L’Accord de Paris sur le climat : avant-propos, introduction, plan en onze parties .
La mise à jour est du 26 juin 2021, c'est-à-dire à quatre mois de la COP 26 du 1er au 12 novembre 2021.
Cet article est dédicacé symboliquement
à ceux et celles qui ont souffert, souffrent et souffriront de la débâcle écologique,
à ceux et celles qui ont agi, agissent et agiront, personnellement et /ou collectivement ,
pour un monde viable , du local au mondial , à travers des moyens écologiques, pacifiques, justes et démocratiques.
Avant-propos.
Nous proposons cinq remarques préalables.
1-Un choix des mots qui peut être révélateur .
Les changements climatiques ne sont pas un « problème » ou « un thème » comme on l’entend très souvent .En disant cela on les banalise , c’est un problème comme un autre, on jette une sorte de linceul de silence sur un gigantesque drame alors que de nombreuses personnes , populations et êtres vivants en souffrent et en meurent , on passe aussi à côté de l’une des plus grandes menaces sur l’ensemble du vivant.
En évoquant « la question climatique » ou « les défis climatiques » c’est déjà mieux.
Mais, si l’on veut se rapprocher des réalités et les regarder en face, il faudrait affirmer que l’on réfléchit à « l’ensemble des problèmes, des drames et des menaces que constituent les changements climatiques. »
Cette trilogie qualifie mieux une grande partie de ces phénomènes environnementaux. Ne faut-il pas lutter contre les injustices, celles aussi qui consistent à mal nommer des malheurs (et des bonheurs bien sûr) ?
2-De fausses nouvelles qui ont la vie plus ou moins longue.
Le déni des climato sceptiques selon lequel «le réchauffement n’existe pas » est terminé pour une large part , sauf pour ceux et celles qui ne vivent pas encore les réchauffements ou qui ferment les yeux et les oreilles aux informations qui les annoncent, aux reportages qui les montrent, sauf aussi pour ceux et celles qui confondent encore météorologie et climat , en pensant par exemple qu’une semaine froide prouve qu’il n’y a pas de réchauffement, alors que les années les plus chaudes se suivent désormais et que le réchauffement anthropique a commencé vers 1830, il y a donc plus de cent quatre vingt dix ans, ce qui correspond au début de l’ère de l’anthropocène c'est-à-dire au moment où les énergies fossiles explosent et où l’homme devient une force de domination de la nature ,l’histoire de la Terre entre alors en collision avec les humains qui l’habitent .
Par contre a la vie dure l’autre déni des climato-sceptiques , avec ou sans intérêts économiques ou politiques pour l’affirmer, celui qui consiste à dire que « l’homme n’y est pour rien » ou « pour si peu ».Ils sont encore nombreux sur la planète et ne veulent pas voir les multiples preuves scientifiques qui ne font maintenant plus aucun doute sur nombre d’ activités humaines mises en cause. Cette vérité saute aux yeux pourvu qu’on les ouvre ou qu’on ne la cache pas pour diverses raisons.
Une catégorie de fausses nouvelles va également dans le sens « d’un mensonge des scientifiques qui sont accusés de sur estimer les effets du réchauffement ».Pourtant comment ne pas ouvrir les yeux sur des populations déjà victimes ? Comment ne pas prendre en compte les effets problématiques, inquiétants, dramatiques ou terrifiants de l’augmentation de la température moyenne du globe degré par degré ?
On ne veut pas ou on ne peut pas comprendre ou on n’a pas eu l’occasion de comprendre que quelques degrés de plus de la température moyenne de la Terre changent tout.
Ainsi pour mieux le réaliser prenons le chemin inverse, celui du refroidissement de quelques degrés de la température moyenne de le Terre, notre foyer d’humanité.
Il y a environ 20 000 ans, la Terre sortait de la dernière période glaciaire qui avait duré environ 100 000 ans. Par quel type de climat se caractérisait cette période ? Des chercheurs ont affirmé qu’il était de l’ordre de 5 à 7 degrés . C’était donc de sept à neuf degrés au-dessous du climat de la température moyenne du XXe siècle qui a été de 14 degrés. Cette variation donnait des glaces gigantesques en épaisseur et en surface.
« Ne vous souciez pas des générations futures, elles s’adapteront », « l’homme s’est toujours adapté. »
D’abord on admirera le « profitons », la « dictature de l’instant » le « après nous le déluge ».La solidarité intergénérationnelle est plus ou moins inconnue dans ces types de raisonnements et de ressentis.
