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Billet de blog 26 avril 2015

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ACCELERATION DU SYSTEME MONDIAL : quelles réponses ? ( III )

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III-  Des réponses pessimistes et volontaristes face à l’accélération du système mondial

On connait la pensée d’Antonio Gramsci « Il faut avoir à la fois le pessimisme de l’intelligence et l’optimisme de la volonté ».Tels sont les deux points (AB) que nous envisagerons tour à tour, étant entendu que l’on peut croire à l’un ou à l’autre, ou  aux deux et à agir en ce sens  comme nous invitait à le faire cet auteur .Les deux développements sont volontairement déséquilibrés au profit de la seconde partie, l'optimisme de la volonté il en faut beaucoup, il réduit à la cuisson.

 Etre fidèles à cette pensée de Gramsci, pourquoi?

Le pessimisme de l’intelligence permet d’avoir les yeux,  les esprits et les coeurs ouverts  sur  des logiques profondes.

 L’optimisme de la volonté permet d’avoir les mains,  les cœurs et les esprits  à l’ouvrage.

 Et finalement , avec nos forces et nos faiblesses, essayer de faire en sorte  que pessimisme de l’intelligence et optimisme de la volonté marchent côte à côte, s’interpellent, se complètent, se soutiennent, s’inclinent l’un vers l’autre, deviennent un couple de combat.

A- Des réponses du pessimisme de l’intelligence face à l’accélération du système mondial

Certains insistent sur le fait que ce phénomène touche tous les secteurs de la société, tous les aspects de l’existence, aucune personne aucune collectivité n’y échappe. Il faut donc s’adapter (1) ou bien  accepter la catastrophe (2).

1) L’adaptation à l’accélération du système mondial

a) Harmut Rosa affirme « il nous apprendre à devenir des surfeurs hasardeux, chevauchant la vague de l’accélération, surfeurs sans but et sans direction, en se tenant prêt à saisir la vague qui vient ».( « Accélération. »,La Découverte 2010.)

b) Ainsi comme il faudra essayer de s’adapter aux terribles effets des changements climatiques, il faudra s’adapter aussi aux multiples effets de l’accélération du système international. On ne s’attaque pas aux causes, on essaiera de survivre. Je m’adapte, tu t’adaptes, il s’adapte…mot d’ordre pour tenir la tête hors de l’eau, malheurs aux faibles noyés dans les tourbillons.

2) La catastrophe programmée et l’accélération du système mondial

a) L’hypothèse la plus probable est celle d’une « course effrénée à l’abîme qui emportera un monde impuissant » affirme ainsi Harmut Rosa.Il ne croit pas à un ralentissement général, fruit des mouvements  slow , ces « oasis de décélération » ont peu de poids par exemple face aux réseaux rapides que sont Facebook, Twitter, Meetic …Et quel poids ont les « villes lentes »  face aux grandes villes de plus en plus  vertigineuses ?

Nous pouvons souligner un signe très parlant de cette accélération : le fait que la grande ville ne se repose plus, les nuits continuent à vive allure de multiples activités aux rythmes rapides.

Demain des régimes autoritaires pourraient-ils arrêter par la force différents types de vitesses ? « Catastrophe ou barbarie » : les deux hypothèses sont synonymes de malheurs.

b) Jean-Pierre Dupuy rappelle en particulier qu’il « ne reste que cinq minutes pour sauver la planète », il se réfère à l’horloge de l’apocalypse créée  à Washington en 1947 par des chercheurs atomistes. Elle était à minuit moins sept  après le lancement des bombes atomiques en 1945, après la chute du mur de Berlin en 1989 elle était à minuit moins dix sept, elle est aujourd’hui à minuit moins cinq, autrement dit l’avancée vers les grandes catastrophes s’accélèrerait.

 L’auteur se prononce « Pour un catastrophisme éclairé. Quand l’impossible devient certain. » (Seuil, 2002), cela face au déni de la réalité qui nous pousse à ne pas voir les solutions radicales pour empêcher les catastrophes. Ce « catastrophisme éclairé » doit produire un bouleversement de notre rapport au temps,  «  il faut se projeter dans un avenir quasi certain, celui de la catastrophe, pour le modifier et sortir de notre paralysie », pour faire naitre  des déterminations. La transition est faite, cet auteur en appelle au volontarisme.

