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Billet de blog 27 janvier 2015

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Déclaration des droits de l'humanité à l'épreuve ( III )

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Déclaration des droits de l’humanité à l’épreuve ( III )

Cheminement proposé :

 I-  Des prises de consciences  et des volontés ,  éléments porteurs des droits de l’humanité 

 II-Des acteurs et des responsabilités ,  éléments complexes des droits de l’humanité

  III- Des remises en cause du productivisme, conditions d’existence des droits de l’humanité 

 IV-Des   interdépendances, fondements des droits de  d’humanité

 V- Des générations au cœur du contenu des droits de l’humanité

VI- Des moyens conformes aux fins pour une mise en œuvre des  droits de l’humanité 

 III- Des remises en cause du productivisme, conditions d’existence des droits de l’humanité 

1-Une humanité   embarquée  dans le système productiviste.

 Le sort de l’humanité est indissociable du sort de ce système : ou elle  contribue à le remettre en cause ou elle disparait avec lui.

 L’alternative est bien celle-ci : « l’utopie ou la mort » (titre d’un ouvrage de René Dumont), l’utopie non pas celle qui se perd dans l’abstraction  mais celle, concrète, qui pense et propose des moyens de la réaliser. Mettre perpétuellement en avant et avoir à la bouche le terrible « soyons réalistes, restons réalistes » c’est aujourd’hui en fait, malgré soi ou avec soi, être probablement fermé sur des mécanismes de mort, c’est refuser les paris d’autres possibles,  étouffer l’audace,  pactiser avec l’indifférence, être paralysé par la peur de ne rien pouvoir faire et ne rien faire, penser que des rapports de forces ne peuvent pas bouger, c’est enfin et surtout se laisser glisser sur la pente la plus forte : celle d’un système porteur de souffrances et de périls.

2-Un système autodestructeur aux logiques profondes.

 Ces mécanismes  s’appellent  la recherche du profit, la marchandisation du monde, la domination sur la nature, le culte de la croissance, la course aux quantités, la priorité au court terme, la toute-puissance du libre échange, l’accélération tous azimuts,  l’expropriation des élu(e)s et des citoyen(ne)s,  la compétition omniprésente …

3-Un système  productiviste   humanicide et terricide .

 L’ampleur  des problèmes des drames et des menaces est impressionnante : la faim dans le monde, les maladies, les conflits armés, la course aux armements, les terrorismes, la criminalité financière internationale, les atteintes aux droits des personnes des peuples et déjà des générations futures, la dégradation mondiale multiforme et accélérée de l’environnement, l’explosion démographique, l’urbanisation vertigineuse,  la pauvreté et la misère, l’explosion des inégalités, le chômage, l’analphabétisme , l’endettement mondial…

4-Les formes de  la  crise radicale du productivisme.

Bien sûr  avant tout   l’ampleur des problèmes, des drames et des menaces énumérés ci-dessus. Mais aussi  l’ampleur de l’incertitude : le monde semble arriver à d’immenses carrefours où des choix vitaux sont nécessaires, faute de quoi un certain nombre de phénomènes, en particulier écologiques, basculeront très probablement dans d’irréversibilité. Autrement dit : on ne sait pas si on va vers de gigantesques catastrophes (liées par exemple aux armes de destruction massive, ou  à la rencontre explosive entre la crise climatique et la crise énergétique) ou vers une nouvelle naissance, une « métamorphose » de l’humanité, ou vers une hypothèse intermédiaire faite de drames et aussi de sursauts pour essayer d’en sortir.

 La recherche de fausses solutionsest aussi une forme de la  crise. Le premier type de fausse solution amène à se tourner vers « Le » grand remède miracle, ainsi on en appelle au Sommet miracle,  à «  La » technique miracle, à l’Homme providentiel, à l’élimination des boucs émissaires porteurs de tous les malheurs du monde. Le second type de fausse solution consiste en une fuite en avant, une sorte de ralliement passif au modèle dominant, de dictature du présent accompagnée d’un « après nous le déluge ».

 Autre forme de la crise : des mécanismes d’expropriation des élu(e)s et des citoyen(ne)s n’ont-ils pas tendance, ici ou là, à apparaître ou à se développer ? Ainsi les marchés financiers n’entraînent-ils pas une expropriation du politique par le financier ? La primauté du libre-échange et la puissance des firmes géantes n’entraînent-elles pas une expropriation du social par l’économique ? La compétition n’entraîne-t-elle pas une expropriation de la solidarité par l’individualisme ? La vitesse n’est-elle pas un facteur de répartition des richesses et des pouvoirs qui défavorise ou rejette des processus de décision, des groupes, des individus qui sont plus lents ?

5- Les facteurs aggravants de la  crise radicale du productivisme.

 La crise du temps liée au système productiviste aggrave  l’état des lieux. Ainsi de façon globale le temps du marché et le temps du profit à court terme se heurtent aux temps écologiques à long terme, et d’autre part des pouvoirs humains se voulant infinis se heurtent à la finitude de la Terre. Ainsi de façon plus précise les manifestations de la crise du temps, à titre indicatif, sont liées à l’arrivée de nouvelles technologies représentant des échelles de temps gigantesques (déchets nucléaires, exploration spatiale) ou miniaturisées (informatique, nanotechnologies). De même participent à cette crise du temps le stress temporel des villes, la communication qui devient souvent une célébration de l’immédiat, l’exclusion qui témoigne d’une difficulté à se penser dans le temps…

Les interactions entre les crises du système  productiviste aggravent l’état des lieux. Ainsi les crises financière, économique, sociale, écologique…Des interactionspar exemple entre les guerres qui portent atteinte à l’environnement et, d’autre part, une gestion injuste de l’environnement (conflits liés à l’eau par exemple) qui peut contribuer aux causes d’un conflit. Interactions par exemple entre la crise énergétique et la crise climatique. 