Ensuite on émettra des doutes sur la capacité des humains à faire face à un phénomène dont ils n’ont jamais dû sur toute la planète affronter l’ampleur gigantesque . Les interactions entre les cataclysmes et l’accélération du système productiviste mondial ne vont pas dans le sens de l’adaptation sorte, ici, de grand remède miracle ( même si « l’adaptation » se trouve officialisée dans l’Accord de Paris en aval des drames et des menaces, et si « l’atténuation » des luttes contre le réchauffement est officialisée, elle aussi, en amont des drames et des menaces. )
Enfin les marges de manœuvres des générations qui arrivent diminuent à cause des interactions entre les menaces et les drames environnementaux et à cause de la rapidité d’autodestruction du système productiviste.
Ces trois arguments mettent par terre ce rite de réassurance.
3-Des chocs intellectuels et affectifs.
Choc intellectuel des irréversibilités en route pour l’instant. Que d’auteurs , de scientifiques, de militants remarquables avaient analysé ces situations et lancé de nombreux appels depuis bien longtemps !
Choc affectif de ce que certains certaines d’entre nous considèreront comme un échec global de nos générations . Il est ainsi hautement probable que les générations qui seront là dans les quelques décennies à venir, vont se trouver aux avants postes de tous les défis, parmi lesquels des catastrophes écologiques massives.
Pour résumer la situation non pas sous la forme d’ un simple avertissement mais par une sorte de glas apocalyptique : « la biosphère est à la veille d’un basculement abrupte et irréversible »(…) voilà « l’imminence d’ici à quelques générations d’une transition brutale vers un état de la biosphère inconnu depuis l’émergence d’homo sapiens il y a 200.000 ans » affirment ,par exemple, deux études du 7 juin 2012, de chercheurs de plusieurs disciplines appartenant à une quinzaine d’institutions scientifiques internationales, affirment.(étude revue Nature, rapportée par Le Monde du 7/6/2012, article de Stéphane Foucart).
4-Quel est « Le grand gagnant » et quels sont « les grands perdants » en ces débuts de la troisième décennie du XXIème siècle ?
Pour l’instant, fin juin 2021, le « grand gagnant » est toujours le réchauffement climatique, les « grands perdants » ce sont une partie de plus en plus importante des générations présentes qui plongent ou vont plonger dans différents drames, et surtout vraisemblablement l’ensemble des générations futures .
De façon globale les grands perdants sont aussi , on n’y pense pas toujours, les générations passées dont le patrimoine culturel ,du local au mondial, disparaitrait ainsi peu à peu.
Et de façon globale les grands perdants sont constitués par l’ensemble du vivant, humains, animaux , végétaux…sauf si …
sauf si des contre-mécanismes/ nombreux,/ puissants,/ radicaux/ rapides,/à tous les niveaux géographiques,/dans l’ensemble des activités humaines,/
se mettaient en route pour passer d’un système productiviste autodestructeur à un monde viable.(voir nombreux articles sur ce site et ce blog , par exemple « Environnement : les moyens d’une protection mondiale”.)
5-Les sources de cet article en onze parties.
Des journalistes remarquables font en particulier des synthèses des rapports internationaux, ainsi dans Le Monde Stéphane Foucart et d’autres avec lui. Souvent se trouvent aussi ces rapports internationaux en tout ou partie . Libération et Mediapart ont également des équipes de journalistes remarquables, elles aussi dans le domaine de l’environnement .
Les sites environnementaux se sont multipliés, ils doivent aussi entre autres démonter les fausses nouvelles. Très utiles sont ainsi par exemple « notre-planète .info » et « actu-environnement.com » .Les sites également très nombreux et souvent porteurs d’associations environnementales.
Par rapport aux aspects juridiques nous avons privilégié les actes du colloque international sur « Les catastrophes écologiques et le droit. Echecs du droit, appels au droit », sous la direction de Jean-Marc Lavieille, Julien Bétaille, Michel Prieur , éditions Bruylant, 2012.
Egalement nos trois éditions de « Droit international de l’environnement » de 1998,2004 et surtout celle de 2010, et avant tout la quatrième édition faite en collaboration avec Hubert Delzangles et Catherine Le Bris , éditions Ellipses ,4ème édition , 2018.
Enfin nos cours comme ancien responsable du master de droit international et comparé de l’environnement et nos interventions par exemple à la COP21 de Paris de 2015 aux colloques internationaux du « Centre international de droit comparé de l’environnement », (présidé par un des grands pionniers mondiaux du droit de l’environnement, Michel Prieur , comme l’avait été aussi Alexandre Kiss), interventions sur « Les déplacés environnementaux » et sur « Les droits de l’humanité».