B- Des réponses volontaristes face à l’accélération du système mondial

Il faut bien comprendre les objectifs des réponses volontaristes(1) avant d’envisager des moyens d’essayer de faire face à  cette accélération(2).

1) Les objectifs  des réponses volontaristes face à l’accélération du système mondial

 Quels objectifs peut-on mettre en avant ?

Renouer avec des besoins fondamentaux(a),

 fixer des limites  au cœur des activités humaines(b),

  prendre en compte des théories et des pratiques de décroissance, de société post-croissance(c),

 construire un  temps libéré (d),

 faire dialoguer passé, présent, avenir  (e).

a) Trouver ou retrouver des « besoins »( ?) fondamentaux : se  déprendre, patienter

 Trouver ou  retrouver le « lâcher prise », se  déprendre :

Le fameux «  lâcher prise » est souvent considéré comme un sorte de remède contre le stress, c’est une vue utile mais partielle alors qu’il peut s’agir également d’une forme de philosophie de la vie, contribuant à renouer avec le calme, la lenteur, contribuant à mieux se situer.

 Ne faut-il pas trouver les moyens de prendre de la distance, de « se déprendre » comme nous invitait à le faire Claude Lévi-Strauss dans la dernière page de « Tristes Tropiques » (Terre Humaine, 1955) ?  Concrètement cela peut signifier « savoir lâcher prise » à certains moments, ne pas vouloir tout contrôler, apprendre à désobéir à des sollicitations et à des demandes  dérisoires.

Se déprendre c’est également arriver à différencier l’urgent de l’important.Dans nos vies professionnelles et privées, on a tendance à donner la priorité à l’urgence. Ne faudrait-il pas donner la priorité à l’essentiel ? En ce sens, concrètement, ne faudrait-il pas avoir l’art de savoir remettre au lendemain le détail et le secondaire, cela s’appelle  la procrastination (Kathrin Passig et Sacha Lobo, « Demain c’est bien aussi », Anabet .)

 Concrètement cela peut signifier   oser des moments de paresse et, comme Rousseau, « se laisser aller et dériver lentement au gré de l’eau,  plongé dans mille rêveries…» Théodore Monod avait été marqué par son père qui lui disait « mon fils, nous sommes possédés par nos possessions », dans le lâcher prise il y a cette idée de se sentir plus libres.

 Il y a une vingtaine d’années je me rappelle un journal( ?) qui avait titré « Nos élites sont fatiguées ! ». Une enquête sur de jeunes diplômés de grandes écoles concluait qu’une de leurs premières aspirations était  d’« avoir du temps ». On retrouve ici ce besoin de « souffler », de « se poser » pour échapper un moment à une compétition intense. Dans cette perspective une vie simple commence aussi sans doute par un ralentissement du rythme frénétique de nos vies. « Sois lent d’esprit » écrivait Montaigne,  la lenteur aide à  ouvrir le chemin de la sagesse, « la hâte détruit la vie intérieure » disait Lanza del Vasto.

 Mais cette possibilité,  dans le système actuel, n’est-elle pas un luxe pour beaucoup de personnes en situation  soit  très  difficile, soit de  survie ?

Trouver ou retrouver  la patience :

 Les êtres humains doivent avoir le temps de mûrir, il faudrait être patient,  confiant devant les promesses des heureux murissements. Or le productivisme est tourné vers le court terme, vers la dictature de l’instant, le « tout tout de suite ». (Certes il faut être oh combien impatient pour remettre en cause les atteintes à la dignité humaine !)

 Les temps humains et ceux du vivant sont-ils plus proches de ceux des marchés financiers, de la seconde ou de la nanoseconde, ou bien de ceux des saisons de la nature, comme tour à tour  l’enfant, l’adolescent, l’adulte, le vieillard ?

Temps de la diversité et temps de la patience symbolisés par  les saisons qui sont autant de leçons, temps  qui nous a donné une des pages les plus belles  de la littérature sous la plume de Charles de Gaulle ,page dont les seuls débuts  des passages faisant parler la nature sont déjà des merveilles : « la nature qui « chante au printemps (…) », qui « proclame en été(…) », qui «soupire en automne(…) », qui gémit en hiver(…) », est-ce la « victoire de la mort ? »… « Non. (…) Immobile au fond des ténèbres, je pressens le merveilleux retour de la lumière et de la vie ». 

b) Fixer des limites  au cœur des activités humaines :

 Jacques Ellul  demandait « Qu’est-ce qu’une société qui ne se donne pas de limites ? ».