6- Un facteur aggravant et terrifiant , l’accélération du système international.

 Elle se manifeste de multiples façons : une techno-science omniprésente et toujours en mouvement, un règne de la marchandise toujours à renouveler, une circulation rapide de capitaux, de produits, de services, d’informations qui font de la planète une sorte de « grand village », les déplacements nombreux et rapides des êtres humains, l’explosion démographique mondiale, l’urbanisation accélérée du monde, les discours sur la compétition, personnelle et collective, économique, culturelle, militaire, la prise de conscience d’une fragilité écologique de la planète provoquée par des activités humaines productivistes… Le fait que le productivisme soit devenu comme une sorte de camion fou se comprend particulièrement bien à travers la dégradation et la protection de l’environnement.

 L’accélération est une machine infernale en particulier par rapport à l’environnement,pourquoi ?Quatre mécanismes ont quelque chose de terrifiant. Le mécanisme général : le système international s’accélère, on vient d’en énumérer quelques manifestations. Second mécanisme : Les réformes et  les remises en cause pour protéger  l’environnement sont souvent lentes (complexité des rapports de force et des négociations, retards dans les engagements, obstacles dans les applications, inertie des systèmes économiques et techniques sans oublier la lenteur de l’évolution des écosystèmes).Troisième mécanisme : l’aggravation des problèmes, des menaces et des drames fait que l’on agit pour une part dans l’urgence (l’urgence tend à occuper une place de plus en plus  importante).Dernier mécanisme : s’il est nécessaire de soulager des souffrances immédiates,   il est aussi non moins nécessaire de lutter contre leurs causes par des politiques à long terme ce qui  demande du temps …or  le système s’accélère. Autrement dit : il n’est pas sûr que les prochaines générations futures aient beaucoup de temps devant elles pour mettre en œuvre des contre-mécanismes nombreux, radicaux et massifs.

 7-La critique radicale du système productiviste.

 Ce système n’est-il pas condamnable du seul fait, par exemple, qu’il y ait en 2013 un enfant sur deux dans le monde en situation de détresse et/ou de danger(guerres, maladies, misère…) et du seul fait, par exemple, que les marchés financiers depuis 1971 ont pris une large partie de la place des conducteurs(Etats, entreprises…) ?

Ce système n’est-il pas condamné du seul fait , par exemple, que plus de 4 milliards de dollars partent  chaque jour en 2014 vers les dépenses militaires mondiales (1547 pour une année soit 4,239 chaque jour), et du seul fait, par exemple, que des activités humaines entrainent un réchauffement climatique qui menace l’ensemble du vivant,+3°C à 6°C vers 2100 et autour de 1 mètre  d’élévation du niveau des mers ?

 Le système productiviste nous dépasse et avance dans l’autodestruction : il nous dépassepar sa complexité, sa technicité, sa rapidité, trois facteurs qui font que la fatalité existe souvent, certes à des doses variables, mais elle correspond à l’impression profonde selon laquelle les marges de manœuvres de bon nombre d’acteurs diminuent et des politiques alternatives aux différents niveaux géographiques sont de plus en plus difficiles à mettre en œuvre. D’autre part ce système a despentes suicidaires à travers son insécurité (par exemple liée à la gigantesque course aux armements), ses inégalités (entre sociétés Nord-Sud, et à l’intérieur de chaque société), sa fragilité (en particulier écologique), trois facteurs qui baignent dans une compétition rapide et effrénée.

 Le système productiviste ne réalise pas le bien commun. Du point de vue démocratique, les citoyens et citoyennes peuvent de moins en moins  se réapproprier leur présent et leur avenir, le système est pour une large part autoritaire. Du point de vue de la justice le productivisme contribue à aggraver des inégalités et en crée de nouvelles, il est pour une large part injuste. Du point de vue environnemental le productivisme fonctionne sur l’utilisation forcenée de la nature, le système est pour une large part destructeur de l’environnement. Du point de vue pacifique le productivisme est porteur de multiples formes de violences, il est pour une large part violent.

 Le système productiviste contribue aux confusions entre les fins et les moyens : cela signifie que les fins, c’est-à-dire les acteurs humains, en personnes, en peuples, en humanité, sont plus ou moins ramenées aux rang de moyens, plus ou moins domestiqués comme consommateurs, expropriés comme producteurs, dépossédés comme citoyens,  « marchandisés »  comme êtres vivants. Cela signifie aussi que les moyens, avant tout la techno-science et le marché mondial, ont tendance à se transformer en fins suprêmes.

  8- Les remises en cause vitales du système productiviste

 Elles sont vitales pour les acteurs humains (personnes, peuples, humanité) et pour l’ensemble du vivant.

 Elles doivent être massives, à travers des moyens conformes aux finalités mises en  avant.

 Il s’agit des  résistances  contre   un système international autodestructeur, pour une large part autoritaire, injuste,  anti écologique, violent.

 Il s’agit  des constructions pour  une communauté mondiale humainement viable, pour une  large part démocratique, juste,  écologique, pacifique.

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