Introduction
« Il y a cinq façons d’entrer dans l’Accord de Paris, cinq logiques différentes : diplomatique, participation de la société civile, juridique, scientifique, économique. »
C’est une citation de Michel Prieur qui présidait cette table ronde dans laquelle il intervenait avec Jean-Jacques Gouguet , Catherine Le Bris, et l’auteur de ce blog et de site ce 15-1-2016 à la Faculté de droit et des sciences économiques de Limoges.
Trois remarques dans cette introduction :
un moment clef(1), deux symboles(2) et une analyse proposée(3).
1-Un moment clef .
Devant les délégués des 196 parties (195 Etats et l’Union européenne ), ce 12 décembre 2015 à 19h32, à la tribune officielle du Parc des expositions à Paris-Le Bourget, à la fin de cette 21ème Conférence des parties de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, le Président de la COP21 (le ministre français des Affaires étrangères) déclare dans un seul souffle « Je regarde la salle ( pendant une seconde puis il regarde son texte), je vois que la réaction est positive, je n’entends pas d’objection, l’Accord de Paris sur le climat(coup de marteau sur la table) est accepté. » Suivent alors applaudissements, mains élevées qui se tiennent et embrassades chaleureuses . Puis les délégués auront la parole pour exprimer leur satisfaction et leur engagement.
A 19h52 celui du Nicaragua ose émettre l’objection tant redoutée, « nous ne pouvons pas accompagner ce consensus », malaise, coup de froid ou de chaud dans l’assemblée des délégués, l’objection est ignorée, mise de côté, les interventions continuent .
2-Deux symboles.
Les embrassades à la tribune et dans la salle renvoient d’abord , bien sûr, à un premier symbole, celui d’une grande victoire, d’un immense soulagement et d’une grande joie d’avoir fait « un pas » considéré par certains comme « vital ».
Mais, peu évident à percevoir et mis de côté dans cette communion , un second symbole, qui n’était pas là pour la première ni la dernière fois, celui d’un désastre écologique présent et à venir, celui d’embrassades à bord d’une sorte de Titanic.
Des militants écologistes, qui avaient tenu une immense banderole symbolisant les lignes rouges à ne pas dépasser pour une planète juste et vivable, faisaient d’ailleurs dans le jardin public du Champ-de-Mars une minute de silence en hommage aux victimes passées présentes et futures des changements climatiques.
3-L’analyse proposée.
L’analyse proposée ici de « l’Accord de Paris » (appellation officielle), c’est celle d’un enseignant-chercheur de droit international de l’environnement.
Elle prendra en compte des données scientifiques, financières, économiques, sociales, incorporées un peu, beaucoup …ou pas du tout (lacunes), selon les cas, dans cet Accord.
Elle prendra en compte des rapports de forces, ceux des Etats et de beaucoup d’autres acteurs.
Paul Valéry disait magnifiquement « Le droit est l’intermède des forces » (Tel quel ,1941)
A notre sens qu’est-ce que cela signifie ?
Cela signifie qu’il y a quatre séries de mouvements en fait et en droit. On le voit très bien en analysant par exemple des conventions de droit de l’environnement et des traités de désarmement. Ce petit passage passionnera peut-être certains et certaines d’entre vous.
Attention : voici une démonstration qui explique en profondeur pour une part l’Accord de Paris.
Deux séries de mouvements essentiels vont des forces vers la production d’un droit: des forces dominantes produisent un droit dominant, et des forces dominées produisent une remise en cause du droit dominant.
Un exemple résumé : les puissances financières et économiques autour des énergies fossiles empêchent une taxe carbone. D’autres acteurs contestent cette situation juridique.
Deux séries de mouvements importants vont du droit vers des forces : un droit dominant renforce des forces dominantes et un droit remis en cause peut renforcer la résistance des forces dominées.
La suite de l’exemple : l’absence dans l’Accord d’une taxation du carbone renforce les puissances du carbone, les contestations de ce droit dominant peuvent renforcer les forces qui contestent cette absence.
Dans cette analyse on pense que l’essentiel se joue au niveau des forces économiques et financières (superstructures), mais que l’important peut se jouer aussi au niveau du droit (superstructure) qui n’est pas qu’une simple « marionnette » des infrastructures.
Pour essayer d’avoir une analyse globale, critique et prospective, critères qui nous semblent essentiels,
nous envisagerons tour à tour onze parties ,
ce qui permettra d’ailleurs en les détachant, pour ceux et celles qui trouveraient l’article trop long ou qui seraient plus motivés par telle ou telle réflexion, de choisir telle ou telle partie.
Les clarifications de la portée juridique de l’Accord de Paris (I) . Beaucoup d’erreurs sont commises, lesquelles ?
Les raisons pour lesquelles certains pensent qu’il s’agit d’un succès historique (II). Cette impression à première vue parait justifiée pour plusieurs raisons, lesquelles ?
Les critiques de Accord de Paris comme reflet d’une accumulation de puissances et d’impuissances (III). En fait et en droit l’Accord n’est-il pas porteur de très graves insuffisances ? Qu’est-ce qui ne convient pas dans les dispositions ? Quels sont également les points révélateurs de désaccords et passés sous silence ?
La mise en œuvre de l’Accord de 2015 à la 26 COP de novembre 2021 (IV). Pendant ces six années les conférences des Etats parties ont-elles un peu, beaucoup ou pas du tout avancé ? Quels ont été les principaux blocages ? Sont-ils révélateurs des rapports de force ?
Trois évènements particuliers et leurs effets sur l’Accord de Paris (V) .Avant la prochaine COP de Glasgow fin 2021 les Etats s’engagent-ils au « sommet sur le climat » en avril 2021, véritablement dans des réductions renforcées des émissions de CO2 ? Et le lamentable et condamnable retrait des Etats-Unis puis son retour porteur? Et les effets du coronavirus sur les émissions de CO2 ?
Le point global sur les changements climatiques à la fin juin 2021 à travers les rapports internationaux du GIEC (VI). Où en est-on vraiment ? Quels sont aux regards des scientifiques les raisons d’espérer et de désespérer pour des « décideurs », des militant(e)s, des citoyen(ne)s face à la débâcle climatique ?
Le contexte écologique et sanitaire de l’Accord de Paris et de sa mise en œuvre (VII). Les effets sanitaires de la débâcle écologique ne s’aggravent-ils pas ? Et des pandémies qui sont là ou qui menacent, ont-elles des liens avec la domination sur la nature ?
Les acteurs à l’épreuve des changements climatiques (VIII) Les Etats sont là bien sûr mais aussi beaucoup d’autres acteurs, lesquels ? Doit-on et peut-on avoir une vue d’ensemble des systèmes de fonctionnement des acteurs et des acteurs entre eux ? Comment dans ce schéma tenir compte du rôle des catastrophes et de leurs pédagogies( ?) dans ce système productiviste global ?
De graves lacunes à combler dans l’Accord de Paris (IX) Dans un accord ce qu’il y a aussi d’essentiel c’est ce qui n’est pas évoqué. Quelles sont ces lacunes gravissimes pour certaines d’entre elles? Faut-il les combler et, si c’est le cas, lesquelles et comment ?
Les quatre mécanismes principaux de la débâcle écologique, obstacles terribles de l’Accord de Paris.(X) On pense bien sûr à la lenteur des Etats empêtrés dans les intérêts des acteurs économiques et financiers du marché mondial, mais n’y a-t-il pas au moins trois autres obstacles gigantesques : la course au profit dans la marchandisation de la nature, les interactions des crises écologiques, l’accélération du système productiviste autodestructeur?
Mieux comprendre l’Accord de Paris sur le climat c’est aussi avoir une vue globale, critique et prospective.(XI) Quelles volontés, quels moyens , quelles marges de manœuvres pour passer d’un système autodestructeur à un monde viable ?
On doit donc essayer d’éviter l’erreur terrible d’une analyse en vase clos, pourquoi ?
Parce que les interactions des apocalypses écologiques et leur accélération nous obligent à le faire.
Sinon on sort d’une analyse le nez sur la feuille ou l’arbre mais on a fermé les yeux sur la forêt et les autres forêts.
Edgar Morin nous l’avait dit depuis longtemps « Penser c’est dialoguer avec la complexité. »
Le dicton « Qui trop embrasse mal étreint » appliqué à l’analyse des changements climatiques peut entrainer de gigantesques erreurs, pourquoi?
Parce que qui… n’embrasse pas assez n’étreint pas grand-chose.
L’Accord de Paris est déjà très étendu dans son contenu mais ne faut-il pas voir au-delà ? N’est-ce pas aussi le système mondial qui doit être interrogé ?
Qui a intérêt à fuir l’immensité des remises en cause vitales ? Sûrement pas l’humanité ni le vivant.