De façon plus globale déterminer les limites d’une société c’est  remettre à leur place la techno-science etle marché mondialqui ont tendance à occuper toute la place,  à devenir des fins suprêmes et à transformer les êtres humains en moyens. Les principes de précaution, de prévention, de réduction et de suppression des modes de production, de consommation et de transport écologiquement non viables sont au cœur de ce concept, celui de détermination de limites ,concept décolonisateur de la pensée productiviste( cf auteur de ce blog , Droit international de l’environnement, Ellipses,3èmeédition,2010,p153 à 156, avec aussi une bibliographie) .

 A propos de limites on peut à ce sujet donner deux exemples, le premier peu connu, le second un peu plus connu.

 Il s’agit d’abord des limites physiologiques de l’espèce humaine. Une équipe de l’Institut de recherche biomédicale du sport (étude rapportée dans Le Monde du 6 février 2008) affirme qu’en 2027 « les records du monde auront atteint leurs limites », on ne pourra plus les dépasser.

Second exemple : la SNCF rêve de lancer  ses TGV à 400Km/h mais, au-delà d’un certain seuil, la grande vitesse peut se transformer en handicap sous l’effet des contraintes environnementales, techniques et économiques, ainsi « le train peut aller plus vite…il arrivera à la même heure »(article de Gilles Bridier ,Le Monde 19 juillet 2008),cela  à cause de ces contraintes et, d’autre part, il est probable que l’on sera obligé de « diminuer la vitesse des trains pour en faire circuler plus. » Tout cela sans oublier les accidents qui risquent d’être de plus grande ampleur, voire plus fréquents(?), car qui dit très grande vitesse dit matériels  et voies « à toute   épreuve ».

 c) Prendre en compte des théories et des pratiques de décroissance, de société post-croissance :

 Une économie soutenable çà n’est pas un simple verdissement du capitalisme financier, c’est une économie s’éloignant  du culte de la croissance, s’attaquant aux inégalités criantes dans les sociétés et entre sociétés du Nord et du Sud, c’est une société qui désarme peu à peu  le pouvoir financier.

 Est vital le principe de modération de ceux et celles qui, pris dans la fuite en avant des gaspillages, seront amenés à remettre en cause leur surconsommation, leur mode de vie, à brûler moins d’énergie pour adopter des pratiques de frugalité, de simplicité. Il s’agit d’aller,  au Nord et au Sud de la planète,  vers des sociétés écologiquement viables qui mettront en avant une relocalisation des activités, une redistribution des richesses à partir de fonds internationaux issus des taxes sur les marchés financiers et les activités polluantes.

On ne peut pas faire impasse sur les remises en cause de la compétition.Les coopérations et les solidarités doivent y faire face.« Il faut qu’une conscience écologique de la solidarité se substitue à la culture de compétition qui régit les rapports mondiaux ». (Edgar Morin)

 d) Construire un  temps libéré :

 Jacques Robin écrivait dans « Changer d’ère » (Seuil, 1989) « Nous avons à enrichir le temps libéré pour que celui-ci ne soit ni temps vide ni temps marchand, mais créativité personnelle, convivialité sociale et curiosité toujours en route ».

 En ce sens on peut penser que diminuer la durée du temps d’un travail à partager est impératif, en allant même plus loin, comme le proposait par exemple André Gorz qui écrivait « il convient de trouver un nouvel équilibre entre travail rémunéré et activités productives non rémunérées, découvrir « l’abondance frugale », inventer une société plus détendue, plus conviviale, plus libre. »(cf aussi de façon plus globale «  L’abondance  frugale. Pour une nouvelle solidarité », Jean-Baptiste de Foucault, éditions Odile Jacob, 2010.)

 Paul Valéry écrivait magnifiquement « Je déplore la disparition du temps libre. Nous perdons cette paix essentielle des profondeurs de l’être, cette absence sans prix pendant laquelle les éléments les plus délicats de la vie se rafraichissent et se réconfortent, pendant laquelle l’être, en quelque sorte, se lave du passé et du futur, des obligations suspendues et des attentes embusquées. Point de pression mais une sorte de repos, une vacance bienfaisante qui rend l’esprit à sa liberté propre. »

d) Faire dialoguer passé, présent, avenir :

 L’individu se trouve projeté dans l’ivresse d’une course où, pour vivre avec son temps, il doit plus ou moins « abandonner la maîtrise de sa vie à la dictature de l’urgence, à l’instrumentalisation de l’instant. » Jean Chesneaux (« Habiter le temps », ouvrage déjà cité, Bayard, 1996) affirme  « que l’individu est plus ou moins coupé de tout projet comme de tout héritage, il éprouve de plus en plus de difficultés à se penser dans le temps ».

La question qui se pose est donc la suivante : « Comment renouer un dialogue entre le passé comme expérience, le présent comme agissant et l’avenir comme horizon de responsabilité ? ». Le temps citoyen(ne) doit affirmer, insistait Jean Chesneaux, sa capacité autonome face au temps de l’Etat, face au temps  du marché, et nous ajouterons, face au temps  de la techno science. Mais à travers quels moyens ?

  2) Des moyens à penser et à mettre en œuvre face à l’accélération

 A titre indicatif :

des mouvements de ralentissements de la vie quotidienne (a),

de nombreux autres moyens de réintégrer le temps(b).

  a) Des mouvements de ralentissements de la vie quotidienne

Il s’agit de créer des sortes de lieux  de décélération dans des domaines de plus en plus nombreux : villes, alimentation, éducation…

Ainsi le réseau international des « villes lentes », né en Italie en 1999, a aujourd’hui 140 villes de 24 pays qui adhèrent à une Charte, il s’agit de villes de moins de 60.000 habitants, en Europe, en Australie, au Canada, aux Etats-Unis…En France on trouve par exemple Segonzac en Charente (article du Monde des 3 et 4 octobre 2010)… La gestion municipale est centrée sur la qualité de la ville, sur « une vie qui est bonne », sur l’économie de proximité, le respect des paysages. Concrètement ces villages et ces villes reposent sur des rues piétonnes et cyclables, un retour du petit commerce, un marché de producteurs locaux, des espaces verts, des équipements urbains adaptés aux personnes âgées, aux enfants, aux handicapés…

 Les réseaux de l’alimentation lente « slow food », pour contrer les « fast food », reposent sur l’éducation au goût, le temps donné aux repas, la défense de la biodiversité des cultures, ce réseau comprend de l’ordre de 1500 antennes locales dans 150 pays.

De façon plus globale on trouve le « Slow production » qui met en avant des productions durables, le « Slow travel » qui veut des touristes  prenant  leur temps pour rencontrer personnes et monuments, le « Slow parenting » qui est un réseau de parents  voulant prendre du temps pour leurs enfants…

De même on trouve le « débranchement régulier » (Unplay challenge) qui  éloigne un moment les accrocs de leurs écrans. La revue Politis titrait ainsi « C’est l’heure du slow » (novembre-décembre 2011).

Il est très probable que ces mouvements vont apparaitre ou se développer dans de multiples domaines et lieux de la planète. L’imagination ne doit-elle pas se déchainer pour développer les théories et les pratiques de l’éloge de la lenteur ?

b) Des moyens de réintégrer le temps

 Réintégrer le temps, dans nos pratiques quotidiennes, dans notre culture,  dans nos vies, pourrait être mis en œuvre à travers les moyens suivants  proposés à titre indicatif et qui sont parfois partiellement en route :

Un respect des droits des générations futures fondé sur les principes de prévention, de précaution, et sur le principe de non-régression des acquis environnementaux essentiels (voir « La non régression en droit de l’environnement », sous la direction de Michel Prieur et Gonzalo Sozzo, Bruylant, 2012),

Un respect du patrimoine mondial culturel des générations passées fondé, entre autres ,  sur l’attribution de fonds massifs pour leur entretien,

Une partie du temps qui serait libérée, grâce à  un revenu universel d’existence attribué à chaque être humain, accompagné de revenus d’activités,

Une prise en compte des «  droits du temps humain »,évoqués par Jean Chesneaux  dans son ouvrage souvent cité « Habiter le temps », par exemple dans une « charte mondiale » disait-il, donc juridiquement non contraignante, incitative, puis un jour, pourrait-on ajouter, dans une convention internationale,

Des déplacements repensés dans l’urbanisation à tous les niveaux géographiques, des pratiques vont ici et là dans ce sens, de façons modérées ou plus radicales,

Une désacralisation de la vitesse, en particulier dans l’éducation de la maternelle à l’université, et donc une désacralisation  de la compétition,

La création d’une Fédération mondiale  de l’ensemble des  mouvements contribuant à essayer de ralentir le système international, Fédération  dotée d’importants moyens, à notre connaissance elle n’existe pas à ce jour en  avril 2015… A titre de « travaux pratiques » à l’échelle internationale nous proposons  la création d’une Fédération mondiale d’ONG agissant pour le ralentissement du système international productiviste, une sorte d’internationale de la lenteur. Il ne s’agirait ici que de traiter un élément du système international productiviste mais un élément essentiel.

 etc…etc… (prenez  votre temps pour imaginer de nouveaux moyens personnels et/ou collectifs. )

Quatre remarques terminales

 1- Est-il nécessaire de le souligner ? Comment pourrions-nous affirmer que l’accélération est totalement négative ? Nous tomberions alors  dans une sorte de conception totalisante.

Vive  l’accélération lorsqu’elle sauve des vies ! Vive l’accélération lorsqu’elle est porteuse de démocratie, de justice, de paix, de protection de l’environnement ! Vive l’accélération lorsqu’elle nous fait rencontrer  ceux et celles que nous aimons ! Vive l’accélération lorsqu’elle fait retrouver  la santé, l’amour, l’amitié, la tendresse, la paix ! Oui, vive et que vive, alors, l’accélération !

 Mais les choses ne sont pas si simples. Une simple « petite » précision à travers un seul exemple : l’accélération d’un accord radical sur les réductions des émissions de gaz à effet de serre serait une heureuse accélération mais, en amont, c’est la fuite en avant du productivisme dans les énergies fossiles qui produit  ces problèmes, ces drames , ces menaces écologiques et leur accélération .

2- L’une des réponses symboliques les plus magnifiques face à l’accélération

 C’est celle du Petit Prince, d’Antoine de Saint Exupéry , faite à un marchand de pilules qui apaisaient la soif.« C’est une grosse économie de temps dit le marchand .Les experts ont fait des calculs .On épargne cinquante trois minutes par semaine. On en fait ce qu’on veut.» « Moi, dit le Petit Prince, si j’avais cinquante trois minutes à dépenser, je marcherais tout doucement vers une fontaine ».

  Quel avertissement !  Quelle leçon !  Quelle philosophie de  vie !

 Le Petit Prince nous appelle à marcher, à nous mettre debout.

Il nous  demande de le faire en  nous méfiant  de la course,  destructrice de la vie   intérieure.

Il nous invite enfin à rechercher de véritables fontaines, il précisera  lesquelles, celles de la responsabilité, celles  de « l’apprivoisement » de l’autre, finalement celles  d’une certaine qualité de relations humaines. 

3)  L’accélération et les générations d’êtres humains.

«  Habiter le temps » n’est-ce pas aussi le devoir de mémoire à l’égard des disparus et le respect des promesses à l’égard des générations futures ?

 François Ost écrit avec force (dans Les clés du XXIè siècle, article intitulé « Générations futures et patrimoine », Seuil et Unesco, 1999 ) : « Ce n’est que reliée à d’autres que mon humanité s’affirme ». Cela signifie que, si nous prenons le temps d’écouter et de réfléchir, nous entendons encore les pas de ceux et celles qui  nous précèdent et déjà les pas de ceux et celles qui vont nous suivre. Ne sommes-nous pas d’autant plus vivants que nous portons un projet d’humanité et qu’il nous porte ?

4-  Alors  viendra le moment …

Alors viendra le moment où, comme maillon de la chaine humaine,

 après   avoir eu la chance et la force  de prendre le temps

 de  vivre, d’aimer,  de lutter,

  nous pourrons,  avec Pablo Neruda (Troisième livre des odes, ode à l’ âge,  Gallimard,1978),  comme   des veilleurs  debout qui ont voulu faire  confiance à l’aurore, dire ( peut-être(?) lentement,  doucement,    sereinement ,   pleinement )  :

    « (…) Maintenant,

   Temps, je t’enroule,

   je   te dépose dans ma boite sylvestre

   et   je m’en vais  pêcher,

   avec   ta  longue ligne,

   les   poissons de l’aurore. »

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