Convention fait une large place à l’AIEA dans l’organisation des opérations d’assistance. On peut néanmoins penser, que face à une catastrophe nucléaire d’une certaine ampleur (sans parler de celle d’une ampleur certaine), l’assistance est dépassée et dans l’espace et dans le temps.

 3. Répondre  à  l’aspect dramatiquement insuffisant des moyens face aux catastrophes  écologiques majeures

Face aux catastrophes qui s’annoncent, liées en particulier aux changements climatiques, ne faut-il pas créer un fonds international destiné à l’assistance écologique répondant aux catastrophes écologiques de tous les Etats,et dont les ressources correspondraient à l’une des nombreuses taxations mondiales que l’on imagine ici et là ?

Une des clefs est celle du financement de « l’adaptation aux changements climatiques » prévue dans le cadre du futur accord de décembre 2015 qui entrerait en vigueur en 2020, les cent milliards de dollars qui iront chaque année aux pays en développement pour « s’adapter » pourront être consacrés pour une part –reste à savoir laquelle- à l’assistance écologique.

 Ne faut-il pas aussi créer et développer des moyens technologiques pour repérer, par exemple par satellites, différentes possibilités d’accéder aux victimes et de les secourir ?

 Ne faut-il pas former et organiser des équipes spécialisées beaucoup plus nombreuses dans chaque pays et celles aussi d’une Agence internationale des Casques verts ?

De ce point de vue, il ne s’agit pas d’administrer la peur, de cultiver la peur pour administrer la sécurité,

il s’agit  de la peur salutaire  force de vie, sursaut de vie, celle qui pousse à faire face à ses responsabilités.

Remarques terminales

1-Pour terminer nous voudrions insister sur cette double nécessité : organiser l’assistance écologique et construire des politiques à long terme.

  L’assistance humanitaire et l’assistance écologique ont pour raison d’être de secourir les victimes. Elles ne peuvent pas servir  d’alibi ou de substitut à des politiques cohérentes, aux différents niveaux géographiques, politiques destinées à prévenir des exactions et des catastrophes. La prévention, les remises en cause de modes de production, de consommation, de transport écologiquement non viables, tout cela est vital (voir notre billet sur ce blog « Les moyens de la protection mondiale de l’environnement »).

 Cependant  organiser l’assistance écologique, soulager des souffrances immédiates, cela aussi est essentiel. L’imprévoyance des politiques n’est pas une raison pour justifier l’indifférence face aux souffrances des sinistrés.

2- Mais où sont les courages, où sont les volontés des acteurs qui composent la société  internationale pour construire une véritable assistance écologique

rapide ,

 multiforme ,

cohérente,

 solidement   financée,

dotée de puissants moyens,

 répartie  sur le globe,

 bref : une assistance écologique à la hauteur  des catastrophes  présentes et  à  venir ?

 Notes

 (8) Selon l’International Council for Science (ICSU) (rapport 20 octobre 2005) pour la période 1994 à 2003 les cataclysmes en pourcentages ont été les suivants : les inondations (33 %), les tempêtes (23 %), les épidémies (15 %), les sécheresses (15 %), les tremblements de terre et les tsunamis (7 %), les glissements de terrain (4,5 %), les éruptions volcaniques 1,4 %), les avalanches(0,7 %), (Sources EM-DAT the OFDA/CRED International disaster database).

 (9) Le manque dramatique de moyens se retrouve ici et là,  par exemple au Pakistan (séisme du 8 octobre 2005, selon les autorités pakistanaises  les chiffres provisoires : 49 739 morts et plus de 74 000 blessés ; en Inde : 1 329 morts). Deux semaines après le séisme au nord du Pakistan, 500 000 personnes n’avaient toujours reçu aucune aide selon l’ONU. « Sur l’appel d’urgence de 312 millions de dollars lancé par l’ONU seuls 86 millions avaient été promis ». Le  coordonnateur de l’aide d’urgence des Nations Unies  a dénoncé la faiblesse de la Communauté internationale.